Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 8 juin 2010, n° 09/00833

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Limoges, ch. civ., 8 juin 2010, n° 09/00833
Juridiction : Cour d'appel de Limoges
Numéro(s) : 09/00833
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde, 28 mai 2009
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRET N°

RG N° : 09/00833

AFFAIRE :

S.C.P. L M P Q

C/

D Y, S.A. CLINIQUE P Q

XXX

demande en paiement relative à un contrat

Grosse délivrée à la SCP COUDAMY

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE


==oOo==---

ARRÊT DU 08 JUIN 2010


===oOo===---

A l’audience publique de la chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES, le HUIT JUIN DEUX MILLE DIX a été rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :

S.C.P. L M P Q

XXX

représentée par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour

assistée de Me Jérôme CAYOL, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE d’un jugement rendu le 29 MAI 2009 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE

ET :

D Y

de nationalité Française

née le XXX à XXX

XXX

représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoué à la Cour

assistée de Me Christakis CHRISTOU, avocat au barreau de BRIVE

S.A. CLINIQUE P Q

XXX – XXX

représentée par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour

assistée de Me Cédric PARILLAUD, avocat au barreau de BRIVE

INTIMEES


==oO§Oo==---

L’affaire a été fixée à l’audience du 11 Mai 2010, après ordonnance de clôture rendue le 31 Mars 2010, la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, et de Monsieur Didier BALUZE et Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Mme Virginie ARNAUDIN, Greffier, Monsieur Jacques LEFLAIVE, président, a été entendu en son rapport oral, Maître Jérôme CAYOL, Maître Cédric PARILLAUD et Maître Christakis CHRISTOU, avocats, ont été entendus en leurs plaidoiries ;

Puis Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, a renvoyé le prononcé de l’arrêt, pour plus ample délibéré, à l’audience du 08 Juin 2010 ;

A l’audience ainsi fixée, l’arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.

LA COUR

La société CLINIQUE P Q et D Y, médecin gynécologue, ont signé le 19 septembre 1984 une convention aux termes de laquelle la clinique reconnaissait à D Y l’usage prioritaire de quatre lits de gynécologie-obstétrique et s’interdisait de laisser d’autres praticiens venir exercer dans l’établissement à l’exception d’Edmond ANDRAU, F G et J X qui bénéficiaient d’une convention d’exercice professionnel avec la clinique et qu’en conséquence elle exercerait son art en co-exclusivité avec les médecins précités.

Il était prévu notamment au contrat que lorsqu’il cesserait son activité à la clinique P Q, le praticien aura le droit de céder ledit contrat à un successeur exerçant la même discipline que lui et présentant les garanties nécessaires de compétence et de moralité et s’entendrait avec lui sur les conditions de cession de son patrimoine professionnel.

Le contrat comportait les dispositions suivantes concernant la rupture:

'Si la rupture du présent contrat est faite à l’initiative du praticien celui-ci présentera deux successeurs au moins dans un délai de six mois commençant à courir à compter de la notification de la rupture du présent contrat.

Si la clinique décide de n’en agréer aucun elle devra à son tour présenter au praticien deux successeurs au moins dans un délai de six mois commençant à courir à compter de la notification par la clinique au praticien du refus d’agréer les successeurs présentés.'

La société CLINIQUE P Q et la SCP des docteurs ANDRAU-X-A ont signé le 1er septembre 1995 une convention aux termes de laquelle la société CLINIQUE P Q reconnaissait à la SCP l’usage prioritaire de quatorze lits de gynécologie-obstétrique et vingt-deux lits de chirurgie, s’interdisait de laisser d’autres praticiens de même spécialité de venir exercer dans l’établissement et il était précisé que le docteur D Y bénéficiait d’une convention d’exercice professionnel avec la clinique et qu’en conséquence ce praticien exercerait son art en co-exclusivité avec les confrères précités.

D Y a adressé le 4 septembre 2002 à la société CLINIQUE P Q un courrier libellé comme suit :

'Je vous signale mon intention de cesser mon activité dans le courant de l’année 2003 (probablement le 1er avril).

Je vendrai donc mes quatre lits et mes parts de S.A'.

