Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile a, 12 décembre 2019, n° 17/07598

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 12 déc. 2019, n° 17/07598
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 17/07598
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 20 septembre 2017, N° 2016J788
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

N° RG 17/07598

N° Portalis DBVX – V – B7B – LKIB

Décision du tribunal de commerce de Lyon

Au fond du 21 septembre 2017

RG : 2016J788

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 12 Décembre 2019

APPELANTE :

SAS EXOPEINT

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant

et ayant pour avocat plaidant la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SARL OUEST SABLAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par la SELARL ALCYACONSEIL JUDICIAIRE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant

et pour avocat plaidant Maître Bernard BREZULIER la SCP B. BREZULIER & F. LAROQUE-BREZULIER, avocat au barreau de VANNES

******

Date de clôture de l’instruction : 11 septembre 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31 octobre 2019

Date de mise à disposition : 12 décembre 2019

Audience présidée par Annick ISOLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Aude RACHOU, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— Annick ISOLA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Elsa MILLARY, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

A l’occasion d’un marché dont l’objet était la rénovation des écluses de [Localité 3], [Localité 4], [Localité 5] et [Localité 6], l’établissement public Les voies navigables de France a confié à la société Baudin Chateauneuf le lot n°2 consacré à la rénovation de l’écluse principale du [Localité 3], laquelle a sous-traité à la société Exopeint les travaux de confinement, de décapage des peintures contenant du plomb et de protection anticorrosion par contrat du 9 juillet 2013.

Par contrat du 25 juillet 2013, la société Exopeint a elle-même sous-traité la réalisation d’une partie de ces travaux à la société Ouest sablage, laquelle devait intervenir du 2 au 12 septembre 2013 ainsi qu’il était stipulé au contrat.

A la suite des difficultés rencontrées par la société Baudin Chateauneuf pour sortir les portes d’écluse de l’eau, la société Ouest sablage n’a pu intervenir dès le 2 septembre 2013, malgré sa présence sur le chantier.

Par ailleurs, des tests ont, par la suite, révélé la présence d’amiante dans les peintures à traiter, de sorte que le chantier a de nouveau été interrompu pour préserver la santé des intervenants.

Dans ce contexte, la société Ouest sablage a adressé à la société Exopeint plusieurs factures correspondant aux frais de transport et d’immobilisation de son personnel et matériel pour un montant total de 39 168,84 euros.

En l’absence de paiement intégral, la société Ouest sablage a assigné la société Exopeint devant le tribunal de commerce de Vannes aux fins de la voir condamnée au paiement d’une somme de 28 452,84 euros avec intérêt au taux légal majoré trois fois, outre 2 845,28 euros à titre de clause pénale.

Saisie d’un contredit, la cour d’appel de Rennes a déclaré le tribunal de commerce de Vannes incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement en date du 21 septembre 2017, le tribunal a :

— dit que les factures émises par la société Ouest sablage, dont le paiement est sollicité par voie judiciaire, ont été établies unilatéralement par la société Ouest sablage dans le cadre de sa demande de réparation de ses préjudices et n’ont pas l’obligation de se prévaloir du contrat initial,

— débouté la société Exopeint de ses demandes au titre de l’absence de fondement contractuel des factures concernées,

— dit la société Exopeint non fondée à opposer à la société Ouest sablage un cas de force majeure, l’exonérant de toute responsabilité quant aux manquements allégués par la demanderesse,

— condamné la société Exopeint au paiement de la somme de 25 895,79 euros TTC avec intérêts au taux légal majoré de trois fois passé le délai de 30 jours fin de mois de la date de chacune des factures, outre la somme de 2 590 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et jusqu’à parfait paiement,

— condamné la société Exopeint à verser à la société Ouest sablage la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— condamné la société Exopeint aux entiers dépens de l’instance.

