Cour d'appel de Colmar, 25 janvier 2016, n° 15/00621

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 25 janv. 2016, n° 15/00621
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 15/00621
Décision précédente : Tribunal d'instance de Strasbourg, 30 novembre 2014

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 16/0012

Copie exécutoire à :

— Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA

— Me Rosemarie BECKERS

Le 25/01/2016

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 25 Janvier 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A 15/00621

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 décembre 2014 par le tribunal d’instance de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur D B

XXX

XXX

Représenté par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat à la cour

INTIMEE :

Madame F C

XXX

XXX

Représentée par Me Rosemarie BECKERS, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme WOLF, Conseiller

Mme FABREGUETTES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. X

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Annie MARTINO, président et M. Christian X, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 9 décembre 2010, M. B, de nationalité allemande, a été victime d’un accident de ski en l’espèce, une collision avec M. A, survenue sur le domaine du ski alpin de Gérardmer et ayant occasionné une blessure à l’épaule.

Par jugement du 14 septembre 2012, le tribunal d’instance de Saint-Dié a débouté M. B de sa demande tendant à voir engager la responsabilité civile de Monsieur A et en paiement d’une somme à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice corporel.

M. B, par son mandataire, Me Merlinge, a interjeté appel de ce jugement suivant déclaration d’appel du 24 octobre 2012.

Le 18 janvier 2013, Maître C s’est constituée pour M. B au lieu et place de Me Merlinge.

Par décision en date du 2 septembre 2013, confirmée par la cour d’appel sur déféré le 16 janvier 2014, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d’appel en l’absence de notification des conclusions d’appel à l’avocat de l’intimé dans les conditions prévues par l’article 911 du code de procédure civile, sous les sanctions prévues par les articles 908 et 910 du code.

M. B a alors fait citer Maître C devant le tribunal d’ instance de Strasbourg aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 7082,57 euros en réparation de la perte de chance de voir indemniser son préjudice.

Par décision en date du 30 janvier 2015, le tribunal d’instance de Strasbourg a débouté M. B de ses demandes au motif que, si la faute du mandataire est établie, M. B n’établit pas l’existence d’un préjudice en ce sens qu’ aucun élément ne permet de conclure que la décision du tribunal d’instance de Saint-Dié aurait pu être infirmée par la cour d’appel de Nancy.

M. B a interjeté appel à l’encontre de cette décision le 30 janvier 2015.

*

Vu les écritures notifiées et transmises par la voie électronique par l’appelant le 29 avril 2015 ;

Vu les conclusions notifiées et transmises par la voie électronique par l’intimée le 26 juin 2015 ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité professionnelle de l’avocat

Attendu qu’il est constant que, suite à la déclaration d’appel formalisée par Me Merlinge pour le compte de M. B, et après avis adressé par le greffe à l’intimé en application de l’article 902 du code de procédure civile, la Scp Millot-Logier et Y s’est elle même constituée pour le compte de Monsieur A le 19 novembre 2012 et a notifié sa constitution à Me Merlinge ;

Que, le 18 janvier 2013, Maître C s’est constituée en lieu et place de Me Merlinge pour le compte de M. B et a, le même jour, remis des conclusions d’appel au greffe de la cour et les a notifiées à Me Roussel, avocat de M. A en première instance ;

Que ces conclusions ont été déclarées inopérantes, et partant caduque la déclaration d’appel, pour n’avoir pas été notifiées dans les délais prévus aux articles 908 à 910 du code de procédure civile à l’avocat de la partie intimée, soit la Scp Millot-Logier et Y ;

Attendu que Me C prétend n’avoir commis aucune faute en notifiant ses écritures à un mandataire qui n’était plus constitué dans le dossier, aux motifs qu’elle n’aurait pas été destinataire des diligences imposées au greffe par l’article 902 du code de procédure civile, qu’elle n’a pas été tenue informée, par ses différents confrères, de la constitution de la société civile professionnelle Millot-Logier et Y, que le document Rpva e-barreau visé dans l’arrêt de la cour d’appel du 14 septembre 2012 n’est pas celui qu’elle avait présenté au conseiller de la mise en état et que le message électronique reçu du greffe le 21 février 2013 ne constitue pas un acte de procédure de sorte que elle n’avait pas à y donner suite ;

