Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 18 janvier 2022, n° 21/00338

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch.secu-fiva-cdas, 18 janv. 2022, n° 21/00338
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 21/00338
Décision précédente : Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, 22 novembre 2020
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

C7

N° RG 21/00338 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KWSC


N° Minute :


Notifié le :


Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 18 JANVIER 2022


Contestation d’une offre d’indemnisation du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante en date du 23 novembre 2020

suivant saisine de la cour du 13 Janvier 2021

APPELANT :

Monsieur B X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représenté par Me Philippe COURTOIS de la SELARL SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Marie-Charlotte DEGAGNY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMES :

E t a b l i s s e m e n t P u b l i c F I V A – F O N D S D ' I N D E M N I S A T I O N D E S V I C T I M E S D E L’AMIANTE

[…]

[…]

[…]

représenté par la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Organisme CPAM DE L’ISERE […]

[…]

[…]

comparante en la personne de Mme D E régulièrement munie d’un pouvoir

Société CNIEG


Gestion des Pensions – […]

[…]

[…].

non comparante, ni représentée

COMPOSITION DE LA COUR :


LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. F G, Magistrat honoraire,


Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :


A l’audience publique du 23 Novembre 2021,

Mme Isabelle DEFARGE, chargée du rapport, Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président et M. F G, Magistrat honoraire ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries.


Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

M. B X, né le […], a été exposé à l’amiante de 1966 à 1990 dans le cadre de son activité professionnelle de plombier puis de serrurier-soudeur.


Le 1er juin 2016 lui a été découvert un nodule pulmonaire droit et il a subi le 19 novembre 2018 une lobectomie pulmonaire par thoracotomie, une libération du poumon par symphyse pleurale et un curage ganglionnaire médiastinal.


Les résultats anatomo-pathologiques ont mis en évidence un adénocarcinome du segment dorsal du lobe supérieur du poumon droit.


Le 22 juillet 2019 la CPAM de l’Isère a pris en charge cette pathologie au titre de la législation professionnelle, un taux d’incapacité de 70 % a été reconnu à M. X et une rente viagère d’un montant annuel de 18 983,98 € à compter du 16 juillet 2019 lui a été attribuée par la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières, outre une aide supplémentaire au titre de l’aide bénévole d’entreprise de 3 796,80 € par an.

M. X a ensuite formulé une demande d’indemnisation auprès du FIVA qui lui a indiqué le 23 novembre 2020 :


- retenir un taux d’incapacité de 100 % à compter du 19 novembre 2018 puis 70 % à compter du 19 novembre 2020 et enfin 40 % à compter du 18 novembre 2023,


- mettre en attente l’évaluation de son préjudice d’incapacité fonctionnelle,

et notifié l’offre suivante :


- 23 400 € au titre de son préjudice moral,


- 11 700 € au titre de son préjudice physique,


- 11 700 € au titre de son préjudice d’agrément,


- 1 000 € au titre de son préjudice esthétique.


Par courrier du 12 janvier 2021 reçu le 15 janvier 2021 au greffe, M. B X a contesté cette offre devant la cour d’appel de Grenoble.


Il demande qu’il soit fait application du barême de capitalisation des rentes édité par la Gazette du Palais le 15 septembre 2020 et sollicite au terme de ses conclusions développées oralement à l’audience :


- au titre de ses préjudices patrimoniaux : mémoire


- au titre de son incapacité fonctionnelle pour la période du 19 novembre 2018 au 16 juillet 2019 non pris en charge par son organisme social : 12 779,84 €


- au titre de son préjudice moral : 60 000 €


- au titre de son préjudice physique : 20 000 €


- au titre de son préjudice d’agrément : 20 000 €


- au titre de son préjudice esthétique : 8 000 €

soit la somme de 120 779,84 €, outre intérêts de droits à compter du jour du dépôt de son dossier de demande d’indemnisations, et la somme de 3 000 € au titre de l’article 700.


