Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 10 novembre 2021, n° 20/04616

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 10 nov. 2021, n° 20/04616
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 20/04616
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Laon, 6 septembre 2020, N° F19/00067
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

X

C/

E.U.R.L. F G

copie exécutoire

le 10/11/2021

à

Me DELAVENNE

Me CHADEL

MV/FH/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2021

*************************************************************

N° RG 20/04616 – N° Portalis DBV4-V-B7E-H3NV

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 07 SEPTEMBRE 2020 (référence dossier N° RG F 19/00067)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur H X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté et concluant par Me Damien DELAVENNE de la SCP MMD & ASSOCIES, avocat au barreau de LAON substitué par Me Edith DIAS FERNANDES, avocat au barreau d’AMIENS

ET :

INTIMEE

E.U.R.L. F G agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

Espace commercial zone G

rue G

[…]

Représentée par Me Ludivine BIDART-DECLE, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Eric POILLY, avocat au barreau d’AMIENS

Concluant par Me Patrick CHADEL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 02 septembre 2021, devant Mme O P-Q, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Mme O P-Q indique que l’arrêt sera prononcé le 10 novembre 2021 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme O P-Q en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de Chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, Conseiller,

Mme O P-Q, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 10 novembre 2021, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de Chambre, et Madame Isabelle LEROY, Greffier.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 7 septembre 2020 par lequel le conseil de prud’hommes de Laon, statuant

dans le litige opposant M. H X à son ancien employeur, la société F G (EURL), a dit le licenciement fondé, a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes, a débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a dit que chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens ;

Vu l’appel interjeté le 17 septembre 2020 par M. H X à l’encontre de cette décision ;

Vu la constitution d’avocat de la société F G, intimée, effectuée par voie électronique le 6 octobre 2020 ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2021 par lesquelles le salarié appelant, contestant chacun des griefs articulés à son encontre, soutenant que la preuve de leur matérialité n’est pas rapportée et que les faits ne peuvent lui être imputés à faute, sollicite l’infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, prie la cour statuant à nouveau de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner la société F G à lui verser les sommes reprises au dispositif de ses conclusions à titre de rappel de salaire se rapportant à la mise à pied conservatoire illégalement imposée du 6 au 23 septembre 2016, d’indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, de condamner la société au paiement de l’ensemble des indemnités de rupture avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la convocation devant le bureau d’orientation et de conciliation, de condamner la société au paiement d’une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2021 aux termes desquelles la partie intimée, réfutant les moyens et l’argumentation de l’appelant, aux motifs notamment que les griefs sont établis, leur accumulation rendant impossible le maintien de la relation contractuelle même pendant la durée limitée du préavis, faisant valoir subsidiairement que la demande indemnitaire de M. X est injustifiée dans son quantum, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée en ce qu’elle a jugé le licenciement fondé sur une faute grave et débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement de réduire les condamnations à de plus justes proportions, en toute hypothèse y ajoutant de condamner M. X à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux éventuels dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 17 août 2021 renvoyant l’affaire pour être plaidée à l’audience du 2 septembre suivant ;

Vu les dernières conclusions transmises le 11 août 2021 par l’appelant et le 2 août 2021 par l’intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel ;

SUR CE, LA COUR ;

H X, né en 1989, a été embauché à compter du 14 octobre 2013 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de premier employé agent de maîtrise coefficient 220 de la convention collective nationale de l’F lunetterie de détail, par la société F G.

Ladite société exploitait alors un magasin à Laon (Aisne), elle est franchisée du groupe Générale d’F.

M. X avait la responsabilité du magasin et deux collaboratrices travaillaient sous ses ordres.

Son salaire mensuel fixe de base s’élevait en dernier lieu à 2.158,26 euros auquel s’ajoutaient des primes variables et des heures supplémentaires.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société occupait habituellement moins de onze salariés.

M. X a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 septembre 2016 par lettre du 6 septembre précédent, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 septembre 2016, motivée comme suit :

« Je vous ai embauché le 14 octobre 2013 en qualité de Premier Employé, catégorie Agent de Maîtrise Coefficient 220 ou sein de notre boutique de Laon.

