Cour d'appel de Besançon, Premier président, 6 janvier 2022, n° 21/00007

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, premier prés., 6 janv. 2022, n° 21/00007
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 21/00007
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BESANÇON

[…]

[…]

La première présidente

ORDONNANCE N° 22/1

DU 06 JANVIER 2022

ORDONNANCE


N° de rôle : N° RG 21/00007 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EKTL


Code affaire : 93A – Actions en opposition à poursuites relatives à d’autres droits et contributions


L’affaire, plaidée à l’audience publique du 21 octobre 2021, au Palais de justice de Besançon, devant Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 06 janvier 2022. Les parties ont été avisées qu’à cette date, l’ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S. DAVIDSON EST, agissant par son président en exercice, Monsieur X Y

[…]

DEMANDERESSE


Représentée par Me Delphine RAVON et Me Eve OBADIA, avocates au barreau de PARIS


ET :

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES, Direction Nationale d’Enquêtes Fiscales,

Monsieur le Directeur Général des […]

DEFENDERESSE


Représentée par Maître Jean DI FRANCESCO, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

**************


Le groupe DAVIDSON créé en 2005 exerce une activité de consulting dans l’ingénierie autour de deux pôles, l’un dans le domaine de technologies numériques et télécoms et l’autre dans des domaines industriels variés.


Le groupe DAVIDSON réalise des activités de recherche et développement au sein de ces deux offres.


La SAS DAVIDSON EST, filiale du groupe DAVIDSON, a été créée en 2012, avec dans un premier temps une activité de consulting en télécoms puis a élargi le champ de ses activités et se concentre sur les activités industrielles du groupe DAVIDSON.


Selon ses déclarations 70% de son activité est consacrée à des projets R&D et ingénierie sur les activités industrielles du groupe DAVIDSON.


Dans le cadre de son activité de recherche, la SAS DAVIDSON EST bénéficie du Crédit Impôt Recherche (CIR).


Le CIR est une mesure d’incitation fiscale calculée sur la base des dépenses R&D engagées par l’entreprise et selon un taux variable en fonction des investissements. Le taux de crédit d’impôt est de 30% pour les dépenses de recherches jusqu’à 100 millions d’euros.


Ainsi, sous certaines conditions, les entreprises peuvent déduire le CIR de leur impôt sur les sociétés dû au titre de l’année au cours de laquelle elles ont engagé les dépenses R&D intégrées à l’assiette du CIR. En cas d’impossibilité d’imputation sur un bénéfice le CIR excédentaire non imputé constitue une créance sur l’Etat qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des 3 années suivantes. A défaut cette créance est remboursable par l’Etat.


La SASDAVIDSON EST a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour les exercices clos 2012 et 2013. En l’absence de rectification pour ces périodes, elle a bénéficié d’un remboursement de crédit d’impôt recherche au titre de l’exercice 2013 pour un montant de 244.009 euros.


La SAS DAVIDSON EST a déclaré au titre :


- de l’année 2014 un CIR à hauteur de 433.326 euros dont elle a obtenu le remboursement


- de l’année 2015 un CIR à hauteur de 312.109 euros dont elle a obtenu le remboursement


-de l’année 2016 un CIR à hauteur de 497.728 euros partiellement remboursé et faisant apparaitre un solde de 409.547 euros


- de l’année 2017 un CIR à hauteur de 495.341 euros partiellement remboursé et faisant apparaitre un solde de 374.333 euros


- de l’année 2018 un CIR à hauteur de 401.119 euros


- de l’année 2019 un CIR de 418.825 euros totalement imputé sur l’impôt sur les sociétés.


Le directeur général des finances publiques a engagé, le 21/12/2018, une vérification de comptabilité de la SAS DAVIDSON EST concernant l’ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d’être examinées et portant sur la période du 01/01/2016 au 31/12/2017 ainsi que sur les crédits d’impôts recherche aux titres des dépenses engagées en 2015, 2016 et 2017. Ce contrôle est toujours en cours.


Le 17 décembre 2020, le directeur général des finances publiques a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BELFORT d’une requête sollicitant la mise en 'uvre de l’article L.16B du Livre des Procédures fiscales (LPF).


