Cour d'appel de Caen, 24 juin 2016, n° 14/03937

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 24 juin 2016, n° 14/03937
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 14/03937
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cherbourg, 21 octobre 2014, N° F13/00311

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 14/03937

Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHERBOURG en date du 22 Octobre 2014 – RG n° F13/00311

COUR D’APPEL DE CAEN

1° Chambre sociale

ARRET DU 24 JUIN 2016

APPELANTE :

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Armelle DUTERTRE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Mademoiselle Y X

XXX

XXX

Comparante en personne, assisté de Me Guillaume LETERTRE, avocat au barreau de CHERBOURG

DEBATS : A l’audience publique du 09 mai 2016, tenue par Madame PRUDHOMME, Présidente de chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame POSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame PRUDHOMME, Présidente de chambre, rédacteur

Madame PONCET, Conseiller,

Madame VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 24 juin 2016 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame PRUDHOMME, président, et Madame POSE, greffier

Exposant avoir été embauchée à compter du 1er mars 2009 à temps complet comme responsable d’élevage à la demande de M. K par l’EARL de Beaurepaire, Mlle Y X saisissait le conseil de prud’hommes de Cherbourg le 21 novembre 2013 pour demander paiement de ses salaires depuis 2009, versement de l’indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Par jugement contradictoire du 22 octobre 2014, le conseil de prud’hommes de Cherbourg a :

— reconnu la subordination de Mlle Y X à l’EARL de Beaurepaire

— dit que Mlle Y X est liée à l’EARL de Beaurepaire par un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er avril 2012 avec la qualification de soigneur responsable d’écurie (convention collective nationale du 1er novembre 2013 concernant le personnel des centres équestres)

— condamné l’EARL de Beaurepaire à payer à Mlle Y X les sommes suivantes :

—  13 663,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de l’année 2012

—  15 182,20 euros à titre de rappel de salaire au titre de l’année 2013

—  515,09 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

—  9 109,32 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

—  1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté l’EARL de Beaurepaire de toutes ses demandes

— l’a condamnée aux dépens.

Le 19 novembre 2014, l’EARL de Beaurepaire formait appel de ce jugement.

Dans ses conclusions du 9 mai 2016 soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, l’EARL de Beaurepaire demande à la cour de :

— infirmer le jugement

— débouter Mlle Y X de l’intégralité de ses demandes

— la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Dans ses écritures du 9 mai 2016 également développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, Mlle Y X sollicite de la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’elle était liée par un contrat de travail à l’EARL de Beaurepaire en contrat à durée indéterminée en qualité de soigneur responsable d’écurie

— réformer le jugement pour le surplus et condamner l’EARL de Beaurepaire à lui payer les sommes suivantes :

—  9 109,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  3 036,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

—  1 518,22 euros à titre d’indemnité de licenciement

—  17 071,92 euros à titre de rappel de salaire pour l’année 2009

—  17 071,92 euros à titre de rappel de salaire pour l’année 2010

—  17 071,92 euros à titre de rappel de salaire pour l’année 2011

—  17 071,92 euros à titre de rappel de salaire pour l’année 2012

—  17 927,40 euros à titre de rappel de salaire pour l’année 2013

—  14 939,50 euros à titre de rappel de salaire jusqu’au prononcé du jugement de première instance

—  9 109,33 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

—  2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

— Sur l’existence d’un contrat de travail

Mlle Y X soutient qu’elle a travaillé à temps complet pour l’EARL de Beaurepaire à compter du 1er mars 2009 ; elle expose qu’elle a tout d’abord été soumise au lien de subordination et au pouvoir de direction de M. (Z) K pour ensuite, à compter de l’année 2012, que sa relation de travail soit consacrée avec la personne morale constituée par l’EARL de Beaurepaire ; elle affirme que la relation de travail a débuté au 1er mars 2009 avec M. Z K, seul présent sur le site de l’exploitation du haras de Martinvast, tandis que son fils A était physiquement très éloigné du château, et peu importe qu’elle ait reçu directives et instructions du gérant de droit absent ou au contraire du gérant de fait, lui-même associé de la structure, celui-ci conservait en pratique le pouvoir décisionnaire sur le haras ; à tout le moins, elle en déduit que si elle ne travaillait pas exclusivement pour l’EARL de Beaurepaire, la situation de fait caractérise à tout le moins une situation de co-emploi au titre de laquelle l’EARL de Beaurepaire doit répondre de l’emploi qu’elle lui a fait occuper. Elle conclut que l’EARL de Beaurepaire est réputée acquiescer à la compétence prud’homale puisqu’en l’absence de contredit, elle n’a pas contesté la compétence du conseil de prud’hommes pour connaître du litige.

