Cour d'appel de Bastia, 17 septembre 2014, n° 13/00300

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bastia, 17 sept. 2014, n° 13/00300
Juridiction : Cour d'appel de Bastia
Numéro(s) : 13/00300
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bastia, 11 septembre 2013, N° F1200060

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°


17 Septembre 2014


13/00300


UNION DE GESTION DES REALISATIONS MUTUALISTES DE HAUTE CORSE -UGRM-

C/

Y X


Décision déférée à la Cour du :

12 septembre 2013

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BASTIA

F 1200060


DM

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

APPELANTE :

UNION DE GESTION DES REALISATIONS MUTUALISTES DE HAUTE CORSE -UGRM- prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représentée par Me GIANSILY substituant Me Claude CRETY, avocats au barreau de BASTIA,

INTIME :

Monsieur Y X

XXX

XXX

Représenté par Me Doris TOUSSAINT substituant Me Gilles ANTOMARCHI, avocats au barreau de BASTIA,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Juin 2014 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur MACOUIN, Conseiller, faisant fonction de président, et Mme PASCAL, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur MACOUIN, Conseiller, faisant fonction de président

Mme PASCAL, Conseiller

Mme BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme SAUDAN, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2014,

ARRET

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.

Signé par Monsieur MACOUIN, Conseiller, faisant fonction de président, et par Mme SAUDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Bastia du 12 septembre 2013 qui :

— condamne l’Union de Gestion des Réalisations Mutualistes de Haute Corse (UGRM) à payer à Monsieur Y X les sommes suivantes:

' 484 euros au titre du rappel pour les années 2009 à 2011 de l’indemnité de trajet régional en Corse (ITRC),

' 22 euros mensuels à compter du 1er janvier 2012 dans la limite de 220 euros par an,

' 80 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamne l’UGRM aux dépens.

Vu l’appel régulièrement interjeté contre ce jugement par l’UGRM déclaration du 9 octobre 2013.

Vu ses conclusions reçues au greffe le 15 mai 2014, réitérées à l’audience, demandant à la cour :

— de dire que le jugement a été rendu en premier ressort et que son appel est donc recevable,

— d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— de débouter le salarié de ses demandes.

Vu les écritures de Monsieur X déposées et soutenues à l’audience, tendant à ce que la cour :

— déclare l’appel irrecevable à titre principal,

— à titre subsidiaire, confirme le jugement entrepris,

— condamne l’UGRM au paiement de la somme de 7 400 euros pour l’ensemble des salariés concernés au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

MOTIFS

Attendu que dans le courant de l’année 2009, les partenaires sociaux se sont rapprochés afin de parfaire le dispositif mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale et pour l’adapter aux sujétions particulières auxquelles étaient soumis les salariés en Corse quant à l’indemnisation des frais de trajet entre leur résidence habituelle et leur domicile ;

Que c’est ainsi qu’un accord interprofessionnel régional Corse a été signé le 30 juillet 2009 et qu’a été instituée une indemnité de trajet régional corse (ITRC) venant s’ajouter au dispositif légal pour les salariés qui justifient répondre à certains critères, notamment géographiques ;

Que cet accord a été étendu à tous les salariés compris dans son champ d’application par arrêté du ministère du travail du 27 octobre 2009 ;

Que ces dispositions ont été déclinées au niveau de l’UGRM par la signature d’un accord d’entreprise du 8 avril 2010 ;

Que 70 salariés de l’UGRM prétendant ne pas avoir été remplis de leurs droits par application de cet accord ont saisi la juridiction prud’homale aux fins de condamnation de l’employeur à leur payer cette ITRC ;

Que par jugements qualifiés en dernier ressort, le conseil de prud’hommes de Bastia a fait droit sur le principe aux demandes des salariés ;

Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que la salariée soulève in limine litis l’irrecevabilité de l’appel à raison d’une part de la qualification du jugement déféré et d’autre part d’un pourvoi interjeté dans le même temps contre le dit jugement qui empêcherait la cour de statuer ;

Que pour soutenir la recevabilité de son appel, l’UGRM conteste la qualification donnée au dit jugement ;

Attendu en premier lieu que nonobstant le pourvoi interjeté postérieurement à l’acte d’appel, la cour n’en demeure pas moins saisie du litige, étant observé qu’aucune litispendance ne peut être retenue dès lors que l’objet du pourvoi est nécessairement distinct des demandes présentées devant les juges du fond ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de déclarer le dit appel irrecevable au seul motif qu’un pourvoi aurait été interjeté ;

