Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 18 décembre 2020, n° 19/04020

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 4 a, 18 déc. 2020, n° 19/04020
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 19/04020
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Mulhouse, 28 juillet 2019
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ZEI/KG

MINUTE N° 20/1412
NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 18 Décembre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 19/04020

N° Portalis DBVW-V-B7D-HFXX

Décision déférée à la Cour : 29 Juillet 2019 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur A X

[…]

[…]

Représenté par Me Aurélie BETTINGER, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEE :

SAS STOKOMANI prise en son établissement […] à […],

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 317 78 0 0 62

[…]

[…]

Représentée par Me L CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. JOBERT, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. LAURAIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. RODRIGUEZ

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par M. JOBERT, Président de Chambre,

— signé par M. JOBERT, Président de Chambre et M. RODRIGUEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat à durée indéterminée du 5 juillet 2010, M. X, né le […], a été embauché par la Sas Stokomani, devenue la Sasu Stokomani, en qualité de vendeur caissier.

Par avenant au contrat de travail du 24 septembre 2010, il a été nommé responsable adjoint de magasin. Il était affecté au magasin de Wittenheim (68270).

Le 11 juin 2014, il a élu délégué de personnel.

Le 5 septembre 2017, il a fait l’objet d’un avertissement pour des retards récurrents oscillant entre 5 et 30 minutes, notamment la semaine 28, lors de ses prises de poste le matin.

Le 10 novembre 2017, il a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de deux jours pour manque de respect envers sa directrice le 13 octobre 2017, en lui disant : 'Tes remarques débiles tu peux te les foutre au cul'.

M. X a bénéficié d’un arrêt de travail pour maladie à compter du 16 novembre 2017.

Le 22 mai 2018, il a été déclaré inapte à tous les postes de l’entreprise de Wittenheim.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 2.333,51 euros.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.

Par acte introductif d’instance du 19 juillet 2018, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Mulhouse aux fins de voir annuler les sanctions prononcées à son encontre, et prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, puis d’obtenir diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, des

indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail.

Le 4 juin 2019, M. X a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 19 juin 2019, puis il a été licencié le 24 juin 2019 pour inaptitude.

Par jugement du 29 juillet 2019, le conseil de prud’hommes a :

— débouté M. X de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail,

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes,

— débouté M. X de ses demandes en annulation des sanctions des 5 septembre 2017 et 10 novembre 2017,

— rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X aux entiers frais et dépens.

Par déclaration reçue le 4 septembre 2019 au greffe de la cour par voie électronique, M. X a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures reçues le 1er octobre 2020 au greffe de la cour par voie électronique, M. X demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

— annuler les sanctions disciplinaires des 5 septembre 2017 et 10 novembre 2017, et en réparation condamner la Sasu Stokomani à lui verser les sommes de 300 et 500 euros à titre de dommages-intérêts respectivement pour la première et pour la seconde,

— dire et juger qu’il a été victime de harcèlement moral et de discrimination, à tout le moins que son contrat n’a pas été loyalement exécuté,

À titre principal,

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et dire et juger que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamner la Sasu Stokomani à lui payer les sommes suivantes :

* 4.667,02 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 466,70 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 5.403,66 euros net à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

* 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement 21.001,59 euros net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

À titre subsidiaire,

— dire et juger que le licenciement est nul pour violation du statut protecteur, plus subsidiairement dire et juger que le licenciement pour inaptitude a une origine

professionnelle et ne résulte pas d’une cause réelle et sérieuse,

— dire et juger que la Sasu Stokomani n’a pas consulté les représentants du personnel et qu’elle a manqué à son obligation de reclassement,

— en conséquence, condamner la Sasu Stokomani aux mêmes sommes ci-dessus,

En toute hypothèse,

condamner la Sasu Stokomani à lui verser les sommes suivantes :

* 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,

* 2.000 eruos au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, et celles à caractère de salaire à compter de l’introduction de la présente procédure,

— condamner la Sasu Stokomani aux entiers frais et dépens.

Aux termes de ses dernières écritures reçues le 17 septembre 2020 au greffe de la cour par voie électronique, la Sasu Stokomani demande à la cour de :

— constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel, sauf en ce qui concerne le chef de jugement ayant débouté la partie appelante de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

— constater le caractère nouveau de la demande formée par M. X s’agissant du caractère prétendument sans cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement,

— en conséquence, déclarer irrecevable cette demande,

— en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— en conséquence, débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, et le condamner aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 2 octobre 2020.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées.

