Cour d'appel de Bordeaux, 29 septembre 2016, n° 14/07202

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 29 sept. 2016, n° 14/07202
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/07202
Décision précédente : Tribunal d'instance de Libourne, 21 octobre 2014, N° 11-12-718

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU : 29 SEPTEMBRE 2016

(Rédacteur : Madame Catherine COUDY, Conseiller)

N° de rôle : 14/07202

fg

Madame N-O X

Monsieur AC-AD X

c/

Madame C D

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 octobre 2014 (R.G. 11-12-718) par le Tribunal d’Instance de LIBOURNE suivant déclaration d’appel du 10 décembre 2014

APPELANTS :

Madame N-O X née le XXX à XXX

de nationalité Française, demeurant XXX

Monsieur AC-AD X, sous curatelle de Madame X N-O né le XXX à XXX, demeurant XXX

Représentés par Me Emmanuel SUTRE, avocat au S de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame C D née le XXX à XXX

Représentée par Me Stéphane PICARD de la SELARL ACTIONS, avocat au S de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 juin 2016 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Michel BARRAILLA, Président,

Madame Catherine COUDY, Conseiller,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

PROCEDURE :

Madame C D est propriétaire, par suite d’un acte de donation en date du 28 septembre 2004, d’un immeuble situé lieu-dit Peyfaure à XXX, cadastré section XXX et XXX pour 29 a 37 ca, occupé par ses deux parents.

Cette propriété confronte celle des consorts AC-AD et N-O X.

Considérant que les consorts X avaient laissé proliférer sur leur fonds divers végétaux, arbres, notamment des bambous empiétant sur son propre fonds, dont les racines rampantes présentaient un danger pour l’assainissement et le réseau d’évacuation des eaux de son immeuble et continuant à proliférer malgré le creusement d’un fossé aux frais de ses parents, madame D a fait assigner monsieur et madame X devant le tribunal d’instance de Libourne.

Par jugement avant dire droit du 18 décembre 2013, ce tribunal a ordonné une expertise confiée à monsieur G.

Après dépôt du rapport d’expertise, madame D a conclu en demandant au tribunal de condamner ses voisins à lui payer la somme de 5 000 € de dommages et intérêts pour les nuisances subies et les travaux de tranchée déjà entrepris, à arracher les bambous et leurs racines en provenance de leur fonds ainsi que tous les végétaux qui envahissent sa propriété sous astreinte de 500 € par jour de retard, 8 jours après la signification de la décision à intervenir, à faire installer une barrière anti-rhizomes sous astreinte de 500€ par jour de retard, 8 jours après la signification de la décision à intervenir et de leur ordonner d’élaguer les arbres qui surplombent son fonds.

Par jugement en date du 22 octobre 2014, le tribunal d’instance de Libourne a:

— condamné les consorts X à arracher les bambous et leurs racines en provenance de leur fonds envahissant la propriété de madame D et à faire poser entre leur fonds et celui de cette dernière une barrière anti-rhizomes dans les deux mois de la signification de la présente décision, sous astreinte de 20 € par jour de retard, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte.

— condamné les consorts X au paiement de la somme de 1000 € en réparation du préjudice résultant de la présence de bambous.

— les a condamnés au paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Le tribunal a retenu que, selon le rapport de l’expert, il existait des bambous sur 16 m le long de la clôture séparant les fonds, les bambous avaient repoussé malgré un gyrobroyage, le dynamisme de la progression des bambous avait été accentué par les aménagements hydrauliques réalisés sur la propriété D, l’entretien ayant consisté à couper les bambous à chaque repousse avait provoqué le nanisme des repousses mais aussi la propagation plus large des rhizomes, la tranchée effectuée sur le terrain D avait permis d’endiguer provisoirement cet envahissement et une barrière artificielle pouvait être installée avec réalisation d’une tranchée le long de la clôture, tous éléments confirmés par attestation et justifiant de condamner les époux X sous astreinte à arracher les bambous et leur racine.

