Cour d'appel de Lyon, 16 septembre 2008, n° 07/05685

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 16 sept. 2008, n° 07/05685
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 07/05685
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nice, 4 février 2002, N° 1997/5598;3

Texte intégral

R.G : 07/05685

décision du

Tribunal de Grande Instance de NICE

Au fond du

05 février 2002

RG N°1997/5598

XXX

D

ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA

ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA

CARSAB – CAISSE DES REGLEMENTS DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA

CARSAB – CAISSE DES REGLEMENTS DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA

C/

CARPA

D

ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE BASTIA

Société COVEA CAUTION

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIERE CHAMBRE CIVILE B

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2008

APPELANTS :

Monsieur C D

Barrettali

XXX

représenté par Me VERRIERE,

avoué à la Cour

assisté de Me PIERAZZI

avocat au barreau de Grasse

INTIMES :

ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE BASTIA

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE,

avoués à la Cour

assisté de Me PIETTE,

avocat au barreau de MARSEILLE

CARSAB – CAISSE DES REGLEMENTS DES AVOCATS

AU BARREAU DE BASTIA

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE,

avoués à la Cour

assistée de Me PIETTE,

avocat au barreau de MARSEILLE

Société COVEA CAUTION

venant aux droits de LE MANS CAUTION

XXX

XXX

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA,

avoués à la Cour

assistée de Me DRUJON D’ASTROS,

avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE

L’instruction a été clôturée le 20 Mai 2008

L’audience de plaidoiries a eu lieu le 16 Juin 2008

L’affaire a été mise en délibéré au 16 Septembre 2008

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur X

Conseiller : Monsieur Y

Conseiller : Madame Z

Greffier : Madame A pendant les débats uniquement

A l’audience M. X a fait son rapport conformément à l’article 785 du Code de procédure civile.

ARRET : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau code de procédure civile ;

signé par Monsieur X, président et par Madame A greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DE L’AFFAIRE

M François de Casalta, avocat au barreau de Bastia, a commis des détournements de fonds clients déposés sur son sous- compte à la caisse de règlements des avocats, dénommée CARSAB, notamment au préjudice de M B.

Par jugement du 20 mai 2004, rendu par défaut, le tribunal correctionnel de Bastia a prononcé à son encontre une peine de dix ans d’emprisonnement et, sur l’action civile, l’a condamné au paiement de la somme de 1 388 315, 93francs. Il a par ailleurs fait l’objet d’une suspension le 6 novembre 1992, puis d’une radiation le 26 mars 1993.

M B a fait assigner en indemnisation de son préjudice M de Casalta, l’Ordre des avocats au barreau de Bastia, la CARSAB et la société SIS Assurances. L’Ordre des avocats a assigné en intervention forcée la Société générale d’assurances et prévoyance et la société Le Mans Caution. La société Le Mans Caution a appelé en garantie la BNP.

Après renvoi de l’affaire en application de l’article 101 du code de procédure civile, le tribunal de grande instance de Nice , par jugement du 5 février 2002, a notamment dit que l’Ordre des avocats et la CARSAB ont commis une faute dans la surveillance du compte BNP-CARSAB de M de Casalta, évalué le préjudice de M B à 211 647,40 euros, condamné la société Le Mans Caution à verser cette somme à ce dernier, outre les intérêts légaux à compter de l’assignation, dans la limite du plafond de garantie prévu pour l’année 1993, soit à hauteur de la somme globale de 734 399,36 euros pour l’ensemble des créances ayant donné lieu à des réclamations postérieures au 1er janvier 1993, condamné in solidum la société Le Mans Caution, l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB à concurrence de la somme de 164 917,18 euros avec les intérêts à compter du jugement.

Par arrêt du 26 mai 2005, la cour d’appel d’Aix en Provence a réformé le jugement, déclaré irrecevables les demandes formées par M B à l’encontre de M de Casalta, déclaré prescrite l’action de M B à l’encontre de la société Le Mans Caution et débouté M B de ses autres demandes.

Par arrêt du 13 mars 207, la Cour de Cassation, Première Chambre Civile, a cassé et annulé cette décision, mais seulement en ce qu’elle a débouté M B de ses demandes formées à l’encontre de l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et de la CARSAB, et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon.

Devant la cour de renvoi, l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB concluent à la réformation du jugement et au débouté des demandes de M B.

