Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 21 décembre 2017, n° 17/00721

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 21 déc. 2017, n° 17/00721
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 17/00721
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Annecy, 21 février 2017, N° F16/00081
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2017

RG : 17/00721 FS / NC

F G

C/ SAS ATRIHOME SOLUTIONS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 22 Février 2017, RG F 16/00081

APPELANT :

Monsieur F G

[…]

[…]

représenté par Me W philippe GARNIER, avocat au barreau de BONNEVILLE

INTIMEE :

SAS ATRIHOME SOLUTIONS

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Betty DUPIN, avocat au barreau de CHAMBERY, postulant

et Me Christian BROCHARD, avocat au barreau de LYON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Novembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame H I

Madame Anne DE REGO, Conseiller

Madame Françoise SIMOND, Conseiller, Président, qui s’est chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame J K,

********

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. L G a été embauché initialement par la société SVA à compter du 11 juillet 2008 en qualité de directeur commercial. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2009 à la SAS Saga qui est devenue Conform Habitat, puis Atrihome solutions, société spécialisée dans la vente auprès des particuliers de produits de rénovation de l’habitat au travers des marques Clair de Baie et Conform Habitat.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. L G percevait une rémunération mensuelle brut de 7 584 euros, un forfait mensuel de frais de 1 970 euros, et des primes et bonus. Il encadrait 140 commerciaux. Il était titulaire d’une délégation de pouvoir et membre du comité de direction.

Au cours du mois de septembre et octobre 2015, quatre salariés de la société Atrihome solutions vont quitter la société, Mme N O, assistante financement, M. P Q, responsable multi-agence, M. R X chargé de développement de l’agence d’Annecy, M. S T, responsable commercial de l’agence d’Annecy en démissionnant avec dispense d’exécution du préavis, sauf pour M. X qui sera licencié pour absences injustifiées, et qui conclura une transaction avec l’employeur.

En décembre 2015, la société Atrihome solutions découvrait l’existence d’une société Equipe Habitat, concurrente, et sollicitait l’autorisation du président du tribunal de grande instance d’Annecy pour procéder à des constatations dans les locaux de la société Equipe Habitat qu’elle obtenait le 28 décembre 2015. Les constatations seront effectuées au sein de la société Equipe Habitat et un procès-verbal de constat sera établi le 6 janvier 2016 par huissier de justice, la Selarl Officialis.

Le 6 janvier 2016, lors d’une réunion du comité de direction, M. L G se voyait remettre en main propre une lettre de convocation à un entretien préalable en vue d’un licenciement fixé au 14 janvier 2016 avec notification d’un mise à pied conservatoire.

Une sommation interpellative sera également établie sur la nature de ses relations entretenues avec la société Equipe Habitat et la nature précise de l’activité fournie au profit de la société Equipe Habitat.

Le 13 janvier 2016, M. L G prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

Il mentionnait le fait qu’il avait dû assumer des décisions de la direction qui lui avait imposé de nombreuses ruptures de contrat de travail arrangées soit au motif d’insubordination sot d’abandon de poste suivies de transaction. Il faisait état de désaccords sur l’organisation générale de son management, la volonté de la direction de le discréditer auprès de ses équipes, des insultes proférées lors d’une réunion commerciale.

Il reprochait également à la société Atrihome solutions de lui avoir notifié brutalement et volontairement une mise à pied conservatoire lors du comité de direction devant toute l’assistance et fait intervenir un huissier de justice pour tenter d’extorquer des déclarations quant à ses prétendues relations avec la société Equipe Habitat, qu’il avait été intentionnellement humilié, discrédité auprès de ses équipes et du staff de l’entreprise.

La société Atrihome solutions notifiait à M. L G son licenciement pour faute lourde par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 janvier 2016. Il lui était reproché d’avoir participé activement à la création et à l’organisation d’une société dénommée société Equipe Habitat, dont les activités concurrençaient directement l’activité de la société Atrihome solutions.

Par requête réceptionnée au greffe du conseil de prud’hommes d’Annecy le 9 mars 2016, la société Atrihome solutions saisissait le conseil de prud’hommes de demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel, économique et moral subi par elle du fait de la faute lourde dont s’était rendu coupable M. L G.

Le 2 mai 2016 M. L G saisissait le conseil de prud’hommes de demandes reconventionnelles pour voir requalifier sa prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, lui voir allouer les indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et violation de l’obligation de sécurité et rappels de salaire.