Il a par ailleurs relevé que les autres arbres incriminés avaient fait l’objet d’un élagage selon facture produite s’agissant du chêne d’Amérique et que l’expert n’avait pas relevé d’empiétement, de sorte que les demandes portant sur les autres arbres devaient être rejetées et a considéré que le préjudice de madame D devait être évalué à 1.000€.

Par déclaration du 10 décembre 2014, madame N-O X, et monsieur AC-AD X sous curatelle de madame AK-O X ont interjetés appel de la décision.

Après échange des conclusions des parties, l’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2016 et a fixé l’affaire à l’audience du 7 juin 2016, à laquelle la décision a été mise en délibéré à ce jour.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 13 mai 2016, madame N-O X et monsieur AC-AD X demandent à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondée l’appel formé par eux,

Y faisant droit, infirmer le jugement dont appel,

— dire et juger que la provenance des bambous litigieux sur la parcelle D par la parcelle X n’est pas établie et débouter madame D de l’ensemble de ses demandes.

— retenir en tout état de cause que l’implantation du réseau d’évacuation des eaux par madame D est responsable du développement des bambous litigieux,

— condamner l’intimée au paiement d’une somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et frais d’expertise.

Monsieur et madame X soutiennent que le litige a pour seule origine un conflit familial les opposant à leur voisine et cousine germaine, qu’elle avait elle-même laissé proliférer des bambous existant sur son terrain durant des années, qu’elle convoite leur terrain qu’ils font entretenir par un jardinier, que les deux parcelles proviennent d’une parcelle unique vendue pour partie à monsieur X père, et pour partie au parents de madame D, qu’il n’existait à l’origine aucune limite entre les deux fonds, que les bambous existaient alors sur chacune des parcelles, et qu’il existait une incertitude sur le ligne séparative des deux fonds.

Ils font par ailleurs valoir qu’il est visé les articles 671, 672 et 673 du code civil, que les bambous sont une espèce des graminées, donc des herbes, et ne sont pas des arbres ou des arbrisseaux, et sont d’une hauteur inférieure à 2 mètres, de sorte que ces articles ne peuvent recevoir application.

Ils notent que le rapport conclut que les bambous semblent venir de leur propriété, de manière non affirmative, qu’il n’a été mené aucune étude pour connaître leur espèce et leur ancienneté, que l’origine de la plantation des bambous est indéterminée, comme l’a relevé l’expert, qui a affirmé qu’ils semblent avoir été plantés par la tante des deux parties, de sorte qu’ils ne peuvent être condamnés à les arracher.

Ils ajoutent que le témoignage de madame I, tante commune ayant pris partie dans le litige familial, ne peut être retenu car il est mensonger, celle-ci n’ayant jamais entretenu leur terrain, la mention bambou ayant été rajoutée sur la facture produite, et la vigne dont elle fait état étant absente à l’époque qu’elle indique, qu’il ne peut être accordé aucun crédit à des captures d’écran pouvant faire l’objet de manipulations diverses et que les attestations produites par eux révélent que les bambous existaient autrefois des deux côtés de la clôture des deux fonds, de sorte qu’ils ne peuvent être déclarés responsables de l’existence des bambous sur la propriété voisine.

Ils ajoutent qu’alors même qu’il est établi que les bambous étaient concentrés sur une zone circonscrite, la mise en place du réseau des eaux usées à proximité a permis l’expansion des bambous sur la propriété de madame D.

Enfin, ils contestent l’allocation de dommages et intérêts à leur charge en arguant que leur voisine ne subit aucun préjudice.

