Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 10 juin 2020, n° 19/05460

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Actualités du Droit · 7 juillet 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, jurid. premier prés., 10 juin 2020, n° 19/05460
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/05460
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° R.G. Cour : N° RG 19/05460 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MQTI

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 10 JUIN 2020

DEMANDERESSE :

Société JS SERVICES

20 rue H I

[…]

Représentée par Me BOREL substituant Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON (toque 1106)

DEFENDERESSE :

DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[…]

[…]

Représenté par Me LEBRUN substituant Me J DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DEBATS : audience publique du 11 Mars 2020 tenue par Olivier MOLIN, Magistrat à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 6 janvier 2020 assistée de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Date de mise à disposition : vu l’état d’urgence sanitaire, la décision devant être rendue le 8 avril 2020 est prorogée au 10 juin 2020

signée par Olivier MOLIN, Magistrat et Sylvie NICOT,Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La notification du présent arrêt est opérée par tout moyen en application de l’article 10 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l’article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20-C3/DP/2020030000319/FC

''''

EXPOSE DU LITIGE

Par déclaration au greffe en date du 25 juillet 2019, la SAS JS SERVICES a déclaré appel de l’ordonnance rendue le 8 juillet 2019 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon ayant autorisé les inspecteurs des finances publiques à procéder, conformément aux dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci-après où des documents et des supports d’information illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver, à savoir :

locaux et dépendances sis […], 36 avenue Général De Gaulle 69110 Sainte-Foy-lès-Lyon susceptibles d’être occupés par la SAS ECORENOVE et/ou la SASU 3999 FRANCE et/ou la SARL CONSULTING SERVICE SASH AVENIR et/ou la SASU TEAM INVESTISSEMENT et/ou l’entité NED ;

locaux et dépendances sis […]. 2 et/ou […], susceptibles d’être occupés par la SARL Z et/ou la société de droit roumain AC AD AE AF et/ou l’entité personnes physique M A. L ;

locaux et dépendances sis […] susceptibles d’être occupés par la SAS NOUVELLES ENERGIES DISTRIBUTION (NED) ;

locaux et dépendances sis 20 chemin H Chirpaz Bât. C Bureaux de Challin Allée 69 130 Écully présumés être occupés par la SASU ROUCHENERGIE et/ou la SCI ROUCHINVEST et/ou la SAS JRS et/ou l’entité HAIRGLAMS ;

locaux et dépendances sis 17 et 20 rue H I […] présumés être occupés par la SAS JS SERVICES ;

locaux et dépendances sis […]'100 à Tassin-La-Demi-Lune présumés être occupés par J P A et/ou son ex-épouse Q R A née X et/ou C A et/ou son épouse D E et/ou F A épouse Y et/ou son époux G Y et/ou Mickaël A ;

locaux et dépendances sis […] susceptibles d’être occupés par L S M et son épouse W AA AB M et/ou M A. L Persoana Fizica Autorizata et/ou la société de droit roumain AC AD AE AF et/ou la société de droit roumain T U AF.

Par ailleurs, l’ordonnance précisait que si, à l’occasion de la visite, les agents habilités découvraient des éléments révélant l’existence en d’autres lieux situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Lyon de pièces et documents se rapportant aux agissements mentionnés au I de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ils pouvaient, en cas d’urgence, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge des libertés et de la détention, procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisie de ces pièces et documents.

Il était désigné quatre officiers de police judiciaire pour assister à ces opérations.

Un procès-verbal de visite et de saisie a été dressé le […] dans les locaux situés 17-20 rue H I ' […], puis au 19 de la même rue.

Le procès-vernal mentionne que lors de la visite des locaux au 20 de la rue H I, il a été découvert que la société JS SERVICES occupait également des locaux au 19 de la même rue ; que, compte tenu de l’urgence, le juge des libertés et de la détention a autorisé verbalement l’inspecteur des finances publiques à procéder également à la visite de ce nouveau lieu.

Par déclaration au greffe du 25 juillet 2019, la SAS JS SERVICES a également formé un recours contre la deuxième opération de visite et de saisie pratiquée à 18h dans les locaux situés 19 rue H I ' […] en exécution de l’ordonnance rendue le 8 juillet 2019.

