Cour d'appel de Caen, 10 septembre 2013, n° 11/03427

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 2 février 2024

N° 461093 M. G... 10ème et 9ème chambres réunies Séance du 17 janvier 2024 Décision du 2 février 2024 CONCLUSIONS M. Laurent DOMINGO, Rapporteur public En France, chaque année, quelques 200 000 personnes1, très majoritairement des jeunes enfants, sont baptisées par l'Eglise catholique. Certains de ces baptisés, devenus adultes, souhaitent renoncer à leur baptême, se faire « débaptiser » selon un terme impropre. Ils peuvent s'adresser à l'Eglise pour qu'elle enregistre leur demande de « défection ». Cette rupture est inscrite en marge du baptême par l'ajout d'une mention telle que « a renié …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 10 sept. 2013, n° 11/03427
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 11/03427
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Coutances, 7 octobre 2011, N° Ht10/00822

Texte intégral

AFFAIRE N RG 11/03427 ARRET N OU JB Code Affe

ORIGINE DECISION du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES en date du 08 Octobre 2011

RG Ht10/00822

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2013

APPELANTE:

L’ASSOCIATION DIOCESAINE DE COUTANCES

[…]

[…] prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP MOSQUET MIALON D OLIVEIRA LECONTE, avocat au barreau de CAEN, assistée de Me ASSELINEAU, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANT VOLONTAIRE:

Monsieur F G E, aux lieu et place de Monsieur X

B, ancien évêque de Coutances et actuellement évêque de Pontolse, en sa qualité d’administrateur diocésain et assurant les prérogatives de l’évêque jusqu’à la nomination par le pape du nouvel évêque de Coutances selon délibération du 8 avril 2013

[…]

représenté par la SCP MOSQUET MIALON D OLIVEIRA LECONTE, avocat au barreau de CAEN, assisté de Me ASSELINEAU, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur C Z

représenté par la SCP GRAMMAGNAC YGOUF BALAVOINE ET LEVASSEUR, avocat au barreau de CAEN, assisté de Me Alain GUYON de la SCP ALAIN GUYON – PAUL CAO, avocat au barreau d’ANGERS

utoire délivrée ère copla délivrée embre 2013 tembre 2013

[…] M. le procureur général […]


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Vu la communication de la procédure à Monsieur le Procureur Général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE:

Madame MAUSSION, Président de chambre,
Monsieur JAILLET, Conseiller, rédacteur,
Madame Y, Conselller,

DEBATS : A l’audience publique du 28 Mai 2013

GREFFIER : Madame GALAND

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2013 et signé par Madame MAUSSION, Président, et Madame GALAND, Greffier.

***

Faits, procédure et prétentions

C Z (né le […] à […] a été baptisé le 11 août 1940 à

l’église catholique de cette commune.

Par courrier du 31 mai 2001, il a sollicité de l’évêque de Coutances et du curé de Fleury que la phrase « a renié son baptême par lettre datée du 31 mai 2011 » soit mentionnée sur le registre des baptêmes au regard de son nom.

La mention a été apposée le 6 juin 2001 et cette diligence a été portée le même jour à la connaissance de l’intéressé.

Par courriers des 15 avril et 16 juin 2009, M. Z a, cette fois, demandé

à l’évêque de Coutances d’être radié du registre de baptême et n’ayant pas obtenu satisfaction, il a saisi le juge des référés sans succès puis le Tribunal de grande instance de Coutances pour voir ordonner l’effacement de la mention de son baptême sur le registre de l’église.

Par jugement du 6 octobre 2011 (dont appel), le Tribunal de grande instance de

Coutances a:

- ordonné à l’association diocésaine de Coutances et à X B, évêque de Coutances et d’A de procéder à l’effacement définitif sur le registre des baptêmes de la mention selon laquelle C Z né le 9 août

1940 à Fleury avait été baptisé le 11 août 1940, et ce par tout moyen;

- dit que cet effacement définitif devrait intervenir dans le délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement;

- dit que passé ce délai, cette obligation interviendrait sous astreinte provisoire de 15 € (quinze euros) par jour de retard ;


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condamné in solidum l’association diocésaine de Coutances et X I

B évêque de Coutances et d’A, à payer à C Z la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

- condamné in solidum l’association diocésaine de Coutances et X

B, évêque de Coutances et d’A, aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de l’avocate de M. Z.

