Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 27 mars 2019, n° 17/00295

  • Or·
  • Consommateur·
  • Nom de domaine·
  • Mots clés·
  • Sociétés·
  • Concurrence déloyale·
  • Concurrent·
  • Site·
  • Internet·
  • Pratiques commerciales

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 1 a, 27 mars 2019, n° 17/00295
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 17/00295
Décision précédente : Tribunal de grande instance, 29 décembre 2016
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

CP/SD

MINUTE N°

Copie exécutoire à

— la SELARL HARTER-LEXAVOUE COLMAR

— la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 27.03.2019

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 27 Mars 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 17/00295 – N° Portalis DBVW-V-B7B-GLUP

Décision déférée à la Cour : 30 Décembre 2016 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG

APPELANTE :

SASU COMPTOIR NATIONAL DE L’OR

prise en la personne de son représentant légal

[…]

SARL COMPTOIR DE L’OR

prise en la personne de son représentant légal

[…]

Représentées par Me Guillaume HARTER de la SELARL HARTER-LEXAVOUE COLMAR, avocat à la Cour

INTIMEE :

[…]

prise en la personne de son représentant légal

[…]

Représentée par Me Marion BORGHI de la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. OURIACHI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme B-C

ARRET :

— Contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL COMPTOIR DE L’OR a pour activité le commerce de détail d’articles d’horlogerie et de bijouterie, elle a son siège social au numéro 23 de l’avenue de la Paix à Strasbourg et est dirigée par M. X Y. Elle a déposé auprès de l’INPI, en date du 28 octobre 2009, la marque 'LE COMPTOIR DE L’OR’ en classe 14 et 41. La SARL COMPTOIR NATIONAL DE L’OR, située 10 avenue de la Grande armée à Paris a pour activité le négoce de métaux précieux.

La SARL BANQUE DE L’OR INTERNATIONALE (BOI) exploite une activité d’achat et de vente de métaux précieux, dont l’or, dans deux établissements à Strasbourg et à Colmar.

Par assignation en date du 28 novembre 2012, les SARL COMPTOIR DE L’OR et COMPTOIR NATIONAL DE L’OR ont fait citer la SARL BOI aux fins de la voir condamnée pour des actes de concurrence déloyale, de parasitisme et de pratiques commerciales trompeuses.

Par un jugement en date du 30 décembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a débouté les SARL COMPTOIR DE L’OR et COMPTOIR NATIONAL DE L’OR de leurs demandes, les a condamnées à payer à la défenderesse la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les a condamnées aux dépens.

Par déclaration faite au greffe en date du 18 janvier 2017, les SARL COMPTOIR DE L’OR et COMPTOIR NATIONAL DE L’OR ont interjeté appel de la décision.

La SARL BANQUE DE L’OR INTERNATIONALE s’est constituée intimée le 14 février 2017.

Par des dernières conclusions en date du 11 avril 2017, les SARL COMPTOIR DE L’OR et COMPTOIR NATIONAL DE L’OR demandent à la Cour d’infirmer le jugement entrepris, d’interdire à la SARL BOI sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée d’utiliser directement ou indirectement à titre de nom de domaine et de mot clé les dénominations 'gold.fr’ et 'goldfr', d’ordonner à l’intimée de procéder à la radiation des domaines 'goldfr.fr’ et 'goldfr.com', d’enregistrer les mots clés 'goldfr’ et 'gold.fr’ en mots clés négatifs sur le serveur A du moteur de recherche Z, de cesser toute utilisation de la mention 'n°1 de l’achat d’or en France', de la condamner à lui payer la somme de 189 000 euros de dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, d’ordonner la publication de l’arrêt dans cinq revues ou sites internet, de la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, les appelantes affirment que leur activité ne se constitue pas uniquement d’une activité de bijouterie et indiquent que le site 'gold.fr’ existe depuis 1998 et non 2010. Elles soutiennent que la notion de dolus bonus ne peut s’appliquer en l’espèce car l’allégation exagérée d’une qualité invérifiable peut ne pas constituer un dol que si le caractère exagéré ne peut échapper au consommateur. Elles affirment que l’allégation de l’intimée d’être 'numéro 1 en France’ est fausse et trompeuse. Elles indiquent que la charge de la preuve pèse sur l’annonceur qui diffuse une publicité comparative. Elles affirment que les mots clés réservés 'gold.fr’ et 'goldfr’ ont une structure non usuelle et correspond à leur nom de domaine. Elles indiquent que la réservation du nom de domaine par

