Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 1er décembre 2020, n° 18/03680

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 1re ch., 1er déc. 2020, n° 18/03680
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 18/03680
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Valence, 27 juin 2018, N° 16/02844
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/03680 – N° Portalis DBVM-V-B7C-JU7M

HC

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Barbara BERGOUNIOUX

la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 1er DÉCEMBRE 2020

Appel d’un Jugement (N° R.G. 16/02844)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE

en date du 28 juin 2018

suivant déclaration d’appel du 21 Août 2018

APPELANTS :

Monsieur Y X

né le […] à AVIGNON

de nationalité Française

[…]

[…]

Madame B C épouse X

née le […] à MONTELIMAR

de nationalité Française

[…]

[…]

représentés par Me Barbara BERGOUNIOUX, avocat au barreau de VALENCE, postulant et par Me Emile-Henri BISCARRAT, avocat au barreau de CARPENTRAS,

INTIMÉE :

LA SOCIÉTÉ D E venant aux droits de la S.C.P. D E et F G, immatriculée au R.C.S. de ROMANS sous le […], agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[…]

[…]

représentée par Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Hélène COMBES Président de chambre,

Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,

Monsieur Frédéric DUMAS, Vice-président placé suivant ordonnance de délégation de la première présidente de la Cour d’appel de Grenoble en date du 17 juillet 2020 ,

Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 Octobre 2020, Madame COMBES a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte authentique reçu le 5 novembre 2007 par Maître François A, notaire associé de la SCP

A-E-G, les époux B C et Y X ont cédé à la Sarl Family

Loisirs les parts sociales qu’ils détenaient dans la SCI Les 2 V.

Le prix de cession a été fixé à la somme de un euro symbolique, la Sarl Family Loisirs s’engageant à

faire son affaire personnelle des dettes et encours de la SCI Les 2 V, soit un passif de 392.961,45

euros incluant la somme de 311.046,45 euros due au Trésor Public.

Reprochant à Sarl Family Loisirs de n’avoir pas réglé l’intégralité des dettes fiscales, Y

X l’a assignée en résolution de la cession des parts sociales devant le tribunal de grande instance

de Privas par acte du 4 novembre 2010.

Par jugement du 28 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Privas a débouté Y X

de sa demande au motif que la somme de 121.446 euros due à l’administration fiscale était une dette

personnelle des époux X et non de la SCI Les 2 V.

Par acte du 26 juillet 2016, B C et Y X ont assigné la SCP E-G

devant le tribunal de grande instance de Valence en responsabilité et réparation de leur préjudice.

Ils invoquaient un manquement du notaire à ses obligations d’information et de conseil, en ce qu’il ne

leur avait pas expliqué que l’acte du 5 novembre 2007 ne les déchargeait pas de leurs obligations

fiscales personnelles.

Par jugement du 28 juin 2018, le tribunal a dit leur demande irrecevable comme prescrite.

Les époux X ont relevé appel le 21 août 2018.

Par uniques conclusions du 20 novembre 2018, ils demandent à la cour d’infirmer le jugement

déféré, de dire que Maître A a manqué à son devoir de conseil et d’information et de le

condamner à leur payer la somme de 120.889,29 euros à titre de dommages intérêts en réparation de

leur préjudice économique ainsi que 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Ils réclament 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la prescription, ils soutiennent qu’ils ne pouvaient engager une action contre le notaire qu’à

compter de la découverte du sinistre le 28 juillet 2011, et en concluent que leur action n’est pas

prescrite.

Sur la responsabilité du notaire ils font valoir qu’ils ont accepté le prix de cession de leurs parts

sociales à un euro symbolique, à la condition d’être déchargés de l’ensemble des dettes définies dans

l’acte de cession ; qu’ainsi, ils ont légitimement pu croire qu’ils étaient déchargés de l’ensemble de

leurs dettes.

Ils font valoir qu’il appartenait au notaire de leur expliquer qu’ils n’étaient pas déchargés de leurs

obligations fiscales personnelles.

Sur leur préjudice, ils soutiennent qu’ils sont toujours débiteurs d’une somme dont ils pensaient de

bonne foi être déchargés.

Dans ses dernières conclusions du 28 juillet 2020, la Sarl D E qui vient aux droits de

la SCP E-G demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Elle conclut subsidiairement au rejet des demandes des Y X et réclame 3.000 euros au

titre des frais irrépétibles.

Sur la prescription, elle rappelle que le délai de prescription de l’action en responsabilité contre le

notaire est de 5 ans à compter du jour où celui qui entend l’exercer a eu connaissance des faits

litigieux.

