Cour d'appel de Caen, 1° chambre sociale, 30 juin 2017, n° 15/02458

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 1° ch. soc., 30 juin 2017, n° 15/02458
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 15/02458
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Caen, 18 juin 2015, N° F14/00061
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 15/02458

Code Aff. :

ARRET N° C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 19 Juin 2015 – RG n° F 14/00061

COUR D’APPEL DE CAEN

1° Chambre sociale

ARRET DU 30 JUIN 2017

APPELANT :

Monsieur W C P

XXX

XXX

Comparant en personne, assisté de Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Association ACSEA

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Emaé BERLET, avocat au barreau de PARIS

DEBATS : A l’audience publique du 11 mai 2017, tenue par Madame PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé en présence de Madame VINOT, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame X

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame PRUDHOMME, Président de Chambre,

Madame PONCET, Conseiller,

Madame VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 30 juin 2017 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame PRUDHOMME, président, et Madame X, greffier

M. P a été embauché par l’association calvadosienne pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (ci-après dénommée Acsea) à compter du 15 octobre 2002 en qualité d’éducateur spécialisé.

Le 30 avril 2013, il s’est vu notifier une mise en garde et le 7 octobre 2013 une mise à pied disciplinaire de 3 jours.

Le 21 janvier 2014, il a saisi le conseil de prud’hommes de Caen d’une contestation de ces mesures et d’une demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement du 19 juin 2015 le conseil de prud’hommes de Caen a :

— dit que la lettre du 30 avril 2013 n’est pas une sanction

— débouté M. P de sa demande d’annulation de la mise à pied et des demandes subséquentes

— dit que M. P n’est pas victime de harcèlement moral, le déboutant de sa demande à ce titre

— débouté M. P de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné M. P aux dépens

M. P a interjeté appel de ce jugement.

Le 19 mai 2016, il s’est vu notifier son licenciement.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 2 mai 2017 pour l’appelant et du 11 mai 2017 pour l’intimée, reprises oralement à l’audience.

M. P demande à la cour de :

— réformer le jugement

— annuler la mise à pied disciplinaire

— condamner l’Acsea à lui payer la somme de 180,33 euros à titre de rappel de salaire correspondant et la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

— condamner l’Acsea à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral

— dire nul et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse le licenciement

— condamner l’Acsea à lui payer les sommes de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’Acsea demande à la cour de :

— confirmer le jugement

— débouter M. P de toutes ses demandes

— condamner M. P à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

SUR CE

Sur la mise en garde du 30 avril 2013 et le contexte qui a suivi

L’Acsea a soutenu qu’il ne s’agissait pas d’une sanction, ce qu’ont retenu les premiers juges et ce que ne conteste pas M. P en cause d’appel.

Il sera simplement relevé sur quoi elle portait et dans quel contexte elle a été délivrée, M. P se prévalant d’une chronologie remontant à cette mise en garde pour conclure au harcèlement moral subi.

Il est constant que le 30 avril 2013, M. Y , chef de service, a indiqué au salarié avoir été pris à partie de façon inacceptable tant sur la forme que sur le fond et ne pas accepter ces propos.

M. P a répondu le 21 mai qu’il s’agissait d’un abus de pouvoir et de fabulation, soutenant s’être lui-même vu parler comme s’il était un chien, rappelant dans quelles conditions il avait fait une remarque sur une décision concernant deux jeunes placées dans le foyer (dont l’une avait agressé sexuellement l’autre) qu’il considérait comme une faute grave et indiquant qu’il transmettait cette lettre à l’inspecteur du travail, au médecin du travail et aux membres du D