l’intimée est destinée à générer l’apparition d’une publicité trompeuse, constituant un acte de concurrence déloyale. Elles chiffrent leur préjudice à la somme de 120 000 euros en réparation du détournement des investissements publicitaires et de 69 000 euros au titre de la perte consécutive au détournement de clientèle.

Par des dernières conclusions en date du 1er décembre 2017, la SARL BOI demande à la Cour de confirmer le jugement, débouter les appelantes de leurs demandes, de les condamner aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

À l’appui de ses allégations, la SARL BOI affirme que les appelantes n’évoluent pas sur le marché du négoce de métaux précieux au principal. Elle indique que le site 'gold.fr’ ouvert en 1998 appartient à la SARL GOLD. Elle soutient que la SARL COMPTOIR NATIONAL DE L’OR a été créée en 2010 et la SARL COMPTOIR DE L’OR en 1990, et non en 1976 comme l’indique le site. Elle indique que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que le seul usage par un tiers d’un signe identique à la marque est insuffisant pour caractériser une atteinte à la fonction de publicité de la marque en cause. Elle indique que le critère retenu en matière de pratiques commerciales trompeuses est celui du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service, ce qui est le cas de l’internaute attentif au marché de l’or. Elle affirme que les appelantes ne peuvent solliciter le privilège exclusif du référencement opéré avec la mention 'gold.fr'. Elle soutient que le détournement du trafic des internautes ne peut se vérifier que par l’exploitation indue de signes distinctifs. Elle affirme que le préjudice n’est pas avéré et découle du jeu du libre marché et de la libre concurrence. Elle conteste les pratiques commerciales trompeuses et le parasitisme en affirmant avoir réservé des noms et lieux communs attachés à son activité sans matraquage exclusif sur les termes litigieux.

Par arrêt du 24 octobre 2018, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats afin que les parties régularisent leurs écritures, en tenant compte des modifications intervenues dans

la dénomination et la forme sociale des sociétés en cause.

La Cour se référera à ces dernières écritures pour plus ample exposés des faits de la procédure et des prétentions de la partie.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience de plaidoiries du 21 janvier 2019.

MOTIFS :

I/ Sur la concurrence déloyale :

a/ Sur la concurrence déloyale résultant de la publicité trompeuse :

Les appelantes avancent que la société BDOR s’est livrée à des actes de concurrence déloyale en réservant, auprès du service de référencement publicitaire en ligne Z A, les mots clés de recherche 'gold.fr’ et 'goldfr'. Elle explique que ceci déclenchait l’affichage, lorsqu’un consommateur effectuait une recherche avec de tels mots clés, d’un bandeau d’annonce publicitaire portant la mention 'Banque de l’Or ' N°1 de l’achat d’or en France / Banquedelor.fr’ et renvoyant aux coordonnées internet et téléphoniques de la société Banque de l’or (devenue BDOR). Les sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or considèrent que la mention portée par cette publicité, selon laquelle la société Banque de l’or aurait été, à l’époque concernée, la première société en France en matière d’achat d’or,

constitue une allégation relative à une qualité que l’intéressée n’avait pas. Elles en déduisent qu’une telle publicité était trompeuse au sens de l’article L. 121-2 du Code de la consommation. Elles concluent qu’une réservation de mots clés, destinée à démarcher la clientèle d’un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale lorsqu’elle est associée avec une pratique commerciale trompeuse.

