Cour d'appel de Douai, 31 mars 2011, n° 10/02482

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 31 mars 2011, n° 10/02482
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 10/02482
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Dunkerque, ection 2, 22 août 2010, N° 09/00158

Texte intégral

ARRET DU

31 Mars 2011

N° 393-11

RG 10/02482

XXX

@

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

23 Août 2010

(RG 09/158 -section 2)

— Prud’Hommes -

APPELANT :

SA DHL INTERNATIONAL

XXX

XXX

BELGIQUE

Représentée par Me D DEMARCQ (avocat au barreau de LILLE)

INTIME :

M. B C H I

XXX

XXX

Représenté par Me Patrick SAERENS (avocat au barreau de BRUXELLES)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Z A

: PRESIDENT DE CHAMBRE

X Y

: CONSEILLER

D E

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Nadine BERLY

DEBATS : à l’audience publique du 06 Janvier 2011

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 18 Février 2011 au 31 Mars 2011 pour plus ample délibéré

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2011,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Z A, Président et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur B C H I a été embauché en contrat à durée indéterminée par la SA DHL International à compter du 16 avril 1997 en qualité de « Courrier Courtrai » au dépôt de Wevelgem en Belgique ; son travail consistait à livrer des colis aux clients ;

Monsieur B C H I de nationalité belge, a été employé sous le statut fiscal de travailleur transfrontalier, ayant établi son domicile en France à Wormhout, et travaillant dans la région transfrontalière belge ; chaque année ce salarié, qui a payé des impôts sur le revenu en France sur son lieu de résidence, a rempli un formulaire pour l’administration fiscale belge lui demandant une exonération des impôts sur le revenu belges sur le fondement de l’article 11 de la convention franco belge concernant la double imposition ; la SA DHL International n’a ainsi effectué aucun précompte sur le salaire de l’intéressé jusqu’en 2005;

A la suite d’un contrôle fiscal du 12 mars 2007, l’administration belge de la fiscalité des entreprises et des revenus a relevé que Monsieur B C H I ne travaillait pas uniquement dans la zone transfrontalière requise des 20 kilomètres de la frontière et qu’il était donc imposable en Belgique, et a enjoint à l’employeur de produire une déclaration de précompte professionnel auprès du receveur compétent pour les exercices 2006 et 2007 par application des articles 87 et suivants de l’arrêté royal d’exécution du code des impôts sur le revenu, et le paiement d’un arriéré de précompte professionnel de 23 052, 44 € pour les années de revenus 2003, 2004 et 2005 ;

Monsieur B C H I a démissionné de ses fonctions le 30 mars 2008 ;

C’est dans ces conditions que la SA DHL International a saisi le Conseil de Prud’hommes de Dunkerque par assignation du 3 avril 2009, pour obtenir le remboursement par Monsieur B C H I d’un trop perçu sur salaire de 23 052, 54 €, avec intérêts judiciaires à compter du 29 mars 2009, et le paiement des frais de citation pour la somme de 64,99 € ;

Par jugement du 23 août 2010, Monsieur B C H I ayant soulevé l’incompétence du conseil de prud’hommes en raison de la nature fiscale du litige, le Conseil de Prud’hommes a :

— Dit que le litige est de nature fiscale,

— Déclaré le conseil de prud’hommes incompétent en raison de la matière,

— Renvoyé la SA DHL International à mieux se pourvoir devant la juridiction fiscale belge ou devant le tribunal administratif de Lille,

— Débouté Monsieur B C H I de sa demande reconventionnelle,

— Laissé les dépens éventuels à la charge de la SA DHL International ;

La SA DHL International a régulièrement formé contredit à l’encontre de cette décision et demande à la Cour, dans des conclusions soutenues à l’audience du 6 janvier 2011 de :

— Dire et juger recevable le contredit en son principe et en son fondement,

— Dire et juger que le conseil de prud’hommes de Dunkerque est compétent pour connaître du litige,

— Inviter les parties à conclure au fond pour qu’il soit statué,

— Réserver les dépens ;

Par conclusions soutenues à la même audience, Monsieur B C H I demande de :

— Déclarer la demande irrecevable et à tout le moins non fondée,

— Débouter la SA DHL International de sa demande,

— Condamner la SA DHL International aux entiers frais et dépens de l’instance, soit en vertu du droit belge applicable, l’indemnité de procédure de 2 x 2000,00 € soit 4 000,00 €, pour couvrir ses frais de défense ;

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité du contredit :

Attendu que l’affaire a été mise en délibéré le 10 mai 2010, sans qu’il ne soit établi que les parties aient été informées de la date à laquelle le décision serait prononcée et le jugement du 23 août 2010, a été notifié par lettre recommandée à la SA DHL International, qui en a signé l’accusé de réception le 27 août 2010 ;

Attendu que le contredit motivé, formé le 9 septembre 2010, par la SA DHL International dans le délai de quinze jours de la date à laquelle elle a eu connaissance de la décision, soit le 27 août 2010, est recevable sur le fondement de l’article 82 du code de procédure civile ;

Sur la loi applicable et la compétence rationae materiae :

Attendu que l’appelant soutient que les sommes qu’il a payées à l’administration fiscale belge représentent l’imposition sur le revenu qu’il aurait due prélever sur les salaires de son salarié, Monsieur B C H I, au cours des années 2003, 2004 et 2005 à partir du moment où cette administration a considéré qu’il ne pouvait bénéficier du statut de travailleur frontalier ; qu’il s’agit donc d’une demande de remboursement d’un trop perçu sur salaire et donc d’un différent né à l’occasion du contrat de travail, de la compétence du conseil de prud’hommes conformément aux dispositions de l’article L 1411-1 du code du travail, même si ce litige touche au droit fiscal ;

