Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 23 février 2010, n° 09/00130
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Dijon, ch. soc., 23 févr. 2010, n° 09/00130 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Dijon |
Numéro(s) : | 09/00130 |
Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 23 décembre 2008 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Bruno LIOTARD, président
- Avocat(s) :
- Parties : SA THEVENIN
Texte intégral
BL/GM
X Y
C/
SA THEVENIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2010
N°
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 09/00130
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 24 DECEMBRE 2008, rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE CHALON-SUR-SAONE
RG 1re instance : 07/00283
APPELANT :
X Y
XXX
71100 CHALON-SUR-SAONE
comparant en personne, assisté de Monsieur Pierre PAGEOT, délégué syndical ouvrier,
muni de pouvoirs en dates des 06 et 11 janvier 2010
INTIMEE :
SA THEVENIN
XXX
45590 SAINT-CYR-EN-VAL
représentée par Maître Andréanne SACAZE, avocat au barreau D’ORLEANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 janvier 2010 en audience publique devant la Cour composée de :
H I, président de chambre, président,
Marie-F ROUX, conseiller,
Philippe HOYET, conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DEBATS : F G,
ARRET rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNE par H I, Président de chambre, et par F G, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat du 11 mai 1993, la SA THEVENIN, entreprise de négoce de matériaux destinés à l’aménagement de l’habitat, a embauché X Y en qualité de représentant exclusif à temps complet.
A compter du 1er juillet 2001, X Y a exercé les fonctions de chef des ventes.
Le 21 décembre 2006, le médecin du travail a prononcé l’inaptitude au travail d’X Y pour danger immédiat, sans deuxième visite.
Le 23 janvier 2007, la SA THEVENIN a licencié X Y pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 17 octobre 2007, X Y a contesté son licenciement devant le Conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône et a réclamé le remboursement de frais d’abonnement et de téléphonie et le paiement de deux commissions ainsi que de dommages et intérêts pour harcèlement, déstabilisation et discrimination.
Par jugement du 10 novembre 2008, le juge départiteur présidant le conseil de prud’hommes a, après avoir recueilli l’avis des conseillers présents :
— condamné la SA THEVENIN à payer à X Y 553,39 € au titre de ses frais professionnels,
— débouté X Y de ses demandes en dommages et intérêts pour harcèlement moral et mesures discriminatoires,
— débouté la SA THEVENIN de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— dit que chaque partie supporterait la charge de ses frais irrépétibles,
— condamné la SA THEVENIN aux dépens.
Appelant de ce jugement, X Y soutient :
— que n’est pas fondé le refus de l’employeur de rembourser ses frais de téléphonie, tiré du contenu d’une note de service qui n’a pas été retrouvée en son temps,
— que la commande Gallet, annulée par la SA THEVENIN après avoir été validée, alors qu’il avait appliqué le tarif, qu’il avait respecté les règles internes et que le chantier avait été vérifié, doit être donner lieu au versement de la commission correspondante,
— que sur la commande C, elle aussi annulée par l’employeur après avoir été validée et payée, au motif mensonger d’abus de faiblesse, la commission lui est également due,
— qu’il a été victime d’une stratégie de déstabilisation sous forme de remise en cause permanente, de changement de secteur, d’annulation de congés, de frais non payés, d’annulation de commissions, de privation de téléphone portable et de pressions hiérarchiques,
— et qu’aux mesures discriminatoires dont il a été l’objet se sont ajoutés des propos homophobes, le tout laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral à l’origine de la dégradation de son état de santé.
Il demande à la Cour de condamner la SA THEVENIN à lui payer :
— 553,39 € au titre des frais de téléphonie,
— 1.070 € au titre de la commission Gallet,
— 906 € au titre de la commission C,
— 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,
— et 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA THEVENIN objecte :
— que la demande de remboursement de frais de téléphonie très anciens ne répond pas aux exigences d’une note du 29 janvier 2003 dont X Y avait connaissance,
— que les consommations téléphoniques excessives d’X Y ont conduit au retrait de ce matériel dont seuls les chefs des ventes en charge d’une équipe sont dotés, ce qui n’était alors pas le cas de l’intéressé,
— que les commandes Gallet et C ont été annulées pour manquements d’X Y à ses obligations, impropriété de la prestation dans le premier cas et abus de faiblesse dans le second,
— que la dégradation des conditions de travail d’X Y procède de son refus de toute aide et non pas des mesures visant à améliorer son efficacité qui n’ont porté aucune atteinte à ses droits ou à sa dignité,
— que ne constitue pas une stratégie de déstabilisation et d’exécution le rappel de ses obligations professionnelles fait à X Y dont les compétences n’étaient pas en cause,
— et que le licenciement d’X Y est sans lien avec son orientation sexuelle qui était connue et admise au sein de l’entreprise.
Elle prie la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté X Y de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Les frais de téléphonie :
Le premier juge a observé, à juste titre, que la SA THEVENIN ne contestait pas le montant des frais d’abonnement et de communications téléphoniques professionnels dont X Y a réclamé le remboursement le 28 mars 2008 et qu’elle lui opposait le non-respect des stipulations d’une note de service du 29 janvier 2003.