A ce titre, vous avez la responsabilité de la boutique située dans la zone commerciale CARREFOUR de LAON, et avez 2 collaboratrices sous vos ordres.

Par lettre remise en main propre en date du 6 septembre 2016, je vous ai convoqué à un entretien préalable après avoir appris que vous aviez, à plusieurs reprises, gravement manqué à vos obligations professionnelles.

L’entretien a eu lieu le 15 septembre, en présence de votre conseiller.

Au cours de cet entretien, je vous ai reproché la manière dont vous gérez la boutique et votre comportement à l’égard de vos collaboratrices et de votre hiérarchie.

J’ai illustré mon propos par des exemples, non exhaustifs, que je considère comme fautifs, à savoir:

Retard dans le traitement du dossier AFNOR :

Le 1er septembre 2016, je me suis aperçu suite à une relance AFNOR du 31/8/2016 que la procédure de renouvellement pour la certification AFNOR n’était toujours pas bouclée car vous avez, à plusieurs reprises négligé de traiter ce dossier.

- Information tardive de vos dates de congés tombant sur la période d’audit fixée par l’AFNOR, alors que votre présence, en tant que responsable du magasin est nécessaire,

- Absence totale de préparation du dossier avant votre départ en congés et aucune consigne donnée à votre collaboratrice,

- Audit effectué pendant vos congés: votre collaboratrice totalement démunie a tenté de vous joindre mais vous lui avez demandé de rappeler plus tard,

- le dossier n’était toujours pas complet à la date du 31/8/2016, générant une nouvelle relance de l’AFNOR.

J K, notre responsable Générale d’F s’est inquiété de la non validation AFNOR pour 2016 et m’a contacté et c’est Madame Y, mon associée, qui a été contrainte de finaliser le dossier.

Vous avez fait preuve d’une véritable légèreté d’autant plus préjudiciable qu’il s’agit d’obtenir le renouvellement d’une certification pour la qualité de nos services !

Instructions données aux collaboratrices contraires aux règles de vente: j’ai appris le 2 septembre 2016 que depuis début août, vous aviez donné pour instructions à vos collaboratrices de ne pas remettre de devis aux clients.

Cette directive est totalement contraire aux règles générales de vente mais également à la charte déontologique de la Générale d’F et aux accords passés avec les mutuelles ou leur plateforme, et l’AFNOR.

Votre attitude nous expose à des risques non négligeables tant à l’égard de nos clients qui peuvent refuser de payer la part restant à leur charge, que de notre franchiseur pour manquement à nos engagements et de nos partenaires habituels ou leurs plateformes (KALIVIA, OPTYSIIA, L M, …) qui, par le biais de contrôles inopinés, peuvent retirer leurs agréments si nous ne sommes pas en mesure de fournir les devis signés par les clients.

Ces instructions sont parfaitement inacceptables et je ne peux prendre le risque que vous continuiez à agir ainsi.

Instructions données aux collaboratrices de report d’enregistrement des commandes pour assurer votre rémunération variable:

Vous bénéficiez d’une rémunération fixe et d’une rémunération variable liée aux performances.

Votre rémunération variable est composée.

D’une prime VA+ et CT+, avec 10% de la valeur ajoutée des 2emes paires vendues.

D’une prime de CA allouée mensuellement en fonction de l’atteinte ou du dépassement de l’objectif Synergie déterminé par GENERALE D’F.

Le montant de cette prime varie en fonction du dépassement de l’objectif et est limitée à 400 ' pour un dépassement de l’objectif de 35% et plus.

Or, vous avez donné pour instruction à vos collaboratrices de ne plus enregistrer les commandes des clients lorsque les 35% de l’objectif Synergie étaient dépassés, puisque votre prime de CA n’augmentait plus, et de les reporter sur le mois suivant.

En agissant ainsi, vous favorisez votre rémunération variable pour le mois suivant.

Vous avez reconnu cette pratique en expliquant que c’était pour lisser le Chiffre d’Affaires.

Or, cette pratique est non seulement malhonnête vis-à-vis de votre employeur mais a également pour effet de retarder la livraison des lunettes à nos clients, ce qui n’est évidemment pas acceptable.

