Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 16 novembre 2021, n° 19/02794

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Rivière Avocats · 10 décembre 2021

TVA sur marge, Convention franco-luxembourgeoise, Apport d'usufruit, SCI familiale, Tontine entre époux, Adoption simple et succession, Pacte dutreil, GFA Marie-Bénédicte Pain, Bérénice Binazet, Lydie Bientz, Olivier Naulot …

 

Rivière Avocats · 9 décembre 2021

Le 16 novembre dernier, la Cour d'appel de Caen a été interrogée sur les conditions entourant l'exonération des droits de mutations des biens donnés à bail à long terme. L'article 793-2 3° du CGI prévoit que certains biens ruraux donnés à bail à long terme sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit à hauteur des trois quarts puis de 50% de leur valeur au-delà de 300.000€. L'article 793 bis conditionne toutefois cette exonération partielle à un certain nombre de conditions et notamment au fait que le bien objet de la transmission à titre gratuit reste la propriété du donataire, …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 1re ch. civ., 16 nov. 2021, n° 19/02794
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 19/02794
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Alençon, 26 août 2019, N° 17/01182
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 19/02794 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GNHI

Code Aff. :

ARRÊT N° JB.

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance d’ALENCON du 27 Août 2019 – RG n° 17/01182

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2021

APPELANTE :

La DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS

Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques, Pôle juridictionnel judiciaire,

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉS :

Monsieur X, Y, Z-L DU J D’K

né le […] à […]

[…]

[…]

Madame A, B, Z-O DU J D’K

née le […] à […]

[…]

[…]

non partie à l’instance,

Madame C, Z-O, B DU J D’K

née le […] à […]

[…]

[…]

Madame D, E, Z-O DU J D’K

née le […] à […]

[…]

[…]

Madame F, G, Z-O DU J D’K

née le […] à […]

[…]

[…]

Monsieur H, I, Z-L DU J D’K

né le […] à […]

La Cour

[…]

Tous représentés et assistés de Me Christophe VALERY, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. U, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 21 septembre 2021

GREFFIER : Mme S

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 16 Novembre 2021 et signé par M. U, président, et Mme S, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Madame P Q épouse du J d’K est décédée le […], laissant pour lui succéder ses six enfants, D, X, C, F, A et

H.

La déclaration de succession a été déposée le 28 mars 2014.

Pour le calcul des droits de succession, les héritiers ont bénéficié de l’exonération prévue aux articles 793-2-3° et 793 bis du CGI pour les biens ruraux donnés à bail à long terme.

Le 28 juin 2014, ils ont créé un groupement foncier agricole auquel ils ont apporté la pleine propriété de la quasi-totalité des parcelles ayant bénéficié de l’exonération.

L’administration fiscale estimant qu’ils n’avaient pas respecté l’obligation de conserver pendant cinq ans les biens ruraux donnés à bail à long terme pour lesquels ils avaient bénéficié d’une exonération, a adressé le 10 mai 2018 à chacun d’entre eux, une proposition de rectification, comportant la réintégration à l’actif de la succession de la valeur des biens ruraux donnés à bail à long terme, avec application d’une majoration de 40 % que plusieurs héritiers ont contesté.

Un avis de mise en recouvrement a été émis par le service des impôts des entreprises d’Alençon le 6 décembre 2016 pour un montant total de 142.912,00 '.

Les consorts du J d’K ont adressé une réclamation à l’administration fiscale le 21 février 2017, qui a fait l’objet d’une décision de rejet le 21 août 2017.

Par acte d’huissier du 18 octobre 2017, D, X, C, F et H du J d’K ont assigné la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris devant le tribunal de grande instance d’Alençon aux fins de contestation de cette décision.

Par jugement du 27 août 2019, le tribunal a :

— admis en totalité leur réclamation contentieuse en date du 21 février 2017, tendant au dégrèvement de la somme de 142.912,00 ' réclamée par avis de recouvrement du 6 décembre 2016, suite à une rectification d’impôt sur la succession de leur mère,

— prononcé le dégrèvement de l’impôt mis à leur charge par ledit avis de recouvrement,

— condamné la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris aux dépens,

— condamné la Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris à payer aux consorts du J d’K une somme de 2.500,00 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris a interjeté appel de la décision le 3 octobre 2019 en intimant X, C, D, F, H et A du J d’K, cette dernière n’étant pourtant pas à la cause en première instance.

Aux termes de ses écritures en date du 3 janvier 2020, se prévalant de la doctrine administrative d’interprétation stricte, qui exclut le bénéfice de l’exonération dans l’hypothèse de la création d’un GFA postérieurement à la succession, entité ayant une personnalité distincte des héritiers, elle

conclut à la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de :

— confirmer la décision administrative de rejet du 21 août 2017,

— constater l’abandon par l’administration de la majoration de 40 % pour manquement délibéré,

— confirmer l’imposition supplémentaire en droits de 95.785,58 ' et en intérêts de retard pour 8.812,27 ',

— condamner les consorts du J d’K aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de leurs conclusions en date du 27 mars 2020, les intimés, soutenant notamment que l’article 793 bis du CGI ne fait aucune référence à un éventuel apport de biens à un GFA comme cause de déchéance de l’exonération dont ils ont bénéficié, que sa création entre tous les co-indivisaires était exclusivement destinée à faciliter la gestion des biens, et que l’administration fiscale ne peut opposer aux contribuables sa propre doctrine, qui en l’occurrence est illégale, concluent à :

— la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— au rejet des demandes, fins et conclusions adverses,

— à la condamnation de l’appelante aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000,00 ' en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame A du J d’K n’a pas été appelée à la cause en intervention forcée, et n’est pas intervenue volontairement à la cause. Elle n’a donc pas constitué avocat. Elle n’est donc pas partie à l’instance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient d’indiquer que suite à l’abandon par l’administration fiscale de la majoration de 40 % qu’elle avait appliquée, ce point ne fait plus l’objet du présent litige.

