Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 3 septembre 2019, n° 18/00694

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, 1re ch., 3 sept. 2019, n° 18/00694
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 18/00694
Décision précédente : Tribunal d'instance de Montbéliard, 27 février 2018, N° 11-16-401
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

BUL/DB

COUR D’APPEL DE BESANÇON

— […]

ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2019

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 04 juin 2019

N° de rôle : N° RG 18/00694 – N° Portalis DBVG-V-B7C-D6FL

S/appel d’une décision

du TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTBELIARD

en date du 28 février 2018 [RG N° 11-16-401]

Code affaire : 51A

Demande en paiement des loyers et des charges et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation pour défaut de paiement ou défaut d’assurance et ordonner l’expulsion

SA NEOLIA C/ Y X

PARTIES EN CAUSE :

SA NEOLIA

ayant son siège social, […]

APPELANTE

Représentée par Me Marion GONET, avocat au barreau de MONTBELIARD

ET :

Monsieur Y X

né le […] à […]

demeurant […]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/002120 du 09/05/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BESANCON)

INTIMÉ

Représenté par Me Christelle BONNOT de la SCP BONNOT – EUVRARD, avocat au barreau de MONTBELIARD

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER (conseiller rapporteur) et A. CHIARADIA, Conseillers.

GREFFIER : Madame C. BILLOT, f.f. de Greffier

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.

L’affaire, plaidée à l’audience du 04 juin 2019 a été mise en délibéré au 03 septembre 2019. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits et prétentions des parties

Par acte sous seing privé en date du 6 avril 2004 la SA Neolia a donné à bail à M. Y X un local à usage d’habitation et sa cave situés […] à Audincourt.

Par exploit d’huissier délivré le 4 novembre 2016, la SA Neolia a fait assigner son locataire au visa de l’article 1722 du code civil devant le tribunal d’instance de Montbéliard, aux fins de voir à titre principal constater ou subsidiairement prononcer la résiliation du bail et accorder au locataire un délai de huit jours pour évacuer les biens meubles de son logement, à la suite de l’incendie survenu dans les lieux le 21 décembre 2015.

Par jugement rendu le 28 février 2018, ce tribunal l’a déboutée de ses entières demandes et condamnée à effectuer les travaux de remise en état de l’appartement ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 16 avril 2018, la SA Neolia a relevé appel de cette décision et, aux termes de ses dernières écritures transmises le 16 juillet 2018, elle conclut à son infirmation et demande à la cour de :

— dire que la perte de la chose est totale,

— constater la résiliation de plein droit du bail au 21 décembre 2015, date de l’incendie,

— subsidiairement prononcer cette résiliation, au visa de l’article 1728 du code civil, pour manquement du preneur à ses obligations contractuelles,

— accorder un délai de huit jours au preneur à compter du prononcé de l’arrêt pour évacuer l’ensemble du mobilier lui appartenant, à peine d’astreinte de 50 euros par jour de retard,

— l’autoriser à procéder à l’enlèvement et au dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués en un lieu approprié aux frais, risques et périls du preneur voire à la destruction des effets mobiliers,

— condamner M. Y X à lui verser à titre de dommages-intérêts une somme équivalente au montant du loyer et des charges, outre augmentations, qui auraient été dû en cas de continuation du bail à compter du 21 décembre 2015 jusqu’à la relocation du bien détruit, compte tenu de sa responsabilité délictuelle dans l’incendie au regard de l’article 1240 du code civil,

— subsidiairement, dire que M. X engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1733 du code civil et le condamner à lui payer à titre de dommages-intérêts une somme équivalente au montant du loyer et des charges, outre augmentations, qui auraient été due en cas de continuation du bail à compter du 21 décembre 2015 jusqu’à la relocation du bien détruit,

— condamner M. X à lui verser une indemnité de procédure de 1 800 euros ainsi qu’aux dépens d’instance et d’appel.

Par d’ultimes écritures déposées le 11 octobre 2018, M. Y X demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter l’appelante de ses entières demandes, outre sa condamnation aux dépens.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 mai 2019.