Non prise en compte d’un chèque cadeau de 200 ' au détriment d’un client :

Madame Z s’est présentée en boutique avec un chèque cadeau d’une valeur de 200 ' pour l’achat d’une paire de lunettes avec des verres haut de gamme toutes options.

Vous avez interdit à votre collaboratrice A N de remettre à la cliente le devis afférent à sa commande comportant la déduction du chèque cadeau et avez ensuite établi un nouveau devis avec des verres de moins bonne qualité et sans appliquer la déduction du chèque cadeau.

II s’agit là encore de votre part d’un acte de malhonnêteté tant à l’égard de votre employeur que de la cliente.

J’ai été informé de cette difficulté lorsque j’ai reçu le courrier de Madame Z du 7 septembre 2016, cette dernière demandant des explications quant à l’absence de mention du chèque cadeau sur la facture qu’elle a par ailleurs été obligée de réclamer à défaut de remise spontanée, et quant à l’absence de proposition d’une 2e paire à 1 '.

Vos explications au cours de l’entretien préalable ont été particulièrement vagues ; vous avez prétendu qu’ « on » vous aurait demandé de le faire puis qu’ « on » vous aurait dit finalement de ne pas le faire et qu’en définitive vous étiez livré à vous-mêmes.

Cela est parfaitement inexact, les chèques cadeaux ont toujours été pris en compte et figurent systématiquement sur les devis et les factures.

De plus je me suis toujours tenu à votre disposition en cas de besoin et jamais je ne vous ai demandé de ne pas tenir compte des chèques cadeau des clients.

Remplacement de verres non-conformes au contrat de garantie CT+ souscrit par le client :

J’ai encore appris qu’en violation du contrat de garantie « tranquillité » souscrit par un de nos clients, vous avez remplacé ses verres haut de gamme rayés, par des verres standards, et avez réprimandé votre collaboratrice A N qui lui a remis ses anciens verres, à l’évidence car vous craigniez que le client s’aperçoive de la différence de qualité.

Management défaillant :

Votre management est défaillant et votre attitude « machiste » inacceptable.

Le ménage n’est en effet pas réparti de façon équitable, ce que vous avez reconnu en indiquant que vous ne vous occupiez que de nettoyer les miroirs, et vous allez même jusqu’à demander à vos collaboratrices de faire le ménage pendant votre pause car le bruit vous « dérange ».

Vous laissez vos collaboratrices faire tous les montages à l’exception des montages percés qui doivent représenter moins de 5% de l’ensemble.

Malgré cela votre chiffre d’affaire réalisé est inférieur à celui de vos collaboratrices …

Propos désobligeants, grossiers et insultants :

Vous avez encore récemment tenu des propos désobligeants, grossiers et insultants à l’égard des collaboratrices, de ma s’ur, associée de la SARL F G et de moi-même.

Votre qualité de 1er responsable du magasin ne vous autorise ainsi pas à :

-Traiter l’une de vos collaboratrices de « feignasse » ou de « petite fille gâtée »

- De faire à une cliente des allusions déplacées sur la morphologie de A votre collaboratrice

- De dire « elle commence vraiment à me faire chier cette petite blonde » en parlant de votre collaboratrice B

- De citer ma s’ur -et associée- de « connasse » ; « cette connasse se fait passer sa voiture sur le magasin » avez-vous encore dit à l’une de vos collaboratrices après avoir consulté, sans y être habilité, les comptes de la société.

Vous êtes également allé voir sur internet les bilans des magasins et avez dit à vos collègues que je pourrai mieux payer mes salariés avec ce que je me mets dans les poches, et en me traitant de radin.

Ces propos, que vous n’avez pas contestés, sont inadmissibles et créent un malaise palpable que je ne peux laisser perdurer.

Démotivation de votre équipe :

Vous avez également conseillé à A N de partir dès qu’elle aurait son diplôme d’opticienne car elle allait « se faire avoir » comme B.

Vous cherchez à me décrédibiliser et vous démotivez vos collaboratrices ce que je ne peux tolérer.

Indiscrétions:

Vous avez par erreur reçu de la Caisse d’Epargne un code d’accès internet aux comptes bancaires de la société.

