Cour d'appel de Caen, 30 septembre 2016, n° 15/03561

  • Rupture conventionnelle·
  • Employeur·
  • Salarié·
  • Sociétés·
  • Indemnités de licenciement·
  • Titre·
  • Contrats·
  • Chômage·
  • Contrat de travail·
  • Accord interprofessionnel

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Caen, 30 sept. 2016, n° 15/03561
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 15/03561
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Caen, 30 août 2015, N° F13/01646

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 15/03561

Code Aff. :

ARRET N° C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de
Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 31 Août 2015 -

RG n° F13/01646

COUR D’APPEL DE CAEN

1° Chambre sociale

ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2016

APPELANTE :

SAS A2S

Carrefour Industriel du Porzo

CS 30143 – KERVIGNAC

XXX

Représentée par Me CUIEC, substitué par Me
X, avocats au barreau de
BREST

INTIME :

Monsieur Y Z

XXX Bessin

XXX

Comparant en personne, assisté de Monsieur A, délégué syndical

DEBATS : A l’audience publique du 13 juin 2016, tenue par Madame VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame POSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame PRUDHOMME, Président de
Chambre,

Madame PONCET, Conseiller,

Madame VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 30 septembre 2016 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame PRUDHOMME, président, et Madame POSE, greffier

M. Z a été embauché à compter du 3 janvier 2011 en qualité de chauffeur-livreur par la société
Achille Bertrand.

Le 14 novembre 2011, lui a été annoncé que 'dans le cadre de la nouvelle organisation de la société au sein du réseau Krill', son contrat de travail serait transféré en mars 2012.

Il a été en arrêt de travail accident du travail puis maladie du 19 juin 2012 au 28 novembre 2012 puis, après reprise d’une semaine, jusqu’au 15 janvier 2013.

Le 18 janvier 2013, M. Z et la société A2S, venue aux droits de la société
Achille Bertrand, ont signé une rupture conventionnelle qui a été homologuée le 25 février 2013.

Le 19 décembre 2013, M. Z a saisi le conseil de prud’hommes de Caen d’une demande de prononcé de la nullité de cette rupture et en paiement des indemnités afférentes.

Par jugement du 31 août 2015 le conseil de prud’hommes de Caen a :

— annulé la rupture conventionnelle

— dit que licenciement est sans cause réelle et sérieuse

— condamné la société A2S à verser à M. Z les sommes de :

—  3 676,50 euros à titre d’indemnité de licenciement

—  200 euros à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement

—  10,05 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement

—  10 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— ordonné à la société A2S d’adresser un bulletin de salaire prenant en compte les condamnations sous astreinte

— ordonné le remboursement par A2S des indemnités de chômage versées à M. Z dans la limite de 10 jours d’indemnité

— condamné la société A2S aux dépens

Le jugement a été notifié à chaque partie le 14 septembre 2015.

La société A2S a interjeté appel de ce jugement le 7 octobre 2015. (Dossier ouvert sous le numéro 15-3561). M. Z a interjeté appel le 26 février 2016 (dossier enregistré sous le numéro 16-747)

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 25 mai 2016 pour la société
A2S et du 14 mars 2016 pour M. Z, reprises oralement à l’audience.

La société A2S demande à la cour de :

— réformer le jugement

— débouter M. Z de toutes ses demandes

— condamner M. Z à restituer les sommes réglées en exécution du jugement

— condamner M. Z à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

M. Z demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il lui a accordé les sommes de 3 676,50 euros à titre d’indemnité de préavis et non de licenciement, 10,05 euros à titre d’indemnité de licenciement et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la société A2S à lui payer les sommes de :

—  1 838,25 euros pour non respect de la procédure de licenciement

—  18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse – 800 euros à titre d’indemnité supplémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— ordonner la délivrance d’un bulletin de salaire prenant en compte l’ensemble des condamnations sous astreinte de 15 euros par jour de retard

SUR CE

Les deux appels étant afférents au même jugement, il convient d’ordonner la jonction.