Il a considéré à bon droit que ladite note, dûment versée aux débats, ne prévoyait aucune sanction en cas de non-respect par le salarié du délai de cinq mois accordé pour le dépôt des demandes de remboursement et que ce délai n’avait pas la nature d’une prescription légale ou réglementaire.
Il en a exactement déduit que l’employeur était tenu au remboursement de ces frais.
Sa décision doit être confirmée en ce qu’elle a condamné la SA THEVENIN au remboursement de la somme de 553,39 €.
La commission sur la commande Gallet :
Après avoir rappelé que les clients Gallet avaient commandé à X Y des travaux que la SA THEVENIN ne réalisait pas et ne proposait pas à la vente et que, par conséquent, il importait peu que l’intéressé ait appliqué un tarif communiqué par ses supérieurs et que le chantier ait été vérifié par des spécialistes, le premier juge a considéré à bon droit que l’annulation de la commande par l’employeur était justifiée et qu’aucune commission n’était due.
Cet élément de décision doit être confirmé.
La commission sur la commande C :
Le jugement entrepris doit être approuvé en ce qu’il énonce que Z A a demandé l’annulation de la commande de travaux d’enduit de façades passée à X Y par son père, B C, en raison des troubles neurologiques de ce dernier, qu’il incombe au salarié de respecter les règles relatives à la protection des consommateurs, que l’entreprise est libre de refuser les commandes recueillies par le chef des ventes, qu’X Y n’a pas fait preuve d’une vigilance suffisante pour apprécier la capacité de B C à passer une commande et que l’annulation de commande qu’il conteste était justifiée.
De ces considérations, le premier juge a exactement déduit qu’X Y devait être débouté de sa demande en paiement de la commission afférente.
Le harcèlement moral :
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement,
il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ni devant les premiers juges, ni devant la Cour, X Y ne démontre la remise en cause permanente qui constituerait la base de la stratégie de déstabilisation mise en oeuvre contre lui par l’employeur, aucun document n’établissant, en particulier, que son changement de secteur se serait inscrit dans un tel contexte ni qu’il ait été le seul employé dont les congés auraient été annulés au dernier moment.
L’annulation des commandes GALLET et C, validée par la justice tant en première instance qu’en appel, ne peut pas être imputée à faute à l’employeur.
Seuls sont dotés d’un téléphone portable les chefs de vente qui ont des vendeurs sous leur responsabilité. La SA THEVENIN a décidé de retirer le portable confié à X Y à une époque où il ne remplissait plus cette condition. Elle l’a également fait en considération du nombre très excessif de communications téléphoniques passées par l’intéressé. Ce retrait n’est en rien assimilable à une mesure discriminatoire.
Les démarches orales et écrites de l’employeur visant à obtenir une amélioration des résultats d’X Y qui étaient insuffisants ont été accomplies sans excès ni inhumanité mais dans le respect de la compétence professionnelle de ce salarié qui était apprécié tant par ses supérieurs que par ses collègues.
Le premier juge a exactement considéré que les décisions prises par la SA THEVENIN ne visaient nullement à déstabiliser X Y, que les faits dénoncés par ce dernier ne permettaient pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sein de l’entreprise et qu’il n’était pas prouvé que les agissements de l’employeur soient à l’origine de la dégradation de son état de santé.
Le jugement déféré doit être approuvé en ce qu’il a décidé que la demande de dommages et intérêts présentée par X Y sur ce fondement ne pouvait pas prospérer.
La discrimination en raison de l’orientation sexuelle :
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison de son orientation sexuelle.
Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ce principe, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Dans une attestation en date du 7 janvier 2008, D E rapporte qu’il a eu du mal à faire évoluer X Y dans l’entreprise parce que le directeur et le président-directeur-général avaient à son égard des propos homophobes très fréquents lors des évaluations de compétence.
En ce qu’il émane d’un salarié licencié par la SA THEVENIN qu’il a poursuivie devant le conseil de prud’hommes, ce témoignage doit être lu avec circonspection.
X Y produit de très nombreux autres témoignages en sa faveur. Aucun d’entre eux ne corrobore d’une quelconque façon les écrits de D E.
Observation étant faite de ce qu’X Y a été licencié pour inaptitude et non pas pour un motif personnel, il doit être retenu qu’aucun élément de fait ne laisse supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au détriment de l’appelant.
Le jugement entrepris doit être approuvé en ce qu’il a débouté X Y de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Les frais irrépétibles de défense :
X Y succombe et devra supporter les dépens. Aucune indemnité ne peut lui être allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande de ce chef doit être rejetée.
Il est équitable de contraindre X Y à participer à concurrence de 200 € aux frais de défense de la SA THEVENIN.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré,
Ajoutant,
Déboute X Y de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamne à payer à la SA THEVENIN 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens.
Le greffier Le président
F G H I
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