Le 30 octobre 2017, la société Exopeint a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 janvier 2018, elle demande à la cour de :

— réformer le jugement déféré,

— dire et juger que les factures émises par la société Ouest sablage et dont le paiement est sollicité par voie judiciaire ne reposent sur aucun fondement contractuel, ayant été établies unilatéralement par la société Ouest sablage en dehors du cadre contractuel liant les parties,

— dire et juger que la société Ouest sablage ne démontre nullement le caractère bien fondé de ses factures,

— dire et juger qu’elle est bien fondée à s’opposer à tout paiement au titre desdites factures,

— débouter la société Ouest sablage de l’ensemble de ses demandes,

— en tout état de cause, dire et juger qu’elle est bien fondée à opposer à la société Ouest sablage un cas de force majeure l’exonérant de toute responsabilité quant aux manquements allégués par la demanderesse,

— débouter la société Ouest sablage de l’ensemble de ses demandes,

En toutes hypothèses,

— condamner la société Ouest sablage à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Ouest sablage aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Exopeint explique que :

— elle n’est pas débitrice des frais d’immobilisation et de personnel et matériel dès lors qu’ils n’ont pas été contractuellement prévus,

— la clause pénale stipulée sur les factures litigieuses ne lui est pas opposable et ne peut être cumulée avec l’octroi de dommages et intérêts,

— elle ne saurait être tenue responsable de l’immobilisation des portes de l’écluse et de l’impossibilité d’intervenir dessus, ceci étant constitutif d’un cas de force majeure dans la mesure où, d’une part, les rapports d’analyse joints au contrat de sous-traitance conclu avec la société Baudin Chateauneuf le 9 juillet 2013 faisaient état d’une absence d’amiante dans la peinture des portes, d’autre part, en qualité de sous-traitant, elle ne disposait d’aucun pouvoir relatif aux travaux de désamiantage,

— la société Ouest sablage ne rapporte pas la preuve de l’existence des préjudices invoqués.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 mars 2018, la société Ouest sablage demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société Exopeint à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civiles.

La société Ouest sablage soutient que :

— la société Exopeint engage sa responsabilité contractuelle dans la mesure où, d’une part, elle a manqué à l’obligation de coopération dont elle était débitrice et consistant à s’assurer que la société Ouest sablage était en mesure d’exécuter la prestation commandée, d’autre part, elle a manqué à son obligation de sécurité en ne s’assurant pas de l’absence de particule d’amiante dans la peinture à traiter et en exposant ainsi son cocontractant,

— l’interruption du chantier ne résulte pas d’un cas de force majeure puisque l’exécution des prestations par la société Exopeint n’a pas été rendue impossible mais a seulement été différée, interruption qui n’était d’ailleurs pas imprévisible s’agissant de la survenance de difficultés techniques lors de la sortie des portes de l’écluse et d’une présence d’amiante qui aurait pu être décelée si des tests avaient été réalisés par la société Exopeint ; enfin, l’amiante étant présente dans la peinture de la porte objet de la prestation, sa présence n’est pas une cause extérieure,

— les préjudices invoqués sont justifiés par les pièces versées aux débats et la société Exopeint ne peut en contester le mode de calcul dans la mesure où elle a payé une des factures présentées.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ressort de ses écritures que la société Ouest sablage ne réclame pas le paiement de factures mais l’indemnisation d’un préjudice qu’elle allègue avoir subi, quand bien même elle a, de manière singulière, présenté sa demande indemnitaire sous forme de factures.

La cour n’étant pas saisie d’une demande en paiement de factures, les développements de la société Exopeint sur ce point sont ainsi sans emport.

La société Ouest sablage engageant la responsabilité contractuelle de la société Exopeint, il lui appartient d’établir une faute de cette dernière et le préjudice en résultant.

Elle soutient que la faute commise par la société Exopeint consiste à avoir mobilisé ses moyens de production sans lui permettre l’exécution de la prestation commandée et de facturer comme prévu.

La société Exopeint répond que si la société Ouest sablage a été empêchée de réaliser les prestations convenues, cette situation n’est pas de son fait mais est due à la présence d’amiante sur les portes devant être décapées, cette circonstance constituant un cas de force majeure, et ce d’autant qu’elle n’est que sous-traitant de l’entreprise principale.

Il ressort de la commande de travaux du 25 juillet 2013 que les délais d’intervention de la société Ouest sablage étaient prévus comme suit :

« Les dates exactes vous seront confirmées ultérieurement par Monsieur [D] [S].

Date de démarrage : 02/09/2013

Fin d’intervention : 12/09/2013 impératif ».

Un retard est survenu du fait des difficultés rencontrées par la société Baudin Chateauneuf pour sortir les portes de l’eau.