Qu’il n’y a pas lieu non plus d’ordonner un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour de cassation qui n’est d’ailleurs pas sollicité, ledit sursis étant une simple faculté qui retarderait d’autant la solution du litige s’il devait être ordonné ;

Que sur le deuxième moyen d’irrecevabilité, il sera rappelé que pour apprécier la recevabilité de l’appel qui la saisit, la cour n’est pas tenue par la qualification donnée à leur jugement par les premiers juges ;

Qu’il est constant également qu’au-delà d’une évaluation inférieure au taux de dernier ressort, une demande est indéterminée lorsqu’elle tend à faire consacrer le principe d’un droit dont les incidences pécuniaires sont indéterminées ou valent pour l’avenir ;

Que tel est le cas en l’espèce de la demande initiale des salariés qui, aux termes de leurs écritures de première instance, tendait, après qu’il eût été statué sur l’applicabilité de l’accord interprofessionnel régional du 30 juillet 2009 et donc du droit à ITRC, à solliciter pour chacun d’eux l’allocation d’un rappel au titre des années 2010 et 2011 et du montant mensuel de celle-ci 'à compter du 1er janvier 2012" ;

Qu’il s’ensuit que c’est à tort que le jugement dont s’agit a été qualifié en dernier ressort ;

Que l’appel interjeté est donc parfaitement recevable ;

Sur le fond

Attendu qu’il est acquis aux débats que l’accord interprofessionnel régional du 30 juillet 2009 exclut de son champ d’application les secteurs de l’agriculture et de l’économie solidaire et que l’objet du litige porte sur le point de savoir si l’UGRM relève ou non du secteur de l’économie solidaire ;

Que les salariés font valoir à l’appui de leurs demandes et pour estimer que l’UGRM ne dépend pas de ce secteur que dans chacun des domaines d’intervention de l’UGRM il est fait application, aux termes mêmes des bulletins de paie des salariés concernés, de conventions collectives différentes de celle dont relève le secteur de l’économie sociale et solidaire, à savoir la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial ;

Qu’ils ajoutent que l’employeur a, par l’accord d’entreprise conclu le 8 avril 2010, reconnu le principe même de l’attribution de cette prime à son personnel et estiment que la perception par les salariés de l’union mutualiste de Corse du Sud de cette indemnité de trajet assoit leur position ;

Que l’UGRM considère au contraire que tant par sa structure juridique et économique que par son mode de fonctionnement, elle relève de l’économie solidaire ; qu’elle précise que l’accord d’entreprise du 8 avril 2010 qui ne concernait d’ailleurs que les salariés de l’établissement LE BELVEDERE, le centre d’accueil et d’hébergement Fleur de mai, la pouponnière et la crèche CIUCCIARELLA ainsi que le service d’AEMO, était purement conditionnel comme soumis à la prise en charge du financement par les autorités de tarification dans les budgets prévisionnels des établissements, ce qui n’a pas été le cas ;

Attendu en premier lieu qu’il convient de rappeler que c’est à la partie qui se prévaut des dispositions d’une convention collective ou d’un accord collectif d’établir l’appartenance de l’employeur à l’organisation patronale signataire,

Qu’en l’espèce, il sera constaté que le postulat de départ des salariés quant à l’application d’une convention collective nationale dédiée au secteur de l’économie sociale solidaire dans son ensemble est inexact, quand bien même elle serait appuyée par l’inspecteur du travail ;

Qu’en effet la convention collective des acteurs du lien social et familial prétendument applicable de façon exclusive à ce secteur vise dans son champ d’application les 'centres sociaux et sociaux-culturels agréés ou pouvant être agréés, au titre de la prestation de services 'animation globale et coordination’ par les caisses d’allocations familiales ainsi que leurs fédérations et regroupements', alors que le secteur de l’économie sociale et solidaire excède de très loin comme il sera vu plus loin ce champ d’application ; qu’il sera d’ailleurs précisé à ce stade que les tentatives d’étendre ce champ d’intervention par application d’un accord du 15 mai 1998, n’ont pas prospéré ;

Que s’il n’existe pas en l’état de définition légale de l’économie sociale et solidaire, son périmètre peut toutefois être circonscrit au regard des textes fondateurs que constituent la charte de l’économie sociale publiée par le comité de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives en 1980 et le décret du 15 décembre 1981 portant reconnaissance de ce secteur d’activité ;

