Cour d'appel de Douai, Expropriations, 1er décembre 2022, n° 21/03831

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, expropriations, 1er déc. 2022, n° 21/03831
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 21/03831
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Lille, EXPRO, 27 mai 2021
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 11 décembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET DU

01 Décembre 2022

N° 01/22

N° RG 21/03831 -

N° Portalis DBVT-V-B7F-TXS3

JUGEMENT DU

Juge de l’expropriation de LILLE

EN DATE DU

28 Mai 2021

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre de l’Expropriation

APPELANTS :

M. [T] [G]

né le 30 mai 1993 à [Localité 15] (Algérie)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

Mme [A] [D]

née le 18 mars 1995 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Gauthier JAMAIS, avocat au barreau de Lille

INTIMES :

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DES HAUTS DE FRANCE

venant aux droits de L’EPF du NORD-PAS DE CALAIS

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 7]

Représentés par Me Juliette DELGORGUE, avocat au barreau de Lille

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DES HAUTS DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DU NORD

DIVISION DU DOMAINE

[Adresse 12]

[Localité 5]

EN PRESENCE DE : [Y] [C]

faisant fonction de Commissaire du Gouvernement par délégation de Monsieur le Directeur des Services Fiscaux du Nord

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Hélène CHATEAU

: PREMIERE PRÉSIDENTE

DE CHAMBRE

Camille COLONNA

: CONSEILLERE

Clotilde VANHOVE

: CONSEILLERE

GREFFIER lors des débats : Christian BERQUET

DEBATS : à l’audience publique du 10 Octobre 2022

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Hélène CHATEAU, Première Présidente de Chambre et par Christian BERQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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M. [T] [G] et Mme [A] [D] épouse [G] (ci-après les époux [G]), sont propriétaires d’un immeuble situé [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11] d’une contenance de 79 m2, pour l’avoir acquis le 11 février 2019 pour le prix de 25 000 euros.

Le 17 juillet 2020, ils déclaraient leur intention d’aliéner cet immeuble pour le prix de 50 000 euros.

Le 13 octobre 2020, le service des domaines évaluait ce bien à 28 000 euros, selon les données fournies par l’établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais, (ci-après l’EPF) selon la méthode par comparaison et sous réserve de mesurage, dans son avis ainsi motivé :

« La parcelle AT [Cadastre 11] d’une contenance de 79 m², sert d’assise à un bien mixte érigé sur trois niveaux dans les années 1830 et comprenant une partie professionnelle ou commerciale d’une surface utile cadastrale de 38 m² et une partie habitation d’une surface utile cadastrale de 74 m².

La surface cadastrale du premier semble erronée par rapport à la réalité, l’étage ayant sensiblement la même superficie que le rez-de-chaussée, la surface utile totale est donc estimée à 80 m² sous réserve de mesurage.

Bâtiment en briques et pierres, couverture tuiles, anciennement à usage de café. Châssis bois simple vitrage en très mauvais état.

Le bien se compose en RDC d’une pièce unique, sol nu et d’une cour intérieure débouchant sur la [Adresse 18]. Vis à vis important par rapport à la propriété voisine cadastrée section AT [Cadastre 10] dont la construction est percée de plusieurs fenêtres.

Escalier permettant l’accès au premier étage, composé d’une grande pièce sur plancher en mauvais état. Un escalier de type meunier permet l’accès au grenier dont une partie du plancher a été ragréé. Combles non isolés et situés directement sous la chapente. Le bien n’étant pas hors d’eau, hors d’air, il présente des traces patentes d’humidité. Quelques travaux ont été réalisés par l’actuel propriétaire mais l’ensemble demeure en mauvais état et sans le moindre élement de confort. Un devis de travaux (intérieur/clos/couvert façade) s’élevant à près de 350 000 euros a été fourni."

L’EPF délégataire du droit de préemption, a exercé ce droit le 19 octobre 2020 pour le prix de 20 000 euros.

