Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 4 octobre 2010, n° 10/01293

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc., 4 oct. 2010, n° 10/01293
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 10/01293
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Vienne, 14 février 2010, N° 09/00111
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RG N° 10/01293

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 04 OCTOBRE 2010

Appel d’une décision (N° RG 09/00111)

rendue par le Conseil de Prud’hommes de VIENNE

en date du 15 février 2010

suivant déclaration d’appel du 15 Mars 2010

APPELANT :

Monsieur A J-G B

XXX

XXX

Comparant et assisté par Me Cécile RITOUET (avocat au barreau de LYON)

INTIMEE :

La SARL AQUATIQUE SERVICE VIENNOIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

Secteur F, XXX

XXX

Représentée par Me Olivier GELLER (avocat au barreau de LYON) substitué par Me BROCHARD (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 30 Août 2010,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 04 Octobre 2010.

L’arrêt a été rendu le 04 Octobre 2010.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 10 1293 ES

A B a été engagé à compter du 16 novembre 2006 en qualité d’employé administratif par la SARL AQUATIQUE SERVICE VIENNOIS (la société A.S.V.) dont le gérant est son frère E B. Cette entreprise est spécialisée dans les travaux et interventions subaquatiques maritimes et fluviaux

Un litige a opposé les parties après qu’A B a fait l’objet d’un arrêt maladie à compter du 4 septembre 2008 jusqu’au 14 septembre 2008, arrêts qui ont été prolongés au moins jusqu’en 2009 et motivés par 'une maladie dépressive', 'une pathologie thymique secondaire à des troubles professionnels', 'un état dépressif réactionnel'.

Il n’a jamais repris son travail. Sa maladie a été prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de Lyon à compter du 4 septembre 2008 sous la qualification d’affection de longue durée.

Deux avertissements pour absences injustifiées lui ont été décernés les 20 octobre 2008 et 13 janvier 2009.

C’est dans ce contexte qu’A B a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne le 1er avril 2009 de diverses demandes de rappels de salaire, complétées en dernier lieu par une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement du 15 février 2010, le conseil de prud’hommes l’a débouté de sa demande de reconnaissance du statut de cadre mais a fait droit à ses demandes d’annulation des deux sanctions et de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et, en conséquence, a condamné la société A.S.V. à lui verser :

— indemnité compensatrice de préavis : 3.877,40 euros, plus les congés payés afférents,

— indemnité conventionnelle de licenciement : 969,36 euros,

— dommages et intérêts découlant de la résiliation du contrat de travail : 7.800 euros,

— indemnité pour frais irrépétibles : 500 euros.

Le conseil de prud’hommes a fixé la moyenne des salaires des trois derniers mois à 1.938,70 euros.

A B a relevé appel le 15 mars 2010, le jugement lui ayant été notifié le 19 février 2010.

Suite à deux examens médicaux de reprise passés le 1er et 16 mars 2010 devant un médecin du travail, il a été licencié pour inaptitude définitive à tout poste et impossibilité de reclassement par lettre datée du 14 avril 2010, dont le salarié indique sur son bordereau de communication de pièces qu’il ne l’a reçue que le 5 mai 2010. Une attestation destinée à l’Assedic a été établie le 5 juillet 2010.

Il demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il avait rejeté sa demande de reconnaissance au 1er janvier 2008 du statut de cadre B2 au sens de la convention collective des ingénieurs et cadres des entreprises de travaux publics et de condamner son ancien employeur à lui verser en conséquence :

—  7.960,74 euros de rappel de salaire minimal conventionnel, sur une base de 2.761,33 euros par mois, pour la période du 1er janvier au 3 septembre 2008, outre les congés payés afférents,

—  9.303,60 euros de complément conventionnel de salaire 'employeur’ pendant l’arrêt maladie,

—  14.892,00 euros au titre du régime des indemnités de l’institution de prévoyance du BTP pour la période du 3 décembre 2008 au 15 février 2010.

Egalement sous le bénéfice du statut de cadre, il sollicite la majoration suivante des sommes allouées en première instance :

—  8.284 euros, plus les congés payés afférents, au titre du préavis,

—  2.692,12 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Il sollicite subsidiairement la confirmation des sommes allouées.