Or, non seulement vous vous êtes permis de consulter lesdits comptes mais surtout d’interpeller vos collaboratrices en leur disant que ma s’ur se faisait payer sa voiture par ce magasin.

Là encore votre comportement est intolérable et n’est pas digne de votre position au sein de la boutique.

Vos agissements et vos propos sont inacceptables, perturbent le bon fonctionnement de la société et sont susceptibles de lui causer de graves préjudices.

Lors de l’entretien vous n’avez pas fourni d’explication m’amenant à reconsidérer la décision que je projetais de prendre.

Je vous notifie en conséquence votre licenciement pour faute grave.

Compte tenu de la gravité de ces faits et de leurs conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère en effet impossible.

Je vous confirme pour les mêmes raisons la mise à pied conservatoire dont vous faîtes l’objet depuis le 6 septembre 2016.

Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Vos documents de fin de contrat ainsi que les sommes vous restant dues au titre de l’exécution et de la rupture de votre contrat de travail vous seront adressés par courrier recommandé avec AR. (…) ».

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. H X a saisi le conseil de prud’hommes de Laon, qui, statuant par jugement du 7 septembre 2020, dont appel, s’est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur la légitimité du licenciement :

La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; les faits invoqués comme constitutifs de faute grave doivent par conséquent être sanctionnés dans un bref délai.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

En l’espèce, la lettre de notification du licenciement qui lie les parties et le juge énonce neuf griefs.

Le retard dans le traitement du dossier AFNOR :

Il résulte des éléments du dossier que la société depuis 2015 bénéficiait de la certification qualité F délivrée par l’AFNOR, et que cette certification est renouvelée chaque année après un nouvel audit.

La société produit aux débats plusieurs courriels échangés entre l’AFNOR et M. X dont il ressort que ce dernier a été avisé le 3 mai 2016 qu’un audit de suivi aurait lieu entre le 1er juin et le 22 juillet suivant, que la veille de son départ seulement soit le 17 juin il a informé l’organisme de son indisponibilité, que s’il a adressé le 12 août à ce dernier certains documents attendus, l’AFNOR reprenait contact avec lui le 31 août suivant indiquant qu’aucune décision n’avait pu être prise faute pour la commission de disposer de l’intégralité des pièces et notamment les fiches de poste complètes. Ainsi et contrairement à ce que soutenu par le salarié, le dossier n’était pas complet au 16 août 2016.

La société verse aussi aux débats la correspondance adressée par l’AFNOR qui confirme que le salarié a transmis tardivement ses indisponibilités de telle sorte que l’équipe d’auditeurs n’a pu en prendre connaissance à temps et a effectué son audit alors que M. X était en congés. Cet élément vient contredire l’assertion de ce dernier selon laquelle l’organisme AFNOR aurait été dûment informé et lui aurait indiqué qu’il serait compte de son absence. La société fournit également le courriel de la Générale d’F envoyé à M. Y, le gérant, pour l’informer que l’auditeur attendait toujours les fiches de poste et lui rappelant l’urgence de la situation. Les échanges de SMS versés confirment en outre que la collaboratrice présente lors de l’audit du 21 juin n’avait pas été préparée par le salarié, ne disposait pas d’informations basiques et avait été laissée sans consigne alors que M. X ne pouvait raisonnablement ignorer que l’audit pouvait avoir lieu durant ses congés.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments, le salarié apparaît comme négligent dans le traitement de ce dossier qui relevait de ses attributions et qui a nécessité des relances et demandes de documents complémentaires de la part de l’AFNOR alors que le renouvellement de la certification revêtait une importance majeure pour la société ainsi que cette dernière en justifie sans être sérieusement contestée. En effet, il apparaît que la certification est un préalable indispensable pour pouvoir candidater auprès de réseaux de soins en F, d’être conventionné par ces derniers et s’assurer ainsi un flux de clientèle supplémentaire ce qui revêt un enjeu majeur pour le magasin de Laon qui subit une forte concurrence.

En conséquence, le grief est établi.

Sur les instructions contraires aux règles de vente :

Il est reproché au salarié d’avoir donné pour instruction à ses collaboratrices de ne pas remettre de devis aux clients ce que ce dernier conteste.