Par jugement en date du 22 février 2017, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :

— dit et jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est opposable à la société Atrihome solutions, mais ne repose sur aucun fondement, est par conséquent requalifiée en démission,

— condamné M. L G à payer à la société Atrihome solutions les sommes de :

. 22 752 euros au titre de l’indemnité de préavis,

. 20 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute lourde,

. 10 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

. 800 € au titre des dispositions de l’article 700 du code procédure civile,

— débouté la société Atrihome solutions du surplus de ses demandes,

— débouté M. L G de ses demandes reconventionnelles,

— condamné M. L G aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 23 mars 2017, M. L G a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées le 31 août 2017 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. L G demande à la cour d’appel de :

— réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Au principal

— constater que sa prise d’acte est intervenue avant tout licenciement de la société Atrihome solutions en conséquence le licenciement allégué par la société Atrihome solutions non avenu,

— dire et juger que sa prise d’acte de la rupture repose sur un manquement suffisamment grave de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail,

En conséquence, dire et juger que la prise d’acte de la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Si par impossible sa prise d’acte de la rupture était considérée comme inexistante,

— constater que la société Atrihome solutions a manqué à son obligation de loyauté dans le cadre de cette démarche de licenciement, compte tenu des chocs psychologiques successifs qu’elle lui a imposés lui interdisant de se défendre sur les accusations proférées à son encontre,

— dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— encore plus subsidiairement, dire et juger qu’il n’ya aucune démonstration de son intention de nuire,

— écarter la faute lourde alléguée par l’employeur à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire, et dans l’hypothèse où la juridiction retenait sa faute lourde,

— dire et juger que la société Atrihome solutions ne démontre aucun préjudice qui lui est imputable et écarter l’intégralité de ses demandes financières,

En tout état de cause, condamner la société Atrihome solutions à lui payer les sommes de :

'Rappel de salaire de deux jours de décembre : 700,00 euros

'Indemnité compensatrice de congés payés sur salaire : 70,00 euros

'Rappel de salaire de mise à pied conservatoire : 2.275,00 euros

'Indemnité compensatrice de congés payés sur salaire : 227,50 euros

'Préavis : 22 752,00 euros

'Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 2.275,20 euros

'Indemnité de licenciement : 17.443,20 euros

'Dommages et intérêts pour rupture abusive : 100.000,00 euros

'Dommages et intérêts spécifiques pour violation de l’obligation de sécurité du salarié : 100.000,00 euros,

'Article 700 du code de procédure civile : 5.000,00 euros,

— dire et juger que son salaire moyen des trois derniers mois s’élève à la somme de 7.584,00 euros bruts mensuels,

— Dire et juger que les intérêts courent à compter de la saisine sauf dispositions légales plus favorables au salarié,

— condamner la société Atrihome solutions à lui remettre les documents afférents à la rupture conformes à la décision prud’homale sous les huit jours de la décision à intervenir,

Subsidiairement, dans l’hypothèse ou il serait retenu que la prise d’acte s’analyse en une démission, constater que l’exécution du préavis était manifestement impossible du fait de la société Atrihome solutions,

— écarter en conséquence toute demande financière de la société Atrihome solutions,

— condamner la société Atrihome solutions aux dépens éventuels de première instance et d’appel.

M. L G rappelle que la prise d’acte étant intervenue avant le licenciement, elle seule doit être examinée. Elle n’est nullement inexistante. Il explique avoir rencontré des difficultés dans l’accomplissement de sa mission à compter de début 2015 qui a connu un point d’orgue lors de la réunion du comité de direction du 6 janvier 2016 qui s’est tenu en présence de M. Y, directeur de formation, qui n’est pas membre du comité de direction. En pleine réunion M. Z a fait intervenir un huissier de justice qui, devant tout le monde l’a informé ainsi que M. Y qu’il était venu pour leur remettre une lettre de mise à pied conservatoire et une sommation interpellative. Cette réunion n’était en réalité qu’une mise en scène afin de l’humilier et le déstabiliser ainsi que M. Y et de les amener, sous pressions psychologiques, à répondre aux questions de l’huissier. Le lendemain, une réunion est intervenue entre la direction et les directeurs régionaux où il a été présenté comme ayant pillé les fichiers de l’entreprise, crée une société parallèle et qu’il allait payer très cher, suivi d’un dénigrement de son mode de management qualifié d’obsolète et dépassé et l’objet de la réunion était de trouver un directeur.