Il réclame en outre :

— un solde de congés payés acquis pendant les périodes 2006 à 2008 soit 4.623,33 euros (si le statut de cadre lui est reconnu) ou subsidiairement 3.246,19 euros,

— la somme de 28.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— le complément de salaire versé par PRO BTP à son employeur auquel il reproche de l’avoir indûment retenu : 5.167,52 euros,

— une indemnité de 2.500 euros pour frais irrépétibles.

Il demande enfin l’annulation des bulletins de salaires 2006 à 2010 établis le 18 avril 2010, la remise d’un bulletin rectifié et la possibilité de ressaisir la cour en cas de difficultés.

Au soutien de sa demande de requalification, il fait valoir qu’il était chargé de la gestion et de la planification des chantiers, des relations avec les banques, les clients et les fournisseurs et qu’il assurait la représentation en justice de la société, le tout de manière qu’il qualifie de très autonome.

Au soutien de son action aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, il invoque les torts suivants qu’il attribue à son employeur :

— une modification unilatérale de sa rémunération le 1er août 2008 (1.500 euros au lieu de 1.938 euros) et la remise de bulletins de salaire erronés notamment sur le maintien conventionnel du salaire,

— le versement tardif et incomplet des salaires à partir de mars 2008,

— l’absence de cotisation de l’employeur à un service de médecine du travail,

— le retard dans la délivrance des renseignements nécessaires au versement des indemnités journalières,

— l’absence de versement de complément de salaire pendant l’arrêt maladie et la retenue des 5.167,52 euros versés par l’organisme PRO BTP au titre du complément conventionnel de son salaire,

— des avertissements injustifiés.

La SARL A.S.V. demande à la cour d’infirmer le jugement, d’ordonner une compensation judiciaire entre créances réciproques et de condamner A B, dans la limite de la quotité saisissable du salaire, à lui reverser une somme de 3.474,90 euros nets outre une indemnité pour frais irrépétibles.

Elle conteste les demandes et les griefs point par point et invoque en tout cas leur absence de gravité suffisante pour justifier une résiliation aux torts de l’employeur. Elle fait valoir en particulier :

— que c’était A B qui avait unilatéralement augmenté son salaire le 1er janvier 2008 ont donnant directement un ordre en ce sens au cabinet mandaté pour tenir la comptabilité de l’entreprise,

— qu’en raison de la solidarité familiale, son frère E B, gérant de la société, avait accepté le mois suivant le principe d’une augmentation mais limitée à 1.500 euros bruts et avait arrêté le versement d’une somme supplémentaire au titre de frais car ceux-ci étaient injustifiés,

— que la plupart des tâches administratives de l’entreprise étaient confiées à ce cabinet comptable et qu’A B ne répondait pas aux exigences conventionnelles du statut de cadre (absence de tout diplôme, absence de toute expérience dans le domaine revendiqué et absence de direction de subordonnés),

— qu’A B avait adopté un comportement (alcoolisme) qui lui avait valu des remarques et qui aurait pu justifier son licenciement puis n’avait pas transmis en temps utile certains arrêts de travail.

Elle reconnaît avoir conservé les compléments de salaire employeur versés par PRO BTP de septembre 2008 à février 2010 mais invoque un trop perçu résultant d’avances sur salaire consenties en 2006, 2007 et au premier semestre 2008 pour un total qu’elle chiffre à 10.635,57 euros nets.

Elle conteste le calcul des 14.892 euros.

Sur quoi :

Attendu qu’aucun contrat de travail écrit n’a été signé entre les parties mais seulement un certificat de travail avec un salaire mensuel de 1.500 euros ;

Que les premiers bulletins de salaire remis par l’employeur à A B mentionnaient une position d’employé administratif niveau A et le versement d’un salaire mensuel de base de 1.302,08 euros ;

Qu’à partir du 1er janvier 2008, ces bulletins de salaire avaient mentionné l’emploi de 'responsable administratif', la classification étant demeurée au niveau A ;

Que le bulletin de janvier 2008 mentionnait un salaire de base porté à 1.938,70 euros complété par une somme de 500 euros à titre de remboursement de frais ;

Que celui de février 2008 mentionnait un salaire de base de 1.500 euros et le remboursement de 500 euros de frais puis qu’à partir du bulletin de mars 2008, le salaire de base était resté à 1.500 euros sans aucun remboursement complémentaire de frais ;