Il a été convoqué le 23 mai par la directrice adjointe Mme Z, directrice adjointe du département foyers éducatifs, le 10 juin le directeur général l’a informé qu’il demandait une étude de cette situation mais s’étonnait que le salarié puisse viser nominativement des jeunes en violant le secret professionnel, le 24 juin Mme Z lui a indiqué que le ton du 18 avril avait été inacceptable et qu’elle l’invitait à investir les lieux de soutien aux professionnels, le 9 juillet M. P a répondu qu’il contestait toujours avoir interpellé M. Y de manière inacceptable et rappelait avoir fait part des problèmes rencontrés avec trois membres de l’équipe d’Authie tenant des propos diffamatoires sur sa personne et n’avoir pu bénéficier de la 'régulation’ qu’à 3 reprises seulement, le 22 juillet le directeur du département foyers éducatifs lui a rappelé les règles concernant le secret professionnel et pris acte de sa déclaration suivant laquelle il n’avait pas mis en oeuvre l’intention exprimée d’adresser copie de son courrier citant nommément deux jeunes à l’inspection et au médecin du travail, le 21 septembre par lettre au directeur M. P s’est à nouveau exprimé sur la situation des deux jeunes exposant qu’il n’ignorait pas qu’en dénonçant des faits aussi graves il deviendrait le bouc émissaire du service, énonçant être victime de harcèlement moral, avoir demandé à 3 salariés de cesser de raconter qu’il a été en psychiatrie, se sentir maltraité, avoir ressenti une agressivité de Mme Z le 2 juillet et une agressivité de M. Y lors d’un entretien.

Sur la mise à pied du 7 octobre 2013

La lettre de sanction fait en premier lieu le reproche à M. P de s’être, le 16 septembre, 'braqué’ suite à une remarque de Mme Z, directrice adjointe, sur le fait qu’il était interdit de nourrir les chats et de s’être approchée d’elle à 20 cm de son visage de façon menaçante en lui intimant de parler moins fort et en lui disant qu’elle parlait 'comme un chien du haut de sa hauteur'.

Mme Z a rédigé une attestation décrivant l’attitude de M. P telle que rapportée dans la lettre de mise à pied et M. Y atteste avoir constaté ce comportement.

La lettre de sanction fait en second lieu le reproche de faits survenus 3 jours plus tard : interrogé par le chef de service, M. Y, sur la situation d’une jeune dont il est le référent et sur des dysfonctionnements qu’il lui était demandé de prendre en compte, M. P se serait énervé brutalement, disant qu’on lui parlait 'comme un chien’ et ordonnant qu’on 'baisse le ton’ puis refusant d’obtempérer à la demande qui lui était faite de quitter le bureau et se tenant dans une 'posture d’intimidation'.

M. Y a rédigé une lettre et une attestation décrivant les faits tels que rapportés.

M. P tente de démontrer par les témoignages de salariés que le fait d’avoir nourri un chat ne saurait lui être reproché puisqu’il s’agissait d’une pratique en vigueur et que c’est l’absurdité de la remarque sur un sujet mineur alors qu’il sortait d’une situation de crise qui l’a fait réagir.

Plusieurs salariés attestent de ce qu’il était de pratique habituelle de nourrir les chats sans que cela X de difficultés, Mme Z elle-même l’ayant fait (attestation de Mme A).

Il sera toutefois relevé que la sanction n’a pas été délivrée pour avoir nourri le chat mais pour l’attitude agressive qui a suivi la remarque laquelle n’est pas contestée dans sa matérialité.

M. P fait ensuite valoir que l’incident est révélateur de la tentative de le mettre en difficulté dans un contexte de mépris à son égard dont atteste selon lui une collègue Mme A : 'Il (M. B) a affirmé qu’C était quelqu’un d’asocial, incapable de travailler en équipe et qu’il serait tout juste bon à balayer les feuilles sur les trottoirs, il a conclu en disant que c’était un malade mental… Sur le foyer d’Authie lors de réunions il a été déclaré par Q H, collègue éducatrice, qu’il était inquiétant de savoir qu’C allait revenir au foyer car il était impossible de travailler avec lui puisqu’il était asocial et agressif. j’ai eu l’occasion d’échanger à ce sujet avec la psychologue du foyer qui m’a indiqué qu’C était un professionnel souvent pertinent et que l’équipe lui faisait endosser des dysfonctionnements afin d’éviter une remise en cause des pratiques professionnelles…..R S, collègue éducatrice m’a dit ''fais attention à C, il faut s’en méfier. J’ajoute que le chef de service s’est régulièrement moqué de l’accent québécois d’C. Lorsqu’C se permettait de donner son avis il était contredit de façon systématique… il était sujet à des railleries..quoi qu’il dise ses propos étaient tournés en dérision'.

