Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 16 novembre 2010, n° 08/02025

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 1re ch., 16 nov. 2010, n° 08/02025
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 08/02025
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grenoble, 5 mars 2008, N° 05/05686
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G. N° 08/02025

F.L.

N° Minute :

Grosse délivrée

le :

à :

SCP CALAS

SCP POUGNAND

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU MARDI 16 NOVEMBRE 2010

Appel d’un Jugement (N° R.G. 05/05686)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 06 mars 2008

suivant déclaration d’appel du 07 Mai 2008

APPELANTE :

Société A REFRACTAIRES poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour

assistée de Me COCHET, avocat au barreau de CHAMBERY substitué par Me GARLASCHELLI, avocat au même barreau

INTIMEE :

S.E.L.A.F.A. CABINET D’AVOCATS Z prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par la SCP Jean & Charles CALAS, avoués à la Cour

assistée de Me JEANTET, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Françoise Y, Président,

Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller,

Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,

Assistées lors des débats de Mme Hélène LAGIER, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Octobre 2010, Madame Y a été entendue en son rapport.

Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour.

La société A B, entreprise spécialisée dans la réfection des fours à métaux, avait pour conseil en matière juridique et fiscale, la société d’avocats Cabinet Z.

À l’occasion d’un litige avec un de ses salariés, X C-D, qui lui réclamait le paiement d’heures supplémentaires, la société A B a sollicité en janvier 2002 la société Cabinet Z qui a établi un projet de protocole transactionnel et une trame d’avenant au contrat de travail.

Le protocole et l’avenant au contrat de travail ont été signés le 20 février 2002 par la société A B et X C-D.

À la suite d’un arrêt de travail pour maladie professionnelle à compter 18 novembre 2003, X C-D a été licencié pour inaptitude.

Il a saisi le Conseil de Prud’hommes d’AIX-LES-BAINS qui a rendu le 31 août 2005 un jugement annulant la transaction et condamnant la société A B à payer à X C-D les sommes suivantes :

—  59.474,54 € au titre des heures supplémentaires,

—  5.947,45 € au titre des congés payés,

—  26.613,90 € au titre du repos compensateur.

Par acte du 6 décembre 2005 la société A B a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE la société Cabinet Z pour voir juger qu’elle a commis des fautes engageant sa responsabilité et la voir condamnée à lui payer la somme de 80.000 € en réparation de son préjudice.

Par jugement du 6 mars 2008 le tribunal a reconnu le manquement de la société Cabinet Z à son devoir de conseil et l’a condamnée à payer à la société A B la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société A B a interjeté appel de cette décision le 7 mai 2008.

Elle fait valoir que le protocole signé avec X C-D était manifestement nul, faute de concessions réciproques, puisque le salarié, en renonçant au paiement des heures supplémentaires n’obtenait qu’un avenant au contrat de travail qui même s’il lui accordait une promotion ne représentait pas un paiement des sommes réclamées ; elle ajoute que le protocole non seulement ne la garantissait pas pour le passé mais aggravait la situation pour l’avenir.

S’agissant de l’avenant au contrat de travail, la société A B fait grief à la société Cabinet Z de ne pas l’avoir alertée sur le caractère illicite de la situation et de ne pas lui avoir donné de conseil sur ses obligations légales en matière de paiement des heures supplémentaires et du repos compensateur ; en effet, elle a continué à régler à X C-D les heures supplémentaires effectuées sous forme de primes.

Elle assure que la société Cabinet Z a donné son accord sur la rédaction de l’avenant au contrat de travail et qu’elle a accordé à son salarié une promotion et une augmentation du salaire de base conformément à ce que son conseil lui avait prescrit.

Sur le fait qu’elle n’a pas interjeté appel du jugement rendu le 31 août 2005 par le Conseil de Prud’hommes, elle expose qu’elle a craint de devoir faire face à une demande d’indemnité pour travail dissimulé et à une remise en cause du licenciement pour inaptitude.

La société A B prétend que son préjudice est double puisque la faute de la société Cabinet Z l’a privée d’une chance de trouver un (meilleur) accord avec X C-D, d’autre part la situation s’est poursuivie sans qu’elle n’ait conscience des dangers qu’elle encourait du fait du non-respect des obligations légales.

Elle reprend sa demande en paiement de la somme de 80.000 € et sollicite une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— o0o-

La société Cabinet Z répond qu’elle est intervenue le 17 janvier 2002 de manière ponctuelle dans le dossier C-D à l’occasion d’une réunion de préparation d’un autre dossier, la facture de 5.000 Frs étant datée du 30 mai 2001.

Elle fait valoir que c’est bien parce qu’ayant été saisie à plusieurs reprises de réclamations de la part de X C-D, elle n’ignorait pas l’illégalité du paiement des heures supplémentaires sous forme de primes, que la société A B a recherché un accord avec le salarié, l’avocat n’étant chargé que de mettre en forme l’accord convenu.

Elle ajoute que c’est bien pour éviter la référence aux heures supplémentaires que le Cabinet Z avait rédigé une trame d’avenant que la société A B a modifiée sans lui en reparler en adoptant une rédaction qui avait pour effet de devoir décompter et régler des heures supplémentaires et payer un repos compensateur.