Attendu que la société A.S.V. ne produit aucun élément de nature à démontrer qu’A B aurait effectivement donné un ordre ou aurait adressé une demande au cabinet d’expertise comptable chargé de l’établissement de la paye, pour augmenter son propre salaire et le porter à 1.938,70 euros à partir du mois de janvier 2008 ;

Qu’en particulier, l’intimée produit une attestation en date du 4 décembre 2009 émanant d’un membre du cabinet de l’expert comptable C D, qui indique seulement qu’il était chargé de l’établissement des fiches de paie et des bordereaux de charges sociales, que les documents comptables et état préparatoires à l’établissement des fiches de paye lui étaient remis par A B et que d’ailleurs, compte tenu des retards répétés de transmission des documents par l’intéressé, le cabinet n’avait pas pu remplir correctement sa mission et y avait mis fin en juin 2008 ;

Mais que ce cabinet comptable ne précise pas qu’A B lui aurait transmis un quelconque état préparatoire faisant mention d’un salaire porté à 1.938,70 euros pour lui-même ;

Attendu que l’intimée ne rapporte pas la preuve que le salaire de janvier 2008 avait été rectifié le mois suivant ; que d’ailleurs aucun bulletin rectificatif n’apparaît avoir été rédigé avant l’engagement de la présence procédure contentieuse et qu’aucune explication écrite n’apparaît avoir été fournie au salarié à propos de ces modifications successives ;

Attendu que l’employeur invoque le versement à A B d’avances sur salaire ; qu’il produit certains relevés du compte chèque postal de la société et même du CCP personnel du gérant retraçant les mouvements des juillet 2007, septembre 2007 ainsi que de janvier à mars 2008 ; que sur ces relevés, figurent des mentions manuscrites telles que 'salaire henry’ ou 'salaire henry + avance’ en face de certains débits de chèques ;

Mais attendu que ces éléments, non étayés par des attestations du comptable de l’entreprise, sont dépourvus de toute valeur probante ; que d’ailleurs aucun des montants ne correspond à ceux des salaires nets à payer mentionnés sur les bulletins de paye ;

Qu’aucun des bulletins de salaire remis par l’employeur à son salarié avant le licenciement, au titre des années 2006 à 2008, ne mentionne le versement d’une quelconque avance sur salaire, à l’exception unique du bulletin de janvier 2007 qui fait état d’un acompte de 1.200 euros ;

Attendu qu’au surplus, d’autres documents de l’employeur, émis en avril 2010 et ci-après analysés, nourrissent la plus grande ambiguïté ou confusion sur cette question des avances puisque sur l’un de ces documents concernant l’année 2006 il est question non seulement d’une avance mais aussi d’un prêt de 3.000 euros ;

Attendu que dans une lettre du 6 octobre 2008, le gérant de la société A.S.V. invoquait l’existence d’avances régulières sur le revenu mensuel de son frère mais n’en précisait toutefois pas le montant ni les dates de versement ; que dans une correspondance du 24 octobre 2008, le salarié contestait ces avances régulières ;

Que ces avances n’ont été précisées et chiffrées que postérieurement à l’engagement de la procédure et même postérieurement au licenciement survenu en 2010 ; qu’il résulte des énonciations du jugement du 15 février 2010 du conseil de prud’hommes de Vienne que la société ASV avait sollicité le remboursement des avances mais n’avait pas chiffré sa demande ;

Qu’elles n’ont été détaillées que dans des documents datés du 18 avril et du 25 mai 2010, établis par l’employeur et envoyés au salarié postérieurement au licenciement, pour tenter de justifier :

— un bulletin de salaire de mars 2010 faisant état d’un net à payer négatif de 8.984,78 euros, solde négatif apparemment déterminé notamment par 12.793,84 euros de prétendu acomptes (1.490,83 euros en 2006, 5.445,41 euros en 2007 et 5.857,60 euros en 2008 selon le détail porté sur ce bulletin de salaire de mars 2010),

— deux bulletins de salaire pour juin et juillet 2010 faisant état d’un net à payer négatif de respectivement 6.970,94 euros et 6.596,55 euros, net à payer déterminé apparemment par des 'reports net à payer’ de 10.979 euros et de 6.970,94 euros ;

Attendu que ces documents des 18 avril 2010 et 25 mai 2010 font état de versements de certaines sommes à titre d’avance, globalisées par année sans le détail des dates et des supposés versements ;

