Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 10 novembre 2017, n° 15/04213

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 10 nov. 2017, n° 15/04213
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/04213
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 27 avril 2015, N° F13/00769
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 15/04213

[…]

C/

Z

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 28 Avril 2015

RG : F 13/00769

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2017

APPELANTE :

Société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS

[…]

[…]

69800 SAINT-PRIEST

représentée par Me Marie-laurence BOULANGER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me MARIANDE BERNARDIS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

Y Z

né le […] à […]

38 Rue Y Pergaud

69720 SAINT-BONNET-DE-MURE

Non comparant, représenté par Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Septembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

C D, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de A B, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Novembre 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par C D, Président, et par A B, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS exerce sur son site de SAINT-PRIEST une activité de fabrication de joints destinés à l’étanchéité des moteurs automobiles.

L’amiante blanche a été utilisée pour cette activité de 1916 à 1994.

Suivant arrêté du 3 juillet 2000 publié le 16 juillet 2000, l’établissement de SAINT-PRIEST a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’Allocation de Cessation Anticipée d’Activité des Travailleurs de l’Amiante, autrement appelée X.

Y Z a été embauché au sein de l’établissement de SAINT-PRIEST à compter du 29 septembre 1975 en qualité d’opérateur régleur. Il a démissionné de son emploi le 30 novembre 2012.

Le salarié, exposé quotidiennement à l’amiante du 29 septembre 1975 au 31 décembre 1994, n’a à ce jour développé aucune maladie professionnelle liée à son exposition à l’amiante.

Le 20 février 2013, Y Z a saisi le conseil de prud’hommes de LYON aux fins de paiement de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 28 avril 2015, le conseil de prud’hommes a:

— condamné la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS à payer à Y Z les sommes suivantes:

* 10 000 euros au titre du préjudice d’anxiété,

* 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— a débouté Y Z du surplus de ses demandes,

— a condamné la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS aux dépens.

La cour est saisie de l’appel interjeté le 18 mai 2015 par la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l’audience du 21 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, la société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS demande à la cour de dire que les demandes sont prescrites, de débouter Y Z de l’intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l’audience du 21 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Y Z demande à la cour de confirmer partiellement le jugement déféré et de condamner la société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS au paiement des sommes suivantes:

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

* 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice d’anxiété.

A titre subsidiaire, Y Z a conclu à la confirmation du jugement déféré.

En tout état de cause, il a été demandé le paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 – sur les dommages et intérêts

Attendu que l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé un dispositif spécifique de départ anticipé à la retraite (l’Allocation de Cessation Anticipée d’Activité des Travailleurs de l’Amiante, autrement appelée X) en faveur des salariés qui ont été particulièrement exposés à l’amiante;

que ce dispositif a d’abord été appliqué aux salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, puis étendu, par trois arrêtés des 3 et 7 juillet 2000, aux salariés des établissements de flocage et de calorifugeage à l’aide d’amiante, puis aux salariés des établissements de construction et de réparation navales, et enfin aux ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires assurant la manutention.

Attendu qu’en application de ce dispositif, les salariés démontrant travailler ou avoir travaillé dans un des établissements ou ports inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, peuvent solliciter, à partir de l’âge de 50 ans, et sous réserve de cesser toute activité professionnelle, le bénéfice de X; que celle-ci est ensuite versée jusqu’à ce que le salarié remplisse les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein.

Attendu que les salariés qui travaillent ou ont travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, subissent un préjudice spécifique d’anxiété constitué par des troubles psychologiques résultant de ce qu’ils se trouvent par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, qu’ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers; que seuls les salariés exposés à l’amiante au sein d’un établissement inscrit sur la liste établie par arrêté ministériel peuvent obtenir réparation d’un préjudice d’anxiété;

qu’un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des sites ouvrant droit au bénéfice de l’X, mais qui n’a pas demandé à percevoir cette allocation, peut obtenir réparation de son préjudice d’anxiété.

Attendu que le salarié n’est pas tenu de rapporter la preuve de son anxiété pour obtenir réparation du préjudice d’anxiété.