La société BDOR, pour contester tout acte de concurrence déloyale, développe d’abord un exposé de l’historique et de la structure des sociétés adverses, qui s’avère être sans objet pour l’examen juridique du présent litige. Elle se prévaut ensuite de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne relative à la protection des marques et à la contrefaçon. Elle prétend que, d’une part, l’internaute n’est pas un consommateur de niveau faible et que d’autre part, l’acheteur d’or est lui aussi spécialement informé, pour en déduire qu’un internaute s’intéressant à l’achat d’or ne peut être considéré comme un consommateur moyen raisonnablement attentif, mais comme un consommateur particulièrement attentif.

Néanmoins, c’est à tort que l’intimée indique, au demeurant sans s’en expliquer, que la jurisprudence européenne en matière de contrefaçon de marques peut être appliquée par analogie au présent litige, les dispositions applicables étant différentes.

Les sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or reprochent à leur adversaire d’avoir réservé des mots clés 'goldfr’ et 'gold.fr', en recherchant à bénéficier de la notoriété de leur propre site internet, 'www.gold.fr'.

La société BDOR ne nie pas ces faits mais se défend en invoquant le caractère banal et non distinctif des mots clés, arguant que 'gold’ n’est que la traduction du terme français 'or’ et qu’il était donc commun de l’employer pour démarcher une clientèle cherchant à acquérir ce produit. Elle avance également que le démarchage de la clientèle d’un concurrent s’intègre dans le libre jeu de la concurrence et est licite.

Ainsi que le soutiennent à bon droit les appelantes, le démarchage des clients d’un concurrent, par exemple par la réservation de mots clés, est licite dans la mesure où il n’est

pas accompagné de pratiques trompeuses. Or, estiment-elles, la société BDOR a, en l’espèce, associé un démarchage de leurs clients à des pratiques commerciales trompeuses, par la réservation de mots clés associés à l’annonce ventant la société Banques de l’or comme étant dominante sur le marché concerné.

Il échet de relever que l’articulation des règles réprimant la concurrence déloyale avec celles condamnant les pratiques commerciales trompeuses impose d’examiner les critères relatifs à la caractérisation de ces dernières. Ainsi, il doit être recherché d’abord si le comportement reproché est trompeur dans la mesure où il repose par exemple sur de fausses allégations, de nature à induire en erreur sur les qualités du professionnel. Ensuite, il convient d’apprécier si ces faits ont été susceptibles d’altérer le comportement économique du consommateur moyen.

S’agissant du premier critère, la société BDOR se défend de toute tromperie. Elle ne conteste pas avoir mis en place une publicité indiquant qu’elle était 'n°1 de l’achat de l’or en France', mais estime qu’il s’agit d’un 'bonus dolus', n’étant en aucun cas trompeur, mais tout au plus une exagération. Elle ajoute que le bandeau publicitaire était précédé du terme 'annonce'.

Cependant, il ressort des dispositions de l’article L. 121-2 du Code de la consommation qu’une pratique commerciale est trompeuse si elle repose sur des allégations de nature à induire en erreur notamment sur les qualités et les aptitudes du professionnel. Or en l’espèce, la société BDOR, anciennement Banque de l’or, prétendait assumer une position avantageuse de 'n°1 de l’achat d’or’ sur le marché français, revendiquant ainsi une qualité dont pourtant elle ne nie pas être dépourvue. Elle reconnaît un 'bonus dolus', une exagération selon elle tolérée en matière de publicité commerciale. Ce raisonnement ne peut être retenu, dans la mesure où il ne s’agit pas en l’occurrence d’une affirmation apparaissant volontairement exagérée ou hyperbolique, dont le caractère excessif serait facilement identifiable par le consommateur. La société BDOR se prévaut au contraire d’une qualité précise, objective et mesurable, sur laquelle elle communique une donnée chiffrée erronée. Qui plus est, cette affirmation est faite de manière sérieuse, sans qu’une volonté d’exagération soit perceptible. Or les dispositions précitées interdisent spécifiquement la revendication fallacieuse d’une qualité que le professionnel n’a pas. Il convient en outre de relever que la société BDOR n’offre pas de démontrer que cette qualité serait exacte.