Que les montants des sommes résultant de ces documents, considérées comme restant à la charge du salarié (4.490,83 euros pour 2006, 3.954,58 euros pour 2007, 4.827,28 euros pour 2008, 6.209,70 euros pour 2009) ne correspondent d’ailleurs pas aux valeurs indiquées sur les bulletins de salaire de mars 2010 et de juin 2010 et qu’aucun élément d’un éventuel calcul de valeurs nettes de charges n’est produit pour tenter d’expliquer ces différences ;

Que les calculs faits par l’employeur entre avril et juillet 2010 sont également différents de ceux contenus dans les conclusions déposées par la société au soutien de ses observations orales devant la cour pour tenter de motiver sa demande de répétition d’une somme qu’elle a chiffrée en dernier lieu à la somme nette de 10.635,57 euros ;

Que l’intimée s’abstient dans ses conclusions de s’expliquer sur les documents qu’elle a pourtant elle-même établis en 2010 et qui ont été régulièrement versés aux débats par l’appelant, ce qui ajoute à la confusion, ruine la crédibilité de ses moyens et enlève tout fondement au chef de demande concernant ce qu’elle qualifie d’avance sur salaires ;

Attendu que dès lors, le versement invoqué de sommes en dehors des bulletins de salaires ne peut être considéré comme ayant un rapport avec la relation de travail, qui plus est dans le contexte de liens familiaux entre le gérant de la société ASV et le salarié ;

Qu’il s’ensuit, d’une part, que l’argument des avances sur salaire ne peut être opposé de manière opérante aux griefs tenant à la réduction unilatérale et au retard dans le paiement du salaire, d’autre part, que les demandes de répétition et ou de compensation avec une prétendue créance de la société A.S.V. sur son salarié sont infondées ;

Attendu qu’il se déduit en revanche des éléments de la cause qu’après avoir consenti à son salarié une augmentation de son salaire de base en janvier 2008, l’employeur a unilatéralement réduit le salaire mensuel de base de 1.938,70 – 1.500 = 438,70 euros à partir de février 2008 ;

Attendu qu’il n’est pas contesté qu’A B n’encadrait aucun salarié, l’effectif de l’entreprise étant composé en tout et pour tout de quatre salariés dont trois scaphandriers ;

Que par conséquent, au regard des termes des accords de classification annexés à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres des entreprises de travaux publics, il n’y a pas lieu de rechercher l’activité effective d’A B dans 'la voie'… 'où prédomine le management des hommes’ selon la terminologie conventionnelle mais seulement dans la seconde voie 'où prédomine la fonction d’expertise poussée à un très haut niveau’ ;

Attendu qu’il y a lieu de constater qu’A B estime relever d’une classification élevée, c’est à dire supérieure non seulement à celle des cadres de la catégorie A position 1 et 2 (cadres débutants) mais également à celle des cadres de la catégorie B1, qui comprend notamment les ETAM promus cadres qui notamment grace à leur expérience peuvent remplir les critères de prise en charge de problèmes variés ;

Qu’il estime en conséquence être un cadre confirmé, exerçant des fonctions d’expert, prenant en charge des problèmes de nature complexe, doté d’une expérience lui permettant d’aborder ses fonctions avec plus de hauteur toujours au sens des mêmes définitions conventionnelles ;

Attendu que le curriculum vitae d’A B, communiqué par l’employeur, fait apparaître l’acquisition entre 1982 et 1992 d’une expérience de maître X et d’animateur de piscine au service de collectivités territoriales ; qu’il a exercé pendant les étés 1994 et 1995 la direction d’une piscine ; qu’il a ensuite exercé les fonctions de cadre sportif indépendant dans un centre nautique ; qu’il ne justifie pas de la possession d’éventuels diplômes (le CV fait état de la fréquentation de l’Institut d’Etude Politiques de Lyon mais ne précise pas l’obtention du diplôme) qui justifieraient la classification revendiquée, ni de la possession d’une éventuelle expérience de prise en charge des problèmes de nature complexe dans des fonctions de cadre administratif susceptible, en l’absence de tels diplômes, de justifier la classification revendiquée ;

Attendu que par ailleurs A B ne produit que des éléments extrêmement épars et isolés sur la réalité de ses fonctions dans la société de son frère ; qu’il ne produit aucun exemple de planning de chantiers ou de planning de contrats qu’il aurait réalisés ;

