Cour d'appel de Bordeaux, 9 mai 2014, n° 12/06806

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www.actu-juridique.fr · 24 octobre 2023

BJA Avocats · 2 septembre 2020

Le présent article a pour objet de répondre à vos interrogations concernant la responsabilité du propriétaire, ainsi que celle du locataire, du Syndic et du gestionnaire en matière de dératisation et désinsectisation. Il convient en effet de répondre à cette question en évoquant l'éventuelle responsabilité de chacun d'entre eux. A Paris, Marseille et plus particulièrement dans toutes les grandes agglomérations, la lutte contre les nuisibles est devenu un enjeu sanitaire majeur, à l'instar de la lutte contre l'habitat indigne. A cet égard, la loi ELAN n'a pas manqué d'ajouter une …

 

Cabinet Neu-Janicki · 5 juillet 2014

Au titre de son obligation d'entretien des lieux loués, le bailleur doit faire réaliser toutes les interventions de désinsectisation dans l'appartement occupé par le locataire. La mise en œuvre d'un traitement de désinsectisation ne figure pas dans la liste, annexée au décret du 26 août 1987, des travaux d'entretien courant et de menues réparations incombant au locataire. Bien qu'informé d'une infestation du logement, le bailleur s'est borné à adresser un courrier au locataire lui indiquant qu'il devait effectuer le nettoyage et les démarches nécessaires pour que les insectes …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 9 mai 2014, n° 12/06806
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/06806
Décision précédente : Tribunal d'instance de Cognac, 14 octobre 2012, N° 11-12-000061

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 09 MAI 2014

(Rédacteur : B-Pierre FRANCO, conseiller,)

N° de rôle : 12/06806

D K épouse Y

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/021878 du 20/12/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

F I, B X

L M N épouse X

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 octobre 2012 par le Tribunal d’Instance de COGNAC (RG : 11-12-000061) suivant déclaration d’appel du 07 décembre 2012

APPELANTE :

D K épouse Y

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

représentée par Maître Laurene D’AMIENS de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D’AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

F I, B X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

L M N épouse X

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

représentés par Maître Sophie ROBIN-ROQUES de la SELARL ARNAUD – FORESTAS – ROBIN-ROQUES, avocat au barreau d’ANGOULEME

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 mars 2014 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant B-Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Brigitte ROUSSEL, président,

Thierry LIPPMANN, conseiller,

B-Pierre FRANCO, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Sur requête présentée au visa de l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 par M. et Mme F X, bailleurs, le juge d’instance de Cognac a, par ordonnance en date du 29 décembre 2011, constaté la résiliation du bail consenti le 19 mars 1999 à Mme D Y, portant sur le logement situé à XXX.

À la suite de l’opposition formée par Mme Y le 22 mars 2012, le tribunal d’instance de Cognac a, par jugement en date du 15 octobre 2012 :

— constaté la résiliation du bail,

— dit que les biens se trouvant dans le logement n’ayant aucune valeur marchande sont abandonnés et seront mis en déchetterie à l’exception des documents et des objets de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par huissier de justice;

— fixé à la somme de 5886,24 euros la somme due à M. et Mme X à titre de dommages et intérêts,

— fixé à la somme de 3600 € les dommages-intérêts dus par M. et Mme X à Mme Y pour manquement des bailleurs à leur obligation de louer un logement répondant aux caractéristiques d’un logement décent,

— ordonné la compensation entre ces sommes,

— condamné après compensation Mme Y à payer à M. et Mme X la somme de 2286,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— condamné Mme Y à payer à M. et Mme X la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens incluant le coût du constat d’huissier et de la mise en demeure de justifier de l’occupation des lieux.

Par déclaration en date du 7 décembre 2012, Mme Y a relevé appel de ce jugement dans des conditions de régularité non contestées.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2013, par lesquelles elle demande à la cour :

— de déclarer son appel recevable et bien fondé,

— d’infirmer le jugement,

— de débouter les époux X de leurs demandes,

— de prononcer la résiliation du bail aux torts du bailleur,

— de condamner solidairement M. et Mme X à lui payer la somme de 39732,12 euros au titre de remboursement des loyers versés sans cause, celle de 12150 € à titre de dommages-intérêts et celle de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 24 avril 2013 par M. et Mme X, appelants incidents, tendant à voir:

— réformer le jugement en ce qu’il a prononcé leur condamnation au paiement de la somme de 3600 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de louer un logement répondant aux caractéristiques d’un logement décent,

— confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

— prononcer en conséquence la résiliation du bail liant les parties,

— ordonner la reprise des lieux par leurs soins en les autorisant à jeter le mobilier resté à l’intérieur du logement,

— condamner Mme Y à leur payer la somme de 5886,24 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

— débouter celle-ci de l’intégralité de ses demandes,

— condamner Mme Y au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu l’ordonnance de clôture intervenue le 20 février 2014,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties à la décision déférée et aux dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION :

En l’absence de cause d’irrecevabilité susceptible d’être soulevée d’office, et de toute contestation sur ce point, il y a lieu de déclarer l’appel principal et l’appel incident recevables.