Cela étant, ce contexte tel que décrit est extérieur à l’incident précis évoqué dans la lettre de sanction.

Quant aux témoignages de collègues attestant n’avoir jamais constaté d’agressivité de M. P elles n’apportent pas de contradiction utile quant aux faits du mois de septembre.

Enfin les généralités énoncées dans un tract syndical sur l’ambiance délétère qui régnerait dans l’établissement ne sont pas non plus de nature à expliquer l’attitude contestataire adoptée en réplique à des remarques de ses supérieurs.

Un comportement fautif est en conséquence avéré qui, toutefois, ne présentait pas un caractère de gravité justifiant la sanction telle que prononcée que la cour juge disproportionnée.

Le paiement du salaire pendant la mise à pied sera donc ordonné et il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 500 euros au titre du préjudice moral causé.

Sur le harcèlement moral

M. P soutient avoir subi pendant plusieurs années des agissements répétés de harcèlement moral, sa hiérarchie n’ayant eu de cesse selon lui de le mettre en difficulté, de ne pas tenir compte des agissements qu’il pouvait subir de la part de ses collègues, de les laisser perdurer et d’agir elle-même pour dégrader ses conditions de travail.

Il expose qu’il a informé son employeur du harcèlement qu’il subissait et a déposé plainte, des salariés représentants du personnel se joignant à sa dénonciation et se réfère à cet effet à la chronologie ci-dessus rappelée et à sa pièce 29 qui est une lettre du 26 septembre 2013 adressée par les élus CE, CCE, DP et D au directeur pour se plaindre de dysfonctionnements et indiquant in fine’Nous demandons qu’aucune sanction ne soit prise à l’encontre d’un collègue qui subit depuis trop longtemps la maltraitance de l’institution. Enfin nous demandons via le vote du D une expertise sur le fonctionnement et les risques psycho sociaux professionnels sur les foyers éducatifs'.

Il fait ensuite référence aux propos tenus concernant sa santé mentale en se référant au témoignage précité de Mme A ainsi qu’au témoignage de Mme E qui indique : 'J’ai pu être témoin de situations où mon collègue a été stigmatisé… à plusieurs reprises des remplaçants qui connaissent à peine M. P m’informent que celui-ci est fou et que cela aurait été rapporté par M. F chef de service… Un remplaçant (Rodrigue) m’a affirmé que ses collègues titulaires M. G et Mme H ont explicité que M. P avait été enfermé en hôpital psychiatrique durant 2 ans et qu’il fallait en avoir très peur… Nous en avons fait part à notre direction, M. I a répondu que M. T n’était bon qu’à couper de l’herbe dans les champs'.

Il expose encore que la direction a organisé une visite avec le médecin du travail à laquelle elle assistait, ce afin de mettre en doute ses capacités à assumer ses fonctions et il résulte à cet égard des échanges de lettres versés aux débats que l’employeur a expliqué avoir sollicité pour son salarié une visite médicale à la médecine du travail dans la mesure où il avait pu constater qu’il n’allait pas bien lors d’une réunion et où des collègues lui avaient signalé des éléments préoccupants tels que des endormissements pendant le temps de travail.