Attendu qu’il invoque ses interventions pour la vente du fonds de commerce des établissements Bonsieri à la société A.S.V. ; que l’acte a été signé non par lui mais par le gérant de la société et qu’il résulte des propres pièces du salarié que l’avocat du vendeur de ce fonds avait écrit les 18 et 27 juin 2008, à propos du projet de compris, deux lettres adressées non seulement à A B mais aussi à E B, ce qui démontre que le salarié n’était pas seul en charge de ce dossier et qu’il ne le traitait pas de manière autonome ;

Que le fait pour A B d’avoir visité le 27 mai 2008 le centre de recherches du service de santé des armées à La Tronche en qualité de représentant de la société A.S.V. ne permet d’en tirer aucune conséquence quant au niveau de qualification conventionnel revendiqué, l’existence de relations contractuelles entre la société qui l’employait et ce centre étant ignorée;

Que la circonstance qu’une procuration a été donnée à date ignorée par le gérant de la société à A B en qualité de responsable administratif pour agir au nom de la société A.S.V. dans le cadre du contrat de cession de créance conclu le 15 juin 2007 avec l’établissement d’affacturage 'Fonds Commun de Créances Y Z', est insuffisant pour établir l’effectivité d’une fonction de cadre B2 ;

Que la circonstance selon laquelle il aurait été mandaté pour représenter la société auprès des juridictions et il aurait eu la charge de dossiers juridiques de l’entreprise ne repose que sur ses seules affirmations contenues dans sa réclamation écrite du 24 octobre 2008 ;

Attendu que ces éléments épars sont d’ailleurs contredits par ceux produits par la partie adverse (attestations de Chokri REGHIS gérant d’une entreprise de maintenance et de vente informatique, d’un représentant du syndicat patronal auquel E B déclare appartenir, G H, attestations du sous-traitant Ramazan YILMAZ et d’un certain Jellal ELEARNI) dont il résulte que le gérant E B conservait un rôle dans la gestion des commandes, le suivi des chantiers et des sous-traitants et que le rôle de A B était de répondre au téléphone sans prise d’ordre ou de décision ; que le témoin G H déclare avoir dû terminer des conclusions pour le tribunal de commerce sur lesquelles travaillait A B ;

Que le salarié n’établissant pas avoir exercé des responsabilités relevant de la classification revendiquée, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits qui leur étaient soumis en le déboutant de toutes ses demandes rattachées à ce chef de prétention;

Attendu qu’en revanche, il résulte des réclamations écrites adressées par le salarié à son employeur les 15, 17 et 24 septembre 2008, 6 et 24 octobre 2008 et 27 avril 2009 que:

' son salaire de mars 2008 n’a été payé que le 30 avril 2008,

' son salaire de juillet 2008 n’a été payé que le 5 septembre 2008, après la remise d’un chèque du 11 août 2008 rejeté une première fois par la banque le 13 août 2008 comme impayé et honoré seulement lors de la seconde présentation en septembre,

' son salaire de septembre 2008 n’a été payé que le 14 octobre 2008,

' son salaire d’août 2008 n’a été payé que le 8 octobre 2008 et d’ailleurs partiellement, à savoir 733,72 euros net, en raison non seulement de la réduction de salaire litigieuse mais aussi d’une retenue supplémentaire pratiquée ce mois là par l’employeur, qui avait considéré que son salarié avait été en absence injustifiée du 20 au 31 août 2008 ;

Qu’A B produit les relevés de son propre compte bancaire corroborant les dates d’encaissement de sommes correspondant aux sommes nettes à payer figurant sur les bulletins de salaire des mois litigieux d’août et septembre 2008 ;

Que ses relevés permettent aussi de constater qu’un chèque de 2.000 euros a bien été rejeté pour absence de provision suffisante en août 2008 ; qu’en admettant que ce chèque comprenne le salaire net de 1.163,20 euros de juillet, il n’en demeure pas moins que la partie salariale n’a pas été réglée en temps utile ;

Que l’employeur ne produit pas d’autre preuve, sur la question du paiement effectif de ces quatre salaires litigieux, que les propres relevés bancaires de son adversaire car les relevés du CCP de la société, déjà cités, ne sont produits aux débats que de manière sélective et s’interrompent précisément au 19 mars 2008, ne permettant pas à la cour de vérifier comment l’employeur avait réglé les salaires du mois de mars 2008 et des mois suivants ;

