Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 12 octobre 2010, n° 09/03848

  • Astreinte·
  • Syndicat·
  • Salarié·
  • Employeur·
  • Temps de travail·
  • Téléphone·
  • Domicile·
  • Logement·
  • Habitat·
  • Électricité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, ch. soc. sect. a, 12 oct. 2010, n° 09/03848
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 09/03848
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 6 mai 2009, N° F07/01018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A


ARRÊT DU : 12 OCTOBRE 2010

(Rédacteur : Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président)

(PH)

PRUD’HOMMES

N° de rôle : 09/03848

Monsieur Y-C X

c/

EDF Centre Nucléaire de Production d’Electricité du Blayais

Syndicat CGT Force Ouvrière EDF CNPE du Blayais

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 mai 2009 (R.G. n° F 07/01018) par le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d’appel du 30 juin 2009,

APPELANT :

Monsieur Y-C X, né le XXX à XXX

nationalité Française, profession technicien, demeurant lieu-dit 'Pradelle’ – XXX,

Représenté par Maître Caroline Dupuy, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉS :

EDF Centre Nucléaire de Production d’Electricité du Blayais, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, XXX, XXX,

Représenté par Maître Michel Jolly, avocat au barreau de Toulouse,

Syndicat CGT Force Ouvrière EDF CNPE du Blayais, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, XXX, XXX,

Représenté par Maître Caroline Dupuy, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 31 août 2010 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président,

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Myriam Laloubère, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise Atchoarena.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

M. X ainsi que six autres salariés a saisi le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux le 11 mai 2007 de demandes de rappel de salaire et d’indemnités de repas en exposant la situation suivante :

en sa qualité de technicien réalisation au sein de la société anonyme Electricité de France, il était affecté au centre nucléaire de production d’électricité du Blayais.

Au titre de sa fonction, il avait des périodes d’astreinte qui devaient s’effectuer à domicile à condition que ce dernier soit fixé dans une zone de 25 kilomètres autour de la centrale et sur la rive droite de la Gironde.

En outre, le salarié durant ses périodes d’astreinte devait pouvoir être joint par un téléphone sur le réseau filaire ou par une radio messagerie, étant exclu le recours à un téléphone portable ou un téléphone dépendant d’une alimentation électrique.

L’installation téléphonique devait être au nom du salarié et était régulièrement vérifiée.

M. X indiquait que les astreintes se déroulaient du vendredi 8 heures au vendredi 8 heures et donnaient lieu à un paiement d’une indemnité d’astreinte, le temps d’intervention éventuel étant décompté en temps de travail payé en heures supplémentaires.

Il faisait valoir que son habitation principale n’étant pas située dans la zone géographique autorisée, il était tenu pour remplir les conditions imposées par l’employeur, durant les périodes d’astreinte, de demeurer dans un lieu dit 'célibatorium', lieu d’hébergement extérieur à son lieu de travail et mis à sa disposition par l’employeur.

Il estimait que durant ce temps d’astreinte, dans la mesure où il ne pouvait s’éloigner de ce lieu de logement, avoir une vie familiale et personnelle normale et s’adonner à ses activités habituelles, il était à la disposition de son employeur et le temps ainsi passé devait être rémunéré non comme un temps d’astreinte mais comme un temps de travail.

Le syndicat CGT FO EDF CNPE du Blayais intervenait à ses côtés dans la procédure.

Par jugement en date du 7 mai 2009, le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux, section Industrie, statuant sous la présidence du juge départiteur, a étudié le bien fondé du système d’astreinte.

Il a relevé que même pour le salarié qui demeurait chez lui, les contraintes étaient importantes puisqu’il ne pouvait quitter son logement, étant obligé d’être à côté d’un téléphone filaire.

Il a débouté M. X de ses demandes en relevant qu’y faire droit créerait une inégalité de traitement avec le salarié d’astreinte à son domicile.

Il a déclaré le syndicat irrecevable dans ses demandes.

Il a condamné M. X à verser à la société EDF une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de 400 euros.

M. X a régulièrement relevé appel du jugement.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, il soutient :

— qu’il n’est tenu à aucune obligation de résidence à titre personnel dans la ZHA mais simplement à une obligation de résidence pendant le temps consacré aux astreintes dites d’action immédiate

— que les habitats collectifs communément appelés célibatorium sont insusceptibles d’être assimilés à des domiciles

— que le temps passé par les agents EDF du CNPE du Blayais aux astreintes d’action immédiate dans les chambres de garde d’un local appelé communément célibatorium et appartenant à leur employeur constitue un temps de travail effectif au sens de l’ancien article L 212-4 du code du travail alors applicable.

Il forme en appel les demandes suivantes :

—  207.241 euros au titre du salaire concernant des astreintes

—  20.724 euros au titre d’indemnité de congés payés afférents

—  11.325 euros au titre du rappel sur indemnités de repas.