Les époux [G] ayant refusé ce prix par courriel du 6 novembre 2020, l’EPF a saisi le juge de l’expropriation du Nord le 16 novembre 2020 en fixation du prix à 28 000 euros.

Les expropriés sollicitaient initialement quant à eux 71 250 euros à titre principal et 56 640 euros à titre subsidiaire dans l’hypothèse où il ne serait pas retenu une surface de 178,80m² mais de 141,6m².

Le juge de l’expropriation s’est rendu sur place le 17 février 2021 et a décrit comme suit l’immeuble dans son procès-verbal de visite :

Il s’agit d’un immeuble mixte, anciennement à usage de commerce au rez-de-chaussée et d’habitation aux 1° et 2° étages. L’immeuble est presque en ruine. Il est situé en plein coeur de [Localité 19] et dispose de deux entrées : une première par le commerce sur la [Adresse 3], la seconde pour les appartements par une petite cour d’environ 30 m² [Adresse 18].

Au second étage, il existe une partie centrale de plus d'1m80 sous plafond, soit environ 20m² habitable.

Par jugement en date du 28 mai 2021, le juge de l’expropriation de Lille a :

— fixé à 28 000 euros le prix de l’immeuble sis [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11], correspondant à l’estimation par le service des domaines,

— laissé les dépens à la charge de l’EPF,

— condamné l’EPF à régler à M. [T] [G] et Mme [A] [D] épouse [G] une somme de 492 euros de frais de mesurage, outre la somme de 3000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a retenu qu’il convenait de faire application de l’article L322-9 du code de l’expropriation, les époux [G] ne justifiant ni de l’évolution alléguée de 4,1% du prix des maisons anciennes entre le 3° trimestre 2019 et le 3° trimestre 2020, ni avoir apporté des modifications à l’immeuble après leur acquisition, à l’exception de travaux de réagréage.

Les époux [G] ont relevé appel de ce jugement en ce qu’il a fixé le prix de leur immeuble sis [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11] à 28 000 euros par déclaration d’appel transmise par leur avocat par lettre recommandée avec avis de réception, postée le 10 juillet 2021.

Par conclusions, reçues le 8 octobre 2021, accompagnées de 17 pièces, les époux [G] demandent à la cour de :

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— réformer le jugement du 28 mai 2021 du tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il a fixé à 28 000 euros le prix de l’immeuble sis [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11],

— statuant de nouveau, fixer l’indemnité leur revenant pour l’acquisition de l’immeuble leur appartenant, [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11],

* à titre principal à la somme de 58 080 euros, correspondant à 440 euros du m², valeur moyenne du m² au vu des 3 termes de comparaison produits et une surface utile de 132 m²,

* à titre subsidiaire à la somme de 46 200 euros, correspondant à 350 euros du m², si l’on tient compte pour calculer la valeur du bien, du prix d’acquisition et d’une surface utile de 132 m².

— condamner l’EPF du Nord-Pas-de-Calais à leur verser la somme de 4500 euros au titre des frais engagés en application de l’article 700 du code de procédure civile, et de le condamer aux entiers frais et dépens d’instance.

Les époux [G] reprochent à titre principal au premier juge d’avoir retenu l’application de l’article L 322-9 du code de l’expropriation, et ce alors que l’administration ne justifiait pas d’une évaluation ferme du prix de l’immeuble, dès lors que le service des domaines avait estimé le prix à 28 000 euros pour une surface utile de 80 m², sous réserve de mesurage, et que le mesurage a donné une surface utile totale de 132 m².

A titre subisidiaire, ils reprochent au premier juge d’avoir retenu l’application de l’article L 322-9 du code de l’expropriation, alors même qu’ils justifiaient d’importants travaux réalisés dans l’immeuble depuis l’acquisition en 2019, et notamment le remplacement du plancher du 2° étage, ainsi que d’une évolution très significative des prix de l’immobilier de 10 % entre le 1° trimestre 2019 et le 4° trimestre 2020.