Les deux instances, enregistrées sont les numéros de greffe 19-5460 et 19-5461, ont été jointes par simple mention au dossier.

Les originaux des procès-verbaux, les pièces et habilitations au soutien de la requête au le juge des libertés et de la détention, ainsi que l’inventaire informatique des pièces saisies par l’administration fiscale ont été transmis au greffe de la cour d’appel sur CD-ROM et mis à la disposition de parties appelantes, conformément aux dispositions du II de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

A l’audience du 11 mars 2020 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s’en sont remises à leurs dernières écritures, qu’elles ont soutenues oralement.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 10 décembre 2019, la SAS JS SERVICES demande l’annulation de l’ordonnance rendue le 8 juillet 2019 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon en ce qui concerne l’autorisation de visiter de perquisition dans ses locaux et, par voie de conséquence, l’annulation de l’ensemble des perquisitions réalisées, en particulier les deux procès-verbaux de saisie dressés le […].

Subsidiairement, elle demande au premier président de constater que les conditions de réalisation des perquisitions et des saisies le […] sont irrégulières au regard de l’autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention.

Elle soutient que l’ordonnance aurait dû expressément limiter les opérations de visite et de saisie à la fraude reprochée aux autres sociétés visées par l’enquête fiscale ; qu’en effet, la société JS SERVICE n’était pas concernée par cette enquête, n’ayant aucun lien avec les sociétés incriminées, à l’exception de prestations de services facturées à la société ECORENOVE ; que l’administration fiscale était déjà en possession des éléments de comptabilité de la société JS SERVICES permettant l’établissement ou la recherche de la preuve de la fraude présumée contre les autres sociétés visées dans l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Subsidiairement, sur la nullité des opérations de saisie et la restitution des scellés, elle soutient que l’administration fiscale a saisi des documents qui n’étaient pas en rapport avec la fraude présumée en copiant l’intégralité du disque dur et de la messagerie des ordinateurs de la société ; qu’elle ne pouvait saisir l’intégralité du contenu des ordinateurs sans faire de tri ; qu’à cet égard elle ne saurait se retrancher derrière l’existence de contraintes techniques ; qu’elle a également porté atteinte aux droits fondamentaux des dirigeants de la société, en saisissant des courriers électroniques personnels ; qu’il a en outre été porté atteinte au secret des correspondances entre le client et son avocat, certaines correspondances avec les avocats de la société ayant été saisies sans être placées sous scellé.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 6 décembre 2019, la Direction nationale d’enquêtes fiscales sollicite la confirmation de l’ordonnance rendue le 8 juillet 2019, le rejet de toutes les autres demandes et la condamnation de l’appelante à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’il existe des présomptions selon lesquelles les sociétés de droit roumain T U V, à laquelle s’est substituée la société AC AD AE AF, après la dissolution de la société T en 2016, auraient exercé l’activité professionnelle de sous-traitants de travaux immobiliers en France sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et auraient ainsi omis sciemment de passer en France les écritures comptables y afférentes ; qu’en effet, alors qu’elles réalisent exclusivement leur chiffre d’affaires en France,

principalement en qualité de sous-traitants de la société Z, ces entreprises n’ont déclaré aucun salarié en France, sont inconnues auprès du service de remboursement de la TVA aux assujettis établis à l’étranger et ne sont pas répertoriées dans le compte fiscal des professionnels ; que, par ailleurs, il existe des liens capitalistiques et commerciaux entre ces deux sociétés roumaines et les sociétés ECORENOVE dirigée par Monsieur J K, et Z, détenue à 100 % par la société ECORENOVE, elle-même dirigée par le dénommé ALBUA A L, ce dernier détenant également la société AC AD AE AF ; que toutes ces sociétés et leurs dirigeants sont susceptibles d’être liés par le même schéma de fraude ; que, par ailleurs, la société ECORENOVE, dont le capital social est détenu indirectement par J A et des membres de sa famille, est mise en cause dans le cadre d’une enquête diligentée par la Direction départementale de la protection des populations du Rhône pour avoir minoré le montant de la TVA collectée dans le cadre de son activité en sur-facturant le prix de vente de produits soumis à une TVA réduite et en omettant ainsi sciemment de passer les écritures comptables y afférentes.

