Cour d'appel d'Angers, Chambre sécurité sociale, 9 décembre 2021, n° 19/00533

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. sécurité soc., 9 déc. 2021, n° 19/00533
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 19/00533
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Laval, 10 septembre 2019, N° 18/00320
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00533 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ESME.

Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LAVAL, décision attaquée en date du 11 Septembre 2019, enregistrée sous le n° 18/00320

ARRÊT DU 09 Décembre 2021

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE

[…]

[…]

représentée par Madame MAITREAU, munie d’un pouvoir

INTIMEE :

Société TRANSPORTS GILLOIS

[…]

[…]

[…]

représentée par Maître Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2021 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur C, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Monsieur B C

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Greffier lors des débats : Madame Z A

ARRÊT : prononcé le 09 Décembre 2021, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur C, conseiller pour le président empêché, et par Madame Z A, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

M. Y X, salarié de la société Transports Gillois en qualité de conducteur routier longue distance depuis le 29 février 2016, a souscrit le 9 février 2018, auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe (la caisse), une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une tendinopathie de l’épaule droite à laquelle était joint un certificat médical initial du 29 janvier 2018 faisant état d’une tendinopathie de la coiffe des rotateurs.

Après instruction et par décision du 14 mai 2018, la caisse a pris en charge au titre de la législation professionnelle la maladie tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, en application du tableau n° 57 relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.

Par lettre recommandée du 13 juillet 2018, la société Transports Gillois a saisi la commission de recours amiable de la caisse afin de contester l’opposabilité de cette décision.

En l’absence de décision rendue par la commission de recours amiable dans le délai d’un mois ayant suivi sa saisine, la société Transports Gillois a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Mayenne le 6 novembre 2018.

Par jugement du 11 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Laval (pôle social), devenu compétent en la matière à compter du 1er janvier 2019, a déclaré inopposable à la société Transports Gillois la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie de M. X déclarée le 9 février 2018.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que la condition relative à la liste limitative des travaux susceptibles d’entraîner cette maladie n’était pas remplie.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception envoyée le 7 octobre 2018, la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 25 septembre précédent.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions (n° 2) du 2 septembre 2021, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe sollicite l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande la confirmation du bien fondé de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. X du 29 janvier 2018. Elle demande également de dire cette maladie opposable à la société Transports Gillois et conclut au débouté de toutes les prétentions de cette dernière.

La caisse estime qu’il est incontestable que le salarié réalise des mouvements d’abduction lors des opérations de bâchage et débâchage du camion avec des mouvements d’épaule d’un angle d’au moins 60° pendant au minimum une heure par jour. Elle considère également qu’à la lecture des questionnaires, il apparaît incontestable que de tels mouvements sont réalisés aussi lors des

opérations de livraison et d’arrimage des marchandises et ce à raison d’au moins une heure par jour. Elle en déduit que la condition portant sur la réalisation de travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction, avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé, est respectée.

Elle fait valoir qu’il n’a pas été nécessaire pour elle de procéder à une enquête sur place dans la mesure où les réponses apportées aux questionnaires lui permettaient de s’en dispenser.

En réponse aux arguments de l’employeur, elle observe que l’instruction d’une demande de maladie professionnelle doit être réalisée auprès du dernier employeur et que le fait que M. X a pu être exposé lors de précédentes activités ne permet pas d’exclure le rôle du travail réalisé au sein de la société Transports Gillois dans la survenance de la maladie. Elle souligne à cet égard que M. X est salarié de la société Transports Gillois depuis le 29 février 2016 et qu’il a déclaré sa maladie deux ans après son embauche. Elle considère qu’il appartient à la société Transports Gillois, si elle estime qu’une activité effectuée par M. X dans une autre entreprise a joué un rôle dans l’apparition de la maladie, de solliciter la Carsat en vue d’une éventuelle imputation au compte spécial.

*

Par conclusions du 24 août 2021, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société Transports Gillois demande la confirmation du jugement en demandant que lui soit déclarée inopposable la maladie professionnelle déclarée par M. X.

Elle expose qu’à la suite de la consultation des pièces le 7 mai 2018, préalablement à la décision de prise en charge du 14 mai 2018, elle avait fait part à la caisse de ses divergences à propos de certaines réponses faites par M. X au questionnaire qui lui avait été adressé, en observant que le salarié semblait faire un résumé de sa carrière et non du poste occupé dans l’entreprise. Elle souligne que M. X a cependant établi une attestation en sa faveur dans laquelle il confirme que sa maladie professionnelle est consécutive à son travail de livraison de menuiseries exercé de 2007 à 2015 pour le compte de la société SLT.