Que le concept d’économie sociale et solidaire qui en résulte désigne un ensemble d’entreprises organisées sous la forme de coopératives, mutuelles, associations ou fondations dont le fonctionnement interne et les activités sont fondées sur le principe de solidarité et d’utilité sociale ; que ces entreprises adoptent des modes de gestion dits 'démocratiques et participatifs’ et encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent, le profit individuel étant proscrit et les résultats réinvestis, les ressources financières en général pour partie publiques ;

Que cette définition est conforme à celle qui figure dans le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire adopté en deuxième lecture au Sénat le 4 juin 2014 et en cours d’examen par l’assemblée nationale ;

Que l’article 2 adopté sans modification de ce projet de loi précise d’ailleurs en l’état 'que sont considérées comme recherchant une utilité sociale au sens de la présente loi les entreprises dont l’objet social satisfait à titre principal à l’une au moins des trois conditions suivantes ;

1- elles ont pour objectif d’apporter, à travers leur activité un soutien à des personnes en situation de fragilité soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou de leurs besoins d’accompagnement social ou médico-social…

2- elles ont pour objectif de contribuer à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre les exclusions et inégalités sanitaires et économiques, ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale,….' ;

Qu’ainsi défini ce secteur recouvre de multiples domaines d’intervention qui expliquent naturellement l’application possible de conventions collectives variées, y compris de manière volontaire par l’UGRM ;

Que l’UGRM est aux termes de ses statuts une union territoriale, personne de droit privé à but non lucratif relevant du code de la mutualité ;

Que l’UGRM est administrée par une assemblée générale composée de 18 délégués des financeurs et de 12 délégués d’utilisateurs disposant chacun à égalité d’une voix délibérative, et par un conseil d’administration dont les membres sont élus en son sein à bulletin secret pour une durée de six ans, les fonctions d’administrateurs étant gratuites ;

Que l’article 36 des statuts prévoient d’ailleurs expressément qu’ 'il est interdit aux administrateurs de faire partie du personnel rétribué’ par l’union cependant qu’ 'aucune rémunération liée de manière directe ou indirecte au volume des cotisations de l’union ne peut être allouée à quelque titre que ce soit à un administrateur.' ;

Que les domaines qu’elle gère (centres de santé dentaire mutualistes, centres d’optique mutualistes, maison d’enfants à caractère social, pouponnière, centre d’accueil et d’hébergement pour enfants en difficulté, crèche collective, service d’action éducative en milieu ouvert, service de médiation familiale) avec pour missions générales ' d’assurer la protection de l’enfance, de la famille, des personnes âgées, dépendantes ou handicapées, d’assurer la prévention des risques de dommages corporels liées à des accidents ou à la maladie, de mettre en oeuvre une action sociale, des actions de prévention, de créer et/ou gérer des réalisations sanitaires, sociales et culturelles, de gérer des activités et prestations sociales pour le compte de l’Etat ou d’autres collectivités publiques’ entrent assurément dans le champ de l’économie sociale et solidaire ;

Que l’UGRM ne relève donc pas du champ d’application de l’accord interprofessionnel régional du 30 juillet 2009 ;

Que la meilleure preuve en est la signature de l’accord d’entreprise du 8 avril 2010 qui prévoit le versement de l’ITRC pour les salariés de certains établissements seulement de l’union et sous condition de prise en charge dans les budgets prévisionnels de ces établissements par les autorités de tarification, dans des circonstances donc qui caractérisent, comme le reconnaissent les salariés eux-mêmes dans leurs écritures (page 8) une application volontaire par l’employeur du dispositif qui ne s’imposait donc pas à lui ;

Qu’il n’est pas contesté que la dite condition ne s’est pas réalisée et que cet accord d’entreprise n’a pas été transmis à la DIRECCTE ;

Qu’à la supposer établie, l’application par l’union mutualiste de Corse du sud, organisme totalement autonome de l’UGRM, de l’accord interprofessionnel régional en cause qui peut tout aussi bien procéder également d’une application volontaire dont la condition se serait réalisée, est sans incidence sur l’appréciation de la situation des divers intimés dont les prétentions seront en conséquence rejetées par infirmation du jugement entrepris ;

Attendu qu’il convient en conséquence de débouter le salarié de sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Attendu que les éventuels dépens de première instance et d’appel seront à la charge de Monsieur X dont les prétentions sont rejetées par la cour ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Déclare l’appel de l’UGRM recevable,

Au fond infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute Monsieur X de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur X aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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