Cour d'appel de Grenoble, 29 octobre 2013, n° 11/03247

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 29 oct. 2013, n° 11/03247
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 11/03247
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Valence, 9 mai 2011, N° 08/00339

Texte intégral

R.G. N° 11/03247

DF

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

la SCP GRIMAUD

copie SCP CALAS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU MARDI 29 OCTOBRE 2013

Appel d’un Jugement (N° R.G. 08/00339)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 10 mai 2011

suivant déclaration d’appel du 07 Juillet 2011

APPELANTE :

Association STADE VALENTINOIS DE TIR AUX PLATEAUX -SVTP- poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par Me Charles CALAS de la SCP CALAS Jean et Charles en qualité d’avoués à la Cour jusqu’au 31 décembre 2011 puis par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocats au barreau de GRENOBLE, constitués en remplacement, postulant et par Me SAUVAIN, avocat au barreau de PARIS – entendu en sa plaidoirie

INTIMES :

Madame B-C D épouse X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée par Me Alexis GRIMAUD en qualité d’avoués à la Cour jusqu’au 31 décembre 2011 puis en qualité d’avocats au barreau de GRENOBLE, et par Me Lionel BRARD, avocat au barreau de VALENCE – entendu en sa plaidoirie

Monsieur Z X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée par Me Alexis GRIMAUD en qualité d’avoués à la Cour jusqu’au 31 décembre 2011 puis en qualité d’avocats au barreau de GRENOBLE, et par Me Lionel BRARD, avocat au barreau de VALENCE – entendu en sa plaidoirie

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Dominique FRANCKE, Président

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Lydie HERVE, greffier,

DEBATS :

A l’audience publique du 01 Octobre 2013,

Madame D. JACOB a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

L’association STADE VALENTINOIS DE TIR AUX PLATEAUX (SVTP) occupe, depuis le 1er juillet 1971, un terrain sur la commune de Pont de l’Isère sur lequel ses membres pratiquent le tir aux plateaux.

Z X et B-C D épouse X ont acquis en 1988 une maison d’habitation et un terrain attenant, situés à faible distance du stand de tir.

Se plaignant des nuisances sonores engendrées par cette activité et de leur aggravation après l’édification d’un merlon anti-bruit destiné à préserver la rive gauche de l’Isère, les époux X ont, par acte du 18 décembre 2007, assigné l’association SVTP devant le tribunal de grande instance de Valence.

Le tribunal a ordonné une mesure d’expertise confiée à M. Y qui a déposé son rapport le 26 mars 2010.

Par jugement du 10 mai 2011 le tribunal a :

— dit que les conditions actuelles d’exercice de l’activité sportive de tir aux plateaux pratiquée par les membres de l’association SVTP causent aux époux X des troubles anormaux de voisinage,

— condamné l’association SVTP à édifier, dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé ce délai, un écran anti-bruit de type autoroutier d’une hauteur minimale de 5 mètres, qui devra être implanté entre le stand de tir et la propriété des époux X, sur toute la longueur des fosses de tirs A, B, C et D, suivant les préconisations et le plan établis par l’expert judiciaire M. Y (pages 18 et 19 de son rapport d’expertise),

— dit que la création de cet écran devra en outre être complété par l’isolement des ouvertures pratiquées dans les murs arrières des fosses,

— condamné l’association SVTP à payer aux époux X la somme de 13.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi à ce jour,

— débouté les époux X du surplus de leurs prétentions,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné l’association SVTP à payer aux époux X la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire.

L’association SVTP a interjeté appel de cette décision le 7 juillet 2011. Par conclusions signifiées le 2 février 2012, elle demande à la cour de :

— infirmer le jugement,

— à titre principal, débouter les époux X de leurs demandes,

— subsidiairement, débouter les époux X de toute demande de suspension de l’exploitation de l’association SVTP,

— en tout état de cause, rejeter les demandes de dommages et intérêts,

— condamner solidairement les époux X à lui verser 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que :

— depuis son installation, le 1er juillet 1971, à Pont de l’Isère, la concession a été régulièrement renouvelée et ce, pour la dernière fois le 7 août 2006, jusqu’au 31 décembre 2023,

— le stand de tir est ouvert à l’entraînement tous les samedis de 14 heures à 19 heures, de mi-janvier à mi-septembre, et le premier dimanche après midi des mois d’octobre, novembre et décembre, soit 27 jours par an,

— les installations comportent 4 fosses universelles et le nombre d’adhérents varie de 130 à 150,

— la maison des époux X est située à XXX.

