Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 b, 15 décembre 2020, n° 20/00927

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 4 b, 15 déc. 2020, n° 20/00927
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 20/00927
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Strasbourg, 9 février 2020
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

HP/KG

MINUTE N° 20/1385
NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

ARRET DU 15 Décembre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 B N° RG 20/00927

N° Portalis DBVW-V-B7E-HJXT

Décision déférée à la Cour : 10 Février 2020 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur X Y

[…]

[…]

Représenté par Me Laurianne BERG, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

S.A.S. SOCIETE DE PEINTURES EUROPEENNES

Prise en la personne de son représentant légal, es qualité audit siège

N° SIRET : 769 800 590

[…]

[…]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme CONTÉ, Présidente de chambre

Mme PAÜS, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Martine CONTÉ, Présidente de chambre,

— signé par Mme Martine CONTÉ, président de chambre et Mme Martine THOMAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. X Y a été engagé par la SAS Société de Peintures Européennes suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2010, en qualité de vendeur sédentaire, niveau III échelon I, en contrepartie d’une rémunération mensuelle forfaitaire fixée à 1700 euros brut correspondant à 158,89 heures outre 9,61 heures au taux majoré, outre une prime mensuelle brute.

Un avenant a été signé entre les parties, à effet au 1er janvier 2013, M. X Y prenant alors les fonctions de VRP, moyennant une rémunération minimale garantie de 2050 euros brut par mois durant les 18 premiers mois. Puis, une rémunération par une prime de secteur et une commission sur le chiffre d’affaire hors taxes.

Après convocation à un entretien qui s’est déroulé le 23 novembre 2017, la SAS Société de Peintures Européennes a notifié à M. X Y son licenciement pour insuffisance professionnelle avec dispense d’exécution du préavis, le 28 novembre 2017.

Par jugement rendu le 10 février 2020, le conseil de prud’hommes de Strasbourg a jugé de licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société à payer à M. X Y la somme de 9114 euros outre 1000 euros sur le fondement de l’article 700.

Par déclaration en date du 25 février 2020, M. X Y a interjeté appel de ce jugement notifié le 14 février 2020 limitant son appel au montant des dommages-intérêts retenus par les premiers juges.

Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 20/00 927

Par déclaration en date du 10 mars 2020, la SAS Société de Peintures Européennes a interjeté appel de ce même jugement en ce qu’il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement et

condamné la société à payer une indemnité à ce titre ainsi que sur le fondement de l’article 700.

Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 20/0 10 87.

La jonction des deux recours a été ordonnée le 9 juin 2020.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juillet 2020, M. X Y demande à la cour de :

' confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

— infirmer le jugement sur le quantum des dommages-intérêts,

— statuant à nouveau , condamner la société à lui payer la somme de 26 278 euros à titre de dommages-intérêts,

' dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la délivrance de la convocation à l’employeur aux fins d’audience de conciliation,

— condamner la société aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 9 juin 2020, la SAS Société de Peintures Européennes demande à la cour :

— d’infirmer le jugement déféré,

— de débouter M. X Y,

— de condamner M. X Y aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.

La clôture a été prononcée le 7 octobre 2020.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS,

Sur la cause de licenciement :

Par application des dispositions de l’article L1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Outre l’objectivité des griefs qui doivent être matériellement vérifiables, le juge est tenu de former sa conviction au vu des éléments fournis par l’employeur et le salarié. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il résulte de la lecture de la lettre de rupture que la SAS Société de Peintures Européennes a donc notifié à M. X Y son licenciement pour 'insuffisance professionnelle manifeste’ sur la base d’éléments ainsi énoncés :

« Au départ en retraite du commercial, nous vous avons confié un secteur qui réalisait 609'713 € à fin octobre 2013. Or ces mêmes clients achètent à fin octobre 2017 pour 527'143 € ce qui représente une baisse de plus de 13 %. Durant la même période vos collègues ont progressé de plus de 4 %.

Avec l’expérience grandissante, vous deviez progresser. Sur les 10 premiers jours de novembre vous étiez déjà en retrait de plus de 50 %.

L’apport des clients par M. B C , directeur général de Croisifi et Croisieurope ne doit pas masquer cette perte d’activité certaine.

Vos obligations contractuelles imposent certaines missions parmi lesquelles la prospection de la clientèle nouvelle, un minimum de 10 nouveaux clients par mois et la visite de 8 clients minimum par jour.

Alors que vous deviez au minimum 8 visites par jour, vous en réalisez en moyenne moins de 4 par jour.