La CARSAB fait valoir que les sous-comptes sont gérés par l’avocat qui en est titulaire sous sa seule responsabilité, et que dès lors qu’elle n’est pas le dépositaire des fonds, ne pèse sur elle aucune obligation de restitution. Elle soutient par ailleurs qu’elle n’a commis aucune faute, que son président a rempli sa mission dans le cadre des règles légales et déontologiques, qu’il est intervenu à plusieurs reprises pour qu’il soit mis fin à la position débitrice du sous-compte de M de Casalta, ce qui a permis une régularisation, et que les anomalies de fonctionnement n’ont été visibles qu’à partir de l’année 1992.

L’Ordre des avocats au barreau de Bastia estime qu’il ne peut lui être reproché aucune faute et fait valoir que ce n’est qu’à compter du mois d’octobre 1992 qu’il a été informé par le parquet des poursuites engagées contre Maitre de Casalta, qu’il a alors mis en 'uvre la procédure disciplinaire qui a abouti à sa radiation, et qu’il n’est pas établi qu’il disposait des éléments permettant d’engager une telle instance avant les détournements commis au préjudice de M B. Il souligne qu’il avait régulièrement souscrit une assurance afin de garantir le maniement des fonds par un avocat dans le cadre de son activité professionnelle, et qu’en tardant à agir contre l’assureur, M B a perdu une chance de pouvoir être indemnisé par l’assureur « maniement de fonds » en raison de la prescription biennale.

A titre subsidiaire, l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB sollicitent la condamnation de la compagnie Covea Caution à les garantir, au titre de la police « maniement des fonds ».

La SA Covea Caution conclut à l’irrecevabilité de l’action en garantie de l’Ordre des avocats et de la CARSAB. Elle souligne qu’il est définitivement jugé qu’est prescrite l’action de Mr B contre la société Le Mans Caution , aux droits de laquelle elle se trouve , que l’Ordre n’a pas qualité à agir, puisqu’est seule applicable la police remboursement de fonds souscrite pour le compte de qui il appartiendra, qui n’est pas une assurance de responsabilité civile professionnelle.

Mr B conclut à la confirmation partielle du jugement et sollicite la condamnation de l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et de la CARSAB à lui payer la somme de 278 421,57 euros, avec intérêts à compter du 22 mars 1990. Il soutient que l’Ordre et la CARSAB ont commis des fautes dans le choix de la méthode de gestion des sous-comptes. Il considère qu’ils n’ont mis en place aucun contrôle sérieux, que le sous-compte de M de Casalta ayant été à découvert à plusieurs reprises depuis 1989, il appartenait à l’Ordre, alerté par la CARSAB, de vérifier les comptes de l’avocat, ce qui aurait fait apparaître qu’il ne tenait aucune comptabilité. Il estime que leur inertie a été la cause directe de son préjudice.

L’avis par lequel le Ministère Public a indiqué qu’il n’avait pas d’observation à présenter a été communiqué aux parties.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions déposées par l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB le 4 décembre 2007, par la Sa Covea Caution le 15 février 2008 et par M B le 25 mars 2008.

MOTIFS

Attendu que M de Casalta était titulaire du sous-compte n°29006544 dans le cadre du compte général ouvert par la CARSAB auprès de la BNP, destiné à enregistrer le maniement de fonds professionnels ; que les sommes qu’il a reçues pour le compte de M B, qui ont fait l’objet de chèques de son précédent conseil ou de la compagnie AGF, ont été versées au crédit de son sous-compte les 15 mai 1990 pour 306 530,17 francs, 19 septembre 1990 pour 128 295,16 francs et 16 avril 1991 pour 953 490,60 francs ; qu’il résulte de la procédure pénale et du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bastia qu’il a détourné ces fonds s’élevant au total à 1 388 315, 93 francs, soit 211 647,40 euros ;

Attendu que les pièces de la procédure pénale produites aux débats, notamment le réquisitoire définitif et l’expertise comptable font apparaître que le sous-compte de M de Casalta a présenté depuis 1989 et à plusieurs reprises, des soldes débiteurs qui ont été régularisés après intervention du président de la CARSAB ; qu’ainsi le débit s’élevait à 77 844,56 francs au 10 février 1989, à 75 936,14 francs au 20 avril 1989, à 62 032,70 francs au 30 avril 1989, alors que le sous-compte ne pouvait présenter une position débitrice et qu’une telle situation révélait nécessairement des anomalies dans la gestion de son compte par l’avocat ;