L’appel du 26 février 2016 a été interjeté hors délai mais l’appel incident formé par conclusions demeure quant à lui recevable.

Il est constant que le contrat conclu le 1er avril 2011 stipulait que le lieu de travail est au dépôt de
Caen, que l’horaire mensualisé est de 164,67 heures et le traitement mensuel de 1 758,36 euros, soit 1 500 euros pour 151,67 heures, 21,43 euros pour majorations pour heures de nuit, 160,71 euros pour majorations pour 13 heures supplémentaires et deux fois 38,11 euros pour prime de non accident et prime qualité.

Le 27 novembre 2012 la société A2S a présenté à la signature de M. Z, qui se trouvait alors en arrêt de travail, un nouveau contrat de travail 'dans le cadre du transfert au sein de la société A2S à compter du 1er octobre 2012" stipulait que le salarié exercerait ses fonctions dans le cadre d’un temps plein soit 151,67 heures par mois annualisé, que le salarié serait rattaché à l’antenne de biberonnage située chez Stef à Rots, qu’il percevrait un salaire brut mensuel de base de 1 488,64 euros outre un complément brut de rémunération de 10,21 euros et outre des éléments de rémunération résultant de décisions unilatérales de l’employeur et pouvant faire l’objet de modifications, à savoir un bonus chauffeur pouvant atteindre 110 euros par mois et un treizième mois dont la quote-part mensuelle s’élève à 124,05 euros.

M. Z a refusé de signer ce contrat qui selon lui modifiait sa rémunération.

Exposant s’être présenté le 4 décembre à Rots pour la reprise du travail et avoir appris que désormais il était basé à Verson, il a adressé ce jour une lettre recommandée à son employeur relativement à cette situation, concluant 'je ne pense pas être le bienvenu au sein de A2S'.

Le 18 décembre 2012, M. Z a écrit à son employeur : 'Le poste de chauffeur que vous me proposez ne correspond pas à mes attentes ainsi que mon nouveau contrat. C’est pour cela que je

vous demande de me licencier pour incompatibilité d’humeur et non pour rupture conventionnelle car j’ai un crédit immobilier à rembourser tous les mois avec une assurance chômage et la rupture conventionnelle ne rentre pas dans le cadre de cette assurance… j’espère que l’on trouvera un accord qui ne nuira pas aux deux parties.'

C’est en faisant référence aux 'derniers échanges que nous avons eu au cours desquels nous avons évoqué la rupture conventionnelle’ que l’employeur a, le 9 janvier 2013, convoqué M. Z en vue d’un entretien le 18 janvier, entretien à l’issue duquel a été signée une rupture conventionnelle.

M. Z soutient que la proposition de contrat constituait une modification unilatérale du contrat de travail en ce qu’elle modifiait le temps de travail et le montant de sa rémunération, qu’il l’a clairement refusée, que cependant l’employeur l’a appliquée, qu’il s’en est traduit un litige sur les éléments essentiels du contrat et une rupture de fait par l’employeur du contrat de travail, que la rupture conventionnelle ne pouvait servir à formaliser la décision de rupture unilatérale d’un contrat de travail par l’employeur.

Il soutient en outre qu’il a subi des pressions pour signer, que l’employeur a omis de l’inviter à prendre contact avec Pôle emploi, ce en violation de l’accord interprofessionnel étendu, et de le prévenir qu’il existait des représentants du personnel de sorte que mal informé de ses droits il s’est présenté seul devant le représentant de l’employeur, qu’abusé il a signé, qu’il s’est vu remettre un exemplaire du formulaire de demande d’homologation, ne se souvient pas de la remise d’un document de rupture conventionnelle mais seulement de la remise d’un document cerfa non signé de l’employeur et qu’enfin il aurait dû percevoir une indemnité spécifique de rupture conventionnelle d’au moins 786,15 euros et non de 776,10 euros.

