Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 6 novembre 2017, n° 14/01052

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 6 nov. 2017, n° 14/01052
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/01052
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 20 novembre 2013, N° 2012F00696
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 06 NOVEMBRE 2017

(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)

N° de rôle : 14/01052

La SA SOCIETE ASTERIA

c/

- La SAS GIPSI

- La SA SOCIETE MONTESQUIEU FINANCES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 novembre 2013 (R.G. 2012F00696) par la 6e Chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 20 février 2014

APPELANTE :

La SA SOCIETE ASTERIA agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège sis […]

repésentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Thierry FRADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉES :

La SAS GIPSI (GESTION INVESTISSEMENT PARTICIPATION DANS LES SYSTEMES D’INFORMATIONS) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

La SA SOCIETE MONTESQUIEU FINANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

représentées par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Jean-François DACHARRY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 octobre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Dominique PETTOELLO, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur X Y

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

' ' '

EXPOSE DU LITIGE :

M. Cazeaux et M. Z-A, associés dans divers projets en lien avec le secteur des infrastructures et de l’infogérance, ont créé en 2001 avec M. Bonnet la SAS Gestion Investissement Participation dans les Systèmes d’Information (la société GIPSI) ayant pour objet la prise de participations dans les sociétés informatiques et dont l’activité était l’exploitation de systèmes d’information Le capital social était réparti ainsi : M. Z- A : 47,50 % des actions ; la Société de Développement et de Participation présidée par M. Cazeaux : 47,50 % des actions, et.M. Bonnet 5 %. Par la suite, M. Bonnet a cédé ses actions aux deux autres actionnaires qui ont alors transféré leurs actions à des sociétés holding, respectivement à la société Asteria (M. Cazeaux) et à la société Montesquieu Finances (M. Z- A), ces dernières détenant chacune 50 % du capital de la société GIPSI.

En mai 2004, la société GIPSI a acheté les actions de la société Cheops Technology, dont le capital à ce jour est détenu à hauteur de 71,18 % par la société GIPSI, de 8,98 % par M. Loiseau, de 8,98 % par M. Trividic et de 10,86 % par divers institutionnels et le public.

M. Cazeaux et M. Z-A se sont par ailleurs associés au sein de la SCI Mykerinos, créée en 2007 et propriétaire de l’immeuble dans lequel Cheops Technology exerce son activité.

En 2011, M. Cazeaux a réclamé une modification des statuts de la société GIPSI et la création d’un comité de direction, ce qui a été refusé par M. Z-A.

Par exploit d’huissier en date du 13 avril 2012, la société Asteria, invoquant un abus de minorité, a assigné la société GIPSI et la société Montesquieu Finances devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour demander la convocation d’une nouvelle assemblée paur statuer sur ses demandes et la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter la société Montesquieu Finances et voter en son nom.

Par jugement contradictoire en date du 21 novembre 2013, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— dit que la société GIPSI n’avait pas commis d’abus d’égalité,

— débouté la société Asteria de toutes ses demandes,

— condamné la société Asteria à payer à la société GIPSI la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Asteria à payer à la société Montesquieu Finances la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire,

— condamné la société Asteria aux entiers dépens.

La société Asteria a relevé appel de la décision par déclaration du 20 février 2014.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 12 avril 2016, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses moyens et arguments, la société Asteria demande à la cour de :

— infirmer le jugement dans son intégralité ;

et statuant à nouveau,

— constater l’abus d’égalité au sein de la société GIPSI du fait du refus par la société Montesquieu Finances d’en modifier les statuts ;

en conséquence,

— ordonner la convocation d’une nouvelle assemblée générale devant statuer sur la limitation du mandat du président de la société GIPSI et la création d’un comité de direction en son sein ;

— désigner un mandataire ad hoc aux fins de représenter la société Montesquieu Finances à ladite assemblée et de voter en son nom dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social ;

