Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 b, 12 mars 2019, n° 18/00300

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 4 b, 12 mars 2019, n° 18/00300
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/00300
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Hagueneau, 21 décembre 2017
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

MAN/CK

MINUTE N° 19/0278 NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

ARRET DU 12 Mars 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 B N° RG 18/00300

N° Portalis DBVW-V-B7C-GVEO

Décision déférée à la Cour : 22 Décembre 2017 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE HAGUENAU

APPELANTE :

Madame A Y

[…]

[…]

Représentée par Me Marc SCHRECKENBERG, avocat au barreau de Strasbourg

INTIMEE :

SAS […]

n° siret : 316 854 553

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Antoine BON, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme CONTE, Président de chambre

Mme FERMAUT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme X

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Martine CONTE, Président de chambre,

— signé par Mme Martine CONTE, président de chambre et Mme Martine X, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 9 mars 2016, Mme Y a été engagée par la société Pentair technical solutions en qualité de responsable qualité à compter du 14 mars 2016.

Ce contrat prévoyait une période d’essai de quatre mois, renouvelable sans pouvoir exéder six mois.

Le 24 avril 2016, elle a subi un infarctus puis a repris le travail à mi-temps thérapeutique à compter du 3 mai 2016.

Par lettre du 26 mai 2016, la société a mis fin au contrat de travail pendant la période d’essai.

Par requête reçue au Greffe le 5 octobre 2016, Mme Y a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de constat du caractère discriminatoire en raison de son état de santé de la rupture du contrat et, dès lors, de son caractère abusif, ainsi que d’une demande en paiement de dommages-intérêts et de frais.

Par jugement du 22 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Haguenau a dit justifiée la rupture de la période d’essai, débouté Mme Y de ses prétentions et la société Pentair technical solutions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné cette dernière aux dépens.

Le 22 janvier 2018, Mme Y a, par voie électronique, interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions du 12 avril 2018, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions, Mme Y demande à la cour de :

— déclarer l’appel recevable et bien fondé,

— infirmer le jugement en ce qu’il a dit justifiée la rupture de la période d’essai et rejeté sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité de la période d’essai, à tout le moins abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— statuant à nouveau :

— constater le caractère discriminatoire en raison de son état de santé de la rupture du contrat et, dès lors, son caractère abusif,

— dire et juger que la rupture de la période d’essai est nulle,

— subsidiairement, dire et juger que la rupture de la période d’essai est abusive,

— condamner la société Pentair à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

— condamner la société Pentair à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses conclusions du 12 juin 2018, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Pentair technical solutions, indiquant s’appeler désormais société Schroff, demande à la cour de :

— déclarer l’appel de Mme Y irrecevable ou à tout le moins mal fondé,

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la rupture de la période d’essai était justifiée et a rejeté les demandes de Mme Y,

— condamner Mme Y à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Durant la période d’essai, chacune des parties dispose, en principe d’un droit de résiliation unilatéral, sans avoir à alléger de motif.

Le droit de rompre l’essai ne doit cependant pas dégénérer en abus, qu’il incombe au salarié, qui l’invoque, de démontrer, ni résulter d’une discrimination.

Ainsi, aux termes de l’article L.1221-20 du code du travail, 'La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.'

En outre, selon l’article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction, alors applicable, issue de la loi du 21 février 2014, (…), aucun salarié ne peut être (…) licencié (…) en raison de (…) de son état de santé (…).

Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, 'constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (…) son état de santé, (…) une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.'

Selon l’article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, (…), aucun salarié ne peut (…) faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (…) en raison de (…), son état de santé.

Selon l’article L.1134-1 dudit code, dans sa rédaction, alors applicable, issue de la loi du 27 mai 2008, 'lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, (…) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Mme Y expose qu’après qu’elle ait fait l’objet d’un arrêt de travail de 4 jours à compter du 21 mars 2014, puis, à la suite d’un infarctus, de 5 jours à compter du 24 avril 2016, et repris à mi-temps thérapeutique prescrit par le médecin du travail, son contrat a été rompu le 26 mai 2016, soit la veille du jour où elle avait rendez-vous chez son médecin traitant afin de constater que son état de santé lui permettait de reprendre le travail à temps plein. Elle en déduit que cette rupture est nécessairement relative à son état de santé.

Elle ajoute n’avoir jamais fait l’objet de remarque durant l’exécution de ses fonctions, qu’un tel poste nécessite de juger les compétences du salarié sur une période plus longue que ses 46 jours de travail effectifs, dont 18 jours dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.

Elle précise ne pas être débutante dans ce type de fonctions, que la fiche de fonctions ne lui a été remise que le 4 avril 2016, soit un mois après sa prise de fonctions, que l’assimilation des nouvelles méthodes de travail et des dossiers en cours nécessite plus que quelques jours, qu’elle a été force de propositions d’améliorations et a détecté un défaut sur un produit et n’a pas été mise en mesure d’exercer de manière optimale ses fonctions.