Ce qui est très insuffisant pour permettre un maintien du chiffre d’affaires.

Autre point faisant ressortir votre manque d’investigation et d’investissement.

Le renouvellement de la clientèle, seuls 7 nouveaux clients ont mouvementé en 10 mois, ce qui est extrêmement éloigné de l’engagement pris.

Le minimum de 10 nouveaux clients par mois est parfaitement atteignable, vos collègues l’ont démontré au cours de cette année et vous-même avez réalisé bien mieux par le passé.

Par ailleurs, vos repas sont pris de manière assez fréquente au restaurant chez Mimo à Molsheim quitte à faire un détour.

C’est la preuve de l’absence évidente de prospection active sur l’ensemble du département, qui est clairement en friche.

Les offres de prix aux clients sont également significatifs de votre désengagement. Il n’y a eu qu’une offre en janvier, trois en février et une en mars et plus rien depuis pour environ 120 clients en compte.

Ceci démontre de façon claire que vous n’êtes pas à l’écoute des clients pour leur proposer des offres correspondant à leurs besoins.

Nous avons également pu vérifier votre nonchalance et l’absence de ferveur au travail au cours de l’opération télévente du mois de septembre 2017.

Là encore, le résultat ne s’est pas fait attendre.

Alors qu’avec la même clientèle, le précédent commercial réalisait le meilleur score de la société, vous réalisez le plus faible de l’ensemble de l’équipe de ventes ! ! !

L’absence de suivi des clients en compte comme par exemple l’entreprise Jung de Molsheim et l’absence de prospection de nouveaux clients immanquablement conduit à une perte d’activité.

Votre laxisme est également bien illustré par le fait que vous ne donnez même plus suite aux

demandes de votre supérieur hiérarchique, M. D E, par exemple la demande par mail du mardi 31 octobre concernant les films Reflectiv.

Malgré les nombreux rappels à l’ordre, vous ne remplissez pas correctement la CRM.

Vous saisissez en début de mois suivant, le nom des clients visités en omettant de résumer les accords intervenus. La lecture de votre agenda ne permet donc toujours pas de suivre votre travail. (')

Les obligations vous ont été systématiquement rappelées.

Nous avons déjà été contraints de vous notifier un avertissement le 6 juin dernier ainsi que le 24 septembre 2015 pour un manque de travail qui malheureusement n’a emporté aucun redressement.

Nous ne pouvons nous contenter de vagues explications.

La liberté prise avec vos obligations contractuelles, le peu d’intérêt ou d’investissement manifeste ainsi que votre comportement négligeant caractérise une insuffisance professionnelle manifeste (')»

Sur ce,

Il est constant que sauf mauvaise volonté délibérée, l’insuffisance professionnelle n’est pas fautive car elle est caractérisée par l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante.

L’appréciation de l’insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l’employeur, seul légitime à juger de l’aptitude professionnelle de son salarié et de l’adaptation de ce dernier à son emploi.

L’incompétence, ou l’insuffisance alléguée, pour constituer une cause sérieuse de licenciement, doit néanmoins reposer sur des éléments objectifs et concrets soumis au pouvoir de vérification du juge.

L’insuffisance de résultats, en revanche ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement sauf à démontrer qu’elle procède, telle que soutenu par la société, de l’insuffisance professionnelle de M. X Y.

M. X Y soutient que les données comparées par la société ne sont en réalité pas comparables et que contrairement à ce qui est prétendu, son résultat est très honorable, se fondant plus spécifiquement sur son annexe 8, complétée par l’annexe 12, représentant la répartition du chiffre d’affaires mensuel de chaque salarié au cours de l’année 2017.

Il ajoute s’être pleinement investi dans ses missions et que le volume des visites clients doit être analysé en moyenne, étant observé que les objectifs relatifs aux ouvertures de comptes, dont se prévaut la société, n’étaient pas, selon lui, réalisables.

Enfin, M. X Y souligne que certains faits ne sont pas matériellement et objectivement vérifiables et rappelle, à bon droit, que l’insuffisance ne saurait résulter d’un fléchissement passager alors qu’il ressort de la lette de rupture que 'par le passé’ le salarié s’était illustré par de bons résultats.

