Cour d'appel de Colmar, 2 décembre 2013, n° 12/05309
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Colmar, 2 déc. 2013, n° 12/05309 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Colmar |
Numéro(s) : | 12/05309 |
Décision précédente : | Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Colmar, 24 septembre 2012 |
Sur les parties
Texte intégral
XXX
MINUTE N° 10/2013
Copie exécutoire à
— Me Franck RUGRAFF
— SCP CAHN G./ CAHN T./ BORGHI
Copie à M. le PG
Arrêt notifié aux parties
Le 2 décembre 2013
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE 7
ARRET DU 02 Décembre 2013
Numéro d’inscription au répertoire général : 7U 12/05309
Décision déférée à la Cour : 25 Septembre 2012 par le BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE COLMAR
APPELANT :
Maître Biasantonio Z
XXX
Représenté par Me Franck RUGRAFF, avocat à COLMAR
INTIME :
Maître Michaël X
XXX
substitué à la barre par Me Thomas BLOCH, avocat à STRASBOURG
PARTIE INTERVENANTE :
L’ORDRE DES AVOCATS DE COLMAR – MAISON DE L’AVOCAT
XXX
Représenté par Me Gérard CAHN de la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocats au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. LEIBER, Président
Mme SCHNEIDER, Conseiller
Mme ROUBERTOU, Conseiller, entendue en son rapport
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE,
Ministère Public :
représenté lors des débats par M. Robert BARTOLETTI, substitut général.
ARRET :
— Contradictoire
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
— signé par M. Adrien LEIBER, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Un litige a opposé la société Art Paysager, cliente de Me Z, à M. Y, client de Me X, à propos de la livraison par M. Y de 56 stères de bois de chauffage.
Une mise en demeure de livrer a été envoyée par Me Z à M. Y le 8 juin 2012, à laquelle Mme Y a répondu le 12 juin 2012 que les parties ont trouvé un accord sur l’enlèvement du bois en demandant de confirmer qu’il pourra intervenir le 27 juin. Me Z a répondu que la société Art Paysager se présentera à son domicile le 27 juin 2012 pour enlever les stères de bois qui lui appartiennent.
Le 26 juin 2012 Me X a indiqué à Me Z qu’il répondrait bientôt au courrier que celui-ci a adressé à son client le 8 juin 2012. Me Z a alors joint téléphoniquement Me X pour lui dire que son courrier du 8 juin n’était plus d’actualité du fait de l’accord des parties, et lui a demandé de confirmer que son client était toujours d’accord pour restituer le bois, mais Me X a déclaré que M. Y refusait de restituer le bois, information que Me Z a répercutée à sa cliente.
Me Z a adressé un courrier officiel le 26 juin 2012 à Me X pour prendre acte du refus de M. Y de restituer le bois.
Me X a demandé le 28 juin 2012 à Me Z de ne pas produire le courrier officiel du 26 juin 2012.
La société Art Paysager a engagé une action en justice pour obtenir la restitution du bois, et Me X a saisi le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Colmar pour voir dire que le courrier du 26 juin 2012 est un courrier confidentiel.
Par décision du 25 septembre 2012 le bâtonnier a dit que le courrier de Me Z adressé à Me X le 26 juin 2012 intitulé « courrier officiel » revêt un caractère confidentiel, et qu’il ne pourra être produit en justice. Il s’est référé aux dispositions de l’article 3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat selon lequel tous échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu’en soit le support sont par nature confidentiels, les correspondances entre avocats quel qu’en soit le support ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l’objet d’une levée de confidentialité.
Me Z a formé appel contre cette décision le 29 octobre 2012.
Il demande dans ses écritures reçues au greffe le 28 janvier 2013 d’infirmer la décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats, et statuant à nouveau, de dire que le courrier du 26 juin 2012 ne revêt pas un caractère confidentiel, et qu’il pourra être produit en justice.
Il indique que le bâtonnier n’a pas précisé pourquoi il ne pouvait pas apposer sur son fax du 26 juin 2012 la mention « courrier officiel ».
Il fait valoir que dès lors que le fax est en lien avec l’exécution de l’accord conclu entre les parties, ce fax, comme l’engagement pris par M. Y, constitue une exception au principe de la confidentialité et peut valablement être communiqué dans la procédure judiciaire engagée.
Il se réfère à l’ouvrage « Règles de la profession d’avocat » édité en 2008, selon lequel il n’existe pas de secret lorsque le client fait une confidence à son avocat dans le but de la révéler à l’adversaire par l’intermédiaire de son propre confrère.
Il précise que si le fax ne peut être produit en justice, la société Art Paysager ne pourra rapporter la preuve qu’elle a voulu exécuter l’accord conclu et sera responsable de l’inexécution de l’accord.
Me X demande par écritures du 2 juillet 2013 de confirmer la décision entreprise. Il rappelle que l’article 3 du Règlement Intérieur National a valeur normative de la profession d’avocat, que tous échanges entre avocats, verbaux ou écrits sont par nature confidentiels, que peut porter la mention «officiel» et n’est pas couverte par le secret professionnel une correspondance ne faisant référence à aucun écrit, propos ou élément antérieur confidentiel, qu’aucune des exceptions de l’article 3.2 du règlement ne permettait de donner un caractère officiel au courrier du 26 juin 2012.
L’Ordre des Avocats, intervenu volontairement à la procédure, demande par écritures du 2 mai 2013 de confirmer sa décision.
Le Ministère Public a d’abord conclu par écrit à l’infirmation de la décision au motif que le courrier du 26 juin 2012 n’apparaît pas présenter un caractère confidentiel au regard des règles applicables à la profession d’avocat et au principe de la loyauté du débat judiciaire, mais a par contre requis à l’audience la confirmation de la décision déférée à la cour.
SUR CE :
Attendu que l’article 3 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat édicte pour principe que tous échanges entre avocats, verbaux ou écrits, quel qu’en soit le support (papier, télécopie, voie électronique…) sont par nature confidentiels ; que les correspondances entre avocats, quel qu’en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice, ni faire l’objet d’une levée de confidentialité ; qu’il ajoute toutefois que peuvent porter la mention officielle et ne sont pas couverts par le secret professionnel, au sens de l’article 66.5 de la loi du 31 décembre 1971, une correspondance équivalent à un acte de procédure et une correspondance ne faisant référence à aucun propos écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels ;
Attendu que dans son courrier du 26 juin 2012, Me Z indique à Me X qu’il se réfère à son fax lui annonçant sa constitution pour M. Y et à l’entretien qui s’en est suivi ; qu’il a noté que son client refuse en définitive de livrer à sa cliente les 56 stères de bois qu’il a vendus, et ce malgré l’engagement pris par Mme Y selon courriel du 12 juin 2012 ; qu’il avertit sa cliente qui avait déjà réservé les services d’un transporteur qui devait enlever le bois vendu ce mercredi le 27 juin 2012, afin de lui éviter des frais de transport inutiles ;
Qu’il a dans ce courrier rapporté tout ou partie de l’entretien qu’il a eu avec Me X qui l’a informé du refus de son client de livrer le bois vendu ; qu’il ne pouvait dès lors y apposer la mention officielle alors que cet entretien était par nature confidentiel ;
Qu’il y a lieu dans ces conditions de confirmer la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Colmar du 25 septembre 2012 ;
P A R C E S M O T I F S
CONFIRME la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Colmar du 25 septembre 2012 en toutes ses dispositions.
MET les dépens à la charge de Me Z.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :
Textes cités dans la décision