Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 13 juin 2017, n° 15/04428

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 1re ch. civ., 13 juin 2017, n° 15/04428
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 15/04428
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

X

F

C/

Y

I

Z

L

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRET DU TREIZE JUIN DEUX MILLE DIX SEPT Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : 15/04428

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS DU VINGT SEPT JUILLET DEUX MILLE QUINZE

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur E X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

2, Rue F

XXX

Madame A F épouse X

née le XXX à XXX

de nationalité Française

2, Rue F

XXX

Représentés par Me POILLY substituant Me Jérôme LE ROY, avocats au barreau D’AMIENS Plaidant par Me DAGOIS, avocat au barreau de BEAUVAIS

APPELANTS

ET

Monsieur G Y

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Madame H I épouse Y

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Monsieur J Z

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Madame K L épouse Z

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentés par Me Emmanuel JALLU de la SCP JALLU BACLET ASSOCIES, avocat au barreau de BEAUVAIS

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 07 mars 2017 devant la cour composée de Mme Fabienne BONNEMAISON, Président de chambre, Mme Véronique BAREYT-CATRY et Mme M N, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

Sur le rapport de Mme M N et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 juin 2017, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 13 juin 2017, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Fabienne BONNEMAISON, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

**

DECISION :

Monsieur E X et Madame A F épouse X sont propriétaires d’une parcelle en nature de bois sise commune de Fresnaux Montchevreuil cadastrée section XXX’ d’une superficie de 22 ares et 50 centiares.

Aux termes d’un acte reçu par Me Damay notaire à Crèvecoeur le Grand le 19 janvier 2013, Monsieur G Y et Madame H I épouse Y ont cédé aux époux D une parcelle en nature de bois sise commune de Fresnaux Montchevreuil cadastrée section XXX’ pour une superficie de 2 hectares 68 ares et 92 centiares.

La vente a été publiée au bureau des hypothèques le 8 février 2013.

Par acte d’huissier en date du 11 décembre 2013 les époux X ont assigné les époux Y et D devant le tribunal de grande instance de Beauvais afin de voir prononcer l’annulation de cette vente conclue en contrevenant à leur droit de préférence fondé sur l’article L 331-19 du code forestier en leur qualité de propriétaires d’une parcelle contigüe et boisée sur plus de la moitié de sa surface.

Par jugement du tribunal de grande instance de Beauvais en date du 27 juillet 2015, les époux X ont été déclarés recevables en leur action mais déboutés de l’ensemble de leurs demandes et condamnés à payer aux époux Y et aux époux D la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 31 août 2015 les époux X ont interjeté appel total de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2017 ils demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré leur action recevable mais de l’infirmer pour le surplus et de prononcer l’annulation de la vente litigieuse et d’ordonner la publication de l’arrêt à la conservation des hypothèques de Beauvais.

Ils demandent également la condamnation des intimés à leur payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Ils demandent enfin leur condamnation aux entiers dépens.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2016, les époux Y et les époux D demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de nullité et de condamner solidairement les époux X à leur verser une somme de 5000 € à hauteur d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jallu.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2017 et l’affaire a été renvoyée à l’audience en date du 7 mars 2017.

SUR CE,

— Sur le droit de préemption :

Les époux X font valoir en premier lieu que la parcelle XXX est bien contigüe à la parcelle vendue.

Ils contestent toutefois l’existence d’une subdivision parcellaire due à un chemin qui couperait en deux leur parcelle entre partie boisée et non boisée et l’existence de toute limite matérielle entre ces deux parties nécessitant une modification du cadastre avec division parcellaire.

Ils soutiennent qu’il s’agit bien d’un seul fonds de nature identique mais d’exploitation distincte et dont la valeur est équivalente

Ils font valoir cependant qu’elle longe non pas une route départementale mais une route communale et qu’elle est boisée sur 60% de sa surface, les photographies produites démontrant la densité de la plantation et la hauteur des arbres de haute futaie .

Ils soutiennent que cette parcelle constitue un bois conforme à l’esprit de la loi et que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 mars 2012 le 1er juillet 2012 il importe peu que la parcelle vendue soit en réalité boisée il suffit pour déclencher le droit de préférence que les terrains vendus se trouvent classés en nature de bois au cadastre, la discordance entre les indications cadastrales et la réalité sur le terrain important peu désormais.