Attendu que s’agissant du point de départ de la prescription de l’action en réparation de ce préjudice d’anxiété, il convient de rappeler que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a réduit à cinq ans le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières; que ce nouveau délai court à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action; qu’en vertu des dispositions transitoires de ladite loi, ce délai s’applique aux prescriptions en cours à compter de son entrée en vigueur, soit le 18 juin 2008, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder celle de 30 ans prévue par la loi antérieure;

que les salariés bénéficiaires de l’X ont eu connaissance du risque à l’origine de l’anxiété à compter de l’arrêté ministériel ayant inscrit leur employeur sur la liste permettant la mise en oeuvre de ce dispositif; que dès lors, le point de départ de leur action en réparation du préjudice d’anxiété correspond à la date de publication de cet arrêté.

Attendu enfin que l’indemnisation des salariés exposés à l’amiante, dans les conditions de l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, ne peut prendre la forme que d’un préjudice patrimonial réparé par l’X d’une part et d’un préjudice extra-patrimonial réparé par l’allocation de dommages et intérêts au titre du seul préjudice d’anxiété d’autre part;

que cette double indemnisation couvre la totalité des préjudices subis par ces salariés, lesquels ne peuvent obtenir d’autre réparation résultant de l’exposition à l’amiante;

que le préjudice d’anxiété recouvre l’ensemble des aspects psychologiques liés aux dommages nés de l’exposition à l’amiante;

qu’il s’ensuit que l’indemnisation du préjudice extra-patrimonial d’un salarié au titre du préjudice d’anxiété n’est pas cumulable avec un autre préjudice qui résulterait d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Attendu qu’en l’espèce, Y Z sollicite une double indemnisation du fait de son exposition à l’amiante, à savoir d’une part la réparation de son préjudice d’anxiété, et d’autre part la réparation de son préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat qui n’a mis en oeuvre aucune mesure utile pour protéger le salarié des dangers provoqués par l’amiante tout en ayant connaissance du risque encouru par Y Z.

Attendu qu’il est constant que:

— Y Z exerce au sein de la société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS un emploi qui l’a exposé quotidiennement à l’amiante du 29 septembre 1975 au 31 décembre 1994;

— l’établissement de SAINT-PRIEST où Y Z a effectué ses tâches afférentes à son emploi a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’X suivant arrêté du 3 juillet 2000 publié le 16 juillet 2000.

Attendu qu’il s’ensuit que Y Z a droit à agir en indemnisation d’un préjudice d’anxiété.

Attendu que s’agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la cour rappelle que l’établissement de SAINT-PRIEST a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’X suivant arrêté du 3 juillet 2000 publié le 16 juillet 2000;

que par application des principes susvisés, la prescription de l’action de Y Z en réparation de son préjudice d’anxiété a donc été acquise le 18 juin 2013;

que Y Z ayant engagé son action devant le conseil de prud’hommes de LYON le 20 février 2013, le salarié n’est pas prescrit en sa demande qui est donc recevable.

Attendu sur le fond que l’établissement de SAINT-PRIEST ayant été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l’X suivant arrêté du 3 juillet 2000 publié le 16 juillet 2000, Y Z a incontestablement droit en sa qualité de salarié à la réparation du préjudice d’anxiété qu’il a subi à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle, sans qu’il ait à rapporter la preuve de l’étendue de son préjudice;

que compte tenu des éléments de la cause, le préjudice d’anxiété a été exactement réparé par l’allocation en première instance de la somme de 10 000 euros au paiement de laquelle la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS a été condamnée; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef sauf à préciser que la société SOLYEM vient aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS .

Attendu ensuite que par application des principes susvisés, Y Z n’est pas fondé à se prévaloir d’un préjudice résultant d’un manquement à l’obligation de sécurité de résultat à l’occasion de l’exposition du salarié à l’amiante dès lors qu’il a été indemnisé ci-dessus au titre d’un préjudice d’anxiété.

Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Y Z de sa demande à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS aux droits de laquelle vient la société SOLYEM à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

2 – sur les demandes accessoires

Attendu qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et sur l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que la société SOLYEM vient aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS .

Attendu que la société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS sera condamnée aux dépens d’appel.

Attendu que l’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à dire que la société SOLYEM vient aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société SOLYEM venant aux droits de la société FEDERAL MOGUL SEALING SYSTEMS à payer à Y Z la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

Le Greffier Le Président

A B C D

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