Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 27 mai 2021, n° 20/02612

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 27 mai 2021, n° 20/02612
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 20/02612
Décision précédente : Tribunal judiciaire d'Arras, 27 mai 2020, N° 18/00933
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 27/05/2021

****

N° de MINUTE : 21/266

N° RG 20/02612 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TCQQ

Jugement (N° 18/00933) rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire d’Arras

APPELANT

Monsieur B Y

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté par Me Mohamed Abdelkrim, avocat au barreau d’Arras

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/20/09744 du 01/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de douai)

INTIMÉE

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai constituée aux lieu et place de Me X Franchi, avocat au barreau de Douai et Me Jean-Philippe Vérague, avocat au barreau d’Arras

DÉBATS à l’audience publique du 24 mars 2021 tenue par Hélène Chateau magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Chateau, président de chambre

Sara Lamotte, conseiller

Claire Bertin, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Hélène Chateau, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 22 mars 2021

Suivant acte notarié en date des 7 et 15 septembre 2009, Madame C D, Monsieur X D et Monsieur E D ont consenti à la société Avy automobile représentée par Madame F G épouse de Monsieur B A un bail commercial portant sur un immeuble sis […], comprenant un atelier, des bureaux et une cour, pour une durée de neuf années commençant à courir le 1er septembre 2009 pour se terminer le 31 août 2018.

Suivant acte sous seings privés en date du 29 mars 2013, Monsieur X et E D, seuls co-propriétaires à la suite du décès de Mme C D, ont consenti à Monsieur B Y mécanicien et à Madame F G, son épouse, gérante de société, qui l’ont accepté, un compromis de vente de cet immeuble moyennant le prix de 90 000 €.

Maître Brette, notaire associé à Bapaume par l’intermédiaire duquel devait être réalisé l’acte authentique de vente, a avisé la ville de Dainville de cette déclaration d’aliéner ce bien.

Par courriers en date du 22 mai 2013 la ville de Dainville a avisé tant maître Brette que Monsieur B A et son épouse de son intention de préempter ce bien.

À ces courriers était jointe la décision du maire de Dainville en date du 22 mai 2013 indiquant que cet achat constituait « une seconde étape dans la maîtrise foncière déjà engagée en 2010 par l’acquisition du bâtiment voisin dans le but de réhabiliter ce secteur d’entrée de ville, considérant que cette maîtrise foncière pouvait s’inscrire dans le cadre de la réalisation d’un projet de construction de type petit bâtiment collectif. »

Suivant acte notarié en date du 20 septembre 2013 Messieurs X et E D ont vendu à la commune de Dainville le bâtiment à usage de garage sis […] moyennant le prix de 90 000 €.

Suivant délibération en date du 29 juin 2015, le conseil municipal de la commune de Dainville a décidé, à l’unanimité, la cession de deux immeubles appartenant à la commune situés à […] et […] à Monsieur H Z dans le but d’y installer son activité professionnelle en l’espèce une étude notariale et a autorisé Madame la maire à signer tous documents nécessaires à la concrétisation de cette acquisition.

Suivant lettre recommandée avec avis de réception en date du 26 août 2015, le conseil de Monsieur B A écrivait à la mairie de Dainville afin d’obtenir la délibération motivée du conseil municipal de la commune autorisant la cession de l’immeuble sis […] à Dainville ainsi que le plan local d’urbanisme et le plan d’occupation des sols dûment approuvés par le conseil municipal, précisant qu’à défaut il serait contraint de saisir au nom de son client la juridiction

compétente à l’effet de solliciter l’annulation de tous les actes concernant l’immeuble litigieux pour excès de pouvoir.

Par courrier du 25 septembre 2015, Mme le maire de la commune de Dainville transmettait à ce conseil la copie de la délibération du conseil municipal en date du 29 juin 2015, lui précisait que les règlements et zonages du plan local d’urbanisme étaient consultables sur le site Internet municipal au service urbanisme de la mairie, et précisait en outre que la cession s’inscrivait dans le cadre de l’opération de réhabilitation du secteur situé en entrée de ville, ce motif étant repris dans le cadre de la décision du maire en date du 22 mai 2013 signifiée conformément aux dispositions de l’article R213-8 b du code de l’urbanisme.