Ils demandent d’évaluer leur bien à la somme de 58 080 euros sur une base de 440 euros le m², prix moyen du m² de surface utile au vu des trois références suivantes :

1. immeuble sis [Adresse 4], cadastré section AT [Cadastre 1] vendu le 5 avril 2019, d’une contenance de 124 m², pour un prix total de 50 000 euros, soit 543 euros le m²,

2. immeuble sis [Adresse 13], cadastré section AT [Cadastre 8] vendu le 3 avril 2017, d’une contenance de 118 m², pour un prix total de 45 000 euros, soit « 381 » euros le m²,

3. immeuble sis [Adresse 14], cadastré section AT [Cadastre 9] vendu le 28 décembre 2018, d’une contenance de 163 m², pour un prix total de 67 5000 euros, soit 414 euros le m².

Ces conclusions ont été notifiées par le greffe à Maître Delgorgue, conseil de l’EPF, et à la direction régionale des finances publiques des Hauts de France les 19 et 21 octobre 2021.

Par conclusions en défense, accompagnées de 7 pièces, reçues au greffe de la cour le 16 décembre 2021, l’EPF demande à la cour de confimer le jugement du juge de l’expropriation du Nord du 28 mai 2021 sous le numéro de RG 2/00019 et de condamner les époux [G] à lui payer 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il considère que l’avis des domaines du 13 octobre 2020 constitue bien l’avis officiel exigé par l’article R 213-21 du code de l’urbanisme, et qu’il importe peu que la surface réelle dévoilée lors du transport sur les lieux soit plus importante que celle retenue par l’inspecteur évaluateur.

Il ajoute que les époux [G] ne justifient pas de modifications du bien postérieurement à leur achat, ni de l’évolution du prix de l’immobilier dans le Valenciennois.

Relativement aux termes de référence cités par les époux [G], l’EPF fait par ailleurs valoir que

1. la vente du [Adresse 4] ne peut être retenue, dès lors que la surface habitable de 124 m² annoncée n’a pu être vérifiée,

2. la vente du [Adresse 13] laisse ressortir une valeur de 309 euros le m² et non de 381 euros le m², comme annoncé,

les deux immeubles des [Adresse 13] et [Adresse 14] étaient en bien meilleur état que celui des époux [G].

Ces conclusions ont été notifiés le 23 décembre 2021 à l’avocat des époux [G].

Par conclusions reçues le 16 décembre 2021, Madame le commissaire du gouvernement a demandé la confirmation du jugement.

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Elle estime que l’avis des domaines du 13 octobre 2020 fixant le prix à 28 000 euros est bien une évaluation administrative définitive, rendue définitive en vertu des lois fiscales et que les époux [G] ne justifient pas de travaux autres que la démolition de murs et l’évacuation de gravats, sans que cela n’entraîne une augmentation substantielle de la valeur du bien, la surface de plancher que l’on peut retenir à hauteur de 117,60 m² n’ayant pas augmenté.

Ces conclusions ont été notifiées par lettres recommandées avec avis de réception reçues le 23 décembre 2020 par l’avocat des époux [G] et le 27 décembre 2021 par l’avocat de l’EPF.

Par conclusions responsives et récapitulatives, reçues le 11 février 2022, les époux [G] maintiennent leurs demandes formulées dans leurs précédentes conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur l’application de l’article L 322-9 du code de l’expropriation

L’article L 322-9 du code de l’expropriation prévoit que : «'le montant de l’indemnité principale ne peut excéder l’estimation faite par l’autorité administrative compétente, si une mutation à titre gratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, a donné lieu à une évaluation administrative, rendue définitive en vertu des lois fiscales, ou à une déclaration d’un montant inférieur à cette estimation, sauf à ce que l’exproprié apporte la preuve que l’estimation de l’administration ne prend pas correctement en compte l’évolution du marché de l’immobilier.