Que le 6 octobre 2008, l’employeur a répondu aux observations d’A B que le salaire d’août avait été viré sur le compte du salarié mais sans en préciser la date ;

Attendu que par ailleurs, A B avait fait observer les 6 novembre 2008 et 21 décembre 2008 à son employeur que la période ayant donné lieu à retenue sur le salaire d’août correspondait à des congés payés, avait fait état à cette occasion d’un solde de congés non pris acquis au cours des périodes de 2007 à 2008 et du fait qu’il avait pris avec l’accord verbal de son employeur 12 jours de congés payés en 2007 et seulement 9 jours en 2008 ;

Que l’employeur ne justifie pas des dispositions qu’il avait lui-même prises en application du code du travail pour fixer l’ordre et la date des départs en congés de son personnel, dont A B, en 2008 ;

Que la retenue litigieuse d’août 2008 ne s’explique pas par des congés qu’aurait pris le salarié de sa propre initiative en septembre 2008, comme le soutient la société intimée et dont il serait question dans la pièce 4 de l’intimée (mail du membre du cabinet comptable) mais bien de congés pris au cours du mois précédent ;

Qu’il sera en conséquence fait droit à la demande de rappel de salaire du mois d’août 2008 dans la limite de 1.938,70 – 946,17 = 992,53 euros bruts ;

Attendu que la déclaration de salaire prévue à l’article R.323-10 du Code de la sécurité sociale et destinée à la caisse primaire d’assurance maladie, en vue de la détermination du montant de l’indemnité journalière, a été réclamée par le salarié à son employeur le 17 septembre 2008, n’a été établie par ce dernier que le 2 octobre 2008 et adressée par lettre postée le 4 octobre 2008 soit un mois après l’arrêt maladie ayant débuté le 4 septembre 2008 ;

Que dans une lettre du 6 octobre 2008, l’employeur avait reconnu que 'le problème CPAM (avait été) régularisé ce jour’ alors que dans sa lettre de réclamation du 24 septembre 2008, A B lui avait observer que le traitement de son dossier par la caisse primaire d’assurance maladie avait été bloqué ;

Attendu que l’institution de prévoyance PRO BTP a attesté le 6 avril 2010 qu’A B avait ouvert droit du 3 décembre 2008 au 28 février 2010 à 5.167,52 euros d’indemnités journalières au titre du régime BTP-PREVOYANCE ;

Que dans ses conclusions déposées au soutien de ses observations devant la cour, la société A.S.V. reconnaît devoir à l’appelant 1.799,36 euros brut au titre du maintien du salaire pendant 90 jours, reconnaît devoir 5.167,52 euros brut soit 4.805,80 euros net de CSG CRDS au titre des indemnités de prévoyance versées par PRO BTP ; que le principe d’un non-respect des dispositions conventionnelles et contractuelles est donc reconnu par l’employeur, même si les parties s’opposent sur le chiffrage ;

Qu’eu égard au statut non cadre d’A B mais de la modification salariale décidée en janvier 2008, il sera fait droit à la demande de complément de salaire formulée pour la période postérieure au 3 septembre 2008 seulement dans la limite de la somme brute de 5.884,26 euros pour la partie à la charge de l’employeur et de 5.167,52 euros pour la retenue indue des sommes versées par le régime de prévoyance soit en tout 11.051,78 euros;

Attendu qu’A B a fait l’objet de deux avertissements notifiés par l’employeur les 20 octobre 2008 et 13 janvier 2009 pour ne s’être pas présenté à son travail depuis respectivement le 16 octobre 2008 et le 5 janvier 2009 ;

Attendu que toutefois, A B produit une chaîne d’avis d’arrêts de travail composée de la prescription initiale de repos du 4 septembre 2008 et de douze prolongations jusqu’au 30 juillet 2009 ;

Que c’est ainsi que le 16 octobre 2008, son médecin traitant lui a délivré un avis de prolongation d’arrêt de travail du 30 septembre 2008 au 15 octobre 2008 puis qu’un nouvel avis de prolongation a été établi le jeudi 16 octobre 2008 jusqu’au 31 octobre 2008, cet avis ayant été expédié à la société A.S.V. le 16 octobre 2008 par le salarié au vu du cachet de la poste figurant sur l’enveloppe produite par l’employeur ;

