Cour d'appel de Dijon, 1ère chambre civile, 30 mars 2010, n° 08/02237

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 1re ch. civ., 30 mars 2010, n° 08/02237
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 08/02237
Décision précédente : Tribunal d'instance de Langres, 13 novembre 2008
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

FB/GN

C X

C/

E Y

LA SOCIETE MIC LTD

MGEN

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 30 Mars 2010

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 MARS 2010

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 08/02237

Décision déférée à la Cour : AU FOND du 14 NOVEMBRE 2008, rendue par le TRIBUNAL D’INSTANCE DE LANGRES

RG 1re instance : 11-08-63

APPELANTE :

Mademoiselle C X

née le XXX

demeurant

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour

assistée de Me WILHELEM, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE

INTIMES :

Monsieur le Docteur E Y

demeurant

Clinique de la Compassion

XXX

XXX

LA SOCIETE MIC LTD

ayant son siège en France en la SAS G H

dont le siège social est

XXX

XXX

représentés par la SCP FONTAINE-TRANCHAND & SOULARD, avoués à la Cour

assistés de Me Alice GUILLET, avocat au barreau de PARIS

La Compagnie MUTUELLE GENERALE DE L’EDUCATION NATIONALE (MGEN)

ayant son siège social

XXX

XXX

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Février 2010 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame ARNAUD, Présidente de Chambre, Président,

Madame VIGNES, Conseiller, assesseur,

Monsieur BESSON, Conseiller, assesseur, ayant fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame THIOURT,

ARRET rendu contradictoirement,

PRONONCE publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNE par Madame ARNAUD, Présidente de Chambre, et par Madame THIOURT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties :

Melle C X, alors qu’elle était en villégiature à Langres, en Haute-Marne, a été victime le 10 juillet 2004 d’une chute depuis le rebord d’une fenêtre.

Transportée à la Clinique de la Compassion de Langres pour y subir une intervention chirurgicale, elle était opérée le 12 juillet 2004 par le docteur E Y, chirurgien orthopédiste, qui procédait à une «osteosynthèse d’une fracture des plateaux tibiaux gauches ».

Après qu’une radiographie post-opératoire effectuée le 16 juillet 2004 eût révélé la persistance d’une déformation du plateau tibial externe de sa jambe, Melle X était autorisée à regagner son domicile le 20 juillet, munie d’une prescription du docteur Y pour la réalisation d’une radiographie de contrôle, et d’une lettre rédigée à l’attention de son médecin traitant .

Melle X, de retour à son domicile situé à Montigny-le-Bretonneux, dans le département des Yvelines, consultait ensuite à plusieurs reprises le docteur Z, chirurgien orthopédiste, qui, après avoir lui fait pratiquer des radiographies aux mois de septembre et novembre 2004 révélant la présence d’un cal osseux, préconisait une intervention pour l’ablation du matériel mis en place dans son genou, sans correction de l’axe du genou.

Cette opération était réalisée le 11 juillet 2005 et Melle X regagnait son domicile le 13 juillet suivant.

Soutenant qu’on ne l’avait, à la suite de la première opération pratiquée le 12 juillet 2004, ni informée du fait que les éléments osseux de son tibia n’avaient pas été repositionnés de façon anatomique ni proposé une nouvelle intervention pour y remédier, Melle X obtenait le 5 décembre 2006 du juge des référés du tribunal de grande instance de Chaumont la désignation d’un expert judiciaire en la personne du docteur A.

À la suite du dépôt par l’expert du rapport de ses opérations, le 18 septembre 2007, Melle X faisait citer devant le tribunal d’instance de Langres M. Y et son assureur, la société de droit irlandais Mic Ltd, ainsi que la Mutuelle générale de l’enseignement national (la MGEN), suivant actes d’huissier de justice en date des 24 et 28 avril, 20 mai et 3 juin 2008, afin de voir condamner solidairement M. Y et la société Mic Ltd à lui payer sous exécution provisoire la somme en principal de 6 600 € de dommages-intérêts.

Par jugement du 14 novembre 2008, le tribunal de Langres a :

— débouté Melle X de l’ensemble de ses demandes ;

— débouté les défendeurs de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la

décision ;

— et condamné Melle X aux dépens de l’instance incluant le coût de l’expertise médicale.

Melle X, a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue le 15 décembre 2008 au secrétariat – greffe de la cour d’appel de ce siège ;

Saisi à l’initiative de l’appelante, le Conseiller de la mise en état a, par une ordonnance du 1er octobre 2009 :

— dit n’y avoir lieu à statuer sur sa demande ayant pour objet d’ordonner le retrait de la pièce n° 10 visée au bordereau du 28 février 2007 ;

— et enjoint à M. Y et à son assureur de déposer au greffe de la Chambre civile A de la Cour, dans le délai de deux semaines, l’original de cette pièce en leur possession ainsi que, soit la copie de cette pièce faite par le service des expertises du tribunal de grande instance de Chaumont, soit tout document émanant de ce service certifiant l’absence de cette pièce parmi les annexes du rapport d’expertise déposé par M. A le 18 septembre 2007.

