Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 24 octobre 2017, n° 16/00471

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 24 oct. 2017, n° 16/00471
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 16/00471
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bonneville, 11 février 2016, N° 15/00750
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

IRS/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre Civile – 1re section

Arrêt du Mardi 24 Octobre 2017

RG : 16/00471

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 12 Février 2016, RG 15/00750

Appelante

[…], dont le […]

représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL IXA, avocats plaidants au barreau d’ANNECY

Intimée

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES représentée par l’Administratrice Générale des Finances Publiques chargée de la Direction Spécialisée de Contrôle Fiscal Rhône-Alpes Bourgogne, domiciliée es qualité en ses bureaux 41, Cours de la Liberté – […]

représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats au barreau de CHAMBERY

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 11 septembre 2017 par Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller en qualité de rapporteur, avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  Monsieur Philippe GREINER, Président

—  Madame Alyette FOUCHARD, Conseiller

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller

— =-=-=-=-=-=-=-=-

Par acte notarié en date du 22 décembre 2005, la […] a acquis auprès des époux X, un tènement immobilier situé à BONNEVILLE, comprenant un ancien bâtiment à usage commercial et industriel, situé sur les parcelles cadastrées section BR, lieu-dit les Vorziers Nord numéros 6, 7 , 8 pour une contenance totale de 1 hectare 33 ares et 12 ca moyennant un prix d’acquisition de 993 000 euros.

Dans l’acte d’acquisition, ladite SCI s’est engagée à rénover le bâtiment dans un délai de 4 ans et a donc bénéficié de l’exonération des droits de mutation prévue par l’article 1594-0 G du code général des impôts.

Aux motifs que la […] n’aurait pas édifié la construction projetée à l’expiration du délai légal imparti, cette dernière ayant achevé la rénovation de l’immeuble existant à la date du 21 janvier 2008, et ayant obtenu un permis de construire le 27 novembre 2009 pour un ensemble immobilier de 22 logements disposés en quatre collectifs, dont les travaux ont été achevés le 28 novembre 2011, la Direction Générale des Finances Publiques a formulé à l’encontre de la […], une proposition de rectification le 31 mars 2014 au titre de la taxe de publicité foncière, des taxes additionnelles, des frais d’assiette et de recouvrement, d’un montant de 16 039 euros, au motif que les travaux avaient été achevés plus de 5 ans après l’engagement de construire.

Un avis de mise en recouvrement a été émis le 19 novembre 2014 pour un montant de 22 147 euros dont 6 108 euros de pénalités. La réclamation contentieuse formée par le conseil de la […], en date du 11 décembre 2014, a fait l’objet d’un rejet de la part de l’administration fiscale le 23 mars 2015.

La […] a alors fait assigner la Direction Générale des Finances Publiques devant le tribunal de BONNEVILLE, suivant acte en date du 29 avril 2015, aux fins de voir annuler la décision de rejet et les redressements qui en découlent.

Par jugement en date du 12 février 2016 le tribunal a rejeté la fin de non recevoir tirée de l’existence d’une prescription de la proposition de réclamation, débouté la […] de sa demande d’annulation de la décision de rejet du 23 mars 2015 et du redressement qui en découle ainsi que de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

La […] a interjeté appel de la décision suivant déclaration en date du 9 mars 2016.

Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 9 juin 2016, l’appelante demande à la cour de réformer le jugement, de dire que l’exonération de droits de mutation dont elle a a bénéficié lui est définitivement acquise, de déclarer l’action de l’administration prescrite, d’annuler la décision de rejet du 23 mars 2015 et les redressements qui en découlent et de condamner l’administration fiscale au versement de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’ aux dépens;

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, en substance, l’argumentation suivante :

Sur la prescription

A défaut de prorogation demandée par l’acquéreur le délai de prescription court à compter du délai imparti à l’acquéreur pour justifier de l’achèvement des constructions qui est de 4 ans et 3 mois.

La prescription abrégée joue toutes les fois que l’administration n’a pas eu à entreprendre de recherches pour voir révéler l’exigibilité des droits.

En l’espèce, l’acquéreur s’est obligé dans l’acte d’acquisition à justifier, au plus tard dans les trois mois suivant l’expiration du délai de 4 ans, de l’exécution des travaux et de la destination des locaux aménagés, par la déclaration d’achèvement des travaux transmise le 21 janvier 2008 pour le programme ARAVIS 1 et le 28 novembre 2011 pour le programme ARAVIS 2. L’administration n’a pas eu à effectuer de recherche supplémentaire et dans sa proposition de rectification du 31 mars 2014 elle ne fait référence qu’aux dates d’achèvement telles qu’elles figurent dans les DAT sans mention de recherches ultérieures.