Il en résulte que Mme Y présente des éléments, qui, compte tenu de leur chronologie, laissent supposer l’existence d’une discrimination directe.

L’employeur démontre cependant que sa décision de rompre le contrat au cours de la période d’essai est étranger à l’état de santé de la salariée.

En effet, d’une part, selon les différentes pièces produites par Mme Y et les explications des parties, celle-ci a travaillé du 14 mars au 20 mars 2016, puis a été absente pour maladie du 21 au 24 mars, puis a travaillé à nouveau du 25 mars au 23 avril, puis a été absente pour maladie du 24 avril au 1er mai, puis a repris à mi-temps thérapeutique suivant avis d’aptitude du médecin du travail du 3 mai 2016.

Ainsi, lorsque l’employeur a décidé de rompre le contrat le 26 mai 2016, Mme Y avait travaillé 28 jours à temps plein et 18 jours dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.

Il n’a donc pas pris une telle décision dès le retour de Mme Y de l’un de ses arrêts de travail. En outre, il n’est pas invoqué qu’il ait fait obstacle à ce qu’elle reprenne son emploi à mi-temps thérapeutique et puisse suivre les séances de réadaptation médicale dont elle fait

état dans son annexe 7.

D’autre part, Mme Y a été engagée en qualité de 'responsable qualité-environnement hygiène et sécurité', statut cadre autonome, soutenant ne pas être débutante en la matière, et se prévalant d’une certaine ancienneté comme il résulte de son curriculum vitae produit aux débats.

Le contrat de travail prévoyait une période d’essai d’une durée de 4 mois, pouvant être renouvelée sans excéder 6 mois en totalité.

Compte tenu de l’expérience préalable de la salariée et de la nature de son poste, la durée de 46 jours de travail, dont 18 à mi-temps thérapeutique, ne peut être considérée comme étant particulièrement réduite pour que l’employeur apprécie ses compétences, et ce même s’il ne lui a transmis la fiche décrivant son poste que le 4 avril 2016 ou ne lui a pas préalablement fait part de ses griefs.

Enfin, l’employeur justifie, par la production de trois attestations (sa pièce n°5) – dont la valeur probante sera retenue, dans la mesure où elles sont précises, circonstanciées et en ce qu’elles relatent des faits que leur auteur a personnellement constatés, et ce même si elles émanent de personnes se trouvant sous la subordination de l’employeur – un manque d’initiative, de réactivité et d’investissement de Mme Y au cours de l’exécution de son contrat de travail

Contrairement à ce que soutient Mme Y, il ne résulte pas de l’attestation de M. Z qu’il lui ait été reproché de ne pas avoir contacté la société durant son hospitalisation, les termes de cette attestation, qu’elle invoque, ne permettant pas de les rapprocher de cette période.

La cour observe également que Mme Y avait été déclarée, par le médecin du travail, après son arrêt de travail dû à un infarctus, apte à son poste dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique et qu’il ne résulte pas des attestations précitées que les griefs précités soient en lien avec le fait qu’elle ne travaillait qu’à mi-temps thérapeutique, ni qu’elle ait pu se sentir fatiguée en raison de ses problèmes de santé.

L’employeur, juge des qualités professionnelles du salarié, justifie ainsi d’un motif de rupture du contrat au cours de la période d’essai qui n’est pas fondé sur l’état de santé de Mme Y, mais sur ses qualités professionnelles qu’il n’a pas estimé correspondre à ce qu’il attendait.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et, étant rappelé que l’employeur est libre de rompre le contrat de travail à tout moment pendant la période d’essai notamment dans un tel cas, est inopérante le surplus de l’argumentation de Mme Y contenue dans ses conclusions pour expliquer les différentes raisons pour lesquelles elle n’a pu exercer de manière optimale ses fonctions ou pour faire état des mesures concrètes positives qu’elle a effectuées pour le bon fonctionnement de l’entreprise.

Enfin, il résulte également de l’ensemble de ces éléments que Mme Y n’apporte pas la preuve d’un abus qu’aurait commis l’employeur dans son droit de rompre la période d’essai.

Le jugement du conseil de prud’hommes ayant retenu que la rupture de la période d’essai était justifiée et rejeté, par voie de conséquence, les demandes de Mme Y sera, dès lors, confirmé.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a statué sur les frais.

En revanche, dès lors que Mme Y C, et sans avoir mentionné de motifs particuliers nécessitant de mettre les dépens à la charge de la défenderesse, les premiers juges ne pouvaient statuer comme ils ont fait sur les dépens. Leur décision sera infirmée de ce chef.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef seront, dès lors, rejetées.

Partie perdante, Mme Y supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

CONFIRME le jugement du 22 décembre 2017 du conseil de prud’hommes de Haguenau, sauf en ce qu’il a condamné la société Pentair technical solutions aux dépens ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :

REJETTE les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme Y à supporter les dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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