Subsidiairement, il indique que son licenciement pour faute lourde n’est absolument pas fondé. La société Atrihome solutions est rodée à l’épuration du personnel, il s’agissait d’ailleurs d’un des motifs pour lequel il voulait quitter l’entreprise. Elle n’hésite pas à créer de faux documents et à faire pression morale sur ses salariés comme en atteste M. A à qui il avait été demandé de faire une fausse attestation à son encontre. La société Atrihome solutions était parfaitement informée de sa volonté de quitter l’entreprise depuis plusieurs mois et elle a eu alors l’idée de l’associer à un litige créé de toutes pièces avec la société Equipe Habitat dont il n’est ni salarié, ni associé. Il a rejoint la société Ecoprotec sans aucun rapport avec la société Equipe Habitat.

A titre infiniment subsidiaire, la société Atrihome solutions n’apporte aucune démonstration de son intention de nuire.

Dans ses conclusions récapitulatives et responsives notifiées le 4 septembre 2017 auxquelles, la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la société Atrihome solutions, demande à la cour d’appel de :

— confirmer la décision en son principe mais la modifier en son quantum,

A titre principal :

— Dire et juger que la prise d’acte de la rupture lui est inopposable,

— Dire et juger que le licenciement de M. L G repose sur une faute lourde,

A titre subsidiaire :

— Dire et juger que la prise d’acte de la rupture ne repose sur aucun fondement et doit être requalifiée en démission,

— Condamner M. L G au paiement de 22 752 euros à titre d’indemnité de préavis,

— Dire et juger que M. L G a commis une faute lourde,

Partant et en tout état de cause,

— Condamner M. L G au paiement de la somme de 175 348,86 € en réparation du préjudice subi du fait de sa faute lourde,

— Condamner M. L G au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

— Débouter M. L G de l’intégralité de ses demandes

— Le condamner au paiement de la somme de 3 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle indique que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. L G ne peut lui être opposée dans la mesure où elle n’a eu de vocation qu’à éluder l’application des dispositions légales permettant notamment à un employeur de sanctionner les manquements particulièrement graves que commet un de ses salariés. M. L G qui avait visiblement senti le vent tourner, s’est engagé auprès de la société Ecoprotec à compter du 1er février 2016, et il est évident que sa prise d’acte n’avait d’autre finalité que d’éviter la notification du licenciement pour faute lourde et s’affranchir du préavis de trois mois auquel il était tenu s’il avait démissionné.

M. L G a activement participé à la création de la société Equipe Habitat composée d’anciens salariés de sa société en apportant notamment des financements et en participant à la rédaction des statuts, en facilitant le détournement de données qui lui appartenait telles que les fichiers et les documents types (conditions générales de vente, bons de commande, contrats de travail. Il a utilisé deux de ses salariés M. U V, technicien, pour faire des travaux dans les locaux de la société Equipe Habitat en encourageant pour ce faire à ce qu’il soit placé en arrêt maladie, et M. Y pour effectuer des travaux informatiques. Il a démarché des collaborateurs comme en atteste M. B. Il s’est consacré au développement de la société Equipe Habitat pendant ses heures de travail pour lesquelles il était rémunéré par elle, ainsi au mois de d’octobre et décembre 2015, plus de 20 % des appels passés par M. L G l’ont été à destination de Mme C, gérante de la société Equipe Habitat. Cette attitude a eu pour conséquence, une déstabilisation des équipes commerciales et une baisse de prise des commandes de près de 34 % entre le premier et second trimestre 2015.

Sur la prise d’acte de la rupture, M. L G ne justifie d’aucun manquement grave de sa part. La simple existence de désaccords sur l’organisation du management ne saurait en effet être assimilée à un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles. Compte tenu de la gravité des faits et de la nécessité pour elle de se ménager des preuves de la concurrence déloyale réalisée par la société Equipe Habitat en collaboration avec certains salariés dont M. L G, il était impérativement nécessaire de notifier la mise à pied conservatoire concomitamment au constat d’huissier de justice dont la présence n’est en rien humiliante, la notification de la mise à pied conservatoire étant intervenue en dehors du comité de direction. Elle n’a jamais annoncé le licenciement de M. L G avant sa notification mais a simplement prévenu les collaborateurs, placés sous la responsabilité de M. L G qu’il était mis à pied à titre conservatoire, et qu’ils ne pouvaient entrer en contact avec lui.