Sur le respect des conditions d’exonération de l’article 1594- 0 G du CGI

Le seul et unique engagement pris à l’acte par la SARL LES ARVIS consiste dans la rénovation du bâtiment existant via la délivrance du permis de construire visé dans celui-ci.

Du fait du visa dans l’acte notarié du permis de construire, l’engagement était nécessairement cantonné à la réalisation des travaux prévus dans ce dernier, concernant le seul programme ARAVIS 1 qui a été achevé dans le délai imparti le 21 janvier 2008.

Le texte n’exige pas autre chose que la prise d’un engagement dans l’acte d’acquisition consistant en la construction d’un immeuble neuf et son édification effective dans les 4 ans de l’acte de sorte que le fait d’avoir édifié d’autres constructions en vertu d’ un deuxième permis ne remet pas en cause le bénéfice de l’exonération.

Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 5 août 2016, l’administration fiscale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de rejeter la demande d’indemnisation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, en substance, l’argumentation suivante :

Pour que la prescription abrégée s’applique il ne suffit pas qu’une déclaration ou un acte enregistré révèle l’exigibilité des droits. Il faut que cet acte établisse d’une manière complète l’exigibilité des droits omis et que l’administration soit mise à même de constater immédiatement au seul vu du document l’existence du fait juridique imposable. Il appartient au contribuable de justifier spontanément de l’achèvement des travaux par la production du certificat du maire ou en informant le service, par tous moyens, du défaut de construction dans le délai.

En l’espèce, à l’expiration du délai de 4 ans imparti, soit le 23 mars 2011, la société est restée taisante vis à vis de l’administration quant au point de savoir si la condition d’édification de l’immeuble avait été satisfaite, la déclaration attestant l’achèvement des travaux du programme ARAVIS 2 n’ayant été déposée que le 21 décembre 2011.

L’administration n’avait pas connaissance de non respect de l’engagement de construire à l’expiration du délai imparti à l’acquéreur pour justifier de l’achèvement des travaux.

La proposition de rectification qui indique l’impôt concerné, la catégorie de revenus, les motifs des rehaussements, leur base légale et leur montants est régulière et donc interruptive de prescription.

Lorsqu’à l’échéance, l’engagement de construire n’est respecté que pour une fraction de l’immeuble sur lequel il portait, l’acquéreur est redevable à due concurrence des droits dont il a été dispensé. En l’espèce la SARL LES ARARVIS s’était engagée à ce que les constructions couvrent avec les cours et jardins la totalité du terrain et l’engagement portait donc sur la l’intégralité du terrain acheté. Or à l’expiration du délai, seule une partie du terrain avait été construite (parcelle BR 176) et il a été procédé à bon droit au rappel de taxe de publicité foncière et de taxes annexes pour la partie du terrain (parcelles BR 6,8 et 177) dont les constructions n’étaient pas achevées dans le délai imparti.

L’ordonnance de clôture est en date du 28 août 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur le respect des conditions d’exonération de l’article 1594 0 G du code général des impôts

Il résulte des dispositions de l’article 1594-0 G du code général des impôts que l’exonération de taxe de publicité foncière ou de droit d’enregistrement est subordonnée à la condition que l’acte d’acquisition contienne l’engagement, par l’acquéreur, d’effectuer dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acte, les travaux nécessaires selon le cas, pour édifier un immeuble ou un groupe d’immeubles, pour terminer les immeubles inachevés ou pour construire de nouveaux locaux en surélevation, et qu’il précise le nombre, la nature et la destination des immeubles dont la construction est projetée. Il est par ailleurs précisé qu’elle profite sans limitation de superficie aux terrains destinés à la construction d’immeubles collectifs, à condition que les constructions à édifier couvrent, avec leurs cours et jardins, la totalité des terrains acquis.

En l’espèce, aux termes de l’acte de vente du 22 décembre 2005 l’acquéreur a déclaré que le bien acquis était destiné par lui à faire l’objet d’une rénovation lourde qui aboutirait à la construction d’un immeuble à usage d’habitation, qu’il s’engageait à effectuer les dits travaux dans un délai de 4 ans à compter du jour de la vente, sauf prorogation valablement obtenue et que les locaux ainsi aménagés qui seraient affectés à l’habitation pour les trois quarts au moins de leur superficie totale couvriraient avec les cours et jardins la totalité du terrain.