Il résulte de ce qui vient d’être exposé que tout en invoquant des actes de harcèlement moral perdurant sur plusieurs années, M. P ne se réfère à aucun fait et élément antérieur à avril 2013, que s’il situe le harcèlement moral comme contemporain de ses dénonciations il s’avère que ce sont tout autant ses dénonciations de harcèlement moral qui sont contemporaines des mises en garde reçues sur le ton utilisé pour parler à ses supérieurs, qu’il ne verse aux débats aucun témoignage tenant à établir que c’est Mme Z et M. Y qui lui auraient parlé sur un ton agressif et non l’inverse, que s’il est attesté par deux salariés que certains salariés ont tenu sur la personne de M. P des propos relatifs à sa prétendue folie et ses hospitalisations en psychiatrie, il ne s’agit pas de propos tenus en sa présence, que les témoignages ne contiennent le récit d’aucun fait précis et circonstancié permettant de déterminer quels dysfonctionnements lui auraient été imputés à tort, quelles 'railleries’ ou propos précis auraient été tenus, que le témoignage sur la 'dérision’ et la contradiction qui auraient été apportés n’est pas circonstancié, que rien n’établit que les faits visés dans la mise en garde étaient inexacts, que l’échange de courrier qui a suivi ne traduit pas un acharnement particulier de l’employeur qui n’a fait que répondre aux longues lettres du salarié revenant sur les faits, que la 'maltraitance’ évoquée par les élus n’est pas autrement explicitée et que M. P ne l’explicite pas davantage se contentant de se référer à ses propres écrits dans lesquels il ne décrit pas autrement le harcèlement moral subi qu’en se référant aux courriers de l’employeur susvisés et aux propos agressifs de ses supérieurs Mme Z et M. Y dont il vient d’être exposé qu’ils n’étaient pas prouvés, que si la mise à pied est jugée disproportionnée les faits qui l’ont motivée sont cependant établis, que M. P ne saurait à la fois reprocher à son employeur de n’avoir pas réagi aux difficultés exprimées et de l’avoir fait convoquer par le médecin du travail, que plusieurs entretiens ont eu lieu au cours duquel ont été évoquées les instances de dialogue, que si la lettre des élus évoque des difficultés sur lesquelles il y a lieu à alerte, celles-ci sont relatives aux conditions de répartition et d’accueil des collègues et à leur accompagnement, aux conditions d’accueil et de suivi des jeunes, aux effectifs du foyer et de salariés et ne sont pas telles qu’évoquées révélatrices d’un quelconque harcèlement moral à l’égard de M. P.

En cet état, et alors que l’Acsea verse aux débats, sans qu’ils appellent de quelconques observations de l’appelant, des compte-rendus de rencontre dans le cadre d’une enquête du D (mars 2009) et d’équipe (mai 2009) et des lettres de l’institut de formation en date des 12 décembre 2011 et 12 décembre 2012, éléments desquels il résulte de la part de M. P d’une part au sein du service un comportement fait de demandes d’éclaircissement permanentes, d’opposition systématique, de problèmes de communication, d’incapacité à se remettre en question, de tentation de se victimiser, d’autre part en formation une impossibilité d’adhérer à une approche pédagogique et des interventions blessantes pour l’intégrité du groupe, il sera jugé que le contexte d’exécution de la relation de travail tel qu’il résulte des éléments apportés traduit des difficultés relationnelles et un sentiment d’incompréhension du salarié sans pour autant établir une situation de harcèlement moral.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur le licenciement

M. P a été licencié pour insuffisance professionnelle.

La lettre de licenciement fait état de difficultés dans le travail éducatif : difficulté à s’investir dans le suivi des jeunes en raison de nombreux oublis, de maladresses dans la communication, de difficultés dans le rapport à l’autorité (oubli du nom des jeunes dont il est le référent et de leur situation individuelle, leur contexte familial et leur historique), difficulté de se faire respecter sans brutalité et de garder son sang-froid en cas de provocation des jeunes, attitudes étranges (resté posté devant la porte des toilettes, interpeller les filles quand elle sont sous la douche), en voiture comportements agressifs avec d’autres automobilistes,.

Elle fait en outre état de difficultés de travailler en binôme avec les collègues, de faire équipe : prise de décisions à l’encontre de ce qui a été décidé en équipe, par exemple le 21 mars s’agissant de la télévision.

Elle fait encore état de la difficulté à retenir les procédures élémentaires, des difficultés de compréhension et de concentration, d’oublis, d’endormissements en réunion.

Elle se conclut par l’évocation d’attitudes inadaptées dans le passé et de l’incapacité de se remettre en question.

Il sera relevé que, hormis d’affirmer en termes généraux que 'les dysfonctionnements perduraient depuis longtemps', l’Acsea ne s’explique pas plus avant à cet égard et de ne présente pas d’éléments de justification autres que les seules affirmations de la direction dans des compte-rendus établis par elle-même.