Il demande également une somme de 5.000 euros au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 500 euros.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est fait expressément référence, le syndicat CGT FO EDF du CNPF du Blayais demande réformation du jugement, soutient que son intervention est recevable et demande :

—  1 euro au titre de dommages-intérêts

—  1.500 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la société Electricité de France demande confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions et la condamnation de chaque agent en cause d’appel à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 500 euros.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité et le bien fondé des demandes présentées par le syndicat CGT FO EDF CNPE du Blayais

Pour déclarer irrecevable l’intervention de ce syndicat, le premier juge a

relevé que le syndicat CGT FO EDF CNPE du Blayais produisait ses statuts en date du 1er mai 2001, justifiait par une attestation du préfet de région en date du 16 septembre 2002 de son inscription sur le registre départemental des syndicats professionnels sous le n° 4916 et versait aux débats un courrier adressé à la préfecture en date du 6 février 2004 précisant la composition de son nouveau bureau syndical. Mais le premier juge a relevé que le syndicat ne justifiait pas du dépôt de ses statuts en mairie ni du fait que l’inscription sur le registre départemental des syndicats professionnels impliquait nécessairement qu’il ait fait l’objet d’une inscription préalable en mairie.

Il estimait donc qu’il ne démontrait pas avoir une existence légale lui permettant de prétendre agir en justice.

En cause d’appel, le syndicat CGT FO EDF CNPE du Blayais justifie de ce que le 2 juillet 2001, ses statuts ont été régulièrement déposés à la Mairie de Braud Saint Louis.

Sont également produits les documents attestant de ce que M. Y Z A est devenu secrétaire général du syndicat le 6 février 2004 et a pouvoir de représenter le syndicat au soutien des intérêts de ses membres devant les juridictions prud’homales.

Il y a donc lieu de constater que le syndicat CGT FO EDF CNPE du Blayais est recevable à intervenir, le litige en cours portant sur l’application de dispositions dont la violation éventuelle est de nature à porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la nature des temps d’astreinte

Comme l’a exactement relevé le premier juge, les dispositions légales qui doivent être prises en compte sont les articles L 3121-1 et L 3121-9 sur le temps de travail et l’article L 3121-5 sur le temps d’astreinte.

Le temps de travail 'effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles'.

Une période d’astreinte 's’entend comme une période pendant laquelle le salarié sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise'.

En l’espèce, le premier juge a exactement relevé que, compte tenu de l’activité particulière du centre nucléaire du Blayais, le principe de la nécessité du recours aux astreintes n’était pas discuté.

De même, il a retenu que le litige portait sur les astreintes d’action immédiate auxquelles M. X était tenu du fait de son statut professionnel.

Il a repris dans des motifs auxquels la Cour renvoie expressément, le contenu des circulaires internes dites PERS qui prévoient qu’en raison des aspects tout à fait spécifiques du site, les agents qui sont tenus à effectuer ces astreintes dites d’action immédiate, doivent demeurer dans une zone dite Zone d’Habitat d’Astreinte, soit, dans un rayon de 25 kilomètres autour de la centrale et sur la rive droite de la Gironde.

La PERS 849 qui définit la ZHA prévoit que les agents soumis à astreinte d’action immédiate doivent résider à l’intérieur de cette zone.

La circulaire prévoit également que le salarié d’astreinte doit rester d’une façon permanente à son domicile ou à proximité immédiate pour répondre à tout appel.

Une note du 21 août 1990 prévoit que les agents d’astreinte non logés dans un logement EDF ou dont la distance domicile centrale est supérieure à 25 kilomètres ou dont la résidence est sur la rive gauche de la Gironde, seront logés dans un célibatorium mis en place par l’employeur afin de loger les salariés durant leur temps d’astreinte.

L’agent qui ne respecterait pas ces règles serait exclu du système des astreintes.

Outre le fait de résider à l’intérieur de la zone d’habitat d’astreinte, le salarié est soumis à une autre obligation, celle de se trouver à proximité immédiate d’un téléphone filaire à son nom, l’usage du téléphone portable n’étant qu’accessoire au téléphone filaire.

En outre le téléphone fixe doit être indépendant du système d’alimentation électrique.

Le premier juge a de manière exacte relevé que le salarié demandeur, comme ceux qui avaient saisi en même temps que lui le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux, ne demeurait pas dans la zone d’habitat d’astreinte et de ce fait se trouvait hébergé durant sa semaine d’astreinte dans un 'célibatorium'.

Le salarié fonde sa réclamation sur le fait qu’il estime que le temps qu’il passe dans ce logement collectif excède la notion de temps d’astreinte, tant sa dépendance par rapport à l’employeur est importante et doit être analysé comme du temps de travail.

Il ne fonde cette analyse que sur l’obligation qui est la sienne de résider dans un logement collectif appartenant à l’employeur du vendredi 8 heures à un autre

vendredi 8 heures, sans être autorisé à quitter ce logement.