Sur la résiliation du bail:

Mme Y demande à la cour de résilier le bail aux torts de M. et Mme X, sans loyer à sa charge, en soutenant qu’elle a quitté les locaux par suite des risques manifestes pouvant porter atteint à sa sécurité physique et à sa santé et à celles de ses enfants, en raison notamment d’une invasion massive des cafards dans l’ensemble du logement et d’infiltrations d’eau, auxquelles les bailleurs n’avaient pas porté remède.

À la suite du courrier adressé le 30 juillet 2010 par Mme Y au directeur de la DASS de Charente, le GIP Charente solidarités a effectué une visite du logement en présence du bailleur le 9 septembre 2010, puis lui a notifié le 22 septembre 2010 une grille d’évaluation, indiquant que le logement n’était pas conforme au décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques d’un logement décent pour les motifs suivants :

— absence de certains robinets de commandes de radiateur, ne permettant pas d’obtenir un chauffage normal dans certaines pièces,

— espace trop important entre les gardes corps et les allèges des fenêtres de l’étage,

— menuiseries extérieures en mauvais état, ne protégeant pas les locaux des infiltrations d’eau,

— rambarde de la trémie de l’étage insuffisamment haute,

— présence d’une fuite d’eau au niveau de la baignoire,

— branchement d’électricité non conforme aux normes de sécurité,

— présence d’une fuite d’eau sous le WC,

— descellement partiel d’une souche de cheminées côté rue.

Le contrôle a mis en évidence également la présence de cafards en particulier dans la salle d’eau, l’existence d’une infiltration en toiture niveau de la chambre numéro deux (d’après la locataire)et une ventilation insuffisante dans les pièces d’eau dont les bouches de ventilation sont sales (humidité et moisissures).

À la suite de ce contrôle, les bailleurs ont fait procéder aux réparations suivantes :

— le 22 décembre 2010, une porte ainsi que cinq fenêtres en PVC ont été installées,

—  8 février 2011, la baignoire a été remplacée par un bac à douche, le WC a été remplacé ainsi que les robinets de radiateur et le col de cygne du robinet de l’évier,

— le 22 février 2011, des pièces ont été changées sur la chaudière à la suite d’une panne,

— les 24 février 2011, puis le 5 juillet 2011, des gardes ont été mises en place dans les chambres la salle de bains et le palier,

— le 28 juillet 2011, des travaux d’électricité ont été réalisés.

Il n’est pas démontré que le dégât des eaux révélé par les traces de coulure sur les peintures murales de la chambre soit postérieur à la réalisation des travaux de couverture en 2007.

Lors du départ de la locataire, il subsistait, de manière certaine, une absence de ventilation mécanique seule de nature à résoudre les phénomènes de condensation, d’humidité et de moisissures, ainsi qu’une invasion massive de blattes qui rendait les locaux totalement inhabitables (le constat d’huissier effectué le 9 septembre 2011 mentionne, avec photos annexées, que la maison a été envahie par des milliers d’insectes, présents sur le sol, dans les placards, les vêtements et jusqu’à l’intérieur des éléments d’électroménager).

Or, la mise en 'uvre d’un traitement de désinsectisation ne figure pas à la liste des travaux d’entretien courant et de menues réparations incombant aux locataires, telle que figurant en annexe au décret numéro 87-712 du 26 août 1987.

Les bailleurs connaissaient cette infestation, puisque M. F X était présent lors du contrôle des lieux le 9 septembre 2010, et qu’ils ont reçu un rapport d’intervention de l’entreprise DGS en date du 22 février 2011, indiquant que des cafards étaient présents dans l’appartement ainsi que dans la chaudière, et qu’il y avait ainsi un risque important de court-circuit.

M. et Mme X n’ont pas pris la mesure de leurs obligations en adressant simplement un courrier à leur locataire le 1er mars 2011, en lui indiquant qu’elle devait effectuer elle-même le nettoyage et les démarches nécessaires afin que les insectes disparaissent.

Ils ont donc manqué à leur obligation d’entretenir les locaux en l’état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués, mise à leur charge par l’article 6 c) de la loi du 6 juillet 1989.

Il convient en conséquence de confirmer la décision, en ce qu’elle prononce la résiliation du bail, sauf à préciser que celle-ci intervient aux torts des bailleurs à la date du 12 octobre 2011, date à laquelle ces derniers ont reçu de Mme Y un courrier recommandé les informant de son déménagement.

La locataire sortante n’a formé aucune revendication à l’égard des objets et meubles laissés dans le logement; il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu’il a autorisé les propriétaires à s’en débarrasser.