L’EARL de Beaurepaire conteste tout d’abord que son appel du jugement, à défaut de contredit, caractérise son acquiescement à l’existence d’une relation de travail et soutient qu’elle n’a été créée qu’en 2012 et n’a commencé son activité d’élevage de chevaux de selle français que le 1er avril 2012, son gérant étant M. A K, fils de Z K, et qu’à défaut pour Mlle X de caractériser un lien de subordination la liant avec l’EARL de Beaurepaire ou son gérant, elle ne rapporte nullement la preuve de l’existence d’un contrat de travail avec elle.

sur l’absence de contredit : en effet, cette voie de recours est ouverte à la partie qui conteste la compétence de la juridiction quand celle-ci a statué uniquement sur sa compétence, tandis que le conseil de prud’hommes ayant reconnu à Mlle X la qualité de salariée de l’EARL de Beaurepaire, celle-ci devait justement contester le jugement par la voie de l’appel, ne méconnaissant pas qu’il appartient à la juridiction prud’homale seule de reconnaître l’existence ou non d’un contrat de travail et l’absence de contredit de la part de l’EARL de Beaurepaire ne peut valoir reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail avec Mlle X.

Pour justifier de ses relations avec l’EARL de Beaurepaire, Mlle Y X verse de nombreuses attestations, dont, entre autres pièces, celles de :

— R S, ouvrier des jardins entre mai 2010 et mai 2011, atteste avoir travaillé avec Mlle X, directrice des haras de Martinvast, qui était une de ses responsables, elle s’occupait des chevaux à plein temps (les emmener pour les saillies, en concours hippiques, s’occuper des naissances, réparer les clôtures, nettoyer les boxes, entraîner les chevaux pour les concours et les préparer pour les ventes)

— N O, locataire d’un logement sur le domaine de Beaurepaire de février 2010 à septembre 2011, indique avoir côtoyé régulièrement Mlle X et M. Z K, Mlle X passait l’essentiel de son temps à s’occuper des chevaux du château de Martinvast (entraîner et emmener les chevaux en compétitions, les nourrir, soigner, assurer leur reproduction) et elle aidait, avec la secrétaire M. K, à s’occuper de la gestion des locations des maisons présentes sur le parc (faire les visites, mettre des annonces, appel des entreprises pour procéder aux réparations urgentes) et enfin, organiser et faire le repas lors de réceptions au château de Martinvast

— L M, ouvrier polyvalent pour l’entretien du parc, salarié de l’association pour la promotion du parc de Martinvast du 1er août 2011 au 31 juillet 2012, décrit Mlle Y X comme étant la directrice du haras de Martinvast (soigner les chevaux, débourrer, concours dressage et valorisation des jeunes chevaux, préparer les chevaux pour les ventes aux enchères, saillies, poulinages, soins vétérinaires, toilettage des chevaux, transport des chevaux, relations clients et concours hippiques)

— Rachel Gallier, secrétaire de l’association « Cheval Normandie » indique avoir été plusieurs fois en relation avec Mlle X notamment en 2012 pour les concours d’élevage où elle a inscrit des chevaux et s’est déplacée sur les concours pour présenter plusieurs chevaux de Martinvast

— Cynthia Million, docteur vétérinaire à Cherbourg « reconnaît travailler directement avec Mlle X dans le but d’effectuer le suivi du cheptel de chevaux présents sur le site du haras de Martinvast : aide dans les soins nécessitant l’intervention du vétérinaire, gérer le transport des juments pour les saillies effectués par le vétérinaire, son activité s’apparentant à celle d’un responsable d’écurie »

— P Q, vétérinaire à Cherbourg attestant « Mlle Y X s’occupe des chevaux de M. K depuis mars 2009 »

— C D affirme avoir constaté que « depuis juillet 2008, M. Z K a donné les pleins pouvoirs à Mlle Y X puisqu’elle était la seule sur l’exploitation agricole (soins aux animaux, débourrage, mise aux concours, suivi de gestation) et les locataires du domaine qui n’obtenaient rien de M. Z K se confiaient à elle pour résoudre leurs problèmes »

— T U indique avoir rencontré Mlle X en novembre 2011 pour l’achat d’une cheval de selle français appartenant à M. Z K, celle-ci a effectué les démarches pour parvenir à la vente

XXX, propriétaire du centre équestre de Brix, déclare « connaître Mlle X depuis 2009, je lui loue mes installations et elle amène les chevaux de M. K dans mes installations pour les dresser et leur faire travailler à l’obstacle ou en saut en liberté, plusieurs fois par semaine pour assurer la valorisation des chevaux de M. K, elle participe au concours d’entraînement et aux concours officiels dans mes installations »

— Aline Pariset, cavalière professionnelle, expose « connaître Mlle Y X depuis début 2009, elle est considérée dans le milieu de l’équitation en tant que directrice d’élevage au haras de Martinvast depuis fin 2008, elle exerce le métier de cavalière, valorise les chevaux et les commercialise »

