Cour d'appel de Grenoble, du 13 novembre 2003, 03/2058

  • Réglementation sur la sécurité des travailleurs·
  • Homicide et blessures involontaires·
  • Inobservation des règlements·
  • Chef d'entreprise·
  • Machine·
  • Travail·
  • Dispositif de protection·
  • Opérateur·
  • Polymère·
  • Procédure pénale

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Dans l’hypothèse d’un accident du travail résultant de la violation d’une règle d’hygiène et de sécurité par le chef d’entreprise, deux infractions distinctes peuvent être retenues à son encontre, qui donneront lieu, conformément à l’article L 263-2 du Code du travail, à un cumul de peines de même nature dans la limite du maximum légal le plus élevé. Ainsi, en ne mettant pas en uvre les prescriptions de l’article R 233-16 du Code du travail qui impose que le type d’équipement en cause, susceptible de causer des accidents par contact mécanique, soit protégé de telle façon que les opérateurs ne puissent pas atteindre la zone dangereuse ; l’employeur a commis une infraction à la réglementation du travail ; mais cette inobservation est également constitutive d’une faute caractérisée indirectement à l’origine des blessures subies par le salarié qui a eu les doigts écrasés, nécessitant leur amputation. En effet, l’accident est survenu parce que l’inaccessibilité aux éléments mobiles n’était pas assurée et que les protections en place étaient totalement inopérantes exposant ainsi l’utilisateur à un risque d’une particulière gravité (que ses mains soient entraînées par la machine), que l’employeur ne pouvait ignorer puisqu’un accident similaire s’était produit sur le même type de machine six mois avant et avait donné lieu à un rappel de la part de l’inspection du travail concernant la mise en conformité de ces équipements de travail

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 13 nov. 2003, n° 03/02058
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 03/2058
Importance : Inédit
Textes appliqués :
Code du travail L 263-2, R 233-16
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006943447
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Sur les parties

Texte intégral

DOSSIER N 03/00258-

ARRET N° ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2003 1ère CHAMBRE CORRECTIONNELLE COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Prononcé publiquement le JEUDI 13 NOVEMBRE 2003, par la 1ère Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d’un jugement du T. CORRECT. DE VALENCE du 12 NOVEMBRE 2002. PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : CECCON X… né le 21 Avril 1949 à BRIEY (54) de Maurice et de BALDUINI Aurélie de nationalité française, marié Directeur de développement demeurant

Immeuble le Galacté 1Bis rue des lieutenants Morin

42100 SAINT ETIENNE Prévenu, comparant, libre Appelant SIGNIFIE LE

A B1 le Finances le Ecrou le Grosse délivrée le Assisté de Maître MAILLAU Valérie, avocat au barreau de VALENCE, substitué par Maître BARTHELEMY, avocat au barreau de VALENCE, LE MINISTERE PUBLIC :

Appelant, DEVORT Jean-Marc, demeurant Rue des Ors – 26100 ROMANS SUR ISERE Partie civile, non appelant, comparant, assisté de Maître GRENIER Michel, avocat au barreau de VALENCE LES APPELS : Appel a été interjeté par : Monsieur CECCON X…, le 15 Novembre 2002 M. le Procureur de la République, le 15 Novembre 2002 contre Monsieur CECCON X…, DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l’audience publique du 16 OCTOBRE 2003, Monsieur VIGNY en son rapport ; l’avocat de la partie civile ainsi que le ministère public entendus, la défense ayant eu la parole en dernier, Le Y… a ensuite déclaré que l’arrêt serait

prononcé le 13 NOVEMBRE 2003. LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,