Selon dernières conclusions communiquées par voie électronique du 12 mai 2015, madame C D demande à la cour, au visa des articles 671,672 et 673 du code civil et du rapport d’expertise de :

— dire et juger mal fondé l’appel des consorts X,

— confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 octobre 2014,

En conséquence :

— condamner les consorts X à arracher les bambous et leurs racines en provenance de leur fonds envahissant la propriété de madame D et à faire poser entre leur fonds et celui de Madame D une barrière anti-rhizomes dans les deux mois de la signification de la présente décision, sous astreinte de 20 € par jour de retard.

— condamner les consorts X au paiement de la somme de 1.000 € en réparation du préjudice résultant de la présence de bambous,

En tout état de cause :

— dire et juger que l’implantation du réseau d’évacuation des eaux par Madame D est (sans) conséquence sur l’obligation des consorts X,

— condamner ces derniers au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle expose que son fonds est occupé par ses parents âgés, que le fonds des consorts X possède des bambous qu’ils ont laissé proliférer et dont les racines représentant un danger pour son réseau d’assainissement en raison de leurs racines rampantes et que toutes les démarches amiables sont restées vaines.

Elle souligne que les bambous viennent uniquement de la propriété voisine car son fonds était autrefois entièrement planté de vignes, ce que madame I a attesté et qui ressort de diverses photographies produites aux débats, concluant que les bambous ont pour seule origine la propriété X.

Elle soutient que les articles 671 et suivants du code civil sont applicables aux bambous qui ne sont pas des graminées et sont assimilés à des arbres au regard de leurs effets nocifs, comme retenu par la jurisprudence.

Elle conteste que l’envahissement des bambous puisse provenir de son fonds, et relève que le droit à la coupe des arbres et arbrisseaux dépassant sur son fonds est imprescriptible et que, si elle a le droit de couper les branches dépassant sur sa propriété, il ne s’agit pas d’une obligation et ce droit ne dispense pas le propriétaire du fonds d’où proviennent les racines et arbres de ses propres obligations.

Elle demande dès lors la condamnation sous astreinte de ses voisins à les arracher et installer une barrière anti-rhizomes.

Elle ajoute enfin qu’elle a fait installer un réseau d’assainissement selon les normes réglementaires et que le choix de l’implantation de ce réseau n’est en rien responsable des dépassements des rhizomes sur sa propriété, d’autant qu’il n’y avait aucun rhizome au jour de la réalisation de la tranchée dont l’emplacement avait repris celui qui existait précédemment.

MOTIVATION :

La recevabilité de l’appel formé par monsieur et madame X contre le jugement du tribunal d’instance de Libourne du 22 octobre 2014 n’est pas contestée.

L’action de madame C D est fondée sur les articles 671, 672 et 673 du code civil et non sur les troubles anormaux de voisinage.

Selon l’article 671 du code civil, 'il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus, et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages, pour les plantations dont le hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations…'.

L’article 672 du même code ajoute que:

'Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes , plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre par destination du père de famille ou prescription trentenaire.

Si les arbres meurent, ou s’ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu’en observant les distances légales.'

Enfin, l’article 673 du code civile énonce que :

'Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.

Si ce sont des racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de couper lui-même à la limite séparative.

Le doit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux est imprescriptible.'

L’application de ces textes à des bambous n’est pas contestable, même si les bambous font partie de la famille des graminées, la notion d’arbre étant prise dans son acceptation courante et les bambous présentant, comme tout arbre, un tronc pouvant atteindre plusieurs mètres et des branches.

La demande présentée par madame D vise essentiellement à la condamnation de ses voisins à arracher les bambous et à poser une barrière anti-rhizome sur la propriété X, en limite de séparation, afin d’éviter une prolifération des bambous sur son terrain.

Il sera tout d’abord constaté que la demande porte sur les bambous poussant sur le terrain D, ainsi qu’il est expressément indiqué en page 7 (avant dernier-paragraphe) des conclusions de madame D, et non sur les bambous situés le long de la clôture sur le terrain X au motif qu’ils seraient plantés à moins de 50 cm ou de 2 mètres selon qu’ils atteindraient ou non une hauteur de 2 mètres.