Elle ajoute qu’elle avait pris soin d’attirer l’attention de la société A B sur l’article 14 de l’accord de branche relatif à la définition du temps de travail en forfait jour, qu’elle lui avait joint le texte et lui avait précisé qu’elle restait à sa disposition pour lui apporter des précisions ou compléter les documents.

Elle conteste la poursuite par la société A B de ses errements passés.

Sur le protocole elle conteste l’analyse du tribunal qui a retenu que le jugement du Conseil de Prud’hommes n’avait pas de chance d’être infirmé par la Cour d’Appel : elle précise que le protocole du 17 février 2002 qui ne faisait que reprendre l’accord intervenu directement le 16 février 2002 entre les parties comporte bien des concessions réciproques : la société A B octroyait le statut de cadre à X C-D et fixait son salaire à une somme annuelle de 35.520 € légèrement supérieure à celle qu’il réclamait ; de son côté, le salarié renonçait à réclamer d’autres sommes au titre des heures supplémentaires en raison des primes qu’il avait reçues.

Elle prétend que la société A B qui a décidé de manière unilatérale de ne pas interjeter appel du jugement du Conseil de Prud’hommes, ne peut rechercher la responsabilité de son conseil.

À titre subsidiaire, la société Cabinet Z soutient qu’il n’y a pas de lien entre sa faute prétendue et le préjudice allégué ; d’une part la société A B a fait l’aveu judiciaire du bien fondé des demandes de X C-D au titre des heures supplémentaires, d’autre part, les sommes auxquelles elle a été condamnée postérieurement au 1er mars 2002 ne sont pas de son fait.

La société Cabinet Z demande à la Cour de rejeter les prétentions de la société A B et de la condamner à lui payer une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la rédaction du protocole,

Il n’est pas contesté que la société Cabinet Z n’a fait que rédiger le projet d’une transaction et ce en mettant en forme l’accord résultant de la réunion du 16 janvier 2002 entre employeur et salarié.

Cependant, même si elle n’était pas le conseil habituel en droit social de la société A B, la société Cabinet Z, chargée de la rédaction d’un protocole devant mettre fin au différend ancien soulevé par X C-D, a manqué à son obligation de conseil en ne rappelant pas à la société A B la règle selon laquelle il n’était pas possible de rémunérer les heures supplémentaires par le biais de primes et en préparant un projet de transaction qui encourait le risque de l’annulation.

À cet égard, le tribunal a justement rappelé que le protocole pouvait être annulé en raison de l’absence de concessions réciproques puisque X C-D en contrepartie de la renonciation au paiement des heures supplémentaires et au repos compensateurs dus pour le travail passé, n’obtenait qu’une promotion pour l’avenir, et décidé à bon droit qu’en cas d’appel le jugement du Conseil de Prud’hommes avait peu de chance d’être réformé.

Pour autant, la société A B n’indique pas quelle aurait été la nature du meilleur accord qu’elle aurait pu trouver avec son salarié ; en effet, en dehors de la promotion que celui-ci revendiquait et qu’elle lui avait refusée jusqu’à la transaction, il n’est pas certain qu’un autre accord ait pu être signé, X C-D ayant manifesté à plusieurs reprises sa volonté d’obtenir une promotion et de saisir l’Inspection du Travail ou le Conseil de Prud’hommes pour obtenir la reconnaissance de ses droits.

En conséquence, aucun préjudice n’est établi de ce chef.

Sur l’avenant au contrat de travail,

La société Cabinet Z a fait parvenir à la société A B, joints à son courrier du 25 janvier 2002, le projet de protocole transactionnel, la trame d’un avenant au contrat de travail et l’article 14 de l’accord de branche relatif à la définition du temps de travail en forfait jour.

Si ce courrier comportait en gras le fait que son signataire attirait l’attention de la société A B sur les exigences de l’accord du 29 janvier 2000 en ce qui concerne la rédaction du contrat de travail, la société Cabinet Z aurait dû plus spécialement mettre l’accent sur la nécessité de respecter la législation en matière d’heures supplémentaires et de repos compensateurs.

Il ressort du dossier que les conditions de rémunération des heures supplémentaires après la signature de l’avenant ont continué comme par le passé et ce, indépendamment du fait que la société A B ait modifié de sa propre initiative l’avenant soumis à X C-D en indiquant que le temps de travail serait décompté sur l’année non pas en jours, comme dans le projet, mais en heures.

Ainsi, le manquement de la société Cabinet Z à son devoir de conseil a fait perdre à la société A B une chance que la Cour évalue à 50 %, de rédiger un avenant au contrat de travail n’encourant pas la critique ni les réclamations postérieures de X C-D.

Le Conseil de Prud’hommes, dont la décision n’encourait pas la réformation, compte tenu de la position de la société A B, a alloué à X C-D pour la période postérieure à l’avenant les sommes de 7.944,57 € et de 794,45 €, au titre des heures supplémentaires et de 10.734,05 € au titre des repos compensateurs, au total 19.473,07 €.

Compte tenu du pourcentage de perte de chance reconnu, la somme de 10.000 € allouée par le Tribunal de Grande Instance à la société A B constitue une juste réparation de son préjudice.

Les circonstances de la cause ne justifient pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supportera ses dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Nouveau code de procédure civile,

Signé par Madame Y, Président, et par Madame LAGIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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