Motifs de la décision

* Sur la demande de résiliation de plein droit du bail,

Attendu que l’article 1722 du code civil, invoqué par l’appelante dispose que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit et que si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail mais que dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ;

Attendu qu’en l’espèce, la SA Neolia fait valoir que d’une part la destruction partielle des lieux affectant totalement la cuisine, siège du sinistre, et l’existence de dégâts dans les autres pièces rendant impossible l’exploitation normale des lieux loués, d’autre part le coût de remise en état équivalent à six années de loyers et enfin la durée prévisible de plusieurs mois des travaux justifient la résiliation de plein droit du bail, dès lors que le logement ne peut être habité en l’état, alors que les installations électriques et sanitaire doivent être entièrement refaites ;

Que le locataire rétorque que suite à l’incendie l’appartement ne nécessite que des travaux de remise en état et non une reconstruction affectant le gros oeuvre, de sorte que faute de destruction totale du bien loué, la résiliation de son bail ne saurait être constatée de plein droit ; qu’il précise que s’il n’habite plus les lieux c’est parce qu’il n’y disposait plus de l’accès à sa sortie d’hospitalisation, suite à un changement de serrure par la bailleresse et qu’il a été contraint de trouver un hébergement d’urgence à l’hôtel, en foyer puis chez un proche ;

Attendu que l’impossibilité absolue et définitive d’user de la chose louée conformément à sa destination, de même que la nécessité d’y effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur doivent être assimilés à la destruction en totalité de la chose visée à l’article 1722 ;

Que si, en l’espèce, la perte totale de la chose louée n’est pas établie par les pièces versées aux débats, il est avéré que le locataire ne peut plus en faire un usage conforme à sa destination dans la mesure où la totalité de l’installation électrique doit être reprise et le radiateur, la fenêtre de la cuisine ainsi que l’équipement sanitaire du logement, remplacés ; qu’au surplus le coût des travaux de réparation et reprise des embellissements, estimé à la somme de 19 290 euros avant application du correctif vétusté par le cabinet d’expertise Saretec, assureur de la SA Neolia, dans son rapport du 29 février 2016, apparaît disproportionné à la valeur locative du bien pour lequel la bailleresse percevait mensuellement un loyer hors charges de 268,88 euros au moment du sinistre, qui correspond effectivement à six années de loyers ;

Qu’il résulte de ce qui précède que, infirmant le jugement querellé en ce qu’il a débouté la SA Neolia de sa demande principale, il y a lieu d’y faire droit en prononçant, sur le fondement de l’article 1722 précité, la résiliation de plein droit, au 21 décembre 2015 date du sinistre, du bail consenti à M. X le 6 avril 2004 ;

Que s’agissant des demandes subséquentes, il convient d’accorder un délai de quinze jours jours au preneur à compter de la signification du présent arrêt pour évacuer l’ensemble du mobilier lui appartenant et garnissant les lieux sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte dans la mesure où la bailleresse sera autorisée, comme elle le demande, à procéder à ces enlèvement et dépôt en un lieu approprié aux frais, risques et périls du preneur, passé le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt ;

* Sur les demandes indemnitaires,

Attendu que la SA Neolia s’estime légitime à être indemnisée de son préjudice de jouissance sur le fondement de l’article 1240 du code civil, au motif que l’incendie est incontestablement imputable à la faute volontaire du locataire, ou à défaut en vertu de l’article 1733 du même code et que la carence de l’intéressé à venir récupérer ses biens garnissant les lieux retarde l’engagement des travaux ;

Que l’intimé conteste les allégations adverses selon lesquelles il aurait volontairement mis le feu à son appartement, affirmant n’être en aucun cas dangereux pour les autres comme en attestent les médecins qui l’ont suivi lors de son hospitalisation en centre hospitalier spécialisé ; qu’il estime ne pas devoir payer une quelconque contrepartie financière au titre d’une perte de jouissance dès lors qu’il n’a plus accès à son logement du fait du changement de serrure et du refus du bailleur, considérant subir pour sa part un réel préjudice de jouissance faute de pouvoir résider et même accéder à un logement dont il acquitte l’assurance ;

Attendu que si la SA Neolia verse aux débats un procès-verbal de dépôt de plainte du 22 décembre 2015 à l’encontre de son locataire, aux termes duquel son représentant déclare au fonctionnaire de police que « les pompiers nous ont informés que le locataire des lieux, M. X Y, leur avait déclaré avoir mis le feu volontairement à son appartement et qu’il recommencerait », il n’est pas justifié de la suite pénale réservée à cette plainte ; qu’en outre si le rapport d’expertise du Cabinet Saretec mentionne que « la responsabilité de M. X n’a pas été contestée », après avoir indiqué que l’intéressé, régulièrement convoqué, n’était ni présent ni représenté à la réunion d’expertise du 10 février 2016, cet élément ne saurait suffire à établir l’agissement volontaire du locataire dans l’incendie, alors que celui-ci nie en être à l’origine ; que l’appelante ne saurait dans ces conditions valablement solliciter l’indemnisation d’un préjudice de jouissance sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;