— Jacqueline Tardieu de Maleissye certifie que Mlle X est « directrice du haras de Martinvast depuis début 2009 »

— E F écrit que Z K lui a présenté Mlle X en 2008 en disant « Y s’occupera de mon haras » et lui a déclaré plus tard « elle devrait emmener les juments à l’échographe et à la saillie en choisissant les meilleurs étalons » et affirme qu’elle « était chargée de commercialiser les chevaux d’âge, les valorisant en concours, s’occupant du débourrage, cela représentait pour Y X un travail à plein temps et de nombreuses heures sur les routes avec les juments et chevaux en soins »

— Béatrice Figarède, secrétaire au château de Martinvast sous l’autorité de M. Z K du 1er février 2011 au 30 juin 2012 atteste que « Mlle X s’est occupée des chevaux présents sur l’exploitation, sans recevoir de salaire et sans avoir de contrat de travail durant la période où j’étais présente, je certifie avoir été au courant de la demande de contrat de travail et de rémunération de la part de Mlle X qui n’a pas abouti au refus de M. K ».

Elle produit la copie de 6 reçus signés de M. Z K pour la location de champs pour l’herbage de chevaux, pour la location de bétaillère entre 2009 et 2013, ces documents n’apportant aucun élément de nature à justifier d’un emploi salarié auprès de l’EARL de Beaurepaire.

Elle verse le procès-verbal dressé le 12 décembre 2013 par Me Gerlic, huissier de justice à Cherbourg tendant à démontrer qu’elle possède une chambre qui lui est attribuée dans une dépendance du château de Martinvast mise à sa disposition par le propriétaire des lieux.

Elle joint la convention de stage signée le 7 juin 2013 entre « le haras de Martinvast, représenté par Mlle Y X » et le lycée agricole La Salle Montebourg pour recevoir au sein du haras une mineure scolarisée pendant une semaine, à cette période, (sans que la mention de la qualité du maître de stage ne soit mentionnée).

Elle communique enfin l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Cherbourg le 13 mai 2015 après sa mise en qualité de témoin assistée du chef d’abus de l’ignorance ou de la faiblesse d’une personne vulnérable pour l’obliger à un acte ou à une abstention néfaste, (victime M. Z K) de laquelle il résulte que M. Z K avait rencontré Mlle Y X courant 2009 et lui avait proposé de « venir s’occuper des chevaux de son haras, ce qu’elle avait accepté et s’était installée au château. Il percevait des loyers pour les chevaux en pension dans le haras et Y X se rémunérait sur cette somme pour l’entretien et le dressage ; par ailleurs, elle gagnait de l’argent en vendant des toiles car elle était artiste-peintre, c’était une amie qui s’occupait bénévolement des chevaux du haras ».

Devant les gendarmes, Mlle Y X avait expliqué qu’elle « vivait au château depuis février 2010, qu’elle avait deux pouliches et s’occupait de tous les chevaux ce qui lui permettait de bénéficier en contre-partie des installations, de la paille et de l’eau, elle aidait M. Z K dans la gestion quotidienne des logements loués sur le domaine, elle ne percevait comme ressources que les fruits des ventes de ses tableaux ».

Il apparaît que le haras de Martinvast était toujours présenté, postérieurement à la création de l’EARL de Beaurepaire, sous le nom de M. Z K qui poursuivait des actes juridiques avec Mlle Y X (contrat de cession de parts de chevaux entre M. Z K et Mlle Y X le 16 août 2012, pièce 22 de l’appelante).

Il résulte de l’ensemble de ces pièces que si Mlle Y X justifie avoir eu une activité au sein du haras de Martinvast depuis 2009, elle ne justifie nullement qu’elle a eu une relation de travail avec l’EARL de Beaurepaire depuis sa création le 1er avril 2012, aucun acte de subordination de Mlle X à l’égard de cette exploitation agricole d’élevage de chevaux gérée par M. A K n’étant justifiée par Mlle X et celle-ci n’ayant pas appelé en la cause M. Z K, la cour ne peut que la débouter de l’intégralité de ses demandes, aucune des conditions requises pour justifier d’une situation de co-emploi n’étant remplie : confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale d’une société d’un groupe envers une autre société du même groupe.

Il convient d’infirmer en ce sens le jugement rendu et de mettre les dépens de l’instance à la charge de Mlle Y X. Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à l’EARL de Beaurepaire la charge de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris

Déboute Mlle Y X de toutes ses demandes à l’encontre de l’EARL de Beaurepaire

Condamne Mlle Y X aux dépens de première instance et d’appel

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’EARL de Beaurepaire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. POSE H. PRUDHOMME

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