Par lettre du 3 septembre 2013, transmise également par courrier électronique, la société Ouest sablage, se référant à une réunion tenue le même jour, a écrit à la société Exopeint dans les termes suivants :

« […] Compte tenu du retard accumulé par la société Beaudin/Chateauneuf et du non-respect du planning de chantier et du contrat de sous-traitance REF ST 3671 du 25/07/13, nos matériels et effectifs ont dus être immobilisés pour les journées des 3 et 4 septembre 2013.

C’est pourquoi nous vous adressons une facture correspondant aux frais d’immobilisation. […] »

Par courrier électronique du mercredi 4 septembre 2013, la société Exopeint a écrit à la société Ouest sablage dans les termes suivants :

« Nous vous confirmons jeudi AM votre intervention qui sera à partir de lundi 9 sept matin.

Les portes sortent bien demain matin.

Votre immobilisation correspondant à la facture sera prise en charge. […] ».

Il ressort de ces échanges, d’une part, que l’intervention prévue à compter du 2 septembre 2013 a été reportée au 9 septembre suivant, d’autre part, que la société Exopeint reconnaissait devoir indemniser la société Ouest sablage des frais d’immobilisation.

Dans ses écritures, la société Exopeint reconnaît avoir réglé une facture de 2 200,64 euros, émise le 23 septembre 2013, correspondant à l’immobilisation du 2 septembre 2013 (conclusions, p. 10).

En revanche, elle n’a pas réglé les frais d’immobilisation pour les journées des 3 et 4 septembre, alors qu’elle en avait pris l’engagement le 4 septembre 2013, reconnaissant par là même sa responsabilité et le préjudice subi.

De même, il est établi que la société Ouest sablage n’a pas pu intervenir le 9 septembre 2013, contrairement à ce qui lui avait été indiqué le 4 septembre 2013, ce dont il se déduit que les frais d’immobilisation, constituant son préjudice, sont également dus pour cette journée.

Il résulte de ce qui précède que, pour la période du 2 au 9 septembre 2013, le préjudice s’établit à 6 601,92 euros (2 200,64 x 3), la société Ouest sablage ne démontrant pas avoir subi une perte supérieure à cette somme, notamment au titre d’une perte de marge ou du gasoil, péages et frais de déplacement.

La société Exopeint sera ainsi condamnée à payer à la société Ouest sablage la somme de 6 601,92 euros au titre du préjudice subi pour la période du 2 septembre au 9 septembre 2013.

Il ressort des pièces que la société Ouest sablage a pu intervenir sur les portes les 10 et 11 septembre 2013 mais que le chantier a ensuite été interrompu en raison de la présence d’amiante sur les portes.

Contrairement à ce que soutient la société Ouest sablage, il ne saurait être tiré argument du paiement de la facture du 23 septembre 2013 pour un montant de 8 515,52 euros dès lors qu’il correspond aux prestations effectuées les 10 et 11 septembre 2013, ce dont il se déduit qu’aucune reconnaissance de responsabilité par la société Exopeint ne peut être retenue à ce titre.

Pour s’opposer à la demande de son sous-traitant, la société Exopeint se place sur le terrain de la force majeure et fait valoir que la présence d’amiante sur les portes constitue pour elle un cas de force majeure, ayant justifié l’arrêt du chantier et en conséquence le non-respect de ses engagements contractuels à l’égard de la société Ouest sablage.

Cette dernière réplique que les conditions de la force majeure ne sont pas remplies.

Cependant, il est établi que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la société Exopeint n’est pas entrepreneur principal mais sous-traitant de la société Baudin Chateauneuf.

N’étant ni propriétaire ni gardienne de l’objet du contrat et n’ayant aucunement la maîtrise du chantier, il s’en déduit que la présence d’amiante sur les portes, objet du contrat, constituait pour elle un événement extérieur, imprévisible et irrésistible.

Le jugement sera ainsi infirmé et la société Exopeint sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour la période postérieure au 11 septembre 2013.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Lyon en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Exopeint à payer à la société Ouest sablage la somme de 6 601,92 euros (six mille six cent un euros et quatre-vingt-douze centimes) à titre de dommages-intérêts ;

Rejette les demandes de la société Ouest sablage pour le surplus ;

Rejette les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Exopeint aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

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