D Y a, par exploits des 4 et 6 septembre 2007, assigné la société CLINIQUE P Q, la SCP L M P Q, H A, A CAYOL, J X et B Z devant le tribunal de grande instance de BRIVE aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer les sommes suivantes :

— indemnité globale pour le droit d’usage prioritaire des 4 lits 60 000 €

— dommages-intérêts 15 000 €

— indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile 2 000 €

La société CLINIQUE P Q a conclu au débouté de l’intégralité des demandes de D Y et a réclamé à son encontre 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les autres défendeurs ont conclu aux mêmes fins et ont réclamé 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 29 mai 2009 le tribunal de grande instance de BRIVE a débouté D Y de ses demandes dirigées contre H A, A CAYOL, J X et B Z et condamné in solidum la société CLINIQUE P Q et la SCP L M P Q à payer à D Y les sommes suivantes :

— dommages-intérêts pour perte d’usage prioritaire de 4 lits 60 000 €

— les intérêts de la somme de 60 000 euros au taux légal à compter du 6 septembre 2007

— dommages-intérêts complémentaires 5 000 €

— indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile 2 000 €

La SCP L M P Q a relevé appel de ce jugement par déclaration du 22 juin 2009 en intimant devant la cour D Y et la société CLINIQUE P Q.

Par écritures déposées le 17 septembre 2009 elle conclut au débouté des demandes de D Y dirigées contre elle et réclame 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en exposant l’argumentation suivante.

D Y n’avait pas la possibilité de céder ses lits puisqu’elle n’en était pas propriétaire. Elle ne pouvait céder que son contrat d’exercice. Elle a informé la clinique qu’elle avait trouvé un successeur mais celui-ci ne s’est jamais présenté. En dehors de la cession du contrat la transmission des lits est juridiquement impossible. D Y ne pouvait prétendre à indemnisation que si la clinique n’acceptait pas d’accueillir le successeur qui lui était présenté. D Y et la SCP L M n’ont aucun lien contractuel entre eux. La clause de co-exclusivité ne lie que la clinique. Le docteur Z n’a été agréé en qualité de nouvel associé de la SCP que par une assemblée générale du 6 décembre 2004 et n’a commencé son exercice qu’en 2005. Il n’a pas remplacé le docteur Y mais le docteur X qui souhaitait cesser progressivement son activité jusqu’à son soixante cinquième anniversaire. La SCP conteste absolument avoir demandé à D Y de ne pas vendre ses lits, une telle demande n’aurait d’ailleurs pas eu de sens puisqu’ils ne pouvaient pas être vendus. La SCP n’a jamais accepté le principe d’une indemnisation ni reconnu avoir commis une faute quelconque. Subsidiairement le préjudice de D Y n’est pas établi.

Par écritures déposées le 5 octobre 2009 la société CLINIQUE P Q conclut au débouté de l’intégralité des demandes de D Y dirigées contre elle et réclame 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en exposant l’argumentation suivante.

Elle n’a consenti à D Y qu’un droit d’usage des lits et elle en est toujours restée propriétaire. Ayant quitté la profession et n’ayant plus de patient, D Y a perdu tous ses droits d’usage prioritaire. Ces lits sont devenus vacants en 2003 et la société CLINIQUE P Q a pu les affecter librement à d’autres praticiens, en l’espèce la SCP L M. A cette occasion elle n’a perçu aucune somme, pas plus qu’elle n’en a perçu de D Y en 1984. Celle-ci n’a présenté aucun successeur à la clinique et a donc perdu tout droit sur l’usage exclusif des quatre lits. Ce n’est qu’en 2005 qu’elle a envisagé de céder son droit à une SCP d’urologie mais elle n’était plus dans les délais pour le faire et les praticiens n’exerçaient pas la même discipline. L’affirmation selon laquelle le docteur X lui aurait demandé de ne pas vendre ses lits car il voulait les acheter pour prendre un associé n’est corroborée par aucune pièce et ne peut pas l’être par un courrier de D Y. La société CLINIQUE P Q n’avait aucun intérêt à refuser la présentation d’un successeur par D Y.

Par écritures déposées en dernier lieu le 4 février 2010 D Y conclut à la confirmation du jugement sauf à voir porter à 15 000 euros le montant des dommages-intérêts et réclame 4 000 euros à l’encontre de la société CLINIQUE P Q et de la SCP L M en exposant l’argumentation suivante.