Les consorts X n’invoquent pas de prescription et il n’est pas contesté que les droits de couper les ronces, brindilles, racines, branches des arbres, arbustes et arbrisseaux est imprescriptible.

Il résulte du rapport de l’expert, monsieur G, que la présence du réseau d’assainissement de la propriété D a facilité la prolifération des bambous sur la propriété D.

Mais comme l’indique madame D, le droit prévu par les articles 673 du code civil n’est pas lié à une faute, et il importe peu que l’installation de ce collecteur ait eu un rôle dans la présence des bambous sur sa propriété.

Cet élément ne saurait priver madame D des droits de couper ou exiger la coupe les arbres ou autres émanant du fonds voisin et dépassant sur son fonds, accordés par l’article 673 du code civil.

Il appartient néanmoins à madame D, pour obtenir la condamnation des consorts X à enlever les bambous existant sur son terrain, de prouver qu’ils proviennent de la propriété X et que les rhizomes proviennent exclusivement de cette propriété, ce qui sera certain s’il n’y a jamais eu de bambous sur sa propriété.

Il est en effet déterminant de savoir si les bambous existaient originairement uniquement sur la propriété X ou s’ils existaient au contraire sur les deux propriétés, ce qui met madame D dans l’impossibilité d’établir que les rhizomes et bambous viennent de la propriété voisine, sauf justification de travaux particuliers d’extraction des rhizomes sur son bien, le propre des bambous étant de posséder un réseau de racines rampantes.

Il est tout d’abord établi et non contesté que les deux propriétés proviennent de la division d’une propriété unique appartenant aux consorts E en 1963.

Monsieur et madame X qui affirment qu’il a toujours existé des bambous sur les deux propriétés et qu’ils ont assuré l’entretien de leur propriété, produisent diverses attestations pour étayer leur thèse.

Ainsi, monsieur R S atteste avoir assuré l’entretien de la parcelle des consorts X et passé du produit défoliant destiné au traitement des bambous

Madame N-AF AG, atteste avoir très souvent rendu visite à la famille X, amis de longue date dont les familles sont proches depuis plusieurs générations, confirmer la présence de végétation, depuis plus de 40 ans, sur le terrain attenant à leur maison, constituée de différents arbres et notamment des bambous en cause.

Monsieur U L indique, dans son attestation, connaître madame X, mère de monsieur AC-AD X et N-O X, attester la présence de bambous chevauchant en un îlot circulaire les deux propriétés de monsieur X et de sa soeur, et ajoute qu’ayant eu besoin de bambous, dans le début des années 90 ( 80 '), il avait pu constater leurs présences toujours en chevauchement sur les deux propriétés.

Madame T U atteste de son côté connaître monsieur et madame L X et leurs enfants AC-AD et N O depuis 1974, domiciliés à XXX, s’être adressée aux époux X dans le début des années 1990 pour choisir des bambous demandés par son oncle, avoir choisi les plus gros mais que monsieur X n’avait pu accéder à sa demande, car certains d’entre eux étaient situés sur le terrain de sa soeur et de son beau frère et qu’aucune clôture ne délimitait les deux propriétés

Enfin , monsieur AC-AX AY a rédigé une attestation en date du 13 mai 2016 dans laquelle il indique de 'de mémoire d’homme il ya a toujours eu des bambous dans ce champ qui n’en faisait qu’un il y a quarante ans et les repousses de bambous ont été partagés en deux’ mais dans une proportion inconnue, et conclut :

'Toujours est-il que depuis la route qui est à trente mètres la zone de bambous a toujours été sur ce qui est devenu les deux terrains, depuis quelques années les bambous ont tendance à être plus grand à l’EST du fait qu’ils ont un apport d’humidité avec l’épandage des effluents de la maison voisine.