Les faits précis auxquels elle se réfère et sur lesquels elle s’explique dans ses conclusions sont afférents à la période postérieure au retour en janvier 2016 de M. P après un arrêt de travail presque continu pour accident du travail survenu en juillet 2014.

S’agissant des difficultés de concentration, Mme J,chef de service et Mme K, éducatrice, évoquent la nécessité de rappeler souvent à ce salarié qui les oubliait les situations des jeunes, leur identité ce qui causait des difficultés pour qu’il retienne les projets et les axes de travail, la chef de service rapportant le propos d’une jeune affirmant qu’il lui faisait répéter sans cesse ses activités d’insertion et son projet.

S’agissant des endormissements sur le lieu de travail, ils sont évoqués dans plusieurs compte-rendus de collègues et jeunes sous la forme d’un simple constat en ce qu’ils ont généré une surprise et une inquiétude et non en ce qu’ils ont provoqué des dysfonctionnements réels.

S’agissant de la sécurité au volant, ces mêmes compte-rendus évoquent la peur des jeunes en voiture car le salarié avait des gestes brusques au volant, insultait d’autres conducteurs, empruntait un sens interdit sans qu’il résulte par ailleurs d’aucun élément des faits plus précis ni des contraventions au code de la route constatées par les services de police ni encore moins des accidents.

Ces mêmes éléments font le rapport de l’expression par certaines jeunes d’un comportement qu’ils estimaient 'bizarre’ et de nature à les 'mettre mal à l’aise’ et à les 'insécuriser’ qui est décrit ainsi : M. P ouvrait la porte de la chambre des filles quand elle étaient sous la douche pour leur parler ou se tenait devant la porte des toilettes.

Ce comportement n’est pas autrement caractérisé par les témoins ni par l’Acsea dans sa lettre de licenciement.

Celle-ci se contente d’énoncer ce fait qui, ainsi que le soutient l’appelant constitue davantage une insinuation de faits qui, s’ils étaient caractérisés, constitueraient non une insuffisance professionnelle mais une faute et qui ne sont pas en l’espèce suffisamment caractérisés.

Trois faits précis et datés sont ensuite évoqués.

Il est fait état d’un incident du 21 mars 2016 relatif à l’extinction du poste de télévision, l’Acsea soutenant que, alors qu’il avait été convenu avec l’équipe éducative, que ce serait M. U V qui gérerait l’extinction, M. P a pris la décision d’éteindre le téléviseur 5 minutes avant la fin du film au motif que le règlement fixait une extinction à 22h30, ce qui a déclenché l’agressivité d’un jeune.

Il résulte des témoignages de l’ensemble des protagonistes de la soirée que s’il a été décidé que M. U V gérerait l’extinction de la télévision, rien n’établit que cette décision ait été prise en la présence de M. P, celui-ci dûment informé, que ce dernier a X une question sur l’heure de fermeture à 22h30 à laquelle ses collègues ont répondu 'oui’ croyant avoir entendu une autre question, qu’il y a donc pu y avoir méprise de la part de M. P sur un accord express donné aux jeunes de déroger à l’heure d’extinction fixée par le règlement.

Cependant, même si M. P n’a fait qu’appliquer le règlement en imposant la fermeture du poste à 22h30, il a imposé celle-ci au jeune nonobstant l’affirmation de M. U V qu’il gérerait ce problème, ce qui a provoqué un acte de violence du jeune qui a menacé M. P lequel a dû être protégé par les deux autres éducateurs.

Un comportement inadapté peut être retenu.

Il est fait ensuite état de ce que le 4 avril 2016 M. P a décidé, en contradiction de ce qui venait d’être décidé par l’équipe, d’autoriser la jeune L à quitter le foyer toute seule à 20 h pour aller chez sa tante.

Est produite la note d’information rédigée par Mme M de laquelle il résulte que cette dernière était simplement en désaccord, compte tenu du contexte relatif à la jeune en question, avec l’autorisation donnée par M. P mais il n’en résulte pas que ce dernier ait pris une décision expressément contraire à une décision déjà prise pas plus qu’il n’en résulte suffisamment que l’autorisation était contraire aux intérêts de la jeune et de son suivi, étant relevé qu’aucune remarque n’a été immédiatement adressée au salarié à la suite.