Ils font valoir que les premiers juges ont ajouté au texte en se référant à une définition de l’IGN selon laquelle serait assimilé à un bois tout espace boisé de plus de 20 mètres de largeur.

Ils font valoir en outre que le seul fait que les arbres de leur propriété soient plantés de manière linéaire et régulière le long d’une voie communale est sans incidence sur le droit de préférence.

Ils soutiennent qu’il convient de se référer à l’instruction ministérielle et à la jurisprudence dégagée à propos du droit de préemption de la SAFER ayant validé la péremption de friches, l’âge et la densité du boisement important peu

Les époux Y et les époux D soutiennent en premier lieu qu’il n’existe pas de parcelle boisée contigüe à celle vendue.

Ils font valoir que la parcelle cadastrée section XXX propriété des époux X jouxte la parcelle vendue mais qu’in situ leur propriété est constituée d’une bande de terre large de quelques mètres qui borde une voie ouverte à la circulation et que sur 200 mètres à partir de la ligne divisoire avec la parcelle vendue la bande de terre est entièrement mise en culture et ne comporte qu’une vingtaine d’arbres en son extrémité opposée un chemin séparant les deux natures de terrain. Ils considèrent que les époux X ont volontairement agi sur cette parcelle sans respecter les obligations déclaratives fiscales et cadastrales leur incombant.

Ils en déduisent que la parcelle XXX aurait dû faire l’objet d’une division cadastrale en deux entités distinctes dont seule celle en nature de culture jouxte la parcelle vendue qui n’était pas soumise dès lors au droit de préemption.

Ils soutiennent de surcroît que la parcelle appartenant aux époux X ne constitue pas un bois alors même que le droit de préemption a été institué afin de favoriser le maintien des zones forestières.

Ils font valoir qu’une rangée d’arbres bordant une route sur une partie seulement de la parcelle constitue une haie et ne peut être assimilée à un boisé qui pourrait constitué avec la parcelle voisine un ensemble forestier homogène.

Ils font valoir également que la mise en culture de la parcelle résultant de la main de l’homme lui ôte sa définition légale de boisé.

Selon les termes de l’article L 331-19 du code forestier en sa version applicable au 1er juillet 2012 en cas de vente d’une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts et d’une superficie totale inférieure à quatre hectares, les propriétaires d’une parcelle boisée contigüe tels que désignés par les documents cadastraux bénéficient d’un droit de préférence.

Il sera observé en premier lieu que le texte ne fait référence qu’aux indications données par le cadastre quant à la nature des parcelles et leur propriété.

La propriété objet de la vente doit être classée au cadastre en nature de bois et les propriétaires de la parcelle boisée contigüe doivent être désignés par le cadastre.

La contiguïté est l’état de ce qui touche à quelque chose à un lieu et peu importe le point par lequel s’opère la contiguïté.

Il n’est pas invoqué en l’espèce une rupture de la contiguïté entre la parcelle vendue et la parcelle des époux X qui au demeurant ne pourrait résulter de la présence d’un simple chemin rural.

Il est invoqué une subdivision de la parcelle des époux X.

Si les intimés font état d’une division de cette parcelle par un chemin entre une partie mise en culture et une partie boisée ils n’en rapportent aucunement la preuve au regard des éléments cadastraux et pas davantage avec les photographies et plans versés aux débats, le constat topographique dont il est fait état ne pouvant répondre au qualificatif d’indiscutable, les photographies produites laissant simplement apparaître une séparation entre deux champs qui jouxte la limite de la partie boisée.

Aucun élément ne permet de caractériser l’existence d’une séparation matérielle de la parcelle nécessitant le recours éventuel à une subdivision cadastrale.

Au contraire les époux X sont en mesure de produire le rapport d’un géomètre expert en date du 7 avril 2016 ainsi que le plan établi par celui-ci qui ne reprend aucunement l’existence d’un tel chemin opérant une séparation et portant atteinte au caractère contigü des parcelles.