La société Transports Gillois soutient que la condition relative à la liste limitative des travaux n’est pas remplie dans la mesure où M. X passait 80 % de son activité, soit 45 heures par semaine, en temps de conduite pendant lequel il n’avait pas les bras en l’air et ne consacrait que 8 heures par semaine à des opération de manutention, soit 1h30 par jour, dont une part importante consistait à utiliser un transpalette. Elle soutient que les opérations de bâchage et de sanglage qui sollicitent effectivement les épaules ne prennent pas plus de 30 minutes par jour.

La société Transports Gillois critique l’absence d’enquête effectuée sur place par la caisse qui lui aurait permis d’expliquer les gestes réellement effectués par M. X.

MOTIVATION

Il résulte de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale qu’est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. La présomption d’origine professionnelle de la maladie s’applique lorsque sont remplies les conditions définies par un tableau de maladies professionnelles et qui sont relatives au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux.

En l’espèce, la discussion ne porte que sur la question de savoir si M. X a été exposé au risque en effectuant des travaux correspondant à ceux prévus par la liste limitative.

Selon le tableau n° 57 relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures

de travail, la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM concerne les travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (les mouvements en abduction correspondent aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps), avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

Selon le questionnaire rempli par l’employeur, M. X occupait un poste de conducteur routier pour lequel les tâches sont ainsi décrites :

— conduite avec boîte automatique ;

— chargement et déchargement de la marchandise au transpalette ;

— arrimage/sanglage ;

— bâchage/débâchage par le côté ou le toit ;

— entretien du véhicule (lavage, balayage).

La société Transports Gillois a précisé dans ce questionnaire que les gestes en abduction dont l’angle est supérieur ou égal à 60° représentent une heure par jour seulement, sans indiquer si tout ou partie de ces gestes sont supérieurs ou égaux à un angle de 90°. Il est mentionné que ces gestes sont effectués à l’occasion de travaux de débâchage.

Dans ses réponses faites au questionnaire qui lui a été adressé, M. X a indiqué que la conduite représentait environ 80 % de son activité et que son temps de travail hebdomadaire comprenait 45 heures de conduite et 8 heures de manutention. Il a également indiqué qu’il effectuait des gestes en abduction à raison de 5 à 6 heures par semaine. Il existe cependant certaines contradictions dans les réponses données par M. X qui les rendent difficilement exploitables puisqu’il fait aussi état, sur une feuille annexée au questionnaire, d’un temps de travail consacré à la manutention qui varie de 1h30 à 3h00 par jour. Il insiste plus loin sur le fait qu’il accomplit au minimum 1h30 par jour de manutention avec les bras levés à plus de 1,50 m et que cela peut aller jusqu’à 2h30 par jour.

En l’absence d’une enquête effectuée par la caisse qui aurait permis de lever ces contradictions, il y a lieu de retenir comme étant établies les durées hebdomadaires qui sont admises à la fois par la société Transports Gillois et par M. X, soit en l’occurrence celles de 45 heures de conduite et de 8 heures de manutention.

Il n’est pas contesté qu’aucun geste en abduction d’au moins 60° ne résulte du temps de conduite et que seul le temps de manutention est susceptible d’être pris en considération, ce qui représente en moyenne 1h36 par jour pour une semaine de travail répartie sur 5 jours.

Or une partie des 8 heures hebdomadaires de manutention correspond à une activité de chargement et/ou déchargement effectuée avec un transpalette. Les photographies versées aux débats par la société Transports Gillois permettent de constater que le bras qui tire le transpalette ne se trouve pas en abduction à un angle qui soit au moins égal à 60°.

Il n’est donc pas établi que M. X effectuait des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction, avec un angle supérieur ou égal à 60°, pendant au moins deux heures par jour en cumulé.

Même en considérant que ces travaux en abduction étaient effectués pendant au moins une heure par

jour en cumulé, la caisse ne soutient pas qu’ils l’étaient avec un angle supérieur ou égal à 90° et les pièces versées aux débats ne permettent pas, en tout état de cause, de le démontrer.

La condition tenant à la liste limitative des travaux n’étant pas remplie, c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré la décision de prise en charge de la maladie inopposable à la société Transports Gillois et il y a lieu de confirmer le jugement.

La caisse, partie perdante, doit être condamnée aux entiers dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Laval (pôle social) du 11 septembre 2019 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Z A B C

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