Cour d'appel de Dijon, 23 mai 2013, n° 12/00858

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Chronologie de l’affaire

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Village Justice · 31 juillet 2019

L'employeur est tenu de rembourser les frais professionnels exposés par ses salariés. Par exemple, un salarié qui se fait inviter au restaurant par un client va garder le justificatif et le transmettre à l'employeur afin que ce dernier s'imagine que son employé a financé un repas d'affaires. Autre exemple, un salarié en déplacement professionnel va gonfler la distance parcourue afin d'obtenir un remboursement plus important sur la base des indemnités kilométriques. Plus rare mais plus grave, un salarié peut même produire une fausse facture pour ensuite en obtenir le remboursement. Si …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 23 mai 2013, n° 12/00858
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 12/00858
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Dijon, 11 juin 2012, N° F10/00657

Sur les parties

Texte intégral

MFB/FR

L M épouse X

C/

SA J D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 23 MAI 2013

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 12/00858

Décision déférée à la Cour : AU FOND du 12 JUIN 2012, rendue par le CONSEIL DE

PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE DIJON

RG 1re instance : F10/00657

APPELANTE :

L M épouse X

XXX

XXX

représentée par la SCP GAVIGNET – LABBE (Maître Jean-Baptiste GAVIGNET), avocats au barreau de DIJON

INTIMÉE :

SA J D

XXX

XXX

représentée par la SCP BERTHAT-SCHIHIN-DUCHANOY-HERITIER (Maître Roland SCHIHIN), avocats au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 avril 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Bruno LIOTARD, Président de chambre, Président,

Marie-Françoise ROUX, Conseiller,

Marie-Françoise BOUTRUCHE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DEBATS : Josette C,

ARRET rendu contradictoirement,

PRONONCE publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNE par Bruno LIOTARD, Président de chambre, et par Josette C, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

L M a été embauchée par la SA J D en qualité de visiteuse médicale, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 19 mars 1993 et à effet au 22 mars 1993.

Elle a été licenciée pour faute grave par courrier du 12 juillet 2005.

Par jugement du 12 juin 2012, le conseil de prud’hommes de Dijon a :

— jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

— ordonné à la SA J D de payer 5.918,02 € d’indemnité de préavis, 591,80 € au titre des congés payés afférents, 13.749,63 € d’indemnité conventionnelle de licenciement, 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné la remise des documents légaux sous astreinte de 50 € par jour de retard.

L M a interjeté appel pour faire juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, pour que le jugement soit confirmé en ce qui concerne les indemnités de préavis, de congés payés, de licenciement, la remise des documents légaux sous astreinte, dans un délai de 8 jours et non de 15 jours, pour que la SA J D soit condamnée en outre à lui verser 44 385,15 € de dommages-intérêts et 1 500 € au titre de l’article 700 du CPC.

Elle explique qu’à compter de l’année 2000 elle a été fréquemment absente pour raisons de santé à la suite desquels elle a été placée en invalidité première catégorie, a été déclarée apte sur un poste à mi-temps avec aménagement de secteur puis inapte temporairement, qu’en dépit des préconisations de la médecine du Travail il n’y a pas eu réduction de ses déplacements géographiques.

Elle observe que les faits de mars 2005 sont prescrits, qu’elle a été en arrêt-maladie à plusieurs reprises d’ avril à mai 2005, que pour les évaluations kilométriques des 6, 7, 8, 12 avril et des 10, 16, 17, 20 mai 2005 il doit être tenu compte d’itinéraires plus complexes que ceux calculés par la SA J D compte tenu des heures de rendez-vous, des erreurs de direction, de la nécessité de trouver un lieu de restauration, de divers aléas, qu’elle n’a jamais déclaré des kilomètres parcourus pour des besoins non professionnels.

Elle ajoute qu’elle a bien visité les médecins prévus, que l’attestation du docteur G a été rédigée plus de 7 mois avant le licenciement, que praticien ne figurait pas sur la liste des rendez-vous, que le témoignage du docteur Y est douteux car elle était en liltige avec le fils de celui-ci.

Elle indique qu’elle travaillait en binôme avec Monsieur A, au moment où le groupe Solvay devait racheter les J D, que tous deux savaient qu’un de leurs deux postes serait supprimé ce qui entache de partialité l’attestation de ce dernier relative à des comptes-rendus qui n’auraient pas été complets.

Elle considère que ses notes de frais sont correctes.

La SA J D a formé un appel reconventionnel pour faire juger que le licenciement est fondé sur une faute grave, pour que L M soit déboutée et condamnée à lui verser 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que L M a rédigé de fausses notes de frais en exagérant le nombre de kilomètres parcourus et en notant des visites de médecin non réalisées, qu’il s’agit de tricheries qui rendent impossible la poursuite du lien contractuel.

Elle souligne qu’il y a un décalage entre les déclarations et le contrôle cartographique, que les écarts constatés pour les 4 jours d’avril et les 5 jours de mai sont d’environ 30 % ;

Qu’ils ne peuvent se justifier par d’éventuels allers et retours, que le docteur Y n’a pas été visité le 17 mai 2005 contrairement à ce qui est mentionné dans le rapport de L M.

Elle remarque également que les comptes-rendus sont incomplets, que les rendez-vous pris avec les médecins sont en nombre insuffisant, que les notes de frais sont fausses.

Elle précise que le poste de L M a bien été aménagé conformément aux indications du médecin du Travail qui a délivré un avis d’aptitude fin 2004 suite à ces aménagements, ce qui est de toute façon sans lien avec le litige.