Attendu, en l’espèce, qu’il est constant et définitivement jugé que les conclusions justificatives d’appel n’ont pas été notifiées dans le délai légal à l’ avocat constitué pour la défense des intérêts de l’intimé et ne l’ont été qu’à l’avocat de première instance qui n’intervenait plus à hauteur d’appel et que ces circonstances ont entraîné la caducité de la déclaration d’appel ;

Attendu qu’intervenant en second lieu à la place d’un confrère qui avait formalisé la déclaration d’appel, Me C devait prendre toutes précautions utiles pour connaître l’identité de l’avocat constitué pour l’intimé afin de lui notifier en temps et heure ses écritures ;

Qu’il n’est fourni aucun élément permettant de tenir pour non-avenues les constatations des magistrats de la cour d’appel de Nancy comme celles du premier juge qui se sont référés aux indications du dossier e-barreau dans lequel figuraient à la case «intimé» le nom de l’intimé ainsi que le nom de son avocat à savoir la Scp Millot-Logier et Y, de sorte que Maître C avait pu dès le 18 janvier 2013 avoir connaissance de la constitution d’un avocat et de son nom ;

Que le greffe n’avait pas à réitérer les diligences mises à sa charge par les dispositions de l’article 902 du code de procédure civile par suite de la constitution de Maître C à la place de Me Merlinge ;

Que pour autant le greffe a signalé à Maître C, par message électronique du 21 février 2013, son erreur dans la transmission des conclusions à un avocat non constitué et lui a rappelé l’identité du conseil de l’intimé à savoir la Scp Millot-Logier et Y si bien qu’il apparaît, comme l’a relevé le premier juge, que l’avocate était encore dans les délais pour notifier ses écritures à cette société, ce qu’elle n’a pas fait ;

Que l’ensemble de ces circonstances démontre que Maître C, qui n’a au demeurant pas pris la peine de se rapprocher du greffe, n’a pas pris toutes les précautions utiles pour notifier ses écritures d’appel à la bonne personne et que cette négligence constitue bel et bien une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle ;

Sur le préjudice

Attendu que le premier juge a exactement rappelé le cadre juridique du débat et la cour reprend à son compte les énonciations du jugement déféré de ce chef ;

Qu’en revanche, il doit être fait une toute autre analyse de la chance perdue par M. B de gagner son procès contre M. A en cause d’appel ;

Qu’en effet, il n’a jamais été contesté que l’accident de ski ayant préjudicié à M. B s’est produit alors que M. A, juché sur un snowboard, dévalait la pente en amont de M. B et de Mme Z qui skiaient en aval ;

Que M. B rapporte qu’en descendant la piste, il avait remarqué qu’un snowboarder s’approchait à une vitesse rapide venant du haut à gauche, qu’il avait essayé de l’éviter mais que celui-ci était passé par derrière sur ses skis sans freiner et sans changer de direction ;

Que Mme Z atteste également que « l’inculpé a dû arriver par le haut gauche à grande vitesse… » et qu’elle a trouvé M. A près de M. B qui avait effectué une sérieuse chute ;

Que devant le tribunal de Saint-Dié, Monsieur A a produit des écritures laconiques dans lesquelles il se borne d’une part, à soutenir que « la partie adverse et lui-même prenaient un virage dans le même sens » sans autre analyse des circonstances de l’accident ni autre précision et, d’autre part, à prétendre qu’en tout état de cause « la faute du concluant n’est pas caractérisée » ;

Que M. A n’a ainsi jamais contesté qu’il se trouvait sur la piste de ski en amont de M. B ni soutenu que celui-ci aurait commis une quelconque faute d’imprudence à l’origine de la collision litigieuse ;