Il convient de se reporter pour l’exposé exhaustif des prétentions des parties aux conclusions déposées le 26 mars 2013 par F E (intervenant volontaire en sa qualité d’administrateur du diocèse de Coutances en lieu et place de l’ancien évêque de Coutances, X B) et par l’association diocésaine de Coutances, le 14 mai 2013 par M. Z et, le 7 mai 2013 par le Procureur général près la cour d’appel de Caen.

Il suffit de rappeler que M. E et l’association diocésaine de Coutances (ainsi que le ministère public) demandent à la Cour d’infirmer le jugement.

Ils soutiennent, en substance, que la seule mention d’un nom sur un registre de baptême accessible à un nombre restreint de personnes tenues au secret ne saurait constituer une atteinte à la vie privée.

Ils font valoir en particuller que le baptême constitue un acte multilatéral et un fait objectif, qu’il a été apporté à M. Z une satisfaction suffisante et adaptée par l’apposition de la mention du reniement sur le registre et qu’accueillir les exigences du demandeur affecterait la liberté d’organisation du culte.

M. Z, qui conclut à la confirmation du jugement en son principe, soutient, au contraire, que le maintien de la mention de son nom sur les registres de baptême et l’apposition de la rectification relative à son reniement sont de nature à révéler son positionnement à l’égard de la religion catholique et portent atteinte à l’intimité de sa vie privée et à ses libertés fondamentales dès lors que le registre peut être consulté par des tiers.

Motifs

- Sur la procédure

L’Intervention volontaire de M. E désormais administrateur du diocèse de

Coutances en lieu et place de M. B qui a quitté ses fonctions d’évêque de

Coutances apparaît recevable.

C’est, en effet, à F E qu’incombe à présent la tâche de gérer la tenue des registres de baptême dans son ressort.

Il faut ajouter que le ministère public, partie jointe par application des articles 424 et 426 du code de procédure civile, a le droit d’intervenir dans une procédure qui


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lui a été communiquée et dans des débats portant sur des questions fondamentales relatives à la protection de la vie privée et à la liberté d’exercice du culte.

- Sur le fond

La demande de M. Z, expressément fondée sur l’article 9 du code civil et la loi « informatique et liberté » du 6 janvier 1978, tend à voir supprimer dans son intégralité la consignation d’un événement (la célébration de son baptême le 11 août 1940) ainsi que la mention de renlement portée le 6 juin 2001 à sa demande.

- Sur l’application de l’article 9 du Code Civil

L’article 9 du Code Civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée et que les juges peuvent prescrire, sans préjudice de la réparation du dommage subi, toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.

La relation sur le registre de l’église de Fleury de l’événement public que constitue la célébration du baptême de C Z avec les mentions

d’usage relatives aux identités du baptisé, de ses parents et de ses parrain et marraine, ne peut porter en elle-même atteinte à la vie privée de l’intéressé.

Seule la divulgation de cette information dans des conditions fautives serait susceptible de caractériser un tel manquement.

Mais la révélation d’une appartenance religieuse ou d’un défaut d’appartenance religieuse n’est attentatoire à la vie privée que si elle a pour objectif ou pour effet de déconsidérer la personne en cause ou de susciter des attitudes discriminatoires à son égard.

Force est de constater qu’en l’espèce aucun comportement de cette sorte n’est imputable, ni d’ailleurs imputé, aux représentants officiels de l’église catholique.

Alors que les personnes tierces admises à consulter le registre des baptêmes sont elles-mêmes tenues au secret, la seule publicité donnée à l’information de

l’existence du baptême de C Z en 1940 et de son reniement en

2001 émane de l’intéressé.