Il y a donc lieu de retenir que la société BDOR a communiqué des indications fausses sur ses qualités, prétendant occuper la première place sur le marché de l’achat d’or en France, ce dont elle ne peut démontrer la véracité.

S’agissant du second critère, relatif à l’altération avérée ou potentielle du comportement du consommateur moyen du fait des fausses informations, la société BDOR reprend son argumentation relative au niveau du consommateur concerné par le cas présent, en soutenant que l’acheteur d’or sur internet est un consommateur aguerri dont le seuil d’attention et d’information est élevé, qu’il ne peut donc être considéré comme un consommateur moyen. Elle soutient que les consommateurs concernés n’ont pas été influencés dans leur comportement par l’annonce publicitaire litigieuse.

Toutefois, ainsi que l’affirment pertinemment les appelantes, il est certain que le fait, pour une société, de revendiquer la qualité de 'n°1' sur un marché, vise à gagner un avantage commercial, notamment dans la mesure où cette qualité permet de suggérer, auprès des consommateurs visés, que cette société est la plus importante ou qu’elle propose de meilleurs services, en somme qu’elle rencontre plus de succès dans son activité que ses concurrents.

De plus, la société BDOR, qui se contente de l’affirmer, ne démontre pas en quoi le fait que les consommateurs visés soient des acheteurs d’or sur internet les rend particulièrement

informés.

L’or est un produit susceptible d’attirer tous types d’acheteurs, y compris des consommateurs novices dans le négoce de cette matière, pouvant décider d’en acquérir pour la première fois et se trouver d’autant plus susceptibles d’être induit en erreur par une publicité trompeuse. Au surplus, même un consommateur qui serait bon connaisseur du marché et des cours de l’or, et par ailleurs raisonnablement attentif, pourrait être induit en erreur par la mention d’une société se prétendant 'n°1 d’achat de l’or', dès lors qu’il n’est pas en mesure de vérifier la véracité de cette assertion.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la mention publicitaire litigieuse est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen, en lui faisant croire que la société Banque de l’or (devenue BDOR) est l’acteur majeur du marché de l’or en France, et en l’amenant potentiellement, de ce fait, à consulter son site internet et à réaliser son achat auprès d’elle.

Les deux critères susmentionnés étant réunis, la concurrence déloyale au moyen de pratiques trompeuses est caractérisée. Le fait, pour la société BDOR, de réserver des mots clés visant la clientèle de ses concurrents tout en diffusant une publicité trompeuse, est donc fautif. Le jugement sera infirmé sur ce point.

b/ Sur la pratique de 'typosquatting’ :

Les sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or reprochent par ailleurs d’autres faits de concurrence déloyale à la société BDOR. Elles indiquent que celle-ci s’est livrée à une pratique dite de 'typosquatting', qui consiste à enregistrer des noms de domaines internet proches de ceux d’un concurrent, en comptant profiter du trafic destiné au site concurrent par le biais de la proximité orthographique susceptible d’induire en erreur le consommateur, par exemple lorsqu’il commet une erreur de frappe.

Un tel comportement, lorsqu’il consiste en pratique à rechercher fautivement un avantage commercial indu, en profitant des investissements et de la notoriété du concurrent, est constitutif de concurrence déloyale.

La société BDOR répond que le vocable 'gold’ est un nom commun et que l’adjonction du suffixe 'fr’ n’est que la représentation du marché de l’or sur le territoire français. Elle ajoute que les noms de domaine en cause ont depuis lors été désactivés.