MOTIFS

Sur la demande en annulation des sanctions disciplinaire

1. Sur l’avertissement du 5 septembre 2017

Le 5 septembre 2017, M. X a fait l’objet d’un avertissement pour des retards récurrents oscillant entre 5 et 30 minutes, notamment la semaine 28, lors de ses prises de

poste le matin.

M. X conteste cet avertissement, en rappelant qu’en tout état de cause, il partait toujours plus tard et que ses retards pourraient être liés au fait que sa directrice le contactait pour lui chercher à manger ou des cigarettes.

Toutefois, il ressort de la lettre d’avertissement qu’il avait été assisté à l’entretien préalable du 25 août 2017 de Mme C D, responsable adjointe, et qu’il avait déclaré 'n’avoir pas su s’organiser sur le plan personnel afin d’éviter les retards reprochés, lesquels auraient pu être évités'.

De plus, force est de constater que Mme C D, qui a témoigné en sa faveur dans la présente procédure prud’homale, ne remet pas en question ce point dans son attestation.

Il s’ensuit que l’avertissement est bien justifié.

Le jugement confirmé doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. X de ses demande en annulation de cet avertissement et de dommages-intérêts à ce titre.

2. Sur la mise à pied du 10 novembre 2017

Le 10 novembre 2017, M. X a fait l’objet d’une mise à pied de deux jours pour avoir manqué le 13 octobre 2017 de respect envers sa directrice, en lui disant : 'Tes remarques débiles tu peux te les foutre au cul'.

M. X conteste cette mise à pied disciplinaire.

De son côté, la Sasu Stokomani se contente d’affirmer qu’elle apporte la preuve de la réalité des faits reprochés, sans toutefois fournir ni préciser les éléments sur lesquels elle s’appuie.

Il y a donc lieu d’annuler cette sanction et d’allouer à M. X des dommages-intérêts à hauteur de 200 euros, en réparation du préjudice subi.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il faut examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article

L.1152-1 du code du travail.

Dans l’affirmative, il revient à la cour d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. X verse aux débats les éléments suivants :

— une attestation de Mme E F, salariée de l’entreprise, qui déclare : '… Elle (Mme Y, directrice) présentait M. X aux nouvelles arrivées en leur disant qu’elles n’avaient rien à craindre de M. X car il est 'gay’ en insistant bien qu’il préfère les hommes. J’ai assisté à plusieurs engueulades entre Mme Y et M. X sur le fait que c’est privé et qu’elle n’avait pas à dévoiler tout ça, et sur le fait qu’elle appelait A X de 'vieille folle’ car ça le mettait en colère quand elle lui sortait des blagues homophobes. Mme Y se moquait beaucoup de M. X que ce soit devant les employés ou devant les clients. Mme Y n’a jamais su faire la part des choses en tant que directrice de magasin. Un jour, M. X devait s’entretenir au bureau avec un des collègues et Mme Y s’est permise de dire haut et fort : 'Au cas où, tu cries fort si A (M. X) essaie de te violer'. Nous avons été choqués d’entendre de tels propos' ;

— une attestation de Mme C D, directrice adjointe, qui déclare : '… A n’a jamais apprécié que la directrice, K, parle constamment de son homosexualité. Très souvent, quand une nouvelle vendeuse arrivait, K lui expliquait qui étaient les adjoints et leurs rayons. Concernant A, elles avaient droit à des remarques 'vous n’avez rien à craindre de Filippe, il est gay'. Au bureau, A lui a demandé d’arrêter cela, que c’était sa vie privée et sa liberté de le dire ou non. K n’y voyait pas de problème et ne comprenait pas que ça l’agace. Il y a d’ailleurs eu plusieurs blagues 'malvenues’ et des remarques autant devant les adjoints que devant les vendeurs lorsque A s’énervait. Je cite 'quand tu t’énerves tu fais une grande folle, là on voit que tu es gay'.