Elle soutient que dès la rédaction de l’acte authentique, les époux X étaient en mesure de

connaître l’étendue des engagements de la Sarl Family Loisirs, et au plus tard à la date à laquelle

cette société leur a livré par conclusions son interprétation de la clause litigieuse.

Elle invoque subsidiairement l’absence de faute du notaire rédacteur de l’acte qui est parfaitement

clair sur le fait que la Sarl Family Loisirs supporte exclusivement les dettes de la SCI Les 2 V.

Elle invoque également l’absence de préjudice indemnisable, le paiement d’un impôt ne pouvant

constituer un tel préjudice.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2020.

DISCUSSION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la

décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

1 – Sur la prescription

L’acte de cession du 5 novembre 2007 mentionne en page 5 que la Sarl Family Loisirs 'fera son

affaire personnelle des dettes et encours de la SCI Les 2 V ci-dessus énumérées.

Ces dettes d’un montant total de 392.961,45 euros sont détaillées en page 4 de l’acte authentique et

comprennent :

— le solde d’un prêt contracté auprès de la Bred : 72.165 euros

— les dettes dues au Trésor Public : 311.046,45 euros

— les dettes dues au Trésor Public (TVA) : 9.750 euros.

Il ressort d’un courrier du Trésor Public en date du 13 septembre 2007 que la somme de 311.046,45

euros inclut une dette personnelle des époux X, raison pour laquelle la Sarl Family Loisirs a

refusé de prendre en charge le paiement de la somme de 121.446,98 euros, position validée par le

tribunal de grande instance de Privas dans son jugement du 28 juillet 2011.

Il est incontestable que l’acte de cession comporte une contradiction en ce qu’il limite l’obligation du

cessionnaire aux dettes et encours de la SCI Les 2 V, dans le même temps où il inclut dans les

sommes à prendre en charge par la Sarl Family Loisirs, une dette fiscale personnelle des époux

X.

La solution du litige ayant opposé Y X à la Sarl Family Loisirs nécessitant une

interprétation de l’acte du 5 novembre 2007 par la détermination de l’étendue exacte de l’obligation

de la Sarl Family Loisirs, ce n’est qu’à compter du jugement rendu par le tribunal de grande instance

de Privas le 28 juillet 2011, que les époux X ont disposé des informations leur permettant

d’envisager la mise en cause du notaire.

L’instance en responsabilité ayant été engagée dans le délai de 5 ans à compter du jugement du 28

juillet 2011, point de départ de la prescription, c’est à tort que le premier juge a dit l’action des époux

X irrecevable comme prescrite.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

2 – Sur le fond

Pour prospérer en leur action, les époux X doivent rapporter la preuve d’une faute du notaire et

d’un préjudice en lien de causalité directe avec cette faute.

Sur la faute du notaire

Il est de jurisprudence constante que dans le cadre de sa mission de rédacteur, le notaire a l’obligation

d’assurer l’efficacité de l’acte instrumenté.

Ainsi qu’il a été vu précédemment, l’acte du 5 novembre 2007 comporte une contradiction puisque

tout en limitant les obligations de la Sarl Family Loisirs aux dettes de la SCI Les 2 V, il inclut dans

la prise en charge du passif de cette société, une dette fiscale personnelle des époux X.

En l’espèce, le notaire a manqué à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte du 5 novembre 2007,

dès lors qu’il a fallu une décision de justice pour déterminer si l’obligation de Sarl Family Loisirs

s’élevait à 392.961,45 euros comme mentionné en page 4 de l’acte, ou s’il fallait retrancher de cette

somme la dette personnelle des époux X.

C’est à bon droit que les époux X invoquent la faute commise par le notaire.

Sur le préjudice

Les époux X font valoir que leur préjudice résulte de ce qu’ils se trouvent toujours débiteurs

d’une somme dont ils pensaient être déchargés et en sollicitent réparation à hauteur de la somme de

120.889 euros.

Ils n’invoquent aucun autre fondement au soutien de leur demande de dommages intérêts.

Or il est acquis en jurisprudence qu’aucun préjudice ne peut découler d’un impôt auquel un

contribuable est légalement tenu.

Pour cette raison, les époux X doivent être déboutés de leurs demandes de dommages intérêts,

incluant le montant de l’impôt et le préjudice moral que leur cause le paiement de l’impôt.

Aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du

code de procédure civile en faveur de Sarl D E.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement

— Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

— Statuant à nouveau, déclare recevable l’action des époux X.

— Les déboute de toutes leurs demandes.

— Déboute Sarl D E de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code

de procédure civile.

— Condamne les époux X aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement

avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la

décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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