Le constat d’huissier produit par les appelantes (pièce n°8) permet de constater que la société Banque de l’or, devenu BDOR, a été propriétaire des noms de domaine 'www.goldfr.fr’ et 'www.goldfr.com'. Ainsi que le soulignent avec raison les sociétés Comptoir national de l’or et Comptoir de l’or, la proximité de ces noms de domaine avec le leur, 'www.gold.fr', de même que leur structure anormale, incluant l’extension 'fr’ dans le nom du domaine lui-même, permettent d’en déduire une volonté de détourner le trafic et de gagner ainsi indûment un avantage commercial. Cette analyse est renforcée par le fait que la société BDOR avait réservé deux noms de domaines proches de celui de ses principaux concurrents.

Quand bien même ces sites auraient depuis lors été désactivés par la société BDOR, il n’en reste pas moins qu’il apparaît qu’elle s’est livrée à un acte de concurrence déloyale par la réservation de ces noms de domaine.

II/ Sur le préjudice des sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or :

En réparation du préjudice qu’elles allègent avoir subi du fait des agissements fautifs de la

société BDOR, les appelantes évoquent deux postes d’indemnisation.

S’agissant du préjudice au titre des investissements commerciaux, les sociétés appelantes demandent une somme de 120 000 euros, correspondant à 10 % de leurs dépenses publicitaires. Elles expliquent, pièces à l’appui, que leurs dépenses publicitaires dépassent le million d’euros. Elles arguent que le comportement déloyal de la société BDOR, notamment en ce qu’elle se présentait comme 'n°1' sur le marché ciblé, les a fait perdre une partie du bénéfice de ces investissements et les a obligées à augmenter leur budget, afin d’optimiser leur positionnement commercial, notamment sur le service Z A.

Néanmoins, il est rappelé que l’investissement publicitaire n’est pas en soi constitutif d’un préjudice, mais constitue la conséquence normale du jeu de la concurrence dans une économie libérale. De plus, si les sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or indiquent avoir dû, par la faute de la partie adverse, dépenser davantage en matière publicitaire, elles ne démontrent aucun accroissement de leurs dépenses, que ce soit au niveau du service de référencement Z A, ou même au niveau de leurs comptes sociaux. Les extraits de grands livres relatifs aux dépenses publicitaires produits ne le sont en effet que pour l’année 2011, rendant toute comparaison impossible, et partant, ne permettant pas d’observer l’accroissement des dépenses publicitaires allégué. Les appelantes ne démontrent pas davantage en quoi leurs investissements publicitaires auraient été consentis à perte. Les comportements fautifs caractérisés à la charge de l’intimée ne permettent pas, à eux seuls, de déduire l’inefficacité des investissements publicitaires de leurs concurrents.

Ce poste de préjudice, insuffisamment établi, sera donc écarté.

S’agissant du préjudice au titre du détournement de clientèle, les appelantes sollicitent une somme de 69 000 euros. Elles indiquent avoir pâtit du détournement de leur clientèle par les agissements de l’intimée, du fait de la confusion créée entre les sites des parties, mais également de la revendication déloyale, par la société BDOR, de la qualité de 'n°1 de l’achat d’or'.

Les appelantes se fondent sur une durée de présence en ligne de l’annonce litigieuse de 12 mois. Cette durée peut être admise, dans la mesure où les éléments produits par l’intimée elle-même (pièce 33) mentionnent une période de mise en ligne de l’annonce litigieuse courant du 15 avril 2011 au 26 octobre 2012.

Les appelantes produisent ensuite un calcul permettant d’estimer le manque à gagner subi du fait des man’uvres déloyales de l’intimée. Elles soulignent que des pertes ont été subies tant par leur site de commerce en ligne (à hauteur de 60 000 euros) que par leur boutique de Strasbourg (à hauteur de 9 000 euros).

Elles motivent chaque élément de leur calcul en donnant des éléments de comparaison, relativement au panier moyen et à la marge, et retenant des chiffres inférieurs pour leur demande.

