Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4 8b, 19 janvier 2024, n° 22/09421

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4 8b, 19 janv. 2024, n° 22/09421
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 22/09421
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Nice, 12 juin 2022, N° 21/00614
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 19 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2024

N°2024/.

Rôle N° RG 22/09421 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJVB5

[X] [K]

C/

CARSAT DU SUD-EST

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

— Me Sophie BOYER MOLTO

— CARSAT DU SUD-EST

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de Nice en date du 13 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 21/00614.

APPELANTE

Madame [X] [K], demeurant [Adresse 2] – [Localité 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022-007458 du 23/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),

représentée par Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE

INTIME

CARSAT DU SUD-EST, demeurant [Adresse 4], – [Localité 3]

représenté par Mme [W] en vertu d’un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Novembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [X] [K] a sollicité le 12 septembre 2020, suite au décès de son concubin [P] [R], survenu le 27 mai 2019, l’attribution d’une pension de réversion que la caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail sud-est lui a refusée le 12 octobre 2020 au motif qu’elle n’était pas mariée avec l’assuré décédé.

Contestant cette décision, Mme [X] [K] a saisi le 21 juin 2021 le tribunal judiciaire., en l’état d’une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement en date du 13 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, après avoir déclaré recevable son recours, a:

* débouté Mme [X] [K] de l’ensemble de l’intégralité de ses demandes,

* condamné Mme [X] [K] à payer à la caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail sud-est la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Mme [X] [K] a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions remises par voie électronique le 15 septembre 2022, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme [X] [K] sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de lui allouer la pension de retraite de réversion de son conjoint décédé à compter du 27 mai 2019.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 1er juin 2023, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail sud-est sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour y ajoutant de condamner Mme [X] [K] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Exposé des moyens des parties:

L’appelante qui mélange dans le dispositif de ses conclusions l’énoncé de prétentions et demandes avec lui de moyens, tout en reconnaissant ne pas avoir été mariée avec le défunt, argue que les articles L.353-1 et R.353-1 du code de la sécurité sociale visent expressément le conjoint et non l’époux. Elle relève que le formulaire Cerfa rempli concernant la demande de retraite de base de réversion ne prévoit que trois statuts (marié, pacsé et concubinage) et en tire la conséquence que le statut de marié n’est pas la condition sine qua non préalable à l’octroi d’une pension de réversion. Elle souligne que son concubinage notoire avec le défunt avait duré à son décès 28 ans et argue que la caisse Pro BTP lui a reconnu le statut de conjoint en lui versant un capital décès et en lui allouant une rente de conjoint.

Elle conteste que le mariage soit une condition essentielle pour bénéficier d’une retraite de réversion, soutenant que cela exclut le concubin et le partenaire pacsé et ne tient pas compte de la théorie de l’apparence de mariage d’un couple marié donnée par des concubins. Elle allègue que la Cour européenne des droits de l’homme a 'constaté une discrimination au niveau de la famille’ et soutient rapporter la preuve de sa vie commune avec le défunt de 1991 jusqu’à son décès, de l’apparence de mariage et de leurs comportements d’époux pendant la vie commune, de la procuration qui lui a été donnée pour réaliser des actes importants de la vie courante.

L’intimée lui oppose que le code civil réserve le terme de conjoint à l’époux ou à l’épouse non divorcé (e) par un jugement définitif et que les articles L.353-1, L.353-3 et R.353-4 relatifs à la pension de réversion se réfèrent respectivement au 'conjoint survivant', à la 'durée du mariage’ et aux 'conjoints divorcés'.

Elle déduit de ces dispositions que le 'conjoint’ est la personne mariée, soulignant que la réversion est d’ailleurs calculée en cas de pluralité de conjoints au pro rata de chaque durée de mariage, de sorte que seule la personne ayant eu la qualité d’époux, peut solliciter le bénéfice d’une pension de réversion.

Elle se prévaut des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme en date du 2 novembre 2010 (3976/05), du Conseil constitutionnel du 29/07/11 (2011/155), de la Cour de cassation du 23/01/14 (pourvoi 13/11362) ainsi que de cours d’appel pour soutenir que la notion de conjoint exclut le concubin ou le partenaire pacsé sans que cela constitue une discrimination, le statut civil de mariage étant spécifiquement défini par le législateur.

Elle soutient que la rente de conjoint versée par l’organisme de retraite complémentaire Pro BTP obéit à des règles qui lui sont propres, et ne constitue pas une pension de réversion, pour relever de contrats de prévoyance-décès, souscrits à titre individuel ou collectif, pouvant garantir le versement d’un capital et/ou d’une rente au conjoint survivant (conjoint, concubin, partenaire pacsés) en cas de décès de l’assuré.

Elle relève que le certificat de décès mentionne comme situation matrimoniale celle de célibataire et que le concubinage qui est une situation de fait et non de droit n’emporte pas les mêmes effets que le mariage.