Que de même, son médecin a établi le 28 novembre 2008 un arrêt de travail jusqu’au 5 janvier 2009 puis le mardi 6 janvier 2009 une prolongation jusqu’au 15 janvier 2009 ;

Qu’ainsi, la chaîne des arrêts ne s’est trouvée rompue que pendant quelques heures; que l’employeur ne conteste pas avoir été rendu destinataire des arrêts non litigieux et n’établit pas qu’à la date où il avait notifié les avertissements il n’était toujours pas en possession du justificatif pour les deux dates litigieuses ; que dans ce contexte, le décalage de moins d’une journée ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de sanction ;

Attendu que certes A B ne forme pas de demande spécifique de rappel de salaire au titre de la réduction unilatérale litigieuse, sa demande d’une somme de 7.960,74 euros sur la période de janvier 2008 au 3 septembre 2008 ne résultant que de sa revendication en terme de classification conventionnelle et affirme avoir été payé (sauf pour août 2008) sur une base de 1.938,70 euros par mois ;

Mais que la pratique invoquée par l’employeur du versement de sommes d’un montant plus élevé que celles figurant sur le bulletin paie constitue pour le moins un procédé non conforme aux dispositions légales et soumettait le salarié au complet arbitraire de son employeur ;

Attendu qu’en fin de compte, A B établit au moins l’existence matérielle des manquements suivants :

— une notification de deux sanctions injustifiées,

— une réduction unilatérale, à partir de février 2008, de la rémunération portée sur ses bulletins de salaire,

— un retard réitéré dans le paiement de ses salaires à partir de juillet 2008,

— un retard dans la délivrance de l’attestation de salaire nécessaire au règlement des indemnités journalières maladie,

— une retenue injustifiée par l’employeur de sommes, versées par l’organisme PRO BTP au titre du maintien de salaire pendant l’arrêt maladie, ayant vocation à être reversées au salarié,

— une absence de paiement de la totalité des sommes dues au titre du maintien de salaire pendant 90 jours, le tout en dépit des réclamations du salarié ;

Attendu que la cour rappelle le caractère alimentaire du salaire ;

Attendu que ces six catégories de faits réunies, affectant presque toutes la rémunération du salarié, constituent à elles seules, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués par le salarié, un manquement de l’employeur suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, laquelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que la date de cette résiliation sera fixée au 14 avril 2010, date d’envoi de la lettre de licenciement ;

Attendu qu’en fonction des éléments de la cause, il y a lieu de confirmer le jugement sur les montants d’indemnité compensatrice de préavis (1.938,70 euros X 2 = 3.877,40 euros plus les congés payés afférents) et de l’indemnité conventionnelle de licenciement (969,36 euros dans les limites de la demande subsidiaire) ;

Que la cour est en mesure de fixer l’indemnité compensatrice des congés payés acquis par le salarié et non pris en raison de la résiliation judiciaire à 1.992,49 euros ;

Attendu qu’au regard de la courte ancienneté d’A B, du préjudice dont il justifie, apprécié lui-même à la lueur des circonstances de l’espèce, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront plus justement fixés à 1.000 euros ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de l’appelant ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a mis à la charge de la société AQUATIQUE SERVICE VIENNOIS le paiement d’une somme de 7.800 euros et a débouté A B d’une partie de ses demandes à caractère salarial ;

Confirme les autres dispositions du jugement déféré ;

Ajoutant :

— fixe au 14 avril 2010 la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail, date d’envoi de la lettre de licenciement,

— condamne la société AQUATIQUE SERVICE VIENNOIS à verser à A B :

'1.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage consécutif à la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 992,53 euros bruts à titre rappel de salaire du mois d’août 2008,

' 11.051,78 euros bruts à titre de complément de salaire et d’indemnités de prévoyance,

' 1.992,49 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés acquis non pris;

Annule les bulletins de salaire établis par la société A.S.V. à compter du 18 avril 2010 et ordonne à l’intimée de délivrer à A B un bulletin de salaire conforme aux dispositions du présent arrêt ;

Condamne la société AQUATIQUE SERVICE VIENNOIS à verser à A B une indemnité de 1.500 euros par application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute A B du surplus de ses demandes et rejette celles de la société A.S.V.

Condamne la société A.S.V. aux dépens.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 4 octobre 2010, n° 10/01293