Le salarié qui se rend coupable d’une faute lourde, indépendante des motifs de la rupture du contrat de travail, engage sa responsabilité pécuniaire vis à vis de l’employeur. M. L G a consacré la moitié de son temps de travail à son activité déloyale et nuisible, à minima de juillet 2015 jusqu’à sa mise à pied le 6 janvier 2016 de sorte qu’il sera condamné lui restituer la moitié des salaires versés outre cotisations sociales. Elle subit un préjudice moral.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2017.

SUR QUOI

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

M. L G a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec avis réceptionnée par la société Atrihome solutions le 15 janvier 2016, après la convocation à un entretien préalable et mise à pied conservatoire du 6 janvier 2016 mais avant la notification du licenciement le 19 janvier 2016.

Cette prise d’acte étant antérieure à la notification du licenciement doit être examinée, peu importe que M. L G ait ou non entendu éluder le licenciement.

La lettre de prise d’acte de la rupture de M. L G mentionne :

— des difficultés dans l’accomplissement de sa mission à compter de début 2015 :

.organisation générale de son management remis en question : les directeurs de zone ont été rétrogradés sur des postes de directeurs régionaux des ventes en leur faisant accepter une baisse de salaire significative (ce qui lui a occasionné des difficultés dans son management),

.des interférences régulières et répétées dans son management afin de le discréditer ainsi que ses équipes,

.ses équipes ont été insultées lors d’une réunion commerciale par M. W D,

.la direction générale a mis en place une organisation basée sur la pression liée à des objectifs non réalisables, tant sur les coûts que sur les commandes,

— remise d’une mise à pied conservatoire lors de la réunion du comité de direction devant tout le monde, intervention d’un huissier de justice le 6 janvier 2016 qui a profité du choc psychologique sous lequel il était pour tenter d’extorquer des déclarations quant à des prétendues relations avec la société Equipe Habitat.

— tenue d’une réunion le lendemain avec les directeurs régionaux des ventes à qui son licenciement a été annoncé avant qu’il ne soit notifié et annonce de la recherche d’un nouveau directeur.

M. L G fait état également d’une demande de remboursement d’un prêt faite le 11 janvier 2016 par les sociétés du groupe, du retrait sur sa fiche de paie de deux jours de prétendues absences injustifiées.

Il indique qu’à la suite du traumatisme subi, il a été en arrêt maladie.

Sur les faits antérieurs au 6 janvier 2016, si M. L G était en désaccord avec la nouvelle politique managériale de la société Atrihome solutions, qui impliquait des difficultés dans son positionnement vis à vis des collaborateurs, et si lors d’une réunion avec M. D, les collaborateurs de M. L G se sont fait insulter, étant précisé que ce dernier a demandé à ses collaborateurs de ne pas tenir compte de ses propos et de continuer à l’assister, ne considérant donc pas ces propos comme lui étant destinés, ces faits ne constituent pas des manquements graves de l’employeur à ses obligations contractuelles vis à vis de M. L G, mais relèvent pour la politique managériale de son pouvoir de direction.

Il résulte d’une attestation de M. AC-AD, qui était dans un projet de création d’entreprise, qu’en juillet 2015, M. L G qui souhaitait changer d’orientation professionnelle, l’avait contacté, qu’une réunion s’était tenue en octobre 2015 pour présenter la candidature de M. L G à la direction France aux actionnaires, et dès le 1er février 2016, M. L G était embauché par la société Ecoprotec.

M. L G, en désaccord avec la politique managèriale de son employeur, était à la recherche active d’un nouvel emploi, ce dont il s’était entretenu avec son employeur, sans qu’il ne soit établi qu’il ait précisé qu’il s’agissait d’une société non concurrente.

En ce qui concerne les faits du 6 janvier 2016 et ceux postérieurs, ils s’inscrivent dans la découverte par l’employeur de la création d’une entreprise concurrente immatriculée au RSC d’Annecy le 23 octobre 2015 dont la dirigeante était Mme N O, salariée qui avait quitté l’entreprise le 28 septembre 2015, tout comme M. P Q, qui deviendra directeur technique de la société Equipe Habitat, M. R X, M. S T, qui deviendra responsable commercial.