Sur l’irrecevabilité de l’appel dirigé contre Madame A du J d’K

La Direction régionale des finances publiques d’Île de France et du département de Paris a intimé Madame A du J d’K qui n’était pas à la cause en première instance et n’est pas intervenue volontairement à la procédure, sans l’assigner devant la cour en intervention forcée.

L’appel dirigé contre elle est donc irrecevable.

Sur l’exonération partielle des droits de succession sur les biens ruraux donnés à bail à long terme

Il résulte des dispositions des articles 793-3° et 793 bis du code général des impôts que sont exonérés à concurrence des trois quarts de leur valeur des droits de mutation à titre gratuit, les biens donnés à

bail à long terme, à la condition que le bien reste la propriété du donataire, héritier ou légataire pendant cinq ans à compter de la transmission à titre gratuit.

Il n’est pas contesté que les biens ayant fait l’objet de l’exonération partielle à la suite du décès de Madame du J d’K font l’objet de baux à long terme, le litige portant exclusivement sur le point de savoir si cette exonération est maintenue dans l’hypothèse où comme en l’espèce, les héritiers constituent un GFA afin d’assurer la gestion des dits biens.

L’administration fiscale se prévaut de la doctrine administrative qui estime que l’exonération partielle est remise en cause, si dans le délai de cinq ans, l’héritier ou le donataire fait apport de ses biens à un groupement foncier agricole même s’il conserve les parts pendant cinq ans, dans la mesure où cet apport met fin à la conservation personnelle des biens reçus pendant cinq ans comme l’exige l’article 793 bis du CGI.

Il est acquis que l’opposabilité au contribuable de la doctrine administrative, qui n’a pas valeur réglementaire, ne joue qu’au profit de celui-ci.

L’administration fiscale ne peut elle-même invoquer une instruction administrative pour servir de base légale à un redressement.

L’article 793 bis du CGI qui pose la condition que le bien reste la propriété de l’héritier pendant cinq ans à compter de la date de transmission à titre gratuit, à défaut de quoi les droits sont rappelés, ne précise pas s’il doit s’agir d’une propriété directe ou indirecte.

Il y a lieu de relever par ailleurs que l’article 793 4° du CGI qui énonce les cas d’exonération des droits de mutations à titre gratuit, y inclut les parts de groupements fonciers agricoles sous certaines conditions dont notamment celle selon laquelle les immeubles à destination agricole constituant le patrimoine du groupement aient été donnés à bail à long terme dans les conditions prévues par les articles L.416-1 à L.416-6, L.416-8, et L.416-9 du code rural et de la pêche maritime, ce qui tend à démontrer la volonté du législateur de favoriser le maintien des exploitations agricoles et leur gestion.

En outre, l’administration fiscale ne peut sans se contredire poser comme principe dans sa doctrine administrative que l’exonération partielle des droits de mutation n’est pas remise en cause en cas d’apport en jouissance à une société civile agricole quelle qu’en soit la forme, ou d’un apport pur et simple à un GAEC, et refuser le maintien de l’exonération en cas d’apport à un GFA familial destiné précisément à conserver la propriété des immeubles faisant l’objet de baux à long terme selon la volonté du législateur.

Elle ne saurait se prévaloir d’une réponse ministérielle à la question écrite du sénateur M N du 7 juin 1990 relative à une situation similaire qui a été donnée dans un contexte qui n’est plus celui de 2014, et qui ne lie pas le juge.

C’est donc à juste titre que prenant en compte ces éléments, les premiers juges ont constatant que les consorts du J d’K étaient restés propriétaires des terres dont ils avaient hérité via le GFA qu’ils ont constitué ensemble, ont admis en totalité leur réclamation contentieuse en date du 21 février 2017 tendant au dégrèvement de la somme de 142.912,00 ' et prononcé le dégrèvement sollicité.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Direction des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris à payer aux consorts du J d’K une somme de 2.500,00 ' au titre des frais irrépétibles, et de leur allouer une somme de 2.500,00 ' au titre des frais irrépétibles d’appel.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné la Direction des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris.

Celle-ci succombant, sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONSTATE que Mme A du J d’K n’est pas partie à l’instance ,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance d’Alençon du 27 août 2019,

Y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable l’appel de la Direction des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris dirigé contre Madame A du J d’K,

CONDAMNE la Direction des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris à payer à D, X, C, F et H du J d’K une somme de 2.500,00 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Direction des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. S G. U

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Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 16 novembre 2021, n° 19/02794