Il est encore fait état de ce que, le 5 avril, alors qu’il avait été vu en réunion de service qu’une jeune de nationalité étrangère relevait non pas d’une demande d’asile mais d’une demande de titre de séjour, M. P a affirmé à cette jeune que sa situation relevait d’un recours au titre du droit d’asile.

Il ne ressort pas du mail de Mme J se faisant l’écho de propos de M. N autre chose qu’une position de ce dernier contraire à celle de M. P quant à la situation administrative de la jeune et il n’en résulte pas la violation d’une position prise officiellement à cet égard ni d’éléments relatifs à la fausseté de la position exprimée par le salarié.

Il est enfin fait état de ce que, le 12 avril, M. P a laissé entrer dans le foyer et dans la chambre de son fils O qui en était absent, la mère de ce dernier, ce qui selon l’employeur est une pratique inacceptable (violation de l’intimité du jeune contraire aux règles éducatives et aux instructions données en l’espèce compte tenu du caractère intrusif de la mère) et a entraîné une réaction de violence du jeune.

M. P ne méconnaît pas avoir laissé entrer la mère de ce jeune qui expliquait avoir perdu les clés de sa maison et souhaitait récupérer un double et explique que si elle en a profité pour s’emparer de plusieurs objets il l’avait cependant vivement dissuadée de le faire.

Le compte-rendu d’entretien rédigé par la directrice adjointe fait état de l’insistance en réunion sur le fait que la maman d’O pouvait avoir des attitudes intrusives vis à vis de son fils et que par conséquent l’équipe devait adopter une prudence particulière.

Ainsi, peut-il être reproché à M. P une imprudence à cet égard.

Pour conclure, l’Acsea évoque les conséquences du comportement du salarié en se référant aux alertes du D.

Mme K dit, dans un rapport transmis au D le 26 avril 2016, éprouver une grande insécurité à raison de l’attidude de M. P (en rappelant les faits qui viennent d’être évoqués), des craintes d’altercation avec les jeunes, des inquiétudes pour les collègues travaillant avec lui et des inquiétudes pour sa santé.

Quant au trois membres du D signataires le 26 avril 2016 d’une lettre à son président, ils évoquent avoir reçu des témoignages sur un 'certain nombre de dysfonctionnements générant des tensions, des inquiétudes et de possibles mises en danger' et s’estimer fondés à penser que 'cette situation doit être traitée rapidement afin de préserver les jeunes, l’équipe et M. P lui-même'.

Il n’est fait état d’aucune enquête proprement dite du D, ni d’une audition de M. P dans ce cadre, pas plus que d’une véritable tentative de mise au point officielle avec ce dernier ni d’un recadrage écrit et pas davantage d’une saisine effective de la médecine du travail alors qu’un certain nombre de faits semblaient relever davantage de la santé et d’un questionnement sur l’aptitude.

Il résulte de ce qui vient d’être exposé que si deux attitudes inadaptées peuvent être reprochées à M. P elles n’étaient pas de nature à justifier un licenciement lequel sera donc jugé sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit à des dommages et intérêts qui, compte tenu de l’ancienneté, du salaire perçu (1 892 euros) et des explications fournies sur la situation postérieure à la rupture (il est simplement indiqué que âgé de 63 ans il n’a pas retrouvé d’emploi stable), seront évalués à 20 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris sauf en celle de ses dispositions ayant débouté M. P de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et dit que la lettre du 30 avril 2013 n’est pas une sanction.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Annule la mise à pied du 7 octobre 2013.

Condamne l’association calvadosienne pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence à payer à M. P les sommes de :

—  180,33 euros à titre de salaire pendant la mise à pied

—  500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la nullité de la sanction

—  20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

—  2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile..

Ordonne le remboursement par l’association calvadosienne pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. P dans la limite de six mois d’indemnités.

Condamne l’association calvadosienne pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. X H. PRUDHOMME

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Textes cités dans la décision

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