Sur l’annulation de l’ordonnance querellée, elle répond que si la société JS SERVICES n’est pas visée par les présomptions de fraude, il était nécessaire, compte tenu de ses liens commerciaux avec la société ECORENOVE, de visiter ses locaux, des documents se rapportant à la fraude commise par cette dernière société étant susceptibles de s’y trouver ; qu’à cet égard, les dispositions de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales permettent de visiter tout lieu dans lesquels sont susceptibles de se trouver des documents se rapportant à la fraude présumée.

S’agissant des opérations de saisie, la Direction nationale d’enquêtes fiscales soutient qu’il n’y a eu aucune saisie massive de documents, seuls les messages des ordinateurs des dirigeants ayant été saisis, les contraintes techniques n’ayant pas permis d’extraire les données de messagerie directement en lien avec la fraude présumée ; qu’il n’y avait aucune obligation de mise sous scellé ; que, par ailleurs, il appartient au juge de contrôler la validité de la saisie des pièces couvertes par le secret entre l’avocat et son client ou de celles qui seraient sans lien avec la fraude ; qu’en l’occurrence aucune pièce n’est communiquée par l’appelante ; qu’en tout état de cause, l’éventuelle irrégularité d’une saisie est limitée à la pièce considérée et ne peut entraîner l’annulation de l’ensemble des opérations de saisie.

MOTIFS

Sur la validité de l’ordonnance du 8 juillet 2019

Suivant les dispositions de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut… autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tout lieu, même privé, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support.

Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter…

Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite.

Ce texte permet les visites en tout lieu, même privé, où les pièces et documents se rapportant aux agissements frauduleux sont susceptibles d’être détenus.

Par conséquent, le fait que la société JS SERVICES ne soit pas concernée par l’existence de présomptions de fraude fiscale ne privait pas le juge de la possibilité d’autoriser l’administration fiscale à visiter ses locaux si des documents se rapportant aux agissements reprochés aux autres personnes visées dans la requête étaient susceptibles de s’y trouver.

En l’occurrence, il ressort de son enquête et des pièces communiquées au soutien de la requête présentée au juge des libertés et de la détention que l’administration fiscale a régulièrement sollicité de la Direction départementale de la protection des populations du Rhône, dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L.81, L.83A et L.102B du livre des procédures fiscales, la communication des renseignements en sa possession concernant la SAS ECORENOVE.

Il en ressort que cette société, dirigée par Monsieur J A, dont l’activité concerne notamment l’offre de services d’audit et de diagnostic énergétique à l’installation d’équipements et d’isolation thermique, a fait l’objet d’un procès-verbal d’infraction dressé le 7 mars 2018 pour des pratiques commerciales trompeuses ; que dans le cadre le cadre de cette enquête, il a été constaté que cette société, qui agissait également au moyen de différents sites Internet dont les noms ne correspondent à aucune personne morale et qui utilisent le même numéro SIREN, établit des factures ne correspondant pas à la réalité en surestimant le prix de vente de certains produits, lui permettant d’obtenir d’importants remboursements de crédit de TVA, étant précisé que l’administration fiscale a constaté que la société ECORENOVE se trouvait en situation de crédit de TVA quasi permanent depuis 2015, jusqu’à décembre 2018, et avait bénéficié de remboursements de TVA d’un montant total de 1'573'249 € sur cette période (consultation des bases de données fiscales des professionnels).

Ces éléments sont suffisants pour estimer qu’il existe des présomptions que la société ECORENOVE se soustrait à l’établissement et au paiement des taxes sur le chiffre d’affaires en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et, par voie de conséquence, en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

Par ailleurs, l’administration fiscale, a relevé, à partir de sites Internet et de ses propres bases de données, que les sociétés de droit roumain T U V et AC AD AE AF, qui effectuaient des prestations pour le compte de la société ECORENOVE, de la SAS NOUVELLES ENERGIES DISTRIBUTION et principalement de la SARL Z, réalisaient l’essentiel de leur chiffre d’affaires en France alors qu’elles étaient inconnues du service de remboursement de la TVA aux assujettis établis à l’étranger de la direction des impôts des non-résidents et n’étaient pas répertoriées dans le compte fiscal des professionnels.