Lorsque les biens ont, depuis cette mutation, subi des modifications justifiées dans leur consistance matérielle ou juridique, leur état ou leur situation d’occupation, l’estimation qui en est faite conformément à l’alinéa précédent en tient compte.

L’article R 213-21 du code de l’urbanisme précise quant à lui que : «' le titulaire du droit de préemption doit recueillir l’avis du service des domaines sur le prix de l’immeuble dont il envisage de faire l’acquisition dès lors que le prix ou l’estimation figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l’arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l’article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques.'»

Ne peut constituer l’estimation administrative, rendue définitive en vertu des lois fiscales, au sens de l’article L 322-9 du code de l’expropriation, l’évaluation faite par la division de l’évaluation domaniale de la direction générale des finances publiques, en date du 13 octobre 2020, à la demande de la directrice de l’EPF, à la suite de la réception en mairie d’une déclaration d’aliéner l’immeuble situé [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11] d’une contenance de 79 m2, alors même qu’il y est expressément indiqué que cette évaluation est faite sous réserve de mesurage, l’évaluation de 28 000 euros étant faite sur une base de 80 m² et selon les données fournies par l’EPF.

La cour d’appel entend en conséquence écarter les dispositions de l’article L 322-9 du code de l’expropriation comme demandé par les époux [G].

2. Sur l’évaluation du bien

En cause d’appel, les termes de comparaison versés aux débats par les appelants, sont les suivants, les surfaces pondérées retenues étant celles énoncées par Mme le commissaire du gouvernement qui n’ont pas fait l’objet d’observations :

1. immeuble à rénover sis [Adresse 4], cadastré section AT [Cadastre 1] vendu le 5 avril 2019, d’une surface pondérée de 92 m² pour un prix total de 50 000 euros, soit 543 euros le m²,

2. immeuble sis [Adresse 13], cadastré section AT [Cadastre 8] vendu le 3 avril 2017, d’une surface pondérée de 145,60 m2 pour un prix total de 45 000 euros, soit 309 euros le m²,

3. immeuble sis [Adresse 14], cadastré section AT [Cadastre 9] vendu le 28 décembre 2018, d’une surface pondérée de 163 m² pour un prix total de 67 5000 euros, soit 414 euros le m².

Cela donne une valeur moyenne de 422 euros.

Toutefois, compte tenu de l’état très dégradé de l’immeuble appartenant aux époux [G], tel que cela apparaît au procès-verbal de visite dressé par le juge de l’expropriation, par comparaison notamment aux immeubles voisins des [Adresse 13] et [Adresse 14] tels qu’ils apparaissent sur les photographies versées aux débats par l’autorité expropriante, sera retenue une valeur de 350 euros le m2.

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Sera par ailleurs retenue une superficie de 132 m² selon mesurage précis et correspondant aux exigences en matière de hauteur, toutes les superficies sous hauteur inférieure à 1,80 m du 2étage ayant été exclues, réalisé par M. [J] [K] géomètre expert à [Localité 17] (pièce 3 des appelants).

La valeur de l’immeuble sera de ce fait arrêtée à la somme de 46 200 euros, le jugement devant être infirmé de ce chef.

3. Sur les demandes accessoires

L’EPF, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel, et au paiement d’une indemnité de 3000 euros d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en date du 28 mai 2021 du juge de l’expropriation de Lille, sauf en ce qu’il a fixé à 28 000 euros le prix de l’immeuble sis [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11],

Statuant de ce chef infirmé,

Fixe à la somme de 46 200 euros le prix de l’immeuble sis [Adresse 3], cadastré section AT [Cadastre 11], propriété de M. [T] [G] et de Mme [A] [D],

Y ajoutant,

Condamne l’établissement public foncier des Hauts de France aux dépens,

Condamne l’établissement public foncier des Hauts de France à payer à M. [T] [G] et à Mme [A] [D] une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Rejette la demande d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile formée par l’établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais.

Le greffier La présidente

C. BERQUET H. CHÂTEAU

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