— condamner solidairement la société GIPSI et la société Montesquieu Finances à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Asteria fait valoir qu’il y a abus de minorité ou d’égalité lorsque de l’attitude des actionnaires minoritaires est contraire à l’intérêt général de la société en ce qu’elle interdit la réalisation d’une opération essentielle pour celle-ci et dans l’unique dessein de favoriser un dessein égoïste au détriment de celui des autres associés ; qu’en l’espèce, les statuts indiquent que le président est nommé pour une durée indéterminée par l’assemblée générale des associés qui peuvent le révoquer à tout moment ; que lors de la création en 2001, M. Z-A a été désigné comme président ; que la répartition du capital permettait alors à M. Bonnet de faire pencher la balance dans un sens ou un autre ; que depuis qu’il a cédé ses actions, ils se trouvent tous deux dans une situation d’égalité parfaite ; qu’en l’état des statuts actuels, la révocation du président est donc impossible puisqu’elle ne peut intervenir sans l’accord de M. Z-A dont l’activité est incontrôlable ; que cette situation, qui n’est pas celle prévue à l’origine, rend très difficile la prise de décisions et aboutit à des situations de blocage ; qu’ainsi 6 résolutions sur 7 ont été rejetées lors de l’assemblée générale du 29 octobre 2010 ; qu’elle a par ailleurs découvert des faits alarmants consistant dans divers actes de cessions de parts réalisées par M. Cazeaux qui en ignorait l’existence ; que c’est pourquoi elle a sollicité la modification des statuts afin de limiter la durée du mandat du président et de mettre en place un comité de direction composé de deux personnes représentant chacune un associé qui aurait pour fonction d’assister le président et d’émettre des avis sur les actions et orientations à mener au sein de la société GIPSI ; que cela permettrait aussi une meilleure circulation de l’information ; qu’elle a en effet rencontré des difficultés croissantes pour obtenir la communication des documents sociaux ; que son action a pour but d’assurer une meilleure gouvernance, plus démocratique, et non de rendre liquide sa participation ; que le refus de l’intimée de modifier les statuts lors de l’assemblée générale du 11 janvier 2012 est contraire à l’intérêt social et que ce refus, opposé à un associé égalitaire, est considéré comme un abus négatif. Elle ajoute que M. Z-A a organisé un verrouillage et manoeuvré pour confisquer les pouvoirs non seulement de la société GIPSI mais aussi de la société Cheops Technology, dont le représentant permanent depuis 2009 est l’épouse de M. Z-A qui en est lui-même président et actionnairre majoritaire via la société GIPSI.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 07 août 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de leurs moyens et arguments, les sociétés GIPSI et Montesquieu Finances demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions

— débouter la société Asteria de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— la condamner à payer à la société GIPSI ainsi qu’à la société Montesquieu Finances pour chacune d’elles, une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Asteria aux entiers dépens.

Elles soutiennent que la procédure s’inscrit dans le cadre d’un conflit opposant M. Z-A et M. Cazeaux concernant notamment d’autres sociétés dont certaines ont été placées en liquidation judiciaire, procédures qui ont valu à M. Cazeaux de faire l’objet d’actions en responsabilité cependant qu’il est décrit par beaucoup comme peu respectueux de ses engagements professionnels ; que lors de la création de la société GIPSI en 2001, M. Z-A, qui était à l’origine de cette création et disposait seul du savoir faire en permettant le développement, en a naturellement pris la présidence ; que la société GIPSI est une société holding pure qui n’emploie aucun salarié et fonctionne sans difficultés ; que ses comptes sont tenus, ses bilans arrêtés et approuvés chaque année par les assemblées générales annuelles qui sont normalement réunies et tenues, auxquelles la société Asteria a toujours été représentée et dont elle a approuvé les comptes cependant que contrairement à ce qu’elle prétend, elle a toujours reçu les informations qu’elle demandait ; que sa bonne santé économique est démontrée par la distribution de 1.385.000 euros de dividendes au titre des exercices 2005 à 2008 (cependant que la mise de départ de M. Cazeaux s’élevait à 20.000 euros) ; que s’il n’y a pas eu distribution de dividendes depuis 2009, c’esr parce que ses filiales n’en ont elles-mêmes pas distribué pour consolider leurs fonds propres en vue de financer la forte croissance de la société Cheops, société acquise en 2004 pour un prix d’acquisition fixe de 1 M d’euros financé par les disponibilités de la société GIPSI, les apports de deux actionnaires (MM. Loiseau et Trividic) et un concours bancaire de 500.000 euros venu se substituer à l’apport prévu de M. Cazeaux qui ne l’a pas réalisé. Elles soutiennent que l’objectif réel de la société Asteria apparaît clairement dans un courrier qu’elle a adressé à la société GIPSI le 25 mai 2010 dans lequel elle formule diverses demandes dans l’objectif affiché de « rendre liquide sa participation dans la société GIPSI » ; que ses demandes doivent être rejetées car destinées à satisfaire l’intérêt exclusif d’un des actionnaires et se heurtant de surcroît à des difficultés pratiques qui lui ont été expliquées ; que lors de l’assemblée générale du 29 octobre 2010, la société Asteria a refusé sans motifs l’approbation des comptes et le reste des résolutions ; qu’il n’y a pas d’abus d’égalité ou de minorité dès lors que la société Montesquieu Finances n’a pas agi dans son intérêt ni pour porter atteinte à celui de la société Asteria mais au contraire pour protéger l’intérêt de la société GIPSI dont au contraire la société Asteria ne se soucie pas, ses demandes étant faites dans son seul intérêt. Elles contestent par ailleurs la rétention d’informations.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2017.