Celui-ci ne peut, en particulier, se plaindre de ce que la relation objective d’un fait auquel il n’a pu consentir (n’étant âgé que de quelques jours au moment du baptême) ait été complétée, à sa demande 60 ans plus tard, par la mention d’une renonciation relevant, elle, du libre exercice de ses droits individuels.

C’est pourquoi la demande de M. Z ne saurait être accueillie sur le fondement de l’article 9 du Code Civil contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges.


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Sur l’application de la loi du 6 janvier 1978

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est applicable au cas soumis à la Cour.

Les registres de baptême, qui conservent des informations relatives à l’adhésion personnelle, ou par représentation, d’une personne à une religion, relèvent en effet de la catégorie des traitements non automatisés de données à caractère personnel, soumis comme tels à la loi du 6 janvier 1978 (article 1).

Les informations qui y sont portées doivent ainsi être collectées et traitées loyalement dans un but légitime, pertinentes, exactes, complètes, mises à jour et tenues à la disposition de la personne concernée qui peut en solliciter la rectification ou l’effacement si elles sont inexactes ou incomplètes (article 6).

En l’absence de consentement de la personne, le responsable de la collecte de données doit avoir poursuivi un intérêt légitime et ne pas méconnaître l’intérêt ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée (article 7).

Les données à caractère religieux ne sont, dans ce cas, communicables qu’aux seuls membres appartenant à l’église et non aux tiers ; et elles ne doivent concerner que ces membres (article 8).

Il apparaît qu’en l’espèce les exigences légales ont été et demeurent respectées.

A première réquisition, la rectification demandée par M. Z quant à sa renonciation à son baptême, qui constituait un fait dont la réalité historique

n’était pas contestée, a été opérée ; elle a permis l’actualisation de la position de l’intéressé au regard de son appartenance religieuse.

L’acte lui-même a été dressé et conservé dans une finalité légitime, celle de permettre l’établissement d’actes ultérieurs dans le cadre de l’administration du culte catholique.

Il ne méconnaît pas les droits fondamentaux de la personne concernée dès lors que celle-ci peut y voir consigner sa volonté de ne plus se reconnaître membre de l’église catholique.

Si bien que sont contenus en l’espèce dans un même document, et la relation

d’un fait dont les représentants légaux de M. Z ont pris l’initiative (le baptême de leur fils en juin 1940) et celle d’un acte de volonté personnel de

l’intéressé (la mention de reniement de mai 2001 dans les termes qu’il avait sollicité).

Ainsi la liberté de M. Z de ne pas appartenir à la religion catholique est elle respectée sans qu’il y ait lieu à effacement ou correction supplémentaire du document litigieux.

En outre, le registre des baptêmes qui ne concerne que des membres de l’église catholique (représentants du mineur baptisé, parrain, marraine, prêtre) ne peut


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être communiqué qu’a des ministres du culte et à l’intéressé et il n’est pas accessible à des tiers.

Enfin, s’il ressort des pièces du dossier que dans un autre diocèse (Tulle), les noms figurant sur le registre paroissial ont bel et bien été effacés à la demande de la personne baptisée, l’évêque de Tulle a attesté le 15 mars 2013 qu’il s’agissait d’une erreur de la chancellerie de son évêché.

Il ne s’agit donc pas d’un événement démonstratif d’une évolution de la doctrine de l’église catholique transposable au cas d’espèce.

C’est pourquoi le jugement déféré doit être infirmé sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soutenus par les parties contestantes sur le fondement des lois du 9 décembre 1905 et du 15 décembre 1923 et de

l’instruction générale de l’état civil.

- Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les demandes de M. Z étant reconnues mal fondées l’intéressé supportera la charge des entiers dépens mais il n’y a pas lieu, en équité, de mettre à sa charge une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés par ses adversaires.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 6 octobre 2011 par le Tribunal de grande instance de Coutances.

Statuant à nouveau,

Déboute M. Z de ses demandes.

Dit qu’il supportera la charge des entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit des auxiliaires de justice de la cause qui en ont fait la demande.

Dit qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

exif

C. GALAND E. MAUSSION

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Cour d'appel de Caen, 10 septembre 2013, n° 11/03427