— une attestation de Mme G H, ancienne directrice adjointe de l’entreprise, qui déclare : '… K et A s’entendaient bien, mais dès qu’il n’était pas du même avis qu’elle, ou qu’il prenait la défense des vendeurs car il y avait des privilèges inégaux, Mme Y lui mettait alors une pression supplémentaire''' elle trouvait toujours à redire sur son travail… M. Z a voulu régler le problème, mais K ne voulait pas reconnaître qu’elle faisait du harcèlement envers A. Elle a fini par se remettre en question et changer de comportement vers A suite à une réunion au bureau entre elle et les adjoints … nous avons dit à K qu’il fallait qu’elle arrête, que A avait raison et qu’il s’en prenait plein la tête'.

— une attestation de Mme I J, salariée de l’entreprise, qui déclare : '… A et la directrice, Mme K Y, donnaient l’impression d’avoir une bonne complicité. J’ai compris à mes dépens que cela n’était que superficiel. En effet, lorsque A et Mme Y étaient en désaccord, cela avait un impact direct sur l’ensemble de l’équipe. Dès que la situation était tendue entre les deux, Mme Y venait constamment dans le rayon pour contredire les consignes qui nous étaient données par A. À chaque fois que A était absent, c’était encore pire. Systématiquement, elle attendait que A soit en repos pour venir changer les directives qu’il nous avaient données. Nous étions tiraillés entre deux feux car nous savions très bien que cela allait à l’encontre des directives données par M. X'.

Les éléments susvisés, pris ensemble, font présumer et laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au préjudice de M. X.

L’employeur ne renverse pas cette présomption en apportant la preuve que ses agissements à l’égard de M. X étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En effet, la Sasu Stokomani soutient que lesdites attestations ne sont ni circonstanciées ni précises, et qu’au regard de l’animosité des trois premiers témoins à son égard, il serait légitimement permis de douter de l’impartialité des intéressées.

Toutefois, et en premier lieu, si effectivement le premier témoin, Mme E F, est en litige avec la Sasu Stokomani devant le conseil de prud’hommes de Mulhouse, il n’est pas justifié de l’animosité alléguée des autres témoins.

En second lieu, même si effectivement aucun fait n’est daté, l’attitude systématique de Mme K Y, directrice du magasin, tendant à changer les directives données par M. X pendant son absence dès qu’elle est en désaccord avec celui-ci, ressort clairement des deux dernières attestations, notamment de celle de Mme G H, ancienne directrice adjointe au sein du magasin de Wittenheim, et constitue même un abus du pouvoir de direction dont disposait Mme K Y.

En dernier lieu, il ressort notamment des déclarations de Mme C D, directrice adjointe, que la directrice du magasin faisait régulièrement allusion à l’orientation sexuelle de M. X et même s’en moquait avec un 'humour’ que ce dernier n’appréciait guère et dont il a demandé à maintes repris à être épargné.

D’ailleurs, la Sasu Stokomani produit deux attestations de deux salariées, Mme L M et Mme N O, qui témoignent de la réalité de ces allusions, tout en les minimisant et tout en manifestant leur étonnement que M. X s’en plaigne alors qu’il en serait à l’origine.

Ainsi, Mme L M déclare : 'Par rapport aux blagues sur les homosexuels je ne comprends pas qu’on puisse faire de l’autodérision et ensuite taper sur les autres personnes qui en font', et Mme N O d’ajouter : 'Quand j’entends parler de harcèlement moral ou alors de discriminations au sujet de nos préférences sexuelles, je ne trouve pas les mots tellement cela est puéril. Pour moi, il s’agit de méchanceté gratuite. Quand vous faites vous-mêmes des blagues sur votre homosexualité, vous ne pouvez pas reprocher aux gens d’en rire'.

La Sasu Stokomani ne justifie ni ne soutient avoir pris des mesures pour que cessent au sein de l’entreprise les allusions à l’orientation sexuelle de M. X et les remarques désobligeantes à l’endroit de celui-ci, lesquelles constituaient une humiliation publique qui portait atteinte à son honneur et à sa dignité.

Il convient donc de retenir que M. X a été effectivement victime de harcèlement moral au travail et de lui allouer des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros, somme qui réparera intégralement le préjudice en résultant.

Sur la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail

Il se déduit des dispositions de l’article L.1231-1 du code du travail que le salarié peut demander au conseil de prud’hommes la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l’employeur à ses obligations.

Les manquements de l’employeur sont souverainement appréciés par les juges, qui peuvent tenir compte de toutes les circonstances intervenues jusqu’au jour du jugement.

Les faits allégués doivent présenter une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail.

