Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 1er février 2022, n° 21/01010

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, ch. soc., 1er févr. 2022, n° 21/01010
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 21/01010
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Besançon, 16 mai 2021
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

BUL/SMG

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2022


CHAMBRE SOCIALE


Audience publique

du 23 novembre 2021


N° de rôle : N° RG 21/01010 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EMHS


S/appel d’une décision

du Pôle social du TJ de BESANÇON

en date du 17 mai 2021


Code affaire : 88B


Demande d’annulation d’une mise en demeure ou d’une contrainte

APPELANTE

S.A.S.U. X Y Z, sise […]

représentée par Me Z BESSE, avocat au barreau de BESANÇON, présent

INTIMÉE

URSSAF DE FRANCHE-COMTE, sise […]

représenté par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANÇON, présente

COMPOSITION DE LA COUR :


Lors des débats du 23 Novembre 2021 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 1er Février 2022 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS


La société X Y Z est immatriculée auprès de l’Union de recouvrement de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Franche-Comté (l’URSSAF) en qualité d’employeur de personnel salarié depuis le 1 er juin 2009 et est redevable à ce titre de cotisations du régime général.


Suite à un contrôle effectué en son sein, une lettre d’observations lui a été adressée par l’URSSAF le 24 juillet 2018, notifiant un redressement d’un montant de 21 639 € au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 et portant sur quatre points, dont le premier concerne les indemnités de panier non justifiées.


Le 20 août 2018, la société X Y Z a fait part de ses observations à l’inspecteur du recouvrement, lequel a maintenu le redressement pour la totalité de la somme dans un courrier du 29 août 2018.


Une mise en demeure d’un montant de 23 468 €, soit 21 639 € de cotisations et 1 829 € de majorations de retard, a été adressée à la société le 28 septembre 2018.


Par courrier du 12 novembre 2018, la société X Y Z a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF afin de contester le redressement opéré en son point n°1 intitulé «Frais professionnels : indemnités de panier non justifiées».


La commission n’ayant pas statué dans le délai qui lui était imparti, la société a saisi le tribunal judiciaire de Besançon par requête du 17 décembre 2018 afin de contester la décision de rejet implicite de la commission et voir annuler le redressement.


Par décision du 14 novembre 2019, la commission de recours amiable de l’URSSAF a finalement statué et confirmé l’intégralité du redressement opéré au travers de la mise en demeure émise le 28 septembre 2018.


La société a déposé une nouvelle requête aux mêmes fins le 7 octobre 2020 contre cette décision explicite.


Suivant jugement du 17 mai 2021, ce tribunal, après avoir ordonné la jonction des deux instances a :


- dit la requête recevable mais non fondée


- débouté la société X Y Z de l’ensemble de ses demandes


- confirmé le chef de redressement n°1 consécutif à la lettre d’observation du 24 juillet

2018


- condamné la société X Y Z au paiement de la somme de 20 640 euros dont 18 811 euros de cotisations et 1 829 euros de majorations de retard
- condamné la société X Y Z au paiement d’une

indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile


Par déclaration transmise le 8 juin 2021 par pli recommandé, la société X Y Z a relevé appel de cette décision et, aux termes de ses conclusions visées le 26 août 2021, demande à la cour de :


- annuler le point n°1 du redressement opéré par l’URSSAF de Franche-Comté pour un

montant de 18 811 euros hors majorations de retard


- débouter purement et simplement l’URSSAF de l’ensemble de ses demandes


- la condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de

procédure civile et à supporter les entiers dépens


Par ses écrits transmis le 16 novembre 2021, l’URSSAF de Franche-Comté demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner l’appelante à lui verser une indemnité de procédure de 1 500 euros.


En application de l’ article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions susvisées, auxquelles elle se sont rapportées lors de l’audience de plaidoirie du 23 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION


I – Sur l’intégration des indemnités de repas dans l’assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale


La société X Y Z soutient que c’est à tort que l’URSSAF a réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions sociales les indemnités spéciales et les indemnités de repas unique allouées à ses salariés sur la période contrôlée, au motif que les salariés ne seraient pas en situation de déplacement pour les repas du midi mais au sein des locaux de l’entreprise et que l’employeur n’est pas en mesure de justifier des conditions de prise de repas de ses salariés.