Il convient en conséquence de considérer que la parcelle cadastrée XXX en son ensemble jouxte la parcelle vendue.

Le classement au cadastre comporte différentes catégories de biens immobiliers et notamment le groupe bois qui est divisé en sous catégories , comme notamment les bois divers, les futaies feuillues , mixtes ou résineuses les taillis sous futaie et les taillis simples. Si le texte prévoit l’obligation d’une désignation cadastrale pour la parcelle vendue en nature de bois, il n’est pas défini par ailleurs la composition que doit présenter la parcelle boisée pour mériter son qualificatif.

Seul l’article L 331-21 comporte une exclusion au droit de préférence pour la vente d’une parcelle entièrement classée au cadastre en nature de bois dont la partie boisée représente moins de la moitié de la superficie totale ceci dans l’esprit du droit de préférence qui vise à regrouper les petites parcelles boisées.

Il introduit un critère de réalité conforme à cette finalité face au simple classement cadastral.

Il n’est pas contestable que la parcelle appartenant aux époux X qui se présente comme une bande de terre de 2250 m² longe la voie publique mais est constituée sur 60 % de sa surface d’une partie boisée et sur les 40% restant d’une partie non boisée ainsi qu’il résulte des calculs du géomètre expert.

Les photographies produites aux débats confortent ces mesures et permettent d’établir qu’outre des taillis la bande de terre comporte sur toute sa largeur des arbres.

La configuration de la parcelle en bande longeant la route ne saurait faire disparaître sa nature de parcelle boisée quelque soit le nombre d’arbres et de taillis et leur disposition.

Tant le classement cadastral que la composition réelle de la parcelle conduisent à lui accorder la qualification de parcelle boisée.

Dès lors il ne peut être dénié à la parcelle cadastrée section XXX la nature de parcelle boisée contigüe à la parcelle vendue.

En application de l’article L 331-20 du code forestier est nulle toute vente opérée en violation de l’article L 3331-19 du code forestier.

Il y a lieu de constater que la vente réalisée le 13 janvier 2013 est intervenue en fraude du droit de préférence dont bénéficiaient les époux X et doit être annulée

— Sur les dommages et intérêts :

Les époux X soutiennent que leurs démarches amiables auprès des époux Y ont été vaines alors que leur refus de leur consentir la vente était abusif sur le fondement du droit de préférence.

Les intimés reprochent aux époux X de ne pas caractériser la nature de la faute qui leur est reprochée ne pas rapporter la preuve de leur préjudice ni démontrer le lien de causalité.

Les époux X propriétaires de la parcelle cadastrée section XXX seulement depuis le XXX ne justifient que d’une intervention auprès des époux Y en novembre 2013 soit près de onze mois après la vente de la parcelle aux époux D.

Ils ne caractérisent pas ainsi la faute des époux D.

Ils ne justifient pas non plus d’une résistance abusive des intimés chacune des parties ayant une interprétation distincte des termes légaux et de l’application du droit de préférence.

Il convient de débouter les époux X de leur demande de dommages et intérêts. – Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il convient de condamner in solidum les époux Y et les époux D à payer aux époux X une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens par eux exposés en première instance et en appel et de les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux X de leur demande de dommages et intérêts

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Prononce la nullité de la vente régularisée le 16 janvier 2013 en l’étude de Me Damay notaire à Crevecoeur Le Grand publiée à la conservation des hypothèques de Beauvais le 8 février 2013 volume 2013 P n° 781

par Monsieur G Y et Madame H I son épouse au profit de Monsieur J D et Madame K L son épouse portant sur une parcelle sise commune de Fresnaux-Montchevreuil figurant au cadastre sous les références section XXX’ pour une contenance de 2ha 68 a 92 ca

Ordonne qu’il soit procédé à la publication de l’arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques de Beauvais

Condamne in solidum Monsieur G Y et Madame H I son épouse et Monsieur J D et Madame K L son épouse à payer à Monsieur E X et à Madame A F épouse X la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens par eux exposés en première instance et en appel

Condamne in solidum Monsieur G Y et Madame H I son épouse et Monsieur J D et Madame K L son épouse aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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