La cour retient que les éléments de l’employeur sont insuffisants à établir la matérialité du grief.

En effet, la société se borne à invoquer une seule pièce constituée par l’attestation de Mme A F. Or cette dernière rapporte une unique difficulté avec une cliente Mme L. qui s’est étonnée du montant d’un reste à charge en indiquant à cet égard « Elle m’a demandé en quoi consistait la somme de 111 euros (') puisque H n’avait pas donné d’explication ni de devis (…) ». La cour retient que la salariée n’évoque pas avoir eu pour instruction de la part de son supérieur M. X de ne pas établir de devis, que son témoignage non corroboré par la production de celui de la cliente concernée ne permet pas de se convaincre de l’absence de remise préalable d’un devis, qu’il n’est pas possible de déterminer avec certitude si Mme F. rapporte les propos de la cliente ou a elle-même personnellement constaté l’absence d’établissement d’un devis étant relevé que M. X énonce que les devis signés sont rangés dans un tiroir au niveau de la caisse avant d’être classés une fois par mois et que la société ne soutient pas avoir procédé à des vérifications.

Le grief n’est pas établi.

Sur les instructions données aux collaboratrices de report d’enregistrement des commandes :

Il ressort des éléments du dossier que la partie variable de la rémunération de M. X était notamment composée d’une prime allouée en fonction de l’atteinte ou du dépassement de l’objectif Synergie déterminée par Générale d’F et dont le montant variait en fonction de dépassement de l’objectif pour être plafonné à 400 euros pour un dépassement de l’objectif de 35% et plus.

Mme A F. dont le témoignage n’est pas sérieusement contesté sur ce point confirme avoir reçu pour instruction de la part de M. X de ne pas dépasser un certain chiffre d’affaires mensuel et d’enregistrer les commandes se situant au-dessus de ce plafond sur le mois suivant. Le témoin précise que M. X avant son départ en congés avait ainsi laissé à ses collaboratrices un document sur lequel était inscrit le chiffre d’affaire à ne pas dépasser. Un document manuscrit comportant diverses sommes avec des pourcentages attribué à M. X est versé aux débats.

Le salarié ne conteste pas cette pratique qu’il dit être courante et connue de l’employeur.

Toutefois, ainsi que le souligne avec pertinence la société qui réfute une telle assertion, le lissage du chiffre d’affaires n’a pas d’intérêt pour elle et il apparaît que ce procédé est au contraire susceptible de nuire à l’image du magasin dès lors qu’au détriment des clients concernés il se traduit par un décalage dans l’enregistrement de la commande et a pour conséquence d’allonger indûment les délais de livraison des lunettes.

Il est ainsi établi que les faits ne peuvent procéder d’une pratique admise ou tolérée par l’employeur et caractérisent un manque de loyauté dès lors qu’ils ne tendent qu’à satisfaire les intérêts personnels du salarié en lui permettant de s’assurer du paiement chaque mois de ses primes sans considération des risques pour l’entreprise.

Sur la non prise en compte d’un chèque cadeau de 200 euros au détriment d’un client :

L’employeur verse aux débats la réclamation de la cliente Mme D. datée du 7 septembre 2016 à laquelle est jointe la facture d’un montant de 402,30 euros sur laquelle ne figure pas la déduction pour chèque cadeau.

Il est manifeste que la lettre de Mme D est postérieure à l’entretien préalable dont aucun compte rendu contradictoire n’est versé de sorte qu’il n’est pas établi que ce motif ait été précisément porté à la connaissance du salarié ce qui toutefois ne constitue qu’une irrégularité de forme.

Les pièces de l’employeur ne permettent pas cependant d’imputer la non prise en compte du chèque cadeau à M. X, la cliente ne le mettant pas en cause personnellement et ce dernier précisant, sans être factuellement démenti, qu’elle a été reçue par sa collaboratrice Mme A F. dont le témoignage est taisant sur cet incident.

Le grief n’est donc pas établi.

Sur le remplacement de verres non-conformes au contrat souscrit par un client :

Il est produit par la société la facture du 12 juin 2015 sur laquelle il apparaît que le client a souscrit un contrat « 100% tranquillité » et la facture du 20 août 2016 pour de nouveaux verres qui mentionne que c’est M. X qui a été l’interlocuteur du client.