L’employeur produit une note du 26 mars 2007 qui dispose que désormais, les salariés ayant une astreinte d’action immédiate doivent résider dans la ZHA, cette détermination de leur résidence étant une condition indispensable pour pouvoir occuper un poste entraînant une astreinte d’action immédiate. Cette disposition est applicable aux salariés engagés postérieurement au 12 octobre 2004, les autres pouvant continuer exceptionnellement à résider dans la ZHA pendant leur semaine d’astreinte.

En réalité, l’astreinte qui s’impose à M. X du fait de ses fonctions l’oblige en tout état de cause à résider à l’intérieur de la zone d’habitat d’astreinte et à être doté d’une installation téléphonique fixe à son nom, devant répondre à un certain nombre de critères et contrôlée à chaque début de période d’astreinte.

Pour mettre l’accent sur l’importance de ces astreintes, les procédures que doivent suivre les salariés concernés en cas de nécessité impérieuse de s’éloigner de leur domicile, sont extrêmement précises et détaillées et chaque salarié doit avant de s’éloigner de son domicile, s’il y est obligé, informer sa hiérarchie qui procédera à son remplacement immédiat.

Le système de rémunération est fixé à 15 % pendant la semaine, 18 % pendant les heures de nuit du week-end et 25 % pendant les heures de jour du week-end.

Le demandeur ne conteste pas que le système d’astreintes décrit ci-dessus correspond bien à cette qualification, le salarié s’il est obligé de rester à son domicile étant libre durant ce temps de se livrer à toutes les occupations personnelles qui n’impliquent pas un déplacement à l’extérieur.

En revanche, il soutient que le fait de l’obliger à résider dans un local appartenant à l’employeur, transforme ce temps d’astreinte en un temps de travail effectif. Il fait notamment référence à la législation européenne qui effectivement ne connaît pas la notion d’astreinte et qui oppose repos et travail en considérant comme travail, toute période passée dans un local appartenant à l’employeur et sur ordre de son employeur.

En l’espèce, il sera relevé que la résidence habituelle de M. X ne se situait pas dans la ZHA. La seule obligation qui était faite à M. X était de résider dans cette zone ; l’employeur proposant le logement durant la période d’astreinte dans un local lui appartenant et situé en dehors du lieu de travail, il ne peut être soutenu qu’il réside dans ce 'célibatorium’ du fait d’une obligation posée par l’employeur.

La seule contrainte émise par l’employeur qui se justifie par la nature de l’astreinte et par les caractéristiques de l’activité exercée, est la résidence durant la semaine d’astreinte dans une zone géographiquement délimitée et suffisamment large pour respecter la liberté de chacun.

Le logement dans le célibatorium est donc une modalité de cette astreinte mais ne peut à lui seul transformer ce temps d’astreinte en un temps de travail effectif.

En effet, le salarié insiste surtout sur l’inconfort du lieu et sur les contraintes que peut poser un hébergement de type collectif, même si chacun dispose d’une chambre individuelle et il fait état de ce que sa vie relationnelle, tant familiale qu’amicale est considérablement génée par cette situation.

Cependant, aucun élément ne permet d’affirmer que M. X ne puisse se livrer à des activités personnelles de loisirs telles qu’il pourrait les pratiquer s’il était à son domicile, la notion d’astreinte impliquant en elle même, une restriction à la liberté d’aller et venir du salarié, ce qui justifie d’ailleurs qu’elle soit indemnisée et les questions de confort du cadre de vie, si elles sont importantes et peuvent donner lieu à discussion et à amélioration, ne peuvent en elles même influer sur la définition du temps de travail.

Par d’exacts motifs que la Cour fait siens, le premier juge a estimé que le temps passé par M. X en dehors du temps d’intervention, devait être considéré comme une astreinte et l’a débouté de ses demandes de rappel de salaire et des indemnités de repas qui en découlaient.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

En raison de la confirmation du jugement ayant débouté M. X de ses demandes, le syndicat CGT FO EDF CNPE est mal fondé en son intervention et débouté de ses demandes.

La disposition du jugement ayant condamné M. X à verser à EDF une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera confirmée.

En revanche, en cause d’appel, l’équité commande de ne pas allouer à EDF une nouvelle indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable l’intervention du syndicat CGT FO EDF CNPE du Blayais,

et statuant à nouveau sur ce point :

' dit l’intervention de ce syndicat recevable mais mal fondée et le déboute de ses demandes,

y ajoutant :

' dit n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

' laisse les dépens de la procédure d’appel à la charge de M. X.

Signé par Madame Marie-Paule Descard-Mazabraud, Président, et par Madame Françoise Atchoarena, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

F. Atchoarena M-P Descard-Mazabraud

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 12 octobre 2010, n° 09/03848