Contrairement à ce que soutient M. L G, il n’est nullement établi qu’il ait avisé son employeur de cette création d’entreprise, l’attestation de M. E, responsable commercial qualité, produite aux débats, indiquant simplement que lui personnellement avait été avisé.

Les premières investigations menées par la société Atrihome solutions permettaient de constater l’implication de M. L G dans la création de cette société. Il sera vu de multiples fois au siège de la société Equipe Habitat entre le 17 novembre et 10 décembre 2015, et il était constaté la présence régulière des autres salariés démissionnaires, la présence de salariés toujours en activité au sein de l’entreprise, M. AE U V, responsable technique, M. AA AB, M. A

Les communications constatées à partir des téléphones professionnels mentionnaient de nombreux coups de fils entre M. L G et Mme N O (21,17 % du temps des appels téléphoniques en octobre 2015), et que M. Y avait également des contacts téléphoniques fréquents avec la société Equipe Habitat. L’analyse du disque dur de l’ordinateur professionnel de Mme N O, une fois celle-ci ayant quitté l’entreprise, laissait apparaît qu’un disque dur externe contenant un répertoire 'Equipe Habitat', avait été connecté à son poste informatique, pour copier des documents.

La société Atrihome solutions a obtenu par ordonnance sur requête du 28 décembre 2015, l’autorisation de M. Le président du tribunal de grande instance d’Annecy de se rendre au siège social de la société Equipe Habitat, de recueillir tous renseignements, notamment sur les relations de M. L G avec la société Equipe Habitat.

Dès lors, et afin d’éviter toute concertation, et compte tenu de l’implication de M. L G, il était parfaitement légitime que la société Atrihome solutions notifie une mise à pied conservatoire à M. L G , demande à l’huissier de justice de l’interroger, et sollicite de M. L G la remise de ses outils de travail.

Si ces pratiques ont pu choquer et déstabiliser M. L G et M. Y, directeur de formation, impliqué également dans la constitution de la société Equipe Habitat, également convoqué au comité de direction dont il ne faisait pas partie, elles ne constituent pas des manquements de l’employeur à ses obligations, mais simplement l’exercice de son pouvoir disciplinaire dans un contexte particulier

de concurrence déloyale.

De même la réunion qui s’est tenue le lendemain avec les responsables commerciaux des différentes agences de la société Atrihome solutions qui étaient sous la responsabilité de M. L G, était une réunion d’information pour faire état de la mise à pied de M. L G, et donc de son absence de l’entreprise et d’interdire aux collaborateurs d’entrer en contact avec lui, les propos dénigrants tenus par l’employeur n’étant que sa version, appuyée sur les éléments recueillis lors du constat d’huissier de justice au sein de la société Equipe Habitat, les salariés étant à même de faire la part des choses.

Il est bien évident que la société Atrihome solutions entendait mener à son terme le licenciement de M. L G et qu’il fallait envisager son remplacement, qui n’était pas prémédité, un nouveau directeur ayant été embauché en avril 2016.

C’est à juste titre que la société Coralu, société holding a réclamé à M. L G un solde suite à des prêts qui lui avaient été consentis, l’ordonnance de référé du 19 juillet 2016 rendue par le tribunal d’instance de Chambéry ayant condamné M. L G à payer une provision de 4 814 euros n’ayant pas été contestée.

Les retenues sur le bulletin de salaire de décembre 2015 de 700 euros pour absences injustifiées dont M. L G n’avait pas connaissance au moment de sa prise d’acte de la rupture, le paiement étant effectué le 11 janvier 2016 ne sont pas des manquements suffisamment graves à eux seuls pour justifier une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et ce d’autant plus que ce dernier justifie que M. L G occupait une partie de son temps de travail à aider à la création de la société Atrihome solutions.

Le jugement qui a dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit être qualifiée en démission sera confirmé.

La société Atrihome solutions est irrecevable à réclamer à M. L G une indemnité compensatrice de préavis dans la mesure où elle avait notifié à M. L G une mise à pied conservatoire le 6 janvier 2016, suivie de la notification d’un licenciement le 19 janvier 2016 pour faute lourde, ce qui impliquait très clairement qu’elle ne souhaitait pas l’exécution du préavis par M. L G.