C’est au salarié qui invoque la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur de justifier des faits ou manquement invoqués à l’encontre de ce dernier et de ce qu’ils étaient d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Au cas présent, et au vu de ce qui précède, est établi un harcèlement moral, touchant notamment à l’orientation sexuelle de M. X, ce qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail.

En effet, même si M. X a été déclaré inapte de manière définitive à son poste de travail, non seulement la Sasu Stokomani n’établit pas qu’elle avait pris les dispositions pour qu’il ne travaille plus avec Mme K Y, mais surtout elle ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires, notamment par une sensibilisation au sein de l’entreprise, afin que l’orientation sexuelle du salarié soit respectée et qu’elle ne fasse plus l’objet de moqueries ou de rires.

L’homophobie dont le salarié a été victime dans l’entreprise et dont l’employeur ne l’a pas protégé rendait impossible la poursuite du contrat de travail.

Il s’ensuit que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et en paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau sur ces points, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur avec effet au 24 juin 2019, date du licenciement.

Cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul en ce que la rupture a pour origine un harcèlement moral.

En conséquence, ce sont les dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui s’appliquent.

Compte tenu de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise lors de la rupture du contrat de travail (plus de 10 ans), de son âge (40 ans) et de son salaire brut mensuel moyen (2.333 euros), l’employeur doit être condamné à lui payer la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt.

La Sasu Stokomani sera également condamnée à payer à M. X les sommes de 4.667,02 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 466,70 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés sur préavis, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2018, date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation

Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ces points.

En revanche, ce jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande en paiement de l’indemnité spéciale de licenciement, le salarié n’établissant par aucun élément du dossier que son inaptitude serait d’origine professionnelle et liée au harcèlement moral subi, ce d’autant que le seul certificat médical, établi le 5 juillet 2018 par le docteur P Q, qu’il produit mentionne un arrêt de travail pour un syndrome dépressif, sans précision aucune.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail

M. X sollicite une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail. Il reproche à la Sasu Stokomani de l’avoir convoqué à un premier entretien préalable au licenciement fixé au 30 août 2018, de ne lui avoir plus fourni de travail pendant une période de treize mois et de n’avoir procédé à aucune recherche de reclassement suite à sa déclaration d’inaptitude du 22 mai 2018.

Toutefois, il ne justifie pas du préjudice allégué, d’autant qu’il reconnaît que son employeur avait repris le paiement de ses salaires à l’issue de son arrêt de travail pour maladie.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande.

Sur l’irrecevabilité soulevée par la Sasu Stokomani de la demande de M. X en contestation de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement

La cour ayant retenu la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, la demande subsidiaire de M. X tendant à la contestation de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est devenue sans objet, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur sa recevabilité.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu''il a condamné M. X aux dépens de la première instance, mais confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau sur le premier point, il y a lieu de condamner la Sasu Stokomani aux dépens exposés en première instance.

À hauteur d''appel, la Sasu Stokomani, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demande de la Sasu Stokomani au titre de ce même article sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition de l’arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement rendu le 29 juillet 2019 par le conseil de prud’hommes de Mulhouse, sauf en ce qu’il a :

— débouté M. X de ses demandes en annulation de l’avertissement du 5 septembre 2017, en paiement de l’indemnité spéciale de licenciement et en paiement des dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,

— rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

ANNULE la mise à pied disciplinaire dont M. A X a fait l’objet 10 novembre

2017.

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts de la Sasu Stokomani, la rupture étant effective au 24 juin 2019.

DIT que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul.

CONDAMNE la Sasu Stokomani à payer à M. A X les sommes suivantes :

—  200 euros (deux cents euros) à titre de dommages-intérêts, résultant de l’annulation de la mise à pied du 10 novembre 2017,

—  5.000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

—  23.000 euros (vingt trois mille euros) à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt,

—  4.667,02 euros (quatre mille six cent soixante sept euros et deux centimes) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  466,70 euros (quatre cent soixante six euros et soixante dix centimes) au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés sur préavis,

ces deux dernières sommes étant majorées des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2018.

CONSTATE qu’il n’y pas lieu de statuer sur la recevabilité de la demande subsidiaire de M. A X en contestation de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, devenue sans objet,

CONDAMNE la Sasu Stokomani à payer à M. A X une somme de 1.200 euros (mille deux cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE la demande de la Sasu Stokomani au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la Sasu Stokomani aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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