Attendu que Monsieur B C H I fait valoir qu’il a toujours bénéficié du statut de travailleur frontalier et qu’il a rempli à cet effet un formulaire par lequel il a informé son employeur qu’il vivait en France dans la zone frontalière, tout en travaillant de l’autre côté de la frontière, et qu’il remplissait ainsi les conditions prévues pour payer ses impôts sur son lieu de résidence, conformément à la convention franco belge de 1964; qu’il a donc payé ses impôts sur le revenu en France tout en effectuant les missions toujours identiques assignées par son employeur depuis 1997 ; que si son employeur a accepté de payer le fisc belge sans effectuer de démarches particulières, il ne peut être tenu par la position unilatérale de son employeur ; que s’agissant d’un litige de nature fiscale et non sociale, cette affaire de droit commun doit être appréciée par les juridictions fiscales ; qu’en ce qui concerne la loi applicable, la loi belge gravement préjudiciable au travailleur, en ce qu’elle entraîne une double imposition qui ne lui a pas été notifiée, et une impossibilité de récupérer les impôts qu’il a payés en France sur trois ans actuellement prescrits, doit être écartée au profit de la loi française ; que s’il a accepté à partir d’avril 2007, d’être précompté sur son salaire, c’est sous la contrainte, raison pour laquelle il a démissionné 8 mois plus tard ; qu’à titre subsidiaire, en raison du caractère désinvolte et inéquitable de l’attitude de son employeur, il demande que celui ci soit débouté de ses prétentions et qu’en tout état de cause, la décision du conseil de prud’hommes doit être confirmée;

Attendu qu’à l’audience, Monsieur B C H I précise que le tribunal administratif de Lille est compétent pour connaître de ce litige ;

Attendu qu’il résulte de la convention franco belge du 10 mars 1964 (article 11) qu’un travailleur qui habite dans la zone frontalière et qui travaille de l’autre côté de la frontière paie ses impôts sur son lieu de résidence et non comme le prévoit le droit commun, dans le pays d’emploi ;

Attendu que dans le respect de la procédure déclarative, Monsieur B C H I a donc informé annuellement l’administration fiscale belge de son activité salariée pour le compte de la SA DHL International depuis le « 1e juin 1998 » et de sa résidence en France à Wormhout, et a demandé chaque année à être exonéré des impôts belges en vertu de l’article 11 de la convention franco belge concernant la double imposition sur les rémunérations perçues, à la charge de cet employeur ;

Attendu également que l’employeur informé de cette déclaration, n’a pas effectué le précompte des salaires auxquels il est tenu par application de l’article 87 de l’arrêté royal d’exécution du code des impôts sur le revenu ;

Attendu qu’à compter d’avril 2007, date à partir de laquelle la SA DHL International a de nouveau précompté l’impôt sur le revenu belge au titre des années 2006 et 2007 , sur le salaire de Monsieur B C H I, ce salarié ainsi informé de la remise en cause par l’administration fiscale belge de son statut transfrontalier et donc du refus de toute exonération de l’imposition sur le revenu en Belgique dont il était jusqu’alors bénéficiaire, pouvait exercer une contestation à l’encontre de la décision de l’administration fiscale belge pour la période concernée, alors non prescrite ; que ces dispositions de la loi belge en matière fiscale, ne sont donc pas préjudiciables au salarié ;

Attendu que par application de l’article 20 du règlement CE n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence en matière de contrats individuels de travail, l’action de l’employeur ne peut être portée que devant les tribunaux de l’Etat membre sur le territoire duquel le travailleur a son domicile ;

Attendu que par application de l’article 21 de ce règlement, il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions attributives de juridiction :

1. postérieures à la naissance du différend, ou

2. qui permettent au travailleur de saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à la présente section ;

Attendu qu’article 12 du contrat de travail de Monsieur B C H I prévoit que « seuls les tribunaux du lieu de travail sont compétents pour traiter tout différend ayant trait au présent contrat » ;

Attendu néanmoins que Monsieur B C H I n’entend pas imposer l’application de cette clause contractuelle, en invoquant la nature fiscale du litige, et la compétence de la loi française et territoriale du tribunal administratif de Lille ;

Attendu que ce salarié qui n’entend pas user de la clause attributive de juridiction prévue à l’article 12 de son contrat de travail doit être soumis aux règles de compétence de droit commun en la matière ( article 20 du règlement CE ) soit la compétence du lieu du domicile du travailleur en France;

Attendu sur la compétence rationae materiae, que le paiement par la SA DHL International au fisc belge du précompte des années 2003 à 2005 qu’il aurait dû effectuer à la source sur les rémunérations perçues par son salarié, intervient dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail ; que le remboursement sollicité par la SA DHL International auprès de Monsieur B C H I de la somme de

23 052, 44 € n’est pas « un impôt qu’il aurait dû retenir à la source », mais d’un trop perçu de nature salariale, dans son rapport avec le salarié ;

Attendu ainsi que par application des dispositions de l’article L 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient ;

Attendu ainsi que ce litige né à l’occasion du contrat de travail est de la compétence du conseil de prud’hommes de Dunkerque, lieu du domicile du salarié ;

Attendu que la décision déférée doit donc être infirmée de ce chef ;

Attendu que par application des dispositions de l’article 89 du code de procédure civile, il est de bonne justice de renvoyer les parties à conclure sur le fond devant la cour et de surseoir aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision attaquée,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit la SA DHL International recevable en son contredit,

Déclare le conseil de prud’hommes de Dunkerque compétent pour connaître de ce litige,

Invite les parties à conclure sur le fond devant la Cour,

Surseoit à statuer sur les frais et dépens d’instance ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. GATNER A. A

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