Face à ces éléments, l’expert judiciaire désigné par le tribunal n’est pas catégorique :

Il indique dans son rapport qu’il a constaté lors de sa visite sur les lieux la présence de tiges de bambous de 1,5m à 2 m de hauteur chez madame D sur 16 m le long de la limite séparative, que ces tiges sont cantonnées à cette zone tandis que sur le terrain de l’indivision X, il constate la présence de repousse de bambous en plusieurs endroits, depuis le milieu vers le sud et le sud-ouest.

Il ajoute que :

'Bien qu’aucun témoignage (sollicité par l’expert dans sa note de synthèse) ne vienne étayer les thèses des chacune des parties, il semble bien que le point de départ puisse être une zone du terrain appartenant à la tante des deux parties. Cette zone, en se référant aux observations actuelles des repousses semble plutôt située sur le terrain dont a hérité l’indivision X.

En conclusions, les bambous semblent provenir du fonds de l’indivision X, leur dynamisme de progression est accentuée par les aménagements hydrauliques réalisés par madame D.

Il indique dans ses conclusions :

'Sur l’origine des bambous, l’expert convient que leur provenance ne peut être avancée avec certitude ; compte tenu de l’entretien des deux terrains, et notamment celui de l’indivision X, de la présence des pousses sur une zone bien plus grande sur ce dernier que sur celui de Mme D, et de la tendance naturelle (appelée tropisme) des bambous progresser vers les zones humides, il est toutefois difficile d’envisager que ces bambous proviendraient d’ailleurs… ;

L’expert n’est pas en mesure de préciser que la tranchée effectuée chez madame D entraînerait un développement sur le terrain de l’indivision X, ni d’affirmer que la présence de bambous dans la zone du petit fossé Sud exonère totalement l’origine supposée sur le terrain de l’indivision X…'.

L’expert a opéré par déduction et reconnaît qu’il existe une incertitude sur l’origine des bambous.

Les observations de l’expert permettent de savoir que les bambous sont présents sur une zone plus étendue sur la parcelle des consorts X et que la présence de bambous dans un fossé appartenant à un agriculteur en fond de parcelles des parties ne permet pas de lui imputer la responsabilité des bambous en cause, mais non d’affirmer que la parcelle D n’a jamais hébergé de bambous lors de sa division, ce qui explique pour partie leur existence actuelle sur cette propriété.

Les éléments produits par madame D ne permettent pas de lever l’incertitude existant quant à l’origine des bambous incriminés.

Ainsi, le constat d’huissier produit par madame D et réalisé par M° Bouchet le 27 septembre 2012 révèle qu’il existe des bambous sur la limite séparative et sur la propriété X alors que la propriété D présente une pairie entretenue et sans repousse de Bambous.

Ce constat ne permet pas de vérifier qu’il n’existe pas de rhizomes de bambous chez madame D, les bambous étant coupés dès leur apparition.

De même l’attestation de monsieur A, entrepreneur ayant réalisé les travaux d’assainissement fait état de l’absence de racines dans la tranchée creusée pour installer le système d’assainissement, tout en précisant que le nouveau réseau est installé à la place de l’ancien.

Le caractère limité de la tranchée et la présence d’un ancien réseau ne peuvent permettre de déduire de cette attestation l’absence de réseau des racines de bambous sur cette propriété en d’autres endroits.

Les deux attestations rédigées par monsieur H indiquant avoir toujours vu des bambous sur la propriété X et n’en avoir jamais vu sur la propriété D et par monsieur J K affirmant avoir vu depuis 25 ans des bambous sur la propriété de madame X et voir l’envahissement de la propriété D par les bambous depuis deux années établissent que monsieur et madame X laissent proliférer les bambous de leur propriété mais ne peuvent prouver que la propriété D ne comportait pas de bambous à son origine et qu’ils y ont été éradiqués.