Ainsi, l’administration fiscale a-t-elle pu établir l’existence d’un contrat de sous-traitance conclu le 2 janvier 2014 entre la société MYSUN, devenue ECORENOVE et la société TECHNI HOME, devenue Z portant sur des prestations d’installation de produits aérovoltaïques et aérothermiques, ainsi que de maintenance et de dépannage de systèmes de production d’électricité par panneaux solaires photovoltaïques et l’existence de relations contractuelles entre les sociétés ECORENOVE et Z et la société T U V, cette dernière étant notamment indemnisée forfaitairement pour chaque installation, avant que la société AC AD AE AF ne soit substituée dans les droits et obligations de la société T, suite à la dissolution de cette dernière en 2016.

Ces seuls éléments sont suffisants pour présumer que ces deux sociétés de droit roumain se soustraient à l’établissement et au paiement des taxes sur le chiffre d’affaires en France en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment

des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, l’élément intentionnel résultant de l’absence totale de déclarations de TVA alors que ces sociétés exercent l’essentiel de leur activité en France.

En outre, les investigations des inspecteurs des finances publiques ont permis d’établir des liens capitalistiques et personnels entre ces différentes sociétés et leurs dirigeants ou actionnaires, qui peuvent être synthétisés de la manière suivante :

la société Z est détenue à 100 % par la société ECORENOVE (consultation du fichier informatisé Compte fiscal des professionnels, interne à l’administration fiscale), elle-même détenue indirectement par J A et des membres de sa famille (consultation des fichiers informatisés internes Compte fiscal des professionnels et Base nationale de données patrimoniales et ainsi que de sites Internet publics) ;

la société Z est dirigée par Monsieur L M (extrait K bis du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Lyon), qui détient le capital de la société de droit roumain AC AD AE AF (attestations de l’administration fiscale faisant état des recherches effectuées sur les banques de données internationales) ;

la société de droit roumain AC AD AE AF utilise les moyens matériels et humains de la société Z (avenant signé le 26 mai 2016 au contrat de sous-traitance conclu entre les entreprises) ;

la société NOUVELLES ENERGIES DISTRIBUTION, dirigée par C A, le fils de J A, est le principal fournisseur de la société ECORENOVE et détient indirectement des parts dans cette dernière société (constatations effectuées dans le cadre de la vérification la comptabilité de la société ECORENOVE).

Ces liens justifiaient que les visites et saisies sollicitées par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire soient élargies à l’ensemble des locaux susceptibles d’être occupés par toutes ces sociétés et leurs dirigeants, l’octroi d’une seule autorisation étant le seul moyen de préserver l’effet de surprise et, par conséquent, de préserver les éléments de preuve susceptibles d’être recueillis dans ce cadre.

S’agissant plus particulièrement de la SAS JS SERVICES, les inspecteurs des finances publiques ont relevé que cette société exerçait une activité de vente de matériels énergies renouvelables, ainsi que leur installation par des sous-traitants (consultation du site Internet portail.infolegale.fr) ; que dans le cadre d’une vérification de comptabilité, il a été constaté qu’elle faisait principalement l’acquisition de matériel auprès de la société NOUVELLES ENERGIES DISTRIBUTION (pour un montant total de 576'066.64 € sur l’exercice clos le 30 juin 2018) et avait facturé des prestations de services à la société ECORENOVE pour un montant total net de 42'130.51 € sur le même exercice.

La société ECORENOVE étant soupçonnée d’établir des factures non conformes à la réalité pour bénéficier de remboursements fictifs de TVA, il était nécessaire que l’administration fiscale puisse disposer des documents relatifs à ses relations commerciales avec ses fournisseurs ou sous-traitants, afin de les comparer avec les factures incriminées.

Il est ainsi suffisamment établi que des pièces et documents se rapportant aux agissements frauduleux étaient susceptibles d’être détenus dans les locaux de la société JS SERVICES.

S’il n’appartient pas au juge judiciaire, dans le cadre de son contrôle, d’apprécier l’opportunité de la demande de visite, il doit néanmoins exercer un contrôle de proportionnalité et vérifier si la mesure attentatoire aux libertés que constitue la visite domiciliaire est réellement utile au regard des buts poursuivis par l’administration fiscale.

En l’occurrence