Attendu qu’en vertu de l’article 1733 du code civil, invoqué subsidiairement par la bailleresse, le locataire répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve que l’incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ;

Que si, selon l’article 1722 du code civil, la perte totale de la chose louée par cas fortuit ou force

majeure entraîne la résiliation du bail sans dédommagement pour le locataire, il convient de constater qu’en l’occurrence, la perte est due, non pas à un événement qui ne peut être imputé à aucune des parties, mais à un incendie qui a pris naissance dans le logement loué à M. X, et dont ce dernier est présumé responsable par application de l’article 1733 du même code ;

Que, dès lors que M. X ne démontre ni même n’allègue que l’incendie est arrivé par cas fortuit, force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine, il est tenu, en sa qualité de preneur, de réparer le préjudice subi par le bailleur sous réserve qu’il soit justifié ;

Attendu qu’à l’appui de sa demande indemnitaire la SA Neolia fait valoir qu’elle n’a pas été en mesure de faire procéder aux travaux et de remettre l’appartement en location depuis l’incendie survenu le 21 décembre 2015 du fait de l’intimé, et qu’elle subit ainsi un préjudice de jouissance qui est imputable à celui-ci et qu’elle estime à une somme équivalente au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de continuation du bail à compter du 21 décembre 2015 jusqu’à la relocation du bien détruit ;

Mais attendu que si l’intimé ne peut valablement soutenir que la SA Neolia n’a subi aucun préjudice au motif qu’elle aurait continué à percevoir l’APL servie pour son compte par la caisse d’allocations familiales du Doubs, alors que ces allocations ont fait ou feront l’objet d’une restitution pour versement indu, il ressort des débats que la SA Neolia n’a informé son locataire que par correspondance du 7 avril 2016 de ce qu’elle entendait se prévaloir de la résiliation de plein droit de son bail sur le fondement de l’article 1722 du code civil en le mettant en demeure d’évacuer sous trois semaines son logement de toute occupation ; qu’elle a fait le choix procédural inopportun de saisir le juge des référés aux fins de constat de la résiliation de plein droit du bail alors que la contestation de son locataire, qui souhaitait réintégrer les lieux, constituait à l’évidence une contestation sérieuse pour finalement ne saisir le juge du fond que par acte du 4 novembre 2016 ; qu’en outre si elle a pu légitimement changer les serrures de l’appartement suite à l’intervention des services incendie afin d’en sécuriser l’accès, il apparaît en revanche que le locataire n’a pu accéder à son logement que très ponctuellement depuis le sinistre et selon des modalités contraignantes à la discrétion de la bailleresse ; qu’enfin, il n’est pas démontré que les travaux s’avéraient impossibles en présence du mobilier concentré dans une partie de l’appartement ;

Que par ailleurs l’assureur de la bailleresse indique dans son rapport qu’il indemnise son assurée au titre de la perte de loyers à hauteur de 1 344 euros, soit cinq mois de loyers de janvier à mai 2016, période qui aurait dû permettre à la SA Neolia de faire procéder aux travaux dans l’appartement litigieux dont elle détenait seule les clefs ;

Qu’en considération des éléments ci-dessus développés, il y a lieu de considérer que la bailleresse ne justifie pas d’un préjudice de jouissance imputable à son ancien locataire et de la débouter de sa demande d’indemnisation à ce titre ; que le jugement sera confirmé de ce seul chef ;

* Sur les demandes accessoires,

Attendu qu’il est équitable, au regard des faits de la cause et de l’issue du présent litige, de mettre à la charge de l’intimé une indemnité de procédure de 900 euros, la décision entreprise étant infirmée s’agissant des frais irrépétibles de première instance ; que M. X qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel, le jugement déféré étant pareillement infirmé de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 28 février 2018 par le tribunal d’instance de Montbéliard sauf en ce qu’il

a débouté la SA Neolia de sa demande d’indemnisation d’un trouble de jouissance.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation du bail consenti à M. Y X le 6 avril 2004 par la SA Neolia sur le fondement de l’article 1722 du code civil à la date du 21 décembre 2015.

Dit que M. Y X devra, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, procéder ou faire procéder à l’évacuation de l’ensemble des biens meubles lui appartenant et garnissant les lieux sis […] à Audincourt.

Rejette la demande d’astreinte.

Autorise la SA Neolia, à défaut pour le preneur de déférer à cette injonction, à procéder à l’enlèvement et au dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués en un lieu approprié aux frais, risques et périls du preneur, passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt.

Condamne M. Y X à payer à la SA Neolia la somme de neuf cents (900) euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Condamne M. Y X aux dépens de première instance et d’appel.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.

Le greffier, le président de chambre

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