DISCUSSION

Attendu que la lettre de licenciement est ainsi libellée :

' ' XXX

En reprenant votre saisie d’activité réalisée le lundi 30 mai 2005 relative à la semaine du 16 au 20 Mai 2005, votre Directeur Fiégional a constaté, sur la base de sa connaissance du secteur, que les déclarations de vos kilomètres parcourus, au regard de vos différentes tournées de visite, ne correspondaient pas à la réalité des distances a parcourir.

1

Fort de ce premier constat, il a poussé plus loin ses investigations à l’aide du site internet Mappy. Il s’avère que les kilomètres que vous avez déclarés sont supérieurs de plus de 200 kilomètres sur les 4 jours travaillés de cette même semaine par rapport au nombre de kilomètres que vous auriez dû réellement effectuer.

Ce décalage entre votre déclaration et le contrôle cartographique étant important, H I a donc repris toute votre activité, et plus particulièrement celle effectuée sur les deux derniers mois (Mai et Avril). Le résultat de cette analyse a mis en exergue que vous avez déclaré, par rapport aux kilomètres réellement parcourus, un nombre de kilomètres très supérieurs, à savoir plus de 300 kilomètres sur les cinq jours pendant lesquels vous avez travaillé en Mal et plus de 245 kilomètres sur les sept jours pendant lesquels vous avez travaillé en Avril.

Quant bien même l’on tiendrait compte d’éventuels aller retours pour vous rendre chez certains médecins en fonction de leurs heures de réception, de tels écarts ne peuvent être acceptés et tolérés par la Société car ils constituent une faute professionnelle.

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de déterminer où était la vérité car vous avez reconnu devoir faire face à des difficultés familiales, notamment concernant votre fille et votre belle-mère, vous obligeant a effectuer certains déplacements personnels.

A partir de ces faits, votre Directeur Régional a ensuite analysé dans le détail toutes vos déclarations et notamment les visites auprès des médecins déclarés comme vus. Il a pu constater que vous avez déclaré des visites auprès de certains médecins, lesquelles s’avèrent non réalisées, en vérité.' ;

Que sur ce dernier point, cette lettre énonce :

— le docteur Y n’a pas reçu la visite de L M le 17 mai 2005,

— le docteur Z et le docteur B n’ont pas davantage reçu de visite de L M les 1er avril et 6 avril 2005,

— aucune visite n’a pu être faite au docteur E le 29 mars 2005,

— le Docteur F n’a pas vu L M le 15 mars 2005 ;

Que d’autres griefs y sont également évoqués :

— mauvaise rédaction des comptes-rendus empêchant toute exploitation des données,

— commentaires non professionnels suite aux visites ,

— absence de saisine des rendez-vous avec les médecins et défaut d’avertissement donné aux médecins en cas de visites impossibles,

— manque d’information en temps utile des arrêts de travail,

— notes de frais inexactes ;

Attendu que L M a été convoquée à un entretien préalable le 30 juin 2005 et a été licenciée par lettre du 12 juillet 2005 ;

Attendu d’abord que pour la période des 2 mois antérieurs au licenciement, L M ne conteste pas, même si elle été souvent en arrêt maladie, avoir travaillé les 4 jours d’avril et les 5 jours de mai susvisés ;

Qu’il n’est pas contesté que L M a déclaré avoir parcouru à l’occasion de ses tournées :

. 147 km le 7 avril 2005

. 220 km le 8 avril 2005

. 270 km le 12 avril 2005

. 221 km le 10 mai 2005

. 151 km le 16 mai 2005

. 105 km le 17 mai 2005

. 132 km le 19 mai 2005

. 137 km le 20 mai 2005 ;

Que l’estimation du kilométrage normalement nécessaire pour effectuer les visites programmées ces jours -là, sur la base de données internet, entre les agglomérations concernées a permis de retenir des dépassements de 62 km, 39 km, 44 km, 102 km, 99 km, 45 km, 39 km, 28 km ; que ces écarts sont considérables et ne peuvent en aucune manière s’expliquer par des allongements de trajet consécutifs à la localisation précise des cabinets médicaux, au choix d’un itinéraire différent, à la nécessité de venir à deux reprises dans un même cabinet pour tenir compte de la disponibilité du praticien, aux erreurs de direction, à la recherche d’un restaurant pour le déjeuner ;

Qu’il faut également constater qu’à ces demandes de remboursement de frais de trajet non effectué s’ajoute la demande de remboursement d’une chambre d’hôtel le 8 avril 2005 alors que L M était rentrée à son domicile cette nuit là, selon un courriel non contesté la rappelant à l’ordre ;

Attendu ensuite, que pour les 23, 29, 30 mars 2005, le même mode de contrôle a permis de relever sur les déclarations des dépassements de 46, 52, 59 km tandis qu’ un courriel du 30 mars 2005 de rappel à l’ordre montre que des notes de frais concernant les nuits d''hôtel des 1er, 2, 3 mars 2005 avaient été majorées par rapport au prix réellement versé ; que ces faits fautifs qui se sont produits en mars 2005, c’est à dire plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, peuvent néanmoins être retenus dans la mesure où ils sont de même nature que ceux visés ci-dessus et s’inscrivent dans un phénomène de répétition ;

Attendu qu’il est donc établi que de manière constante L M a voulu tromper son employeur sur le montant des frais devant lui être remboursés ce qui est constitutif d’une faute grave, sans qu’il soit besoin de rechercher si la preuve des autres griefs est apportée ;

Attendu que le jugement sera donc infirmé, que la faute grave sera retenue, que L M sera déboutée de toutes ses demandes ;

Attendu que l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est fondé sur une faute grave,

Déboute L M de ses demandes,

Déboute la SA J D de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne L M aux dépens.

Le greffier Le président

Josette C Bruno LIOTARD

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