Le 1er avril 2003 elle a pu bénéficier de ses droits auprès du 'MICA'. Elle en a avisé la clinique P Q et la SCP ainsi que de la volonté de présenter un successeur. Ces deux sociétés lui ont demandé de ne pas céder son droit d’usage prioritaire afin qu’un nouveau praticien puisse s’associer à la SCP. Cet associé a été agréé par la clinique et la SCP sans qu’elle soit consultée. Elle n’a donc pas pu céder son droit d’usage prioritaire ni recevoir une quelconque indemnité pour la perte de sa co-exclusivité. Elle était titulaire d’un droit d’usage prioritaire de quatre lits et la société CLINIQUE P Q a laissé directement ou indirectement la SCP L M P Q utiliser ces quatre lits sans le versement d’une quelconque indemnité. Le président de la société CLINIQUE P Q a implicitement reconnu la responsabilité de celle-ci. La SCP était liée par un contrat de co-exclusivité avec D Y et aurait du lui demander son accord pour la venue d’un nouvel associé. Le délai de deux ans invoqué par la société CLINIQUE P Q ne peut aboutir puisque les quatre lits avaient déjà été mis à la disposition de la SCP. Le contrat d’exclusivité a été rompu de façon abusive et la SCP a donc pu bénéficier des lits en violation des droits d’exclusivité de D Y qui n’a pas pu les céder à une SCP d’urologues. Le fait que les mêmes médecins soient membres des deux structures les a amenées à ne pas respecter l’article 10 du contrat. Le préjudice est important, outre celui résultant de l’impossibilité de céder ses droits, et justifie l’allocation de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 mars 2010.

SUR QUOI, LA COUR

Attendu que l’article 10 du contrat signé le 19 septembre 1984 a prévu de façon très précise dans quelles conditions il pouvait être cédé à un successeur et celles-ci ont été exposées liminairement par la cour ;

Qu’il est prévu que le praticien présentera deux successeurs au moins dans un délai de six mois commençant à courir à compter de la notification de la rupture du contrat, que si la clinique décide de n’en agréer aucun elle devra présenter au praticien au moins deux successeurs dans le délai de six mois à compter du refus et verser une indemnité égale aux honoraires perçus au cours des douze derniers mois si le praticien n’en accepte aucun ;

Attendu que dans le courrier précité du 4 septembre 2002 D Y a notifié à la société CLINIQUE P Q son intention de cesser son activité ;

Que le délai prévu par l’article 10 du contrat a couru à compter de la réception de cette lettre ou à tout le moins du 1er avril 2003 et a donc expiré au plus tard le 1er octobre 2003 ;

Qu’il n’est pas établi ni même allégué que D Y ait effectivement présenté deux successeurs à la société CLINIQUE P Q avant le 1er octobre 2003 ;

Que dès lors elle a nécessairement perdu tout droit sur l’usage prioritaire de quatre lits de gynécologie-obstétrique et n’est pas fondée à se plaindre de ce que cet usage prioritaire aurait été ultérieurement accordé à l’appelante ;

Attendu que D Y objecte que la SCP L M lui a demandé de ne pas céder son droit d’usage prioritaire afin de lui permettre de prendre un nouvel associé ;

Que, si ce fait est de nature à engager la responsabilité délictuelle de la SCP L M, encore faut-il que la preuve en soit rapportée car il est expressément contesté par celle-ci ;

Attendu qu’il est affirmé dans le courrier adressé le 14 juin 2005 par le conseil de D Y à la SCP L M et dans celui qu’a adressé le 29 janvier 2005 D Y à J X, auxquels il n’aurait pas été répondu ;

Mais attendu que le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait (en ce sens Civ. 1re 18 avril 2000 D2001 IR142, Civ. 1re 24 mai 2007 BICC 1er octobre 2007 n°1982) ;

Attendu que, ne démontrant pas de manquement de la société CLINIQUE P Q à ses obligations contractuelles ni de faute dommageable de la SCP L M P Q, D Y doit être déboutée de ses demandes dirigées contre elles et condamnée aux dépens ;

Que, cependant, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge desdites sociétés leurs frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de BRIVE en date du 29 mai 2009 en toutes ses dispositions critiquées devant la cour ;

Statuant à nouveau,

Déclare D Y mal fondée en l’ensemble de ses demandes dirigées contre la société CLINIQUE P Q et la SCP L M P Q et l’en déboute ;

Déclare la société CLINIQUE P Q et la SCP L M P Q mal fondées en leur demande respective d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les en déboute ;

Condamne D Y aux dépens de première instance et d’appel et accorde à la SCP COUDAMY, avoué, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

CET ARRÊT A ÉTÉ PRONONCÉ A L’AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D’APPEL DE LIMOGES EN DATE DU HUIT JUIN DEUX MILLE DIX PAR MONSIEUR LEFLAIVE, PRÉSIDENT.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

XXX.

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 8 juin 2010, n° 09/00833