Par jugement en date du 12 novembre 2002, le tribunal correctionnel de VALENCE statuant : – sur l’action publique : a déclaré X… CECCON coupable d’avoir à BOURG DE PEAGE, le 5 mars 1999 : 1/ dans le cadre du travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l’espèce défaut de dispositifs de protection sur une machine à calandrer REPIQUET, involontairement causé à Jean-Marc DEVORT une atteinte à l’intégrité de sa personne ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel supérieure à trois mois, faits prévus et réprimés par les articles 222-19 al.1, 222-44, 222-46 du code pénal, L.263-2-1, L.263-2 al.2, al.3 du code du travail, 2/ enfreint les dispositions législatives et réglementaires en matière de sécurité du travail, notamment en ce qui concerne la protection des salariés travaillant sur des machines comportant des éléments mobiles, omis de s’assurer qu’un équipement de travail, en l’espèce une machine à calandrer de marque REPIQUET comportant des éléments mobiles, était protégé, commandé, équipé de façon telle que les opérateurs ne puissent atteindre la zone dangereuse, faits prévus et réprimés par les articles R.233-16, R.233-17, L.263-2, L.233-4, L.231-1, L.263-6 al.1 du code du travail, en répression l’a condamné à la peine d’un an d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende délictuelle de 1.000 euros, – sur l’action civile : a déclaré recevable la constitution de partie civile de Jean-Marc DEVORT, a déclaré X… CECCON entièrement responsable du préjudice subi par la partie civile, a condamné X… CECCON à payer à Jean-Marc DEVORT la somme de 380 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Il a été formé appel de ce jugement par X… CECCON et par le

procureur de la République.

X… CECCON qui allègue d’une délégation de pouvoir donné à Charles NERI, responsable de production, fait plaider sa relaxe.

Madame l’Avocat Général requiert la confirmation du jugement sans toutefois s’opposer à une diminution de la peine d’emprisonnement avec sursis.

Jean-Marc DEVORT conclut à la confirmation du jugement et sollicite une somme de 800 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais exposés devant la Cour.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

A – L’action publique :

Le 5 mars 1999, un accident de travail survenait dans l’entreprise CATY POLYMÈRE dont le P.D.G. était X… CECCON, dans les circonstance suivantes : Jean-Marc DEVORT avait été embauché le 13 janvier 1999 dans le cadre d’un C.D.D. en qualité d’opérateur de machine, affecté, au sein de l’atelier plaque, sur une machine à calandrer 3 cylindres, dont la fonction est de former des rouleaux de caoutchouc bruts en vue de produire des plaques destinées à la fabrication de semelles. Son travail consistait à alimenter la machine en matière brute et à récupérer les restes de caoutchouc à la fin de chaîne et à les remettre dans la machine à calandrer pour qu’il n’y ait pas de perte. Alors qu’il récupérait le caoutchouc restant en fin de chaîne, la matière collante s’est réintroduite d’elle-même dans la machine entraînant la main droite gantée du salarié entre deux des trois rouleaux.

Jean-Marc DEVORT a eu tous les doigts de la main droite écrasés, nécessitant leur amputation. Son I.T.T. a été supérieure à un an.

Aucune constatation matérielle n’a pu être faite le jour de l’accident dans la mesure où ni les services de police ou de gendarmerie, ni l’inspection du travail n’ont été immédiatement

informés (courrier du CHST à l’inspecteur du travail reçu le 8 mars 1999). Lorsqu’il s’est transporté dans l’entreprise le 12 mars 1999, l’inspecteur du travail a constaté que la machine à calandrer de marque REPIQUET sur laquelle s’est produit l’accident, se composait de trois rouleaux cylindriques à espacements réglables entre lesquelles la matière première était entraînée et homogénéisée de manière à produire des plaques de 6 mètres de large sur 10 mètres de long environ. Il constatait sur cette machine que les protections de la recette (pose de travail de la victime au moment de l’accident) étaient assurées par une barre de protection asservie au fonctionnement située à 1, 60 m de haut qui n’assure pas l’inaccessibilité aux cylindres de la calandre et par un câble latéral actionnant un contacteur électrique présentant un jeu de 10 à 20 cm qui n’empêche pas non plus l’opérateur d’accéder aux cylindres. Aux termes de l’article R.233-16 du code du travail, les équipements de travail mus par une source d’énergie autre que la force humaine, comportant des éléments mobiles concourant à l’exécution du travail et pouvant entraîner des accidents par contact mécanique, doivent être disposés, protégés, commandés ou équipés de façon telle que les opérateurs ne puissent atteindre la zone dangereuse.