Au terme de ses écritures signifiées le 31 décembre 2009, Melle X conclut à la réformation de la décision déférée et demande à la Cour :

— de constater que le docteur Y et sa compagnie d’assurances n’ont pas déféré aux injonctions du 7 avril 2009 et du 1er octobre 2009, d’en tirer toutes conséquences et d’écarter ainsi des débats la pièce n°10 communiquée en copie illisible par les intimés ;

— et de condamner solidairement le docteur Y et la compagnie Mic Ltd à lui verser la somme de 6 600 € à titre de dommages intérêts, sur la base d’une incapacité permanente partielle imputable de 4 % et d’un préjudice esthétique évalué à 0,5 / 7, ainsi qu’une somme de 900 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, Melle X fait valoir que la responsabilité du docteur Y doit être reconnue « pleine et entière », soulignant en particulier:

— en premier lieu, que la reprise de l’intervention pratiquée le 12 juillet 2004 ne pouvait plus être effectuée au-delà du mois d’août suivant, date à laquelle le docteur B, consulté par ses soins, lui a indiqué que si l’ostéosynthèse avait été effectuée suivant les règles de l’art ou si une reprise avait été effectuée en temps utile, le déficit fonctionnel résultant de l’accident aurait été diminué de quatre points ;

— en deuxième lieu, que l’expert judiciaire, le docteur A, s’il a considéré que l’intervention du 12 juillet 2004 avait été pratiquée conformément aux règles de l’art, a en revanche conclu que l’état clinique de la patiente aurait pu être amélioré secondairement par une « intervention correctrice qui aurait probablement prévenu le genu valgum », et retenu que M. Y avait commis un défaut d’information à son égard ;

— en troisième lieu, que le tribunal a jugé à tort, d’une part, qu’elle était entièrement responsable de la situation qui était la sienne dans la mesure où elle avait quitté la clinique avec une ordonnance prescrivant une radio et une lettre pour son médecin traitant, alors que le docteur Y n’a jamais fourni de copie lisible de cette prescription, d’autre part, que ce dernier ne pouvait supposer qu’elle ne comprendrait pas que les radiographies devaient être étudiées par un médecin, alors que l’intimé n’a pas préconisé de retour en consultation, soit auprès de lui soit auprès d’un confrère ;

Au terme de leurs écritures en réponse notifiées le 21 janvier 2010, M. Y et la société Mic Ltd concluent à la confirmation du jugement déféré et demandent en conséquence à la Cour, à titre principal, de débouter Melle X de ses demandes et de la condamner à verser à M. Y une somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

À titre subsidiaire, les intimés concluent à la fixation en faveur de l’appelante d’un taux de perte de chance, et demandent à la Cour de ramener à de plus justes proportions ses demandes indemnitaires .

Les intimés soutiennent en effet, à titre principal :

— en premier lieu, que M. Y n’a commis aucune faute,

dès lors :

. qu’il a réalisé en urgence une intervention chirurgicale dont les suites parfaitement simples autorisaient Melle X à regagner son domicile dès le 20 juillet 2004, et dont la technique a été parfaitement validée par l’expert judiciaire ;

. qu’il n’a assuré qu’une prise en charge temporaire de l’appelante, lui prescrivant la réalisation d’une radiographie de contrôle et lui remettant de ce fait un courrier à l’attention de son médecin traitant afin de la confier à la surveillance de celui-ci ;

. qu’il ne saurait donc lui être reproché de ne pas avoir informé sa patiente de la nécessité d’un suivi, alors qu’elle présentait une fracture complexe dont elle connaissait parfaitement la gravité ;

. qu’il n’y avait cependant pas lieu de prescrire, en l’absence de risque d’instabilité, une surveillance plus vigilante et, notamment, le recours immédiat à un orthopédiste ;

— en deuxième lieu, que la patiente, ainsi que le relève justement l’expert judiciaire, a contribué à ses préjudices « en ne se préoccupant pas de donner une suite au moins à titre indicatif à la radio prescrite », de sorte qu’il est justifié de retenir sa responsabilité à hauteur de 50 % ;

Les intimés observent à cet égard que M. Y n’est pas en mesure de communiquer l’original de cette prescription qui a été délivré à la patiente elle-même – qui ne la produit cependant pas, alors qu’elle lui a pourtant permis de faire réaliser les radiographies – afin qu’elle la remette à son médecin traitant ;

— en troisième lieu, qu’il n’existe en l’espèce aucun lien de causalité direct, certain et exclusif entre l’absence d’intervention plus précoce et les préjudices actuels de la patiente, selon ce qu’a conclu l’expert judiciaire qui a indiqué qu’une « réintervention sur une lésion de cette gravité aurait permis simplement d’espérer une amélioration, tout en faisant prendre à la patiente des risques infectieux importants » ;

À titre subsidiaire, M. Y et la société Mic Ltd concluent :

— d’une part, que la responsabilité du premier ne pourrait être recherchée qu’au titre d’une perte de chance ne pouvant excéder 30 %, dès lors qu’il n’est nullement certain, ainsi que l’a encore relevé l’expert, que Melle X aurait accepté dans un tel contexte une nouvelle intervention ;

— d’autre part, que l’indemnisation de l’appelante ne pourrait avoir lieu qu’en tenant alors compte du taux de responsabilité imputable à M. Y et du taux de perte de chance retenu .