Par ordonnance du 4 janvier 2021, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Belfort du 4 janvier 2021 a, entre autres dispositions, autorisé l’administration fiscale par représentation de ses agents à procéder conformément aux dispositions des articles L 16 B et R.16 B-1 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) aux visites et saisies nécessitées par la recherche et la preuve des agissements présumés ' fraude au crédit impôt recherche – ou des documents et supports d’informations illustrant la fraude présumée, dans les locaux occupés par la SAS DAVIDSON EST […] à Belfort.


Par déclaration du 25 janvier 2021 la SAS DAVIDSON EST a interjeté appel, devant le premier président de la cour d’appel de Besançon, à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Belfort du 4 janvier 2021.


Cette procédure est inscrite au rôle sous le numéro 21/00007.
En exécution de l’ordonnance sus visée, la direction générale des finances publiques a procédé à la visite des lieux et à des saisies selon les modalités retracées dans le procès-verbal de visite et de saisie du 12 janvier 2021.


Par déclaration du 25 janvier 2021 la SAS DAVIDSON EST a formé un recours devant le premier président de la cour d’appel de Besançon aux fins d’obtenir l’annulation avec toutes les conséquences de droit du procès-verbal susvisé dressé le 12 janvier 2021.


Procédure inscrite au rôle sous le numéro 21/00008.


Les deux affaires, dont la jonction n’a pas été prononcée, ont été fixées à l’audience du 1er avril 2021, ont fait l’objet de renvois pour être plaidées à l’audience du 21 octobre 2021 date à laquelle elles ont été mises en délibéré.


Pour voir infirmer l’ordonnance dont appel, la SAS DAVIDSON EST, dans ses conclusions écrites valant observations orales auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, fait valoir que les conditions de mise en 'uvre de l’article L.16 B du LPF n’étaient pas réunies lorsque le juge a statué et que ce dernier n’a pas vérifié le bienfondé et la proportionnalité de la mesure.


En réponse, par conclusions écrites valant observations orales auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, le directeur général des finances publiques conclue à la confirmation de l’ordonnance dont appel.

Motivation


Par application de l’article L16 B du livre des procédures fiscales lorsque l’autorité judiciaire saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur le bénéfice ou des taxes sur le chiffre d’affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture , en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettent sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code générale des impôts , elle peut, dans des conditions prévues au II, autoriser de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés , où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie quel qu’en soit le support. [']


Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite.


A l’appui de son recours la SAS DAVIDSON allègue successivement de l’absence de caractérisation des conditions de mise en 'uvre de l’article L 16 B du LPF puis de l’absence de vérification concrète par le juge des libertés et de la détention (JLD) du bien fondé et de la proportionnalité de la mesure.

Sur l’absence de caractérisation des conditions de mise en 'uvre de l’article L 16 B du LPF

1. Sur le moyen tenant au caractère limitatif des cas de présomption de fraude pour lesquels l’autorité judiciaire peut autoriser l’administration fiscale à procéder aux visites et saisies :


Si les cas de présomption de fraude pour lesquels le juge des libertés et de la détention peut autoriser la visite et la saisie sont limitativement énumérés par le texte sus visé, en l’espèce l’ordonnance signée par le juge mentionne expressément les cas retenus à savoir « en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI. » Le juge a pris soin de viser l’intégralité des pièces fondant sa décision et de préciser sa motivation.


La SAS DAVIDSON EST a, particulièrement bien, compris la présomption retenue précisant elle-même qu’elle consiste à avoir artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte pour le calcul du CIR au titre des exercices 2014 à 1019 et aurait ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
2. Sur les moyens tenant à l’existence d’un précédent contrôle, à une procédure de vérification en cours et au recours à l’article L 16 B du LPF :


L’existence d’un précédent contrôle sur les années 2012 et 2013 ne fait pas obstacle à la décision d’engager une nouvelle vérification sur des exercices non visés par le précédent contrôle.


Ainsi la DGFiP a engagé un contrôle concernant l’ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d’être examinées et portant sur la période du 01/01/2016 au 31/12/2017 ainsi que sur les crédits d’impôts recherche aux titres des dépenses engagées en 2015,2016 et 2017.