Attendu que dès lors que la CARSAB soutient que les positions débitrices du sous-compte ont été régularisées à bref délai sur intervention de son président, il s’en déduit nécessairement qu’elle était informée depuis 1989 de ces anomalies qu’elle aurait dû signaler à l’Ordre des avocats ou au Bâtonnier , et qui auraient dû la conduire à prendre des mesures pour éviter le renouvellement de cette situation ; qu’elle ne justifie d’aucune démarche effectuée en ce sens avant les détournements commis au préjudice de M B ; que même si elle ne disposait d’aucun pouvoir de coercition à l’égard de l’avocat et si la décision d’engager des poursuites relevait des seules autorités ordinales, elle a commis une abstention fautive dans l’information de l’Ordre et dans la mise en 'uvre de mesures touchant au fonctionnement du sous-compte ;

Attendu qu’en application du décret du 25 août 1972, le barreau était responsable du fonctionnement de la caisse de règlement, dont les règles de fonctionnement étaient arrêtées par le conseil de l’Ordre qui fixait également les obligations des adhérents, notamment celles relatives à la tenue de la comptabilité ; qu’en outre, l’Ordre avait pour mission, conformément à l’article 17 de la loi du 31 décembre 1971, de veiller à l’observation des devoirs des avocats, notamment d’opérer un contrôle de leur comptabilité ; que les éléments de la procédure pénale font apparaître que l’Ordre n’a procédé à aucun contrôle de la comptabilité de M de Casalta depuis le début de l’année 1989 et jusqu’aux détournements opérés au préjudice de M B ; que ce dernier souligne à juste titre que l’Ordre n’avait mis en place aucun système fiable de contrôle de la gestion des fonds clients par l’avocat ; qu’il n’avait institué aucune procédure lui permettant d’être alerté sur les dysfonctionnements constatés par la CARSAB, alors que le fonctionnement de celle-ci relevait de sa responsabilité ;

Attendu que les carences de l’Ordre des avocats et de la CARSAB sont en lien de causalité avec les détournements opérés au préjudice de M B, puisque la mise en place de contrôles et d’une enquête disciplinaire à la suite de la constatation des premiers débits du sous-compte aurait permis de constater, dès 1989, que M de Casalta ne tenait aucune comptabilité et qu’il utilisait son sous-compte à d’autres fins que celles prévues, notamment pour effectuer des virements sur son compte personnel , pour régler des dépenses personnelles et pour masquer de précédents détournements ; que le simple examen des relevés de compte permettait de se convaincre immédiatement de la gravité et de la répétition des détournements ;

Attendu en conséquence que l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB doivent être déclarés responsables du préjudice subi par M B, sans que l’absence d’action de ce dernier à l’encontre de la compagnie Le Mans Caution dans les délais de la prescription soit de nature à constituer une cause d’exonération ; qu’ils doivent être condamnés au paiement de la somme de 211 647,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement confirmé qui a fixé la créance indemnitaire ;

Attendu qu’en application de l’article 27, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971, le barreau de Bastia a souscrit auprès de la compagnie SIS Assurances une police, pour le compte de qui il appartiendra, destinée à garantir le remboursement des fonds confiés aux avocats de ce barreau ;

Attendu qu’à la suite des décisions rendues précédemment, il a été définitivement jugé que l’action de M B à l’encontre de la société Le Mans Caution est prescrite ; que la société Covea Caution, qui vient aux droits de cette dernière, fait valoir à juste titre que l’Ordre des avocats et la CARSAB n’ont pas la qualité d’assuré et ne disposent d’aucun droit à agir à son encontre, ni à titre personnel, ni pour le compte de M B dont l’action a été déclarée prescrite ; que leur demande est en conséquence irrecevable ;

Attendu qu’il doit être fait application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de M B et de la Sa Covea Caution ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité de l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et de la CARSAB et en ce qu’il les a condamnés à payer à M B la somme de 211 647,40 euros,

Le réforme pour le surplus,

Dit que les intérêts doivent courir sur le montant de la condamnation au taux légal à compter du jugement,

Déclare irrecevable la demande de l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et de la CARSAB à l’encontre de la Sa Covea Caution,

Condamne l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de CINQ MILLE EUROS (5 000 euros) à M B et celle de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) à la Sa Covea Caution,

Déboute l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB de leur demande présentée sur ce fondement,

Condamne l’Ordre des avocats au barreau de Bastia et la CARSAB aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents à l’arrêt cassé, avec, pour ceux exposés devant la cour de renvoi, droit de recouvrement direct par Maitre Verrière et la Scp Brondel et Tudela, avoués.

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel de Lyon, 16 septembre 2008, n° 07/05685