Pour l’essentiel, la SAS Société de Peintures Européennes s’appuie sur les dispositions

contractuelles et en particulier les objectifs assignés à M. X Y tels que résultant de l’avenant à son contrat de travail. (Annexe 2)

Toutefois, si le nombre de visites journalières de clients est fixé à 8, il est indiqué que ce chiffre est à 'considérer comme un quota normal', cette formulation ne traduisant pas explicitement le caractère impératif de cet objectif.

De la même façon, concernant la prospection de la nouvelle clientèle, il est précisé qu’un 'minimum de dix nouveaux clients par mois qui mouvementent régulièrement est nécessaire', ce dont il ne se déduit pas explicitement que cet objectif était impératif.

Par ailleurs aucun des documents présentés par l’employeur ne permet d’établir que les prospects et les ouvertures de nouveaux comptes clients par M. X Y n’étaient pas à la hauteur de ces objectifs.

Il ne peut être tiré aucune conséquence quant à l’insuffisance professionnelle de M. X Y, de l’analyse de la seule annexe 7, portant la mention manuscrite 'attention 120 clients actifs', alors qu’aucun document ne permet d’analyser les composantes du secteur confié au salarié en relation avec la dynamique globale de l’entreprise, pas plus que ne sont décrits les moyens fournis par l’employeur au salarié, pour lui permettre d’atteindre ses objectifs et le cas échéant, d’adapter ses choix stratégiques et ses procédés commerciaux.

De la même façon, 'l’interrogation Clients/fournisseurs’ éditée le 22 janvier 2019, est sans valeur probante quant à l’insuffisance professionnelle alléguée de M. X Y. (Annexe 9)

Au total, l’employeur n’apporte aucun élément contraire aux éléments objectifs apportés par son salarié, lequel fait état d’éléments précis qui permettaient à la SAS Société de Peintures Européennes de les contredire en rapportant la preuve contraire.

Le licenciement de M. X Y est donc dénué d’une cause réelle et sérieuse, ce qui commande la confirmation du jugement déféré.

Sur les conséquences :

M. X Y fait grief aux premiers juges d’avoir minoré sa prétention indemnitaire et forme une demande de dommages-intérêts à hauteur de 8 mois de salaire, sur la base d’un salaire mensuel de référence de 3284,75 euros.

Ce montant n’est pas subsidiairement discuté par la société étant observé qu’il est conforme à l’analyse des bulletins de paie produits.

Au jour du licenciement, M. X Y était âgé de 40 ans et justifiait d’une ancienneté de 7 ans et 5 mois pleins. Il justifie de son indemnisation par Pôle emploi, expliquant ne pas avoir retrouvé d’emploi. (Annexe 14 à 16)

Par application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, M. X Y peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 8 mois de salaire brut.

Il y a lieu de lui allouer une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, cette indemnité assurant la réparation adéquate de ses préjudices.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur le montant alloué à ce titre.

S’agissant d’une somme de nature indemnitaire et non salariale, le point de départ des intérêts sera fixé au jour du jugement à concurrence de 9114 euros et au jour du prononcé de l’arrêt pour le surplus, et non tel que demandé par M. X Y au jour de la convocation devant le bureau de conciliation.

Les conditions sont en outre réunies pour ordonner en application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail la condamnation de l’employeur fautif à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités chômage.

La SAS Société de Peintures Européennes succombant, elle supportera les dépens, le jugement étant confirmé sur ce point ainsi que sur les frais irrépétibles.

A hauteur d’appel, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X Y les frais exposés et non compris dans les dépens. La SAS Société de Peintures Européennes sera donc condamnée à lui payer une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles, sa propre demande à ce titre étant rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DÉCLARE RECEVABLE les appels interjetés par M. X Y et la SAS Société de Peintures Européennes ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X Y notifié le 28 novembre 2017 ainsi que sur les dépens et les frais irrépétibles;

INFIRME le jugement déféré sur le montant des dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE la SAS Société de Peintures Européennes à payer à M. X Y la somme de 20 000 euros (vingt-mille euros) à titre de dommages-intérêts ;

DIT que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement du 10 février 2020 pour la somme de 9114 euros (neuf mille cent quatorze euros) et à compter du prononcé de l’arrêt pour le surplus;

y ajoutant ,

CONDAMNE la SAS Société de Peintures Européennes à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités chômage ;

CONDAMNE la SAS Société de Peintures Européennes aux dépens de l’instance d’appel ;

CONDAMNE la SAS Société de Peintures Européennes à payer à M. X Y la somme de 2000 euros (deux-mille euros) au titre des frais irrépétibles ;

DEBOUTE la SAS Société de Peintures Européennes de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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