Cour d'appel de Douai, 31 mai 2016, n° 15/01199

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 31 mai 2016, n° 15/01199
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 15/01199
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Béthune, 1er mars 2015, N° 13/385

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

31 Mai 2016

N° 692/16

RG 15/01199

XXX

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BETHUNE

en date du

02 Mars 2015

(RG 13/385 -section 5)

NOTIFICATION

à parties

le 31/05/16

Copies avocats

le 31/05/16

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. C-D X

XXX

XXX

Comparant assisté de Me Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 22 Mars 2016

Tenue par Y Z magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie COCKENPOT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

XXX

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

A B

: CONSEILLER

Y Z

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mai 2016, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par XXX, Président et par Valérie COCKENPOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE LITIGE

M. X a été employé par la société CRODA CHOCQUES, autrement dénommée, durant une période visée par des arrêtés ministériels l’ayant classée sur la liste des établissements ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs de l’amiante (l’ACAATA). Il exerçait ses fonctions sur le site chimique de Chocques dans lequel l’amiante servait à la fabrication de dérivés d’oxydes et de paillasses destinées au calorifugeage.

Souhaitant la réparation de son préjudice d’anxiété résultant selon lui d’une exposition durable à l’inhalation de l’amiante du fait de son employeur M. X a saisi le Conseil de Prud’hommes d’une demande de dommages-intérêts dont il a été débouté. Suite à l’appel régulièrement interjeté contre cette décision les parties développent oralement leurs écritures visées par le greffier et le magistrat auxquelles il convient de se référer pour plus ample connaissance du litige.

M. X demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris et de lui allouer 15 000 euros de dommages-intérêts outre 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile aux motifs que:

— ses conditions de travail l’amenaient à inhaler journellement une quantité importante de fibres d’amiante de sorte que sa contamination actuelle est indiscutable

— son employeur n’a mis en place aucun dispositif afin de le protéger, violant ainsi son obligation de prévention alors même que les dangers du matériau étaient documentés de longue date

— il vit dans la crainte permanente, attestée par ses proches, de la survenue d’une grave maladie dont plusieurs de ses anciens collègues ont été atteints.

La XXX conclut en premier lieu à l’irrecevabilité de la demande au motif que son ancien salarié aurait dû préalablement saisir la Caisse primaire d’assurance maladie d’une prise en charge de sa pathologie assimilable à une maladie professionnelle. Elle prie ensuite la Cour de saisir la juridiction administrative d’une question préjudicielle portant sur la légalité des arrêtés de classement successifs au motif que l’usage d’amiante ne constituait pas une part significative de son activité, affirmant ne pas être forclose en sa contestation faute d’avoir eu notification des règlements litigieux.

L’employeur, qui demande à la Cour de rejeter la demande et à titre subsidiaire de fixer l’indemnisation en fonction du préjudice subi et non pas forfaitairement, soutient enfin que :

— le salarié ne rapporte pas la preuve de la part significative de l’usage de l’amiante au sein de son établissement

— aucun manquement à son obligation de sécurité de résultat ne peut lui être reproché dès lors que l’amiante n’a été interdite en France qu’en 1997

— compte tenu de ses fonctions le salarié n’a été ni exposé ni contaminé sur son lieu de travail, les fibres étant abondamment présentes dans l’air domestique et environnemental ce qui selon lui exclut tout lien de causalité certain avec l’activité professionnelle

— l’appelant ne prouve pas son préjudice d’anxiété, ne se soumettant à aucun contrôle médical périodique.

DISCUSSION

La recevabilité de l’action devant la juridiction prud’homale

M. X se prévaut d’un préjudice moral d’anxiété résultant selon lui de la crainte de contracter une maladie résultant de son exposition à l’amiante suite à des manquements fautifs de son employeur à ses obligations. La saisine préalable de la Caisse primaire d’assurance maladie n’est prévue par aucune disposition applicable au présent litige afférent aux conséquences dommageables de prétendus manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles. Par ailleurs, le salarié ne fonde pas sa demande sur l’apparition d’une maladie professionnelle, l’anxiété n’étant pas classée comme telle par le code de la sécurité sociale et n’en présentant aucune des caractéristiques.

L’exception d’irrecevabilité sera donc rejetée.

La question préjudicielle

La Cour observe que la publication des arrêtés de classement litigieux a été assurée au Journal officiel conformément à la Loi de sorte que la XXX avait la possibilité de les contester devant la juridiction administrative, ce qui n’est ni établi ni même allégué.