La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 février 2009 ;

La cour d’appel se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, à la décision déférée ainsi qu’aux écritures d’appel évoquées ci-dessus ;

Motifs de l’arrêt :

Sur la responsabilité de :

Attendu que Melle X, au soutien de son action en responsabilité dirigée contre M. Y, invoque le manquement de ce praticien à l’obligation d’information dont il lui était redevable, en soutenant qu’il en a résulté pour elle la perte d’une chance de recourir en temps utile à une intervention chirurgicale qui aurait permis d’améliorer son état de santé ;

Attendu, d’abord, que l’obligation d’information qui pèse, en vertu de l’article L.1111-2 du code de la santé publique, sur tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences impose au praticien de délivrer à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les risques afférents aux soins dispensés, de façon à lui permettre, notamment, de connaître les conséquences éventuelles ou normalement prévisibles qu’ils comportent ;

Qu’il incombe à cet égard au médecin ayant réalisé, comme en cette circonstance, une intervention chirurgicale sur un patient, d’attirer l’attention de celui-ci sur les suites opératoires prévisibles , de lui fournir toutes instructions utiles afin de s’assurer de la bonne évolution de son état de santé et de lui prescrire, en tant que de besoin, toute consultation ou tout acte de soins utiles à cet effet ;

Et attendu, ensuite, qu’il appartient à tout professionnel de la santé de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation d’information à l’égard de son patient ;

Attendu, pour la circonstance, que M. Y estime avoir rempli ce devoir puisqu’il affirme avoir remis à Melle X, lors de son départ le 20 juillet 2004 de la clinique où il l’avait opérée le 12 juillet 2004, une ordonnance prescrivant une radiographie de son genou, ainsi qu’une lettre destinée à son médecin traitant ;

Attendu, à cet égard, que le premier juge a relevé que Melle X, qui en effet ne le conteste pas, avait ainsi quitté la clinique munie de cette ordonnance et de ce courrier ;

Attendu que le premier juge a ensuite observé, de façon pertinente, que le suivi d’un patient n’impose pas à son médecin de lui préciser que la prescription d’une radiographie a pour but sa réalisation et sa soumission à un médecin pour analyse et que, de même, la remise à ce patient d’une lettre adressée à son médecin traitant a pour finalité d’être remise par celui-ci à ce praticien ;

Et attendu que la Cour observe, pour sa part :

— en premier lieu, qu’il ne peut être reproché à M. Y de n’être en mesure de fournir qu’une copie peu lisible de la prescription délivrée le 20 juillet 2004, dès lors que Melle X en a reçu l’original mais ne le produit pas elle-même au débat ;

— en deuxième lieu, que Melle X a fait réaliser dès le 3 août 2004, au « Centre d’imagerie médicale diagnostique » de Coulommiers, une «radiographie numérisée du genou gauche… » au titre du « Contrôle des suites d’une fracture intéressant le massif tibial externe du genou »;

— en troisième lieu, qu’il est produit au débat une copie de la lettre rédigée par M. Y à l’attention du médecin traitant de Melle X ;

Attendu qu’il apparaît ainsi que M. Y, ayant effectivement pris le soin de prescrire à sa patiente une radiographie de contrôle de son genou, a, en lui donnant cette instruction et en lui remettant concomitamment une lettre à l’intention de son médecin traitant, avisé celle-ci de la nécessité de surveiller les suites de l’opération pratiquée le 12 juillet 2004 et de consulter ce praticien, à défaut de pouvoir revenir en consultation auprès de lui, et satisfait de la sorte à l’obligation d’information qui lui incombait à son égard ;

Qu’il y a lieu, par conséquent, de confirmer la décision déférée qui a jugé à bon droit que Melle X n’était pas fondée en son action en indemnisation dirigée contre M. Y ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Attendu qu’il n’apparaît pas inéquitable, au vu des éléments de la cause, de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Qu’il n’y a pas lieu, dès lors, de faire application, à hauteur de Cour, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Sur les dépens :

Attendu qu’il convient de laisser à Melle X, qui échoue en ses prétentions, la charge des dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR D’APPEL, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré prononcé le 14 novembre 2008 par le tribunal d’instance de Langres ;

Ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Laisse à Melle C X la charge des dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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