De ces éléments matériels, il ressort que les verres initiaux « Seiko » ont été remplacés par des verres « simpleo » en août 2016.

Il est versé le courriel du franchiseur la Générale d’F qui confirme qu’en cas de service après-vente la conclusion du contrat « tranquillité » engage l’opticien à un remplacement à l’identique du produit étant relevé qu’il ne ressort pas des pièces soumises à l’appréciation de la cour que le client s’était plaint d’un inconfort ou était mécontent de la qualité de ses premiers verres.

Toutefois, la cour relève que les éléments de l’employeur ne permettent pas de confirmer que les seconds verres étaient de qualité inférieure ni d’infirmer qu’ils étaient mieux adaptés à la monture vendue ainsi que le soutient le salarié. Dès lors si ce dernier ne s’est pas strictement conformé au contrat souscrit par le client, il n’est pas démontré qu’il l’a délibérément contourné et il apparaît qu’au contraire M. X a cherché à satisfaire et à fidéliser le client.

Dès lors les faits ne sont pas suffisamment sérieux pour justifier un licenciement.

Sur le management qualifié de défaillant :

La cour constate qu’aucune des pièces de l’employeur ne permet de confirmer que le salarié se réservait sciemment certains montages, M. X expliquant sans être contredit par les éléments adverses qu’il se chargeait des travaux jugés complexes par ses collaboratrices et effectuait par ailleurs les tâches administratives indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise ainsi qu’il en justifie en produisant divers échanges de courriels rendant compte de la diversité de ces tâches et de leur caractère chronophage. La cour retient aussi que le salarié s’est assuré qu’une de ses collaboratrices, que l’employeur destinait à des fonctions de responsable, a bénéficié d’une formation en management.

Dans ces conditions, si Mme A F. se plaint de la répartition inégalitaire du ménage du magasin, cette situation ne suffit à caractériser une faute.

Le grief n’est pas établi.

Sur les propos incriminés :

Les faits sont suffisamment établis par l’attestation circonstanciée de Mme A F. témoin direct et également cible de certains de ces propos étant observé que si ce témoin a par la suite exprimé le regret de ne pas avoir défendu M. X lors de son licenciement, elle n’a cependant jamais renié le contenu de son attestation dont la sincérité n’est pas sérieusement contestée.

La cour retient qu’aucune circonstance ne justifie la grossièreté des propos rapportés (« Connasse », « voiture de pétasse », « feignasse ») proférés à l’encontre de l’associée du gérant ou d’une des salariées Mme B D sur le lieu de travail en présence de la seconde collaboratrice ou de faire à une cliente des allusions déplacées et blessantes sur la morphologie de Mme A F, les responsabilités exercées et la position occupée impliquant un devoir d’exemplarité et de loyauté.

Le grief est établi.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les derniers motifs énoncés dans la lettre de notification, la cour retient que les pièces et documents de l’employeur permettent de tenir établis les griefs suivants : retard dans le traitement du dossier AFNOR, instructions données pour reporter l’enregistrement des commandes afin de s’assurer sa rémunération variable, propos grossiers, désobligeants et insultants. Ces faits de par leur nature et leur accumulation justifient l’éviction immédiate du salarié.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit le licenciement justifié pour faute grave.

Le salarié doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture.

En présence d’une faute grave, la retenue de salaire durant la période de mise à pied conservatoire est légale.

Le salarié doit donc être débouté de sa demande de rappel de salaires correspondant à la période de mise à pied.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a intégralement débouté le salarié de ses demandes pécuniaires.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dispositions de première instance sur les frais irrépétibles seront confirmées.

Succombant en son appel, M. X sera condamné à verser à la société F G en application de l’article 700 du code de procédure civile une somme que l’équité commande de fixer à 250 euros pour la procédure d’appel.

Les dispositions de première instance relatives aux dépens seront infirmées.

Succombant intégralement, M. X doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le conseil de Prud’hommes de Laon sauf en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau sur les dépens et y ajoutant,

Condamne M. H X à payer à la société F G la somme de 250 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne M. H X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.

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