Elle fait valoir que :

— le stand de tir respecte la réglementation en vigueur, ce que l’expert judiciaire a constaté,

— dès lors, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, le respect de la norme réglementaire emporte l’absence de trouble anormal de voisinage et de gêne,

— subsidiairement, le rapport d’expertise est critiquable en ce qui concerne les valeurs retenues pour le bruit résiduel et l’augmentation du bruit par l’édification du merlon,

— l’édification du merlon a permis de diminuer d’environ 6,8 décibels le niveau sonore des bruits de tir chez les époux X,

— les indemnités réclamées ne sont pas justifiées par des éléments probants, étant observé que les époux X ont quitté les lieux début juin 2009 et mis leur maison en vente,

— l’édification d’un écran anti-bruit, tel que décidé par le tribunal, représente une dépense de 600.000 euros qui correspondrait à plus de 113 années de son bénéfice de l’année 2010.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 1er juillet 2013, les époux X demandent à la cour de :

— confirmer le jugement,

— leur donner acte qu’ils réservent la question du préjudice de jouissance subi depuis le 10 mai 2011 ainsi que celui afférent à la dépréciation de leur immeuble,

— condamner l’association SVTP à leur payer 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Ils font valoir que :

— le merlon qui a été édifié en forme de parabole de 190 mètres de long sur 13 mètres de haut, en octobre 2006, pour protéger du bruit les habitants de la commune de Chateauneuf sur Isère, a eu pour effet collatéral de réfléchir le bruit des tirs en direction de leur propriété et a ainsi aggravé leur situation, comme l’a constaté l’expert judiciaire,

— la mesure ordonnée par le tribunal est adaptée et proportionnée aux troubles subis.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées.

Il est de principe que 'nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage'.

L’action en réparation pour trouble anormal de voisinage impose que soit démontrée l’anormalité du trouble allégué. Elle est indépendante de toute faute ou infraction à une disposition réglementaire ou administrative.

Dès lors, la constatation objective d’un trouble, pourvu qu’il présente une certaine permanence ou un caractère répétitif, suffit à entraîner la responsabilité et à justifier la demande de réparation.

Il résulte des attestations versées aux débats et non discutées par l’appelante que, comme l’a retenu le tribunal, les bruits de tir sont 'gênants, agressifs, cinglants, infernaux, répétitifs, insupportables’ depuis la création du merlon.

L’aggravation alléguée de la nuisance sonore liée au phénomène d’écho et au caractère répétitif des tirs est confortée par les constatations de l’expert judiciaire qui indique, qu’après avoir consulté les parties sur le choix de la base technique sur laquelle s’appuyer pour déterminer le trouble particulier, il a, en l’absence d’éléments de leur part, proposé de fonder sa réponse sur l’avis n° 2 de la commission du bruit du Ministère de la Santé Publique.

L’association SVTP n’est donc pas fondée à critiquer, en cause d’appel, les valeurs retenues par l’expert.

Celui-ci a retenu comme niveau de bruit résiduel, celui du niveau sans véhicules, soit 38,9 décibels, et comme gênant le bruit qui émerge de plus de 5 décibels le jour.

Les mesures qu’il a effectuées montrent un dépassement du niveau maximum considéré sans gêne, de 0,1 à 6,7 décibels pour chacune des quatre fosses de tir, dépassement encore plus flagrant lorsque les quatre fosses fonctionnent simultanément.

Dès lors, indépendamment même du respect de la réglementation en vigueur, la preuve est rapportée de l’existence d’un trouble sonore excédant largement les inconvénients normaux de voisinage.

C’est donc à juste titre que le tribunal a entériné les mesures préconisées par l’expert judiciaire, consistant à édifier un écran entre le terrain de l’association SVTP et la propriété des époux X et à isoler les ouvertures pratiquées dans les murs arrières des fosses.

Il n’est pas contesté par les époux X qu’ils ont quitté les lieux début juin 2009 de sorte que l’indemnisation du préjudice d’agrément lié à la perte de jouissance paisible de leur propriété entre la fin de l’année 2006 et juin 2009 doit être fixée à la somme de 9.000 euros.

Le jugement doit par ailleurs être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation au titre de la dépréciation de valeur de l’immeuble, faute de preuve d’un préjudice tant patrimonial que commercial.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux X les frais, non compris dans les dépens, qu’ils ont exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a fixé le montant des dommages et intérêts dus par l’association SVTP à la somme de 13.500 euros,

et statuant à nouveau de ce chef,

— Condamne l’association SVTP à payer aux époux X la somme de 9.000 euros à titre de dommages et intérêts,

y ajoutant,

— Condamne l’association SVTP à payer aux époux X la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— Condamne l’association SVTP aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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