Elle rappelle à cet égard que les indemnisations de frais de repas sont envisagées par un protocole d’accord du 30 avril 1974 et que l’indemnité spéciale de repas est due lorsque le temps de repas est pris sur le lieu de travail, soulignant que les contraintes de l’activité des ambulanciers notamment en raison des transports d’urgence intervenant dans le cadre de la garde départementale organisée par l’ARS de Franche-Comté nécessite leur disponibilité au sein des locaux notamment pendant les temps de repas, ce qui constitue bien une "situation particulière de travail".


S’agissant de l’indemnité de repas unique elle soutient qu’elle est versée au salarié contraint de prendre son repas en situation de déplacement prévu à l’avance ou en cas de coupure du temps de repas effectué dans les locaux du fait d’un transport d’urgence.


L’URSSAF rappelle que les indemnités forfaitaires de repas accordées au personnel sédentaire de l’entreprise sont soumises à cotisations dès lors qu’elles ne sont pas justifiées par des conditions particulières de travail, telles que travail posté, en équipe ou en horaire décalé, et considère que les éléments produits par la société contrôlée ne permettent pas de démontrer que les indemnités spéciales pour le repas du midi et les indemnités de repas unique constituent des frais professionnels et sont versées dans le cadre d’une situation particulière de travail, au regard de l’article L. 242-1 du code la sécurité sociale, et de l’arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux conditions d’exonération de cotisations sociales des frais professionnels.


En vertu de l’article L.242-1 précédemment cité, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.


Les conditions d’exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié, lequel énonce en son article 1 que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travail salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.


En application du 1° de l’article 3 dudit arrêté intitulé "indemnité de repas", lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l’indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n’excède pas une certaine somme réévaluée chaque année.


En vertu du 3° de l’article 3 du même arrêté intitulé "indemnité de restauration sur le lieu de travail", lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l’entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu’il n’est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l’obligent à prendre ce repas au restaurant, l’indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n’excède pas une certaine somme réévaluée chaque année.


En l’espèce le contrôle a mis en lumière que l’employeur avait effectivement attribué des indemnités de repas à ses salariés, au cours de la période considérée, selon les modalités suivantes :

* une indemnité spéciale lorsque les salariés sont censés être dans les locaux de l’entreprise pour le repas de midi exclusivement

* une indemnité dite de 'repas unique’ lorsque les salariés sont censés être dans les locaux de l’entreprise en situation particulière de travail


I-1 L’indemnité spéciale


En vertu de l’article 8 du protocole d’accord du 30 avril 1974 attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950,'si le personnel dispose à son lieu de travail d’une coupure d’une durée ininterrompue d’au moins une heure et dont une fraction au moins égale à 30 minutes est comprise soit entre 11 heures et 14 heures 30 soit entre 18 heures 30 et 22 heures, une indemnité spéciale, dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, lui est attribuée'.


L’URSSAF considère que l’employeur échoue à établir que ses salariés bénéficiaires de cette indemnité se trouvaient dans une situation particulière de travail pour justifier de l’exonération de cotisations et de contributions sociales des indemnités correspondantes.


L’article E de l’accord du 16 juin 2016, en vigueur depuis le 1er août 2018, venu modifier l’accord-cadre du 4 mai 2000, dispose que la pause ou coupure ne peut être interrompue qu’en cas d’intervention dans le cadre d’urgence hospitalière dont le caractère est à la fois imprévisible et irrépressible.


A cet égard il est avéré que la société est agréée en qualité d’entreprise de transport sanitaire par l’Agence régionale de santé (ARS) de Franche-Comté, dont l’agrément du 15 juillet 2015 précise qu’il 'est délivré pour l’accomplissement des transports sanitaires de malades, blessés et parturientes effectués au titre de l’aide médicale urgente et aux transports effectués sur prescription médicale'.


Il résulte à cet égard du cahier des charges des conditions d’organisation de la garde départementale du Doubs, à laquelle la société a l’obligation de participer en sa qualité d’entreprise de transport sanitaire agréée, faute de quoi elle s’exposerait aux sanctions édictées aux articles R.6314-5 (amende) et R.6313-7-1 (suspension de l’agrément) du code de la santé publique, qu’elle doit mobiliser en fonction de ses effectifs un ou plusieurs équipage(s) joignable(s) en permanence pendant la totalité de la période de garde et dont l’activité est réservée aux demandes du Samu-Centre 14, qui porteront uniquement sur des demandes de transports urgents.