La vente par la commune de Dainville des immeubles situés […] et […] à Dainville à la société MERMOSBV représentée par M. H Z son gérant était régularisée par acte notarié des 1er et 4 avril 2016 moyennant le prix de 200 000 €.

Par acte du huissier de justice en date du 29 mars 2018, Monsieur B Y a fait assigner la commune de Dainville devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire d’Arras afin, au bénéfice de l’exécution provisoire et au visa des articles L 213 ' 11 et L 213 ' 12 du code de l’urbanisme de la voir condamnée à lui payer la somme de 50 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi par l’absence de proposition prioritaire de l’immeuble, outre la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en plus des entiers dépens.

Par jugement, en date du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire d’Arras a débouté Monsieur B Y de l’ensemble de ses demandes, l’a condamné à payer à la commune de Dainville la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux dépens de l’instance avec recouvrement conformément aux règles régissant l’aide juridictionnelle.

Par déclaration en date du 10 juillet 2020, Monsieur B Y a formé appel de l’ensemble de ces dispositions.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 5 mars 2021, Monsieur B Y sollicite, au visa des articles L213 ' 11 et suivants du code de l’urbanisme,

de :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Arras le 28 mai 2020,

condamner la commune de Dainville à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L213 ' 12 du code de l’urbanisme, outre 3000 € d’indemnités d’article 700 du code de procédure civile en plus des dépens dont distraction au profit de Maître Mohamed Abdelkrim avocat aux offres de droit.

Il fait valoir que :

— la commune de Dainville avait exercé son droit de préemption dans le but de réhabiliter le secteur d’entrée de ville lequel s’inscrivait dans le cadre de la réalisation d’un projet de construction de type petit bâtiment collectif, que ce but n’a pas été respecté dès lors que la commune de Dainville a cédé l’immeuble à une société MERMOSBV dans le but d’y installer une activité professionnelle (activité notariale).

dès lors en application de l’article L 213 ' 11 du code de l’urbanisme la commune de Dainville se devait de lui proposer l’acquisition de cet immeuble,

son préjudice est considérable dès lors qu’il n’a pas retrouvé d’autre local pour exercer son activité de

contrôle technique.

de plus la commune de Dainville a revendu le bien en réalisant une plus-value considérable.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 19 mars 2021, la commune de Dainville demande à la cour, au visa des articles 213 ' 11 et suivants du code de l’urbanisme, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de le condamner à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Processuel.

Elle fait valoir que Monsieur B Y a bien été informé de la vente et de ses conditions et qu’il n’a à aucun moment manifesté la volonté d’acquérir.

Elle ajoute que la vente pour l’implantation de l’étude notariale de Maître Z est conforme à la décision de préemption dans le but de réhabiliter le secteur d’entrée de ville.

Elle précise qu’en tout état de cause Monsieur B Y ne démontre nullement le préjudice dont il fait état alors même qu’il avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire en date 21 février 2014 soit bien avant la vente de l’immeuble situé […], que sa société liquidée avait d’ailleurs laissé à la commune de Dainville en sa qualité de locataire une créance au titre de loyers impayés, ce qui montre qu’il n’aurait pas eu les moyens d’acquérir l’ensemble immobilier revendu par la commune.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L 213-11 du code de l’urbanisme tel que modifié par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 – art. 149 prévoit que

Les biens acquis par exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés pour l’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1, qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption. L’utilisation ou l’aliénation d’un bien au profit d’une personne privée autre que le concessionnaire d’une opération d’aménagement ou qu’une société d’habitations à loyer modéré doit faire l’objet d’une délibération motivée du conseil municipal ou, le cas échéant, d’une décision motivée du délégataire du droit de préemption.