Il était également fait mention d’une demande en cours de transfert du permis de construire initial, délivré le 29 juillet 2005 à la société ALTESSE IMMO, au profit de la société LES ARAVIS.

La teneur des permis de construire délivrés par la mairie de Bonneville, ainsi que de la demande de permis initiale montrent que l’opération de rénovation projetée portait sur la création de 22 logements puis suivant arrêté du 21 avril 2006 sur la création de 25 logements avec pour emprise au sol la totalité des parcelles vendues suivant acte du 22 décembre 2005, ce qui correspond à l’engagement pris par l’acquéreur dans l’acte d’acquisition, et aux conditions requises par la loi pour bénéficier de l’exonération des droits.

La déclaration d’achèvement des travaux en date du 21 janvier 2008 mentionne qu’à cette date tous les travaux sont achevés sauf les 4 garages annexes au nord de la parcelle. Il n’est pas précisé par les parties la date à laquelle ces derniers ont été achevés mais l’administration fiscale convient que les travaux ont été terminés avant l’expiration du délai soit le 22 mars 2010.

Cependant la […] a obtenu un autre permis de construire, le 27 novembre 2009, pour l’édification de 22 logements disposés en quatre collectifs, constructions nouvelles non visées dans l’acte notarié et dont l’achèvement a été déclaré le 21 décembre 2011, soit après l’expiration du délai imparti.

Or, l’acquéreur ne peut bénéficier de l’exonération qu’autant qu’il affecte réellement l’ensemble des biens immobiliers au projet de construction visé dans son engagement, lequel porte sur l’intégralité du terrain acheté et que le nombre d’immeubles édifiés corresponde à celui déclaré dans l’acte d’acquisition.

La […] ayant décidé de construire d’autres bâtiments, elle a affecté une partie des parcelles à un autre projet de construction qui ne respecte pas l’engagement initial dans toutes ses composantes, lequel portait sur la totalité du terrain incluant les constructions les cours et les jardins ainsi que sur la seule rénovation d’un bâtiment.

Il en résulte que la reprise effectuée par l’administration et portant sur la valeur d’acquisition des droits immobiliers relatifs aux terrains ayant servi d’assiette aux nouvelles constructions qui n’étaient pas achevées à l’issue du délai légal, est fondée au regard des prescriptions de l’article 1594-0 G du code général des impôts.

II – Sur la prescription

Le point de départ du délai

Aux termes de l’acte du 22 décembre 2005, la […] avait un délai de 4 ans et trois mois pour respecter son engagement, qui expirait donc le 22 mars 2010, étant précisé qu’il ne peut être pris en compte un délai de prorogation automatique, comme le fait l’administration fiscale dans son calcul, lequel aurait pour effet de rallonger le délai de prescription d’un an au détriment du contribuable.

Le délai de prescription de reprise pour l’administration a donc commencé à courir à compter du 23 mars 2010.

Le délai de prescription applicable

L’article 180 du livre des procédures fiscale, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, dispose que :

« Pour les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée définie à l’article 647 du code général des impôts.

Toutefois, ce délai n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures. »

Lorsque les conditions requises pour l’application de la prescription abrégée ne sont pas réunies, le délai de reprise applicable est celui prévu par l’article L 186 du LPF qui énonce que :

« lorsqu’il n’est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou long, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la sixième année du fait générateur de l’impôt. »

Il résulte de ces dispositions que la prescription triennale abrégée de l’article L 180 du livre des procédures fiscales ne peut s’appliquer que si l’exigibilité des taxes est suffisamment révélée à l’administration fiscale par le document présenté à la formalité.

Or à l’expiration du délai, soit le 22 mars 2010, la SCI ARAVIS n’a pas adressé de déclaration d’achèvement des travaux concernant la deuxième tranche des travaux et ne justifie d’aucune démarche auprès de l’administration en vue de l’aviser de l’inachèvement des travaux, voire de solliciter une prorogation du délai.

Elle est restée taisante jusqu’au dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux en date du 21 décembre 2011 postérieurement au délai imparti, de sorte que l’exigibilité des droits omis n’a pas été suffisamment révélée et que seule la prescription de 6 ans prévue par l’article L 186 du livre des procédure fiscales est applicable à l’espèce.

Le délai de prescription expirait le 22 mars 2016 alors que la proposition de rectification a été émise par l’administration fiscale le 31 mars 2014, de sorte qu’elle n’est pas forclose.

PAR CES MOTIFS

La Cour, stataunt publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute la […] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la […] aux dépens d’appel avec distraction de ces derniers au profit de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats.

Ainsi prononcé publiquement le 24 octobre 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Philippe GREINER, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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