Madame I, cousine des deux parties, affirme avoir assuré pendant plusieurs dizaines d’années l’entretien des parcelles appartenant aux deux parties, avoir effectué les vendanges sur la parcelle Texier D, de 1963 à 2001, n’y avoir jamais vu de bambous, avoir également assuré l’entretien de la propriété X du temps de leurs parents, avoir constaté la présence de bambous en fond de parcelles et avoir constaté depuis 4 ans que les bambous de la propriété X traversaient la clôture et la haie de madame D dont ils envahissent le terrain.

La portée de cette attestation doit néanmoins être relativisée du fait de l’existence d’un litige ayant existé avec les consorts X au sujet du paiement d’heures d’entretien de leur propriété contestées par eux, et du risque de partialité induit.

Les photographies produites par madame D révèlent que de la vigne était plantée sur la parcelle lui appartenant jusqu’en limite de propriété avec la parcelle X, fait confirmé par l’attestation de madame Z Darriol cousine des parties.

Il sera néanmoins relevé que les photographies produites par madame D et interprétées par elle avec commentaires écrits par elle sur les photographies sont contestées par les consorts X qui ajoutent au surplus que l’emplacement de la limite séparative des deux parcelles n’est pas établie avec certitude, et affirment que la limite ne passe pas à l’endroit fixé par la clôture D et qu’il existe une bande de terrain entre la fin des vignes et la limite séparative des propriétés, sans que ces éléments n’aient été portés à la connaissance de l’expert qui n’a dès lors pu les valider ou les réfuter, de sorte que le fait que le terrain soit planté en vignes de 1963 à 2001, date de l’arrachage, n’exclut pas l’existence de bambous en limite des deux propriétés.

Il sera dès lors considéré qu’il n’est pas établi que les bambous ayant poussé sur la propriété de madame C D et les rhizomes présents dans cette propriété proviennent exclusivement de la parcelle X, leur origine étant commune aux deux propriétés, et que les rhizomes peuvent être issus des deux parcelles, même si la propriété D semble entretenue de manière plus régulière et les bambous sont coupés dès leur repousse, et si les bambous sont présents sur une zone plus étendue sur la parcelles des Consorts X, en l’absence de preuve d’une éradication des rhizomes par madame D sur sa propriété .

Les consorts X ne peuvent de ce fait être condamnés à couper les bambous et rhizomes existant sur le terrain de madame D, ni à installer une barrière anti-rhizomes sur leur propre terrain.

Il appartiendra à madame D, si elle veut se débarrasser des bambous existant sur sa propriété d’installer chez elle une barrière anti-rhizomes après avoir arraché ou détruit les rhizomes se trouvant sur son fonds.

La demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi et de la dégradation du système d’assainissement venant de la prolifération des bambous sera de même rejetée, l’origine des bambous ne pouvant être imputée avec certitude à la seule propriété X.

Le jugement déféré sera pour ces motifs infirmé en toutes ses dispositions.

La présente procédure a obligé les parties à engager des frais irrépétibles qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à leur charge, l’origine des bambous étant commune.

Les dépens de première instance et d’appel seront supportés par madame D qui est déboutée de ses demandes.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

après en avoir délibéré conformément à la loi :

— Déclare recevable l’appel formé par madame N-O X et monsieur AC-AD X assisté de son curateur en la personne de madame N-O X contre le jugement du tribunal d’instance de Libourne du 22 octobre 2014 ;

— Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

— Dit que la provenance des bambous et rhizomes de bambous existant sur la parcelle D ne peut être imputée avec certitude à la seule parcelle X ;

— Déboute madame D de sa demande d’arrachage par les consorts X des bambous proliférant sur sa propriété, de sa demande d’installation d’une barrière anti-rhizomes par les consorts X sur leur propriété et de sa demande de dommages et intérêts ;

— Déboute les parties de leur demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne madame C D aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La présente décision a été signée par madame Catherine Coudy, conseiller, en remplacement de monsieur Michel Barrailla, président, légitimement empêché et par madame Nathalie Belingheri, greffer, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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