Réponse de la cour:

L’article L.353-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’en cas de décès de l’assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion à partir d’un âge et dans les conditions déterminées par décret si ses ressources personnelles ou celles du ménage n’excèdent pas des plafonds fixés par décret.

Selon l’article L.353-3 du code de la sécurité sociale, le conjoint divorcé est assimilé à un conjoint survivant pour l’application de l’article L. 353-1.

Lorsque l’assuré est remarié, la pension de réversion à laquelle il est susceptible d’ouvrir droit à son décès, au titre de l’article L.353-1, est partagée entre son conjoint survivant et le ou les précédents conjoints divorcés au prorata de la durée respective de chaque mariage. Ce partage est opéré lors de la liquidation des droits du premier d’entre eux qui en fait la demande.

Lorsque le bénéficiaire remplit les conditions fixées à l’article L. 351-12, sa part de pension est majorée.

Au décès de l’un des bénéficiaires, sa part accroîtra la part de l’autre ou, s’il y a lieu, des autres

Aux termes de l’article R.353-4 du code de la sécurité sociale, pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 353-3, la durée de chaque mariage est déterminée de date à date et arrondie au nombre de mois inférieur.

Lorsque le conjoint survivant et le ou les précédents conjoints divorcés ne réunissent pas tous à la même date les conditions d’attribution de la pension de réversion fixées par l’article R. 353-1, les parts de pension de réversion qui leur sont respectivement dues sont déterminées lors de la liquidation des droits du premier d’entre eux qui en fait la demande ; ces parts de pensions de réversion sont ensuite liquidées au fur et à mesure que les intéressés justifient qu’ils réunissent les conditions sus rappelées.

Si, après plusieurs divorces, l’assuré décède sans laisser de conjoint survivant, la pension de réversion doit être partagée, dans les conditions sus rappelées, entre ses précédents conjoints divorcés.

Au décès du conjoint survivant ou d’un conjoint divorcé, sa part accroîtra la part de l’autre ou, s’il y a lieu, des autres, à compter du premier jour du mois suivant le décès.

Il résulte donc sans ambiguïté de ces dispositions, que la pension de réversion est subordonnée à l’existence d’un mariage avec l’assuré défunt, et ce au sens de sa définition civiliste, ce qui implique que les formalités relatives à sa célébration ont été accomplies.

Faisant naître des droits et obligations entre les époux, le mariage emporte reconnaissance d’un statut juridique légal.

Il est exact que le concubinage est, à la différence du mariage, une situation de fait, qui n’est pas prise en considération pour ouvrir droit à une pension de réversion.

Cette différence de situation entre les personnes ayant été mariées et celles ayant vécu en concubinage est la conséquence d’un statut civil spécifiquement défini par le législateur, et repose sur un critère objectif, résultant du libre choix des intéressés.

La Cour de cassation a en effet jugé qu’en réservant au conjoint survivant la possibilité d’obtenir une pension du chef du conjoint décédé, ce qui supposait une union par mariage, l’article L. 353-1 du code de la sécurité sociale tire les conséquences d’un statut civil spécifiquement défini par le législateur, et que la protection du mariage constitue une raison importante et légitime pouvant justifier une différence de traitement entre couples mariés et couples non mariés, sans que cela puisse caractériser une discrimination (2e Civ. 23 janvier 2014 n°13-11.362).

Il résulte de l’acte de décès de [P] [R] qu’il était célibataire.

Le concubinage invoqué par l’appelante n’est pas contesté et est du reste établi par les documents qu’elle verse aux débats.

La circonstance que l’organisme PRO BTP lui ait versé le 29 mai 2020 un capital décès, est inopérante pour la faire bénéficier de la pension de réversion prévue par l’article L.353-1 du code de la sécurité sociale, pour résulter, ainsi que retenu avec pertinence par les premiers juges, de l’application de dispositions statutaires et la cour ajoute ou éventuellement d’une option prise par le défunt, dont il n’est du reste pas justifié.

De même, si l’appelante justifie percevoir une 'rente de conjoint BTP-PRÉVOYANCE', pour autant celle-ci est également en lien avec un contrat de prévoyance, souscrit individuellement par le défunt ou par l’intermédiaire de son employeur, permettant à d’autres personnes que celles ayant été dans les liens du mariage avec le défunt, de bénéficier d’une telle rente.

C’est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont débouté Mme [X] [K] de l’ensemble de ses demandes.

Le juge doit être confirmé en toues ses dispositions soumises à la cour.

Succombant en son appel Mme [X] [K] doit être condamnée aux dépens, et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail les frais qu’elle a été contrainte d’exposer en cause d’appel, ce qui justifie de condamner Mme [X] [K] à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

— Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

— Déboute Mme [X] [K] de l’ensemble de ses prétentions et demandes,

— Condamne Mme [X] [K] à payer à la caisse régionale d’assurance retraite et de la santé au travail sud-est la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne Mme [X] [K] aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la réglementation en vigueur en matière d’aide juridictionnelle.

Le Greffier Le Président

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