En présence d’une modification du contrat de travail que le salarié n’accepte pas et à supposer que cela soit le cas en l’espèce, l’employeur ne peut imposer la modification et s’il le fait le salarié peut demander la résiliation judiciaire ou prendre acte de la rupture ; en l’espèce le salarié n’a pris aucune de ses initiatives de sorte qu’il ne peut soutenir qu’il existait au moment de la signature de la rupture conventionnelle un différend sur la rupture.

S’agissant des prétendues pressions, elles ne sauraient être considérées comme établies par le seul fait que l’employeur a reconnu par lettre qu’il y avait eu différents échanges et que le salarié avait indiqué le 18 décembre 2013 ne pas vouloir de rupture conventionnelle, ce dans les termes et le contexte ci-dessus rappelé.

La lettre du 9 janvier 2013 indiquait 'vous avez la possibilité de vous faire assister lors de cet entretien par un salarié de la société', de sorte que n’était effectivement pas indiquée la possibilité de se faire assister par un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou, en cas d’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

L’accord interprofessionnel stipule par ailleurs que 'la liberté de consentement est garantie par ….l’information du salarié de la possibilité qui lui est ouverte de prendre des contacts nécessaires, notamment auprès du service public de l’emploi, pour être en mesure d’envisager la suite de son parcours professionnel avant tout consentement… le processus ci-dessus fait l’objet d’un formulaire-type’ et la lettre du 9 janvier à la quelle l’employeur se réfère ne constitue pas la preuve de l’information.

Il est constant que le montant de l’indemnité spécifique prévu lors de la rupture était inférieur au montant dû, l’employeur indiquant lui-même que, le salarié étant en arrêt maladie dans les mois précédant la rupture, devait être pris en compte le salaire qu’il aurait perçu s’il avait travaillé pour le montant tel qu’indiqué par l’employeur lui-même dans le document de rupture conventionnelle signé par lui.

Enfin, et surtout, il est constant que le seul document en possession du salarié, la preuve de la remise d’un quelconque autre document n’étant pas justifiée, est un exemplaire de convention de rupture rempli mais non signé de l’employeur.

Or, il est constant que la remise d’un exemplaire de la convention au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention et pour garantir le libre consentement du salarié en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause.

Il ne peut donc qu’être constaté qu’un document ne comportant pas la signature de l’employeur ne constitue pas une convention de rupture.

Si les défauts d’information susvisés ne suffisaient pas à caractériser un vice d’information et à emporter la nullité de la convention, force est de considérer que l’absence de remise d’un exemplaire de la convention qui n’apporte pas les deux garanties susvisées, emporte quant à elle, à elle seule mais au demeurant rapprochée des autres manquements, la nullité de la rupture.

Ceci ouvre droit au paiement de l’indemnité de préavis telle qu’accordée par les premiers juges sous l’intitulé inexact d’indemnité de licenciement, du rappel d’indemnité de licenciement tel qu’accordé et de dommages et intérêts qui en considération de l’ancienneté, du salaire perçu (1 838,25 euros) et d’une situation de chômage subie à tout le moins jusqu’en août 2014, seront évalués à 12 000 euros, à l’exclusion d’une indemnité complémentaire pour irrégularité de la procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Ordonne la jonction des procédures ouvertes sous les numéros 15-3561 et 16-747.

Déclare irrecevable l’appel principal formé par M. Z mais recevable son appel incident.

Confirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions ayant alloué la somme de 3 676,50 euros à titre d’indemnité de licenciement, accordé la somme de 200 euros pour non respect de la procédure, fixé à 10 500 euros le montant des dommages et intérêts et ordonné le remboursement par la société A2S des indemnités de chômage dans la limite de 10 jours.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la somme de 3 676,50 euros est due à titre d’indemnité de préavis.

Condamne la société A2S à payer à M. Z la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute M. Z de sa demande d’indemnité pour irrégularité de procédure.

Ordonne le remboursement par la société A2S à
Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. Z dans la limite de six mois.

Y ajoutant, condamne la société A2S à payer à M. Z la somme complémentaire de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société A2S aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. POSE H. PRUDHOMME

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Caen, 30 septembre 2016, n° 15/03561