MOTIFS :

sur la demande principale :

Il y a abus de minorité ' ou d’égalité – lorsqu’il apparaît que l’associé égalitaire ou minoritaire agit dans son propre intérêt, contre celui de la société ou de son associé majoritaire.

La société Asteria soutient que tel est le cas en l’espèce, le refus qui lui est opposé ne visant qu’à assurer à M. Z-A, à travers la société Montesquieu Finances, un pouvoir sans partage dans la gestion de la société GIPSI, ce qui est préjudiciable pour celle-ci puisqu’elle est paralysée dans son développement et ne peut envisager de faire des acquisitions, alors que son objet social est de prendre des participations dans des sociétés informatiques, ni même d’avoir une réflexion stratégique sur ses perspectives .

Si l’appelante rappelle à juste titre que les statuts adoptés en 2001 prévoient un principe de libre révocabilité du président qui pouvait alors être mis en 'uvre du fait de la présence d’un troisième associé, et est désormais impossible de facto compte tenu du partage égalitaire des voix, il est cependant établi que ni elle ni la société Montesquieu Finances n’ont souhaité, lors du départ de cet associé, modifier les statuts ainsi qu’elles en avaient la possibilité. C’est ainsi avec l’accord des parties que le fonctionnement de la société GIPSI s’est organisé comme il se présente aujourd’hui. Cette inamovibilité de fait que dénonce la société Asteria, et qui résulte de la volonté commune des parties, ne constitue pas en soi un motif justifiant l’intrusion du juge. Par ailleurs, le simple fait que les clauses tendant à limiter le terme du mandat de président soient fréquentes, et que les statuts puissent parfaitement prévoir la création d’organes de direction, ne permet pas de considérer, comme le soutient l’appelante, que le refus de modifier les statuts n’est pas justifiable. Les statuts sont la loi des parties, et l’immixtion du juge pour modifier le pacte social ne peut se justifier que dans des cas très précis, lorsqu’il apparaît que le refus a pour unique dessein d’avantager l’associé minoritaire ou égalitaire et est à l’origine de dysfonctionnements graves et de blocages qui nuisent aux intérêts de la société.

Ainsi, le seul critère qui puisse justifier l’intrusion du juge est l’intérêt social.

Or en l’espèce, la situation de la société GIPSI est prospère, ce qui profite à la société Asteria autant qu’aux intimées. Elle fonctionne normalement et tient ses assemblées générales. La paralysie qu’invoque la société Asteria s’agissant de son développement résulte non pas tant de cette situation de parfaite égalité (qui ne l’a pas empêchée par le passé de procéder à diverses acquisitions ainsi que rappelé plus haut) que de la position d’opposition systématique adoptée par l’appelante elle-même depuis le début du litige.

En conséquence, la société Asteria ne rapportant pas la preuve que le vote de refus litigieux, que les intimées justifient quant à elles par des motifs pertinents, est contraire à l’intérêt social et émis dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité ou de la minorité au détriment des autres actionnaires, c’est à bon droit que le tribunal a estimé qu’il ne constituait pas un abus d’égalité.

Le jugement qui a débouté la société Asteria de toutes ses demandes sera donc confirmé.

sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge des sociétés GIPSI et Montesquieu Finances les sommes exposées par elles dans le cadre de l’appel et non comprises dans les dépens. La société Asteria sera condamnée à leur verser à chacune, outre les indemnités mises à sa charge en première instance, la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Asteria sera en outre condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 21 novembre 2013

Condamne la société Asteria à payer à la société GIPSI et à la société Montesquieu Finances chacune la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel

Condamne la société Asteria aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Chelle, président, et par Monsieur Y, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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