Ces arrêtés, dont l’interprétation ne soulève aucune difficulté, sont applicables au présent litige et la SAS ne peut valablement invoquer leur défaut de notification non prévue par les textes en vigueur au moment de leur publication.

Il y a donc lieu de rejeter la demande.

Le droit à réparation

Il ressort des justificatifs versés aux débats que le salarié a travaillé dans l’établissement de la XXX figurant sur la liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités de l’amiante ou des matériaux en contenant.

Il est donc fondé de réclamer la réparation d’un préjudice d’anxiété constitué par sa crainte d’être un jour atteint d’une des pathologies provoquées par l’inhalation de fibres cancérigènes en milieu professionnel, s’ajoutant aux effets potentiellement nocifs de l’inhalation desdites fibres dans l’air domestique et environnemental. Le fait générateur de son droit à indemnisation est la violation par l’employeur de son obligation de mettre en 'uvre des mesures efficaces de protection de ses salariés contre les effets d’une exposition durable à l’inhalation de fibres dont la nocivité était connue de longue date. La violation par la XXX de l’obligation de sécurité de résultat, incluant l’obligation de prévention, sera retenue dès lors qu’elle n’apporte aucune démonstration des mesures adoptées pour éviter la réalisation du risque notamment après le décret du 17 août 1977 instituant une obligation de contrôle de l’empoussièrement et de fourniture d’équipements adaptés. Au demeurant, le salarié a droit à l’indemnisation de son préjudice d’anxiété du seul fait d’avoir travaillé dans un établissement inscrit dans l’arrêté ministériel, pendant la période y figurant.

Présentement, l’appelant justifie, au moyen d’attestations de ses proches, vivre dans la crainte d’être un jour atteint par une pathologie provoquée ou aggravée par les fibres inhalées durant son activité professionnelle ; son anxiété est constituée des troubles psychologiques résultant de ces craintes.

Le fait qu’il ait eu à subir depuis sa naissance une exposition domestique et environnementale aux fibres d’amiante comme la population dans son ensemble n’est pas de nature à le priver de son droit de réclamer réparation de son préjudice d’anxiété né pour partie de son exposition accrue dans le cadre professionnel.

Enfin, la Cour estime que sans sa connaissance du risque accru lié à l’exposition professionnelle le dommage ne serait pas avéré et qu’il existe donc un lien de causalité certain entre les manquements de l’employeur et celui-ci.

Le montant de l’indemnisation

L’indemnisation forfaitaire devant être exclue, il convient de tenir compte des fonctions exercées par le salarié durant le contrat de travail afin d’évaluer le plus correctement possible le facteur risque le concernant, le préjudice d’anxiété ne pouvant être indemnisé semblablement pour un ouvrier manipulant toute la journée sans protection des fibres d’amiante et pour un employé de bureau n’ayant qu’un contact épisodique avec l’atelier et sujet à un moindre risque de contamination.

Par ailleurs, si le suivi médical n’est pas une condition de principe à l’obtention de dommages-intérêts il est de nature à démontrer l’existence d’une anxiété dépassant la simple crainte de développer un jour une maladie, le quantum de l’indemnisation étant différent dans les deux situations.

M. X a travaillé sur le site concerné entre 1975 et 2008 soit durant la moitié de la période visée par les arrêtés de classement. Actuellement âgé de 62 ans il exerçait les fonctions d’employé administratif jusqu’en 1986 puis d’agent de maîtrise à la logistique.

Il a épisodiquement fréquenté l’atelier, principalement entre 1986 et 1990 ayant subi, selon le médecin du travail l’ayant noté dans la fiche d’exposition « une exposition passive et manipulé des joints d’amiante sur certains fûts à ouverture totale ».

Si son exposition à l’amiante est avérée, il n’établit pas qu’elle ait été d’une particulière intensité ou d’une longue durée. Ses proches décrivent un état d’inquiétude.

Il ne justifie d’aucun suivi médical préventif alors même qu’existent en France de nombreux dispositifs permettant une prise en charge sans frais d’investigations médicales.

Il n’établit pas non plus l’existence d’un suivi psychologique pour traiter des troubles composantes de l’anxiété. Compte tenu de ces éléments, son préjudice sera réparé par l’octroi d’une somme de 3500 euros.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement entrepris

REJETTE l’exception d’irrecevabilité et la demande de sursis à statuer

CONDAMNE la XXX à payer à M. X la somme de 3500 euros à titre de dommages-intérêts outre 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la XXX aux dépens incluant ceux de première instance

LE GREFFIER

XXX

LE PRESIDENT

D. JAFFUEL

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Textes cités dans la décision

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