Le jugement sera réformé sur ce point et la société Atrihome solutions déboutée de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis.

Sur la demande en paiement de la somme de 700 euros représentant le salaire des 22 et 23 décembre 2015, déduit pour absences injustifiées, aucun élément n’est fourni par la société Atrihome solutions sur cette absence que conteste M. L G. Il n’y a pas eu de mise en demeure adressée à M. L G de justifier de son absence et la lettre de licenciement n’en fait pas état.

La société Atrihome solutions sera condamnée à payer à M. L G la somme de 700 euros à titre de rappel de salaire ou 70 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande en date du 2 mai 2016. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement des salaires du 6 au 13 janvier 2016, il convient d’observer que M. L G a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire le 6 janvier 2016 suivie d’un licenciement pour faute lourde.

M. L G, s’il n’était ni salarié, ni actionnaire de la société Equipe Habitat, a néanmoins, sur son temps de travail, participé activement à la constitution de la société Equipe Habitat comme l’a relevé l’ensemble des éléments qui ont été obtenus dans le cadre du constat de l’huissier de justice et ainsi, grands nombres des griefs formulés dans la lettre de licenciement sont établis par des mails trouvés sur l’ordinateur de la société Equipe Habitat, des cartons de pièces concernant la société Atrihome solutions qui se trouvaient dans les locaux de la société Equipe Habitat :

.accompagnement de l’équipe dirigeante de la société Equipe Habitat dans les différentes démarches administratives (validation des statuts, préparation de la demande d’obtention de prêt auprès d’un

établissement financier),

.M. L G a participé organisé et cautionné le transfert des savoir-faire et méthodologies de la société Atrihome solutions vers la société Equipe Habitat en participant à l’élaboration des conditions générales de vente ou encore des bons de commandes,

. M. L G a organisé et cautionné le fait que M. AE U V, réalise des travaux de rénovation de l’agence commerciale de la société Equipe Habitat pendant ses heures de travail ou arrêt maladie, le fait que M. Y réalise des travaux d’informatique.

Ces manquements graves à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail justifiaient la mise à pied conservatoire et dès lors M. L G sera débouté de sa demande de rappel de salaire et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la faute lourde :

L’existence d’une faute lourde est indépendante des modalités de rupture du contrat de travail et peut être recherchée en l’espèce.

Seule une faute lourde est susceptible d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié et requiert de sa part une intention de nuire vis à vis de l’employeur.

Le manquement à l’obligation de loyauté du salarié ne suffit pas, en tant que tel, à caractériser une intention de nuire du salarié et les conséquences dommageables de la faute commise par le salarié sont impropres à caractériser l’intention de nuire à l’employeur.

Si M. L G a incontestablement commis des actes de déloyauté vis à vis de la société Atrihome solutions en aidant d’anciens salariés à monter une entreprise dont les activités étaient pour partie concurrentes de celles de la société Atrihome solutions, en prenant sur son temps de travail au sein de la société Atrihome solutions et en permettant l’accès à des documents contractuels de la société Atrihome solutions, rien ne permet d’établir qu’il avait l’intention de nuire à son employeur.

la société Atrihome solutions est une grosse structure qui avait une implantation nationale, M. L G avait 144 agents commerciaux sous ses ordres.

La société Equipe Habitat était une petite structure, qui n’avait nullement l’intention de concurrencer la société Atrihome solutions, et qui a fait l’objet d’une liquidation judiciaire par jugement du 26 octobre 2016.

Le jugement sera réformé et la société Atrihome solutions sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Chaque partie succombant, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et supportera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré excepté en ce qu’il a dit et jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est opposable à la société Atrihome solutions mais ne repose sur aucun fondement, est par conséquent requalifiée en démission, débouté M. L G de sa demande de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoir ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées ;

Condamne la société Atrihome solutions à payer à M. L G la somme de 700 euros à titre de rappel de salaire sur décembre 2015 outre 70 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts

au taux légal à compter du 2 mai 2016 ;

Déboute la société Atrihome solutions de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis ;

Dit que M. L G n’a pas commis de faute lourde ;

Déboute en conséquence la société Atrihome solutions de ses demandes pécuniaires à l’encontre de M. L G ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

Ainsi prononcé publiquement le 21 Décembre 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame H I, Présidente, et Madame J K, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 21 décembre 2017, n° 17/00721