Les contestations de l’intimée, qui allègue d’un panier moyen de 75 euros et d’une marge de 5 %, ne sont pas pertinentes. Le préjudice ne saurait non plus être limité au nombre de clics sur l’annonce litigieuse lié aux mots clés en cause, dès lors que l’annonce est apparue à un nombre bien plus large de consommateurs, qui ont pu par exemple se contenter de recueillir les coordonnées de la société Banque de l’or pour se rendre dans ses locaux, ou directement sur son site internet, sans pour autant cliquer sur ladite annonce.

L’assertion selon laquelle le consommateur serait, dans tous les cas, obligé de se rendre en

agence, n’est pas davantage pertinente, les propres pièces de l’intimée montrant qu’elle se prévaut d’un 'site dédié à la vente à distance’ proposant un service de qualité égale à celui disponible en agence.

Enfin, la société BDOR ne peut point valablement soutenir qu’aucun préjudice ne serait subi du fait de son activité internet, ses campagnes publicitaires n’étant selon elles pas susceptibles d’altérer le comportement du consommateur, alors que l’objet même d’une campagne publicitaire est d’amener le consommateur à contracter avec une société plutôt qu’une autre, ce qui a nécessairement une influence sur le chiffre d’affaires dégagé.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour estime que l’évaluation détaillée et motivée de leur préjudice proposée par les sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or doit être retenue.

En conséquence, la société BDOR se verra condamnée à verser aux appelantes la somme de 69 000 euros.

Par ailleurs, les appelantes demandes des mesures complémentaires visant à faire cesser la concurrence déloyale. Les actes de concurrence déloyale étant caractérisés, il sera fait droit aux demandes des appelantes. Il convient dès lors d’interdire à la société BDOR, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, d’utiliser directement ou indirectement les dénominations 'goldfr’ ou 'gold.fr’ à titre de nom de domaine. Il échet également d’ordonner à la société BDOR de faire procéder à ses frais, à la radiation des noms de domaines 'goldfr.fr’ et 'goldfr.com', ainsi que de cesser l’utilisation de la mention 'n°1 de l’achat d’or en France’ ; ce sous peine d’astreinte de 500 euros par jour de retard, dans les huit jours de la signification du présent arrêt.

Par ailleurs, sera ordonnée la publication de l’arrêt à intervenir, aux frais de la société BDOR.

La société BDOR prétend que l’annonce litigieuse n’est plus active, non plus que les noms de domaines 'goldfr.fr’ et 'goldfr.com'. Il lui appartiendra de le démontrer en tant que de besoin.

III/ Sur les demandes accessoires :

La société BDOR, succombante, sera condamnée aux dépens.

L’équité commande l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit des sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or, pour la somme de 2 000 euros.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

INFIRME le jugement rendu le 30 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société BDOR à verser aux sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or la somme de 69 000 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subit du fait d’actes de concurrence déloyale,

INTERDIT à la société BDOR, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, d’utiliser directement ou indirectement les dénominations 'goldfr’ ou 'gold.fr’ à titre de nom de domaine,

ORDONNE à la société BDOR, sous peine d’astreinte de 500 euros par jour de retard, dans les huit jours de la signification du présent arrêt, de :

— faire procéder à ses frais, à la radiation des noms de domaines 'goldfr.fr’ et 'goldfr.com’ ;

— cesser l’utilisation de la mention 'n°1 de l’achat d’or en France’ ;

ORDONNE la publication du présent arrêt aux frais de la société BDOR, en première page de son site internet et dans cinq revues ou sites internet au choix des sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or, dans la limite de 5 000 euros HT au total,

CONDAMNE la société BDOR aux dépens,

CONDAMNE, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, la société BDOR à verser aux sociétés Comptoir de l’or et Comptoir national de l’or la somme de 2 000 euros,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la société BDOR.

LE GREFFIER : LA PRÉSIDENTE :

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 27 mars 2019, n° 17/00295