Au terme de ses conclusions déposées le 8 novembre 2021 reprises oralement à l’audience le FIVA demande à la cour :


- de juger irrecevables ou à titre subsidiaire de rejeter les demandes formées 'pour mémoire' au titre des dépenses de santé et frais divers par M. X,


- de confirmer l’irrecevabilité de l’éventuel recours de M. X pour forclusion s’agissant de son préjudice fonctionnel en l’absence de saisine de la cour dans les délais légaux,


- de confirmer l’accord des parties sur l’évaluation médicale retenue par le médecin-conseil du FIVA à savoir * 100 % du 19 novembre 2018 au 18 novembre 2020,

* 70 % du 19 novembre 2020 au 18 novembre 2023,

* 40 % à compter du 19 novembre 2023,


- de dire qu’en cas d’aggravation il appartiendrait à M. X de saisir le FIVA d’une nouvelle demande d’indemnisation accompagnée des pièces justifiant de cette aggravation,


- de confirmer l’offre d’indemnisation émise le 23 novembre 2020 au titre des préjudices extra-patrimoniaux de M. X à savoir :

* 23 400 € au titre du préjudice moral,

* 11 700 € au titre du préjudice physique,

* 11 700 € au titre du préjudice d’agrément,

* 1 000 € au titre du préjudice esthétique (seulement 3 petites cicatrices),

de déduire de ces sommes la provision amiable déjà versée


- de rejeter la demande d’intérêts de retard à titre compensatoire,


- de débouter M. X de sa demande au titre de l’article 700.

La CNIEG a indiqué qu’elle ne serait ni présente ni représentée.

La CPAM a soutenu oralement à l’audience ses conclusions tendant à s’en remettre à la cour.


En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE :


En application des dispositions de l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices

1° les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité

2° les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition à l’amiante sur le territoire de la République française (…).


Dans les six mois à compter de la réception de la demande d’indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d’indemnisation.


Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le Fonds que si sa demande d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans ce délai de 6 mois ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite. Cette action est intentée devant la cour d’appel dans le ressort duquel se trouve son domicile.

* sur la demande de M. X 'pour mémoire' au titre de ses préjudices patrimoniaux
L’offre du 23 novembre 2020 ici contestée ne fait mention d’aucune demande d’indemnisation à ce titre, de sorte que la demande formulée aujourd’hui pour la première fois devant la cour est irrecevable.

* sur la recevabilité de la demande formée au titre de l’indemnisation du préjudice d’incapacité fonctionnelle.


Par courrier du 12 janvier 2021 reçu le 15 janvier 2021 au greffe de la cour M. X a 'formalisé un appel contre la décision d’indemnisation formalisée par le FIVA en date du 23 novembre 2020', laquelle 'mettait en attente' ce poste de préjudice .


Il conteste aujourd’hui les termes de l’offre ensuite formalisée le 12 janvier 2021 par le Fonds à ce titre :

' compte tenu du taux d’incapacité fixé à 100 % à compter du 19 novembre 2018, 70 % à compter du 10 novembre 2020 et ce jusqu’au 18 novembre 2023, le FIVA détermine, à compter du lendemain de la date de la constatation médicale retenue par son médecin-conseil une somme calculée sur la base d’une rente annuelle de 19 436 € en fonction du taux de 100 % puis de 11 458 € en fonction du taux de 70 %. Cette comme comprend :

- des arriérés du 20 novembre 2018 au 31 décembre 2020 pour un montant de 40 192,28 €,

- un capital de 163 872,32 € (entièrement absorbé par le capital versé par l’organisme de sécurité sociale, d’un montant de 360 061,34 €).'


Mais faute d’avoir régulièrement saisi la cour en contestation de cette nouvelle offre M. X doit être déclaré irrecevable en cette demande.


Réciproquement, la cour n’est pas tenue de 'constater l’accord des parties' et de 'dire qu’en cas d’aggravation M. X pourra saisir à nouveau le Fonds' comme le lui demande l’intimé.