Dans le cadre d’une vérification fiscale en cours, l’administration peut valablement solliciter une procédure de visite et de saisie, les deux procédures indépendantes l’une de l’autre peuvent aussi être complémentaires, la première permettant alors d’établir la présomption nécessaire pour mettre en 'uvre la seconde.


Le fait que la société objet de la vérification ait spontanément transmis les pièces sollicitées par l’administration dans le cadre du contrôle reste sans incidence sur la régularité de la procédure de visite et saisies dont l’objet est de rechercher des éléments corroborant les présomptions notamment par la saisie de pièces nouvelles non connues de l’administration.

3. Sur le moyen tenant à l’insuffisance des éléments fondant la présomption :


Par ailleurs la SAS DAVIDSON EST allègue de l’insuffisance des éléments fondant la présomption voire de leur fausseté.


En l’espèce, la présomption retenue par le JLD dans son ordonnance résulte du rapport de l’expert MESRI saisi aux fins d’appréciation des pièces, mais aussi des quatre réponses aux demandes d’information non contraignantes de l’administration à sept salariés de la SAS DAVIDSON EST aux termes desquelles il résultait que ceux-ci ou avaient répondu qu’ils n’exerçaient pas d’activité R&D ou qu’ils n’avaient matériellement pas le temps d’accomplir toutes les missions confiées.


Il convient de rappeler que le juge, à ce stade, ne doit apprécier que l’existence de présomptions. L’appréciation de la preuve relevant du juge du fond devant lequel les arguments allégués d’insuffisance de la preuve pourront être développés.

4. Sur le moyen tenant à la facturation du CIR :


Enfin le moyen tenant au montage des sociétés du groupe DAVIDSON et le système de facturation entre ces sociétés n’a pas d’incidence sur les éléments tenant aux conditions de l’autorisation de visite et saisies mais plus sur le droit à CIR. La présomption s’apprécie au regard de la situation d’un contribuable déterminé, en l’espèce la SAS DAVIDSON EST.


En conséquence il convient d’écarter l’intégralité des moyens présentés par la SAS DAVIDSON EST à l’appui de l’absence de caractérisation des conditions de mise en 'uvre de l’article L 16 B du LPF.

Sur l’absence de vérification concrète par le juge des libertés et de la détention (JLD) du bien fondé et de la proportionnalité de la mesure.

1. Sur le moyen d’absence de vérification concrète du juge :


Il convient de relever que les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée.


En l’espèce, chacun des éléments visés dans l’ordonnance fait référence à un numéro de pièces dont il n’est pas contesté qu’elles étaient bien jointes à l’appui de la requête.


Aucun élément ne permet d’établir que le juge n’a pas pris connaissance des pièces transmises alors même que son ordonnance est motivée et fait référence aux pièces qui permettent d’établir les présomptions de fraude.

2. Sur le moyen d’absence de proportionnalité de la mesure :
La SAS DAVIDSON EST fait enfin valoir que le JLD n’a pas rempli son rôle constitutionnel de vigie de la liberté individuelle et ne s’est pas assuré que l’exigence de proportionnalité qui découle notamment de l’article 8 de la Convention européenne des droits e l’Homme ait été respectée.


Comme rappelé supra la mise en 'uvre de l’article L16 B du LPF exige l’existence de présomptions de fraude que le juge doit apprécier in concreto. Il n’appartient pas au juge de rajouter des conditions à la mise en 'uvre de cet article, notamment celle de subsidiarité.


En l’espèce, le JLD a motivé in concreto les présomptions de fraude et a apprécié le bien fondé de la requête au regard des enjeux, de la procédure de vérification en cours.


Les garanties du contribuable ont donc été respectées tant au regard de l’article L16B du LPF que de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.


Il convient en conséquence de confirmer l’ordonnance dont appel.


L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer au directeur général des finances publiques la somme de 2.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS


La première présidente par décision susceptible de cassation

Confirme l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Belfort en date du 4 janvier 2021.

Condamne la SAS DAVIDSON EST à verser au directeur général des finances publiques, es qualité, la somme de 2.000 euros au titre de l’article du CPC

Condamne la SAS DAVIDSON EST aux dépens.

LE GREFFIER, LE PREMIER PRESIDENT.
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