Concernant la demande en paiement de dommages-intérêts formée par M. et Mme X:

Même si elle était fondée à quitter les lieux devenus inhabitables, Mme Y devait restituer les clés dès la confirmation de son départ, intervenue par courrier recommandé reçu par M. et Mme X le 12 octobre 2011; ce qu’elle n’a finalement fait que très tardivement, le 16 juillet 2012, en ne remettant d’ailleurs à l’huissier de Justice qu’un exemplaire, en soutenant avoir perdu l’autre clé.

En formant opposition à l’ordonnance constatant la résiliation du bail et en conservant par devers elle les clés de la maison, Mme Y a donc fait obstacle à la reprise des lieux par les bailleurs, empêchant ces derniers de relouer l’appartement, alors même qu’elle n’avait formulé aucune intention de revenir dans les lieux.

Il convient toutefois de considérer que durant le mois de septembre tout le mois d’octobre la maison ne pouvait être relouée compte tenu de la nécessité d’y faire réaliser un traitement complet de désinsectisation.

La faute de Mme Y a donc fait perdre aux bailleurs les loyers qu’ils auraient pu percevoir de novembre à juillet 2012, soit une somme de 500 x 9 = 4 500 euros, sur la base du loyer en vigueur jusqu’au départ de l’appelante.

Par voie d’infirmation du jugement déféré, il convient de condamner Mme Y à payer à M. et Mme X la somme de 4 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Concernant les demandes de dommages-intérêts de Mme D Y:

En premier lieu, Mme Y sollicite la condamnation des bailleurs à lui payer la somme de 39732,12 euros correspondant au remboursement de l’intégralité des loyers versés mais non causés, de 2003 à fin 2010, date de réalisation des travaux.

Mais en réalité cette demande n’aurait pu prospérer que si la maison donnée en location avait été totalement insalubre et inhabitable dès 2003.

Or, à l’issue de la visite sur place effectuée le 9 septembre 2010, le GIP Charente Solidarités n’a pas classé le logement comme insalubre mais a simplement indiqué qu’il était non conforme sur plusieurs points au décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques d’un logement décent.

Le paiement mensuel du loyer demeurait donc causé durant la période faisant l’objet de la demande, de 2003 à fin 2010, comme contrepartie de la mise à disposition et de l’occupation de la maison.

C’est donc à juste titre que le tribunal a rejeté ce chef de demande; la décision sera confirmée à ce titre.

Mme Y sollicite en outre la réparation de son préjudice de jouissance, sur une période de 81 mois.

C’est à juste titre que le tribunal a retenu l’existence d’un préjudice de jouissance durant deux ans jusqu’en décembre 2010 du fait des anomalies constatées par le Pact de la Charente, en fixant à 150 € par mois le montant de l’indemnisation due par les bailleurs.

Il existe en outre une période durant laquelle le préjudice de jouissance a été considérablement majoré du fait de l’invasion d’insectes dans la maison, entre janvier 2011 et le 20 août 2011 (date du déménagement).

De ce chef, il y a lieu de porter à 250 € par mois l’indemnisation du trouble subi, ce qui représente une somme de 250 x 8 = 2 000 euros durant cette période.

Au total la locataire est donc créancière d’une somme de 3 600 + 2 000 = 5 600 euros; le jugement sera donc réformé sur ce point.

Il convient d’ordonner la compensation entre les créances réciproques et de condamner en conséquence M. et Mme F X à payer à Mme Y la somme de 1 100 € à titre de dommages-intérêts.

Il n’est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles; et les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort :

Reçoit Mme Y en son appel principal et M. et Mme X en leur appel incident;

Confirme le jugement en ce qu’il a:

— déclaré recevable l’opposition formée par Mme Y à l’ordonnance du 29 décembre 2011,

— dit que les biens se trouvant dans le logement n’ayant aucune valeur marchande seront mis à la déchetterie à l’exception des documents et des objets de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par huissier de justice,

— prononcé la résiliation du bail d’habitation, sauf à préciser que celle-ci intervient aux torts de M. et Mme X, à la date du 12 octobre 2011,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Fixe à 4 500 € le montant des dommages-intérêts dus par Mme Y à M. et Mme X, en raison de la conservation indue des clés jusqu’au 16 juillet 2012,

Fixe à 5 600 € le montant des dommages-intérêts dus par M. et Mme X à Mme Y en réparation des troubles de jouissance consécutifs à la non-conformité du logement donné à bail au regard des normes de décence,

Ordonne la compensation entre ces créances réciproques,

Condamne en définitive M. et Mme X à payer à Mme Y la somme de 1 100 € à titre de dommages-intérêts,

Dit que cette somme produira intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Brigitte ROUSSEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, 9 mai 2014, n° 12/06806