* indemnisation du préjudice moral

M. X soutient que le préjudice moral des victimes de l’amiante est caractérisé par le sentiment d’anxiété voire d’angoisse lié au fait de savoir qu’elles ont été exposées à l’amiante et développer une pathologie évolutive ; que l’annonce d’un cancer broncho-pulmonaire à l’âge de 68 ans alors qu’il était en bonne forme physique l’a totalement ébranlé, qu’il a perdu son entrain et sa joie de vivre et s’inquiète pour son avenir


Il produit à ce titre plusieurs attestations, notamment de sa belle-fille Mme Y, aux termes de laquelle ' son état moral s’est sérieusement dégradé alors qu’il était une personne très joyeuse d’esprit. Il vit désormais avec une constante anxiété à l’attente de ses résultats de contrôle', de ses amis M.et Mme Z aux termes de laquelle 'il s’est transformé aussi bien moralement que physiquement, n’était plus que l’ombre de lui-même, cette maladie et son devenir le rongeait (sic), a été très éprouvé et plongeant souvent dans une profonde mélancolie'.


Cependant ces attestations nécessairement subjectives ne sont corroborées par aucune pièce médicale, aucun des certificats médicaux produits ne faisant état de troubles anxieux ou dépressifs ni d’aucun traitement prescrit à ce titre, et le dernier compte-rendu de consultation du 15 décembre 2020 étant rassurant, selon les propres termes du médecin l’ayant établi.


L’offre du FIVA à hauteur de la somme de 23 400 € qui est de nature à réparer le préjudice moral subi sera en conséquence retenue.
* indemnisation du préjudice physique

M. X expose avoir subi un certain nombre d’examens médicaux à visée diagnostique, soit plusieurs scanners, une spirométrie (décrit comme un examen sans danger et indolore, prescrit pour mesurer les volumes pulmonaires (quantité d’air contenue dans les poumons) et les débits expiratoires (débit de l’air expulsé lors d’une expiration « forcée », c’est-à-dire volontaire et maximale), un bilan cardiovasculaire et un bilan fonctionnel respiratoire, puis une lobectomie supérieure droit avec curage ganglionnaire qui a été à l’origine d’importantes souffrances post-opératoires.


Mais contrairement à ce qu’il soutient, les examens cités ne peuvent être qualifiés de 'très désagréables, voire douloureux', l’intervention et ses suites initiales ont été qualifiées de 'simples', aucune prescription d’antalgique n’apparaît sur les certificats médicaux produits, et le dernier certificat du Dr A du 15 décembre 2020 mentionne 'il va bien, malgré quelques blocages alimentaires sans rapport avec la chirurgie pulmonaire'.


Au regard des souffrances physiques endurées, l’offre du FIVA à hauteur de la somme de 11 700 € doit être retenue.

* indemnisation du préjudice d’agrément


Ce poste indemnise l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, mais également la limitation d’une pratique antérieure quelconque.

M. X expose avoir du limiter ses occupations liées à l’entretien de sa maison et de son jardin, ainsi que les promenades en forêt à la recherche de champignons, du fait de sa perte d’endurance physique, de sa fatigue constante et de son essouflement au moindre effort.


Il ajoute que la maladie et son cortège de rendez-vous médicaux, des soins, la baisse de moral, la perte d’élan vital qu’elle induit ont eu raison de son entrain et de son dynamisme.


Au vu des éléments produits, l’offre du FIVA correspond à l’exacte réparation du préjudice subi.

* indemnisation du préjudice esthétique

M. X expose être désormais porteur de 3 cicatrices post-opératoires de respectivement 3, 9 et 3cm au niveau de l’hémithorax droit, et en outre souffrir d’apparaître affaibli aux yeux de ses proches et produit des attestations.


Au vu des éléments produites, la somme de 1.000 € proposée par le FIVA est de nature à indemniser le préjudice subi et sera retenue.

* autres demandes


Aucune condamnation n’étant prononcée à l’encontre du FIVA il n’y a pas lieu à intérêts.


L’équité ne commande pas de faire ici application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


Les dépens seront laissés à la charge du FIVA conformément aux dispositions de l’article 31 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001

PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi

Déclare irrecevables les demandes de M. B X tendant à l’indemnisation de ses préjudices patrimoniaux et de son préjudice d’incapacité fonctionnelle.

Fixe l’indemnisation des préjudices subis par M. B X conformément à l’offre d’indemnisation du FIVA en date du 23 novembre 2020.

Déboute M. B X du surplus de ses prétentions.

Laisse les dépens à la charge du FIVA conformément aux dispositions de l’article 31 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le Greffier Le Conseiller
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