Que selon les règles de ski éditées par la fédération internationale de ski et en tout bon sens, il appartient à l’utilisateur de la piste qui se trouve en amont de prendre toutes précautions pour ne pas gêner la trajectoire des skieurs qui se trouvent en aval et qui ne le voient pas ;

Attendu que, même si l’offre de preuves n’ était pas des plus denses devant la cour d’appel de Nancy , il n’en demeure pas moins que la circonstance que Monsieur A soit si peu explicite sur les circonstances de l’accident tout en reconnaissant son implication et en ne niant pas s’être trouvé en aval de M. B, auquel il n’impute aucune faute, alors que la déclaration de M. B est corroborée par l’attestation établie par Mme Z, tout au moins sur le fait que le snowboarder devait venir du haut et qui a immédiatement recueilli les explications de la victime sur les circonstances de l’accident à savoir que M. A, qui se trouvait aux côtés de l’accidenté, avait violemment percuté celui-ci par l’arrière, constituent des éléments de nature à caractériser le caractère raisonnable de la chance de succès perdue par M. B de voir engager la responsabilité civile de M. A, fût-ce d’ailleurs après comparution personnelle des parties que la cour de Nancy aurait pu ordonner ;

Que la chance perdue par M. B de gagner son procès en appel, préjudice résultant certainement et directement de la négligence fautive de son avocate, sera évaluée en l’espèce à

50 % ;

Attendu que M. B verse aux débats une expertise médicale dont les conclusions ne sont nullement contestées faisant apparaître qu’il a subi une luxation acromio-claviculaire gauche, type Rockwood III traitée par bandage Gilchrist, que lors de l’examen de contrôle le 27 décembre 2010, les douleurs s’étaient calmées et que pendant les séances de kinésithérapies qui ont suivi, les symptômes se sont sensiblement réduits et que l’inaptitude au travail s’est étalée jusqu’au 6 février 2011 ;

Qu’il réclamait devant la cour d’appel de Nancy une somme de 5000 € au titre de la réparation de son préjudice de douleur ainsi qu’une somme de 1000 € en réparation d’un préjudice d’agrément allégué ; qu’il mettait aussi en compte 85,47 € au titre du coût de certificats médicaux ;

Attendu que si les postes « préjudice de douleur » et « coût des certificats médicaux » n’auraient pas souffert de discussion devant la cour de Nancy, celle-ci n’aurait pas pu retenir l’existence d’un préjudice d’agrément en l’absence de tout élément de nature à établir que M. B serait désormais dans l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ;

Qu’ainsi, le préjudice corporel résultant pour M. B de la perte de chance de gagner son procès en appel sera réparé par l’allocation de la somme de 5085,47 € : 2 = 2542,73 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter de ce jour conformément aux dispositions de l’article 1153-1 dernier alinéa du code civil, aucune circonstance particulière n’autorisant la cour à y déroger ;

Que de même, M. B a, dans les mêmes proportions, perdu la chance de voir infirmer la décision du tribunal d’instance de Saint-Dié qui l’a condamné aux dépens et au paiement de la somme de 350 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Qu’il lui sera alloué la somme de 244 € de ce chef ;

Attendu qu’en outre, la faute de Me C a contraint M. B a exposer des frais devant la cour d’appel de Nancy en contestation de l’ordonnance de caducité tant devant le conseiller de la mise en état que devant la cour elle-même sur déféré ; qu’ainsi, l’appelant a été condamné par ces deux instances à payer au total la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que ce préjudice résulte directement de la faute commise par Maître C et doit être intégralement réparé ;

Qu’il convient donc d’infirmer la décision déférée et de condamner Me C au paiement de la somme totale de 3786,73 euros ;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que les dispositions du jugement déféré sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées ;

Que, partie perdante en cause d’appel, Me C sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et condamnée à payer à M. B la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME la décision déférée,

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNE Me C à payer à Monsieur B la somme de 3786,73 euros (trois mille sept cent quatre-vingt-six euros soixante-treize centimes) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE Me C à payer à Monsieur B la somme de 800 € (huit cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Maître C aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier La présidente de chambre

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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