A la lumière de ces éléments, il apparaît en effet que, comme le soutient l’appelante, son personnel ambulancier peut être contraint de prendre ses pauses repas dans les locaux de la société afin d’honorer dans des conditions de réactivité optimale les interventions d’urgence au profit de patients qui peuvent survenir à tout moment de l’amplitude horaire de travail, en ce compris pendant les pauses repas, à la condition d’être de garde.


Dans une telle hypothèse, il est bien établi une situation particulière de travail contraignant les personnels roulants à prendre leur repas sur leur lieu de travail.


Cependant, ainsi que le rappelle à juste titre l’URSSAF dans ses écritures, mais avant cela la commission de recours amiable dans sa décision du 14 novembre 2019, la charge de la preuve que les salariés bénéficiaires desdites indemnités se trouvaient bien dans une situation particulière de travail, conditions exigées pour prétendre à l’exonération revendiquée, incombe à la société contrôlée.


Or, la commission souligne dans sa décision qu’en dépit de relances de la part de l’inspecteur en charge du contrôle la société n’a pas communiqué les éléments probants de nature à administrer cette preuve et la cour ne peut que constater qu’aucun document n’est versé aux débats susceptible de permettre de connaître non seulement le nombre de salariés et leur affectation, afin de déterminer notamment si tous sont appelés à l’astreinte de garde départementale ou certains d’entre eux, mais encore les horaires et l’amplitude de travail de son personnel sur la période considérée.


I-2 L’indemnité de repas unique


En vertu de l’article 8 du protocole précité, une indemnité de repas unique est susceptible d’être alloué dans deux hypothèses :

* lorsque le personnel qui se trouve, en raison d’un déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail

* lorsque le personnel dispose à son lieu de travail d’une coupure d’une durée ininterrompue d’au moins 1 heure et dont une fraction au moins égale à 30 minutes est comprise soit entre 11 heures et 14 h 30, soit entre 18 h 30 et 22 heures


Le litige est sur ce point circonscrit à la seconde hypothèse du salarié bénéficiaire de l’indemnité en raison d’une interruption de sa pause repas du fait d’une sollicitation pour un transport urgent de patient.


La société fait grief aux premiers juges d’avoir retenu notamment qu’aucun planning d’affectation des personnels n’ayant été communiqué, le bien fondé de la demande d’exonération ne pouvait être vérifié alors que, selon elle, le litige porte exclusivement sur le point de savoir si – dans les deux cas au demeurant – le salarié se trouvait ou non dans une situation particulière de travail.


Or, si le litige porte effectivement sur ce point il n’en demeure pas moins qu’une fois que le caractère particulier de la situation de travail est retenu en son principe, il incombe à l’URSSAF puis en l’occurrence au juge de vérifier que les indemnités ainsi allouées aux salariés de la société entraient bien pour chacun d’entre eux, sur la période considérée, dans le champ des deux hypothèses précédemment examinées, pour réserver une suite favorable à la demande d’exonération.


A cet égard, la production de quelques attestations de salariés rédigées en des termes très généraux, imprécis quand à la fréquence des faits relatés et à leur date, ne saurait évidemment pallier la défaillance de l’appelante dans la charge de la preuve qui lui incombe.


Lorsqu’une société contrôlée entend se prévaloir d’une exception au principe énoncé par l’article L242-1 du code de la sécurité sociale, elle doit non seulement remplir les conditions de cette exonération mais également apporter des éléments probants sur les situations justifiant d’une telle exonération.


C’est à ce titre à elle de justifier non seulement du créneau horaire, dans lequel, au cas par cas, le personnel ambulancier a été amené à effectuer sa pause repas, mais encore et surtout, du fait que le salarié a été contraint de se restaurer sur son lieu de travail, en raison de conditions particulières d’organisation de travail ou d’horaires de travail, afin d’établir si l’indemnité spéciale de repas versée, était accessible ou non à l’exonération des cotisations et contributions sociales.


Cette justification n’étant pas apportée en la cause, la contestation formée par l’appelante n’est pas fondée et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il l’a déboutée à ce titre.


II – Sur les demandes accessoires


Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.


La société X Y Z sera condamnée à payer à l’URSSAF la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel, lesdites condamnations emportant nécessairement rejet de ses prétentions formées à ces titres.

PAR CES MOTIFS


La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

CONDAMNE la SASU X Y Z à payer à l’Union de recouvrement de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Franche-Comté la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SASU X Y Z aux dépens d’appel.


Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le premier février deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.


LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,
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