Or, il est constant que d’une part l’inaccessibilité aux éléments mobiles n’était pas assurée et d’autre part, que les protections en place étaient totalement inopérantes.

Les délits de blessures involontaires dans le cadre du travail et d’emploi de salarié sur une machine comportant des éléments mobiles sans dispositifs de protection sont caractérisés.

X… CECCON, P.D.G. de la société CATY POLYMÈRES estime qu’il doit être déchargé de sa responsabilité pénale, ayant consenti une délégation de pouvoir à Charles NERI, responsable de la production

des presses et responsable du service entretien. Il produit à cet effet un avenant au contrat de travail de ce salarié daté du 14 septembre 1998.

Aux termes d’une jurisprudence constante, le chef d’entreprise ne peut être exonéré de sa responsabilité que s’il rapporte la preuve qu’il a délégué la direction à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence et de l’autorité ainsi que des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l’observation des dispositions légales en vigueur et qu’une telle délégation, en toute hypothèse, doit être expresse et dépourvue de toute ambigu’té.

En l’espèce outre le fait que lors de leurs auditions pendant l’enquête préliminaire ni X… CECCON ni Charles NERI n’ont fait allusion à une quelconque délégation de pouvoir, force est de constater qu’il n’est pas rapporté la preuve de ce que Charles NERI disposait de l’autorité et surtout des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l’observation des dispositions légales en vigueur.

Dans ces conditions le moyen exonératoire allégué par le prévenu sera rejeté et celui-ci déclaré coupable des faits reprochés.

En effet, en ce qui concerne le délit de blessures involontaires, il est établi qu’Alain CECCON a causé, en laissant cette machine sans dispositif de protection efficace, une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer dans la mesure où il est constant et non contesté qu’un accident similaire avait eu lieu le 10 septembre 1998 sur une machine de même type et où à la suite d’une visite de l’inspection du travail du 23 septembre 1998, X… CECCON avait reçu un courrier lui rappelant ses obligations en matière de mise en conformité de sécurité des équipements de travail.

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu le prévenu dans

les liens de la prévention.

La déclaration de culpabilité sera confirmée.

Il y a lieu, en répression de condamner X… CECCON à la peine de SIX mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 1.000 euros. Le jugement sera modifié en ce sens.

B – L’action civile :

Les dispositions civiles du jugement non autrement contestées s’agissant d’un accident du travail, seront purement et simplement confirmées y compris celle relative à l’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Il est équitable d’allouer à Jean-Marc DEVORT une somme complémentaire e 400 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais exposés devant la Cour.

PAR CES MOTIFS :

Recevant les appels comme réguliers en la forme,

Confirme le jugement en tant que déclaratif de culpabilité et en ce qu’il a condamné X… CECCON à une amende délictuelle de 1.000 euros,

Réformant pour le surplus de l’action publique,

Condamne X… CECCON à la peine de SIX mois d’emprisonnement avec sursis,

Confirme les dispositions civiles du jugement en leur intégralité,

Condamne en outre X… CECCON à payer à Jean-Marc DEVORT une somme complémentaire de 400 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale et le condamne aux dépens de l’action civile,

Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 120 ä résultant de l’article 1018 A du code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s’exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du code de procédure pénale,

Le tout par application des dispositions des articles susvisés,

COMPOSITION DE LA COUR, Y…

:

:

Madame Z…,

Madame A…, Ministère Public

:

Madame PICCOT Avocat Général. B…

:

Mademoiselle RAMOS. Le Y… et les deux assesseurs précités ont participé à l’intégralité des débats sur le fond et au délibéré. Conformément à l’article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale, l’arrêt a été lu par Madame Z…, en présence du Ministère Public. LE B…, LE Y…,

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