Si le titulaire du droit de préemption décide d’utiliser ou d’aliéner pour d’autres objets que ceux mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1 un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel et leur proposer l’acquisition de ce bien en priorité. Tout changement d’affectation du bien acquis par l’exercice du droit de préemption, dans la limite des objets prévus à l’article L. 210-1, doit faire l’objet d’une décision de l’organe délibérant de la collectivité. Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l’acquisition dans les conditions visées aux alinéas précédents, le titulaire du droit de préemption doit également proposer l’acquisition à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien. »

L’article L 210-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, article 149, applicable à la date de la décision de revente après préemption, prévoit que :

Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L.300-1 , à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement.

L’article 300-1 du code de l’urbanisme, dans sa version modifiée par la loi n°2008-1425 du 27 décembre 2008, applicable lors de l’exercice du droit de préemption, au regard duquel la délibération du conseil municipal a du intervenir, pour fixer la finalité de la préemption, prévoit que « Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.

L’aménagement, au sens du présent livre, désigne l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d’une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l’alinéa précédent et, d’autre part, à assurer l’harmonisation de ces actions ou de ces opérations. »

Sur ce,

Avant même de déterminer si, comme elle le soutient, la commune de Dainville a bien proposé à M. B A et Mme F G son épouse, d’acquérir en 2015 l’immeuble sis […] qu’elle entendait revendre après l’avoir préempté le 22 mai 2013 à leur préjudice alors qu’ils s’en étaient portés acquéreurs par acte sous seings privés du 29 mars 2013, il convient de déterminer si la commune de Dainville avait au vu des textes sus-rappelés cette obligation.

De ces textes, la cour en déduit en premier lieu que contrairement à ce que M. A affirme, le seul fait que la commune ait eu le projet d’aliéner le bien sis […], objet du droit de préemption exercé par la commune de Dainville le 22 mai 2013, pour un objet différent de celui mentionné dans la décision de préemption, qui faisait état d’un projet de construction de type petit bâtiment collectif, ne la contraignait pas à proposer à M. B A et Mme F G son épouse d’acquérir ce bien.

C’est seulement dans l’hypothèse où la commune de Dainville décidait d’aliéner l’immeuble […] pour d’autres objets que ceux mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme qu’elle devait en aviser au préalable les époux A

Il ressort de la délibération du 29 juin 2015 du conseil municipal de la commune de Dainville que l’objet était toujours une opération de requalification urbaine afin d’améliorer l’entrée de la commune par l’avenue Lavoisier, étant précisé que la ville entendait revendre tant l’ensemble immobilier sis […], que l’immeuble sis […] acquis dès 2010 et qui était déjà visé dans la décision de préemption du 22 mai 2013, afin d’obtenir un aménagement harmonieux de l’entrée de ville avec des bâtiments bien intégrés.

Il importe peu que le projet finalement retenu n’ait pas été une construction de type petit bâtiment collectif, alors même que ce projet n’était qu’une possibilité évoquée dans la décision de préemption et que l’installation d’une étude notariale, activité économique, entre dans les objectifs prévus à l’article 300-1 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article L 210-1 du code de l’urbanisme.

Dès lors que la commune a décidé d’aliéner les deux terrains qu’elle avait préemptés, dont le terrain que M. A avait eu le projet d’acquérir, pour un objet mentionné au premier alinéa de l’article L

210-1 du code de l’urbanisme, elle n’avait pas l’obligation d’en informer M. A.

Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé par substitution de motifs en ce qu’il a débouté M. A de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

M. A sera condamné aux dépens de l’instance d’appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

La demande d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile formée par M. A sera en conséquence rejetée.

Par ailleurs, compte tenu de la situation financière de M. A, il ne sera pas fait droit à la demande d’indemnité d’article 700 formée par la commune de Dainville.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal judiciaire d’Arras du 28 mai 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. A aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,

Autorise la SCP Processuel à recouvrer directement auprès de M. A les dépens qu’elle a exposés sans avoir reçu de provision,

Rejette les demandes d’ indemnité d’article 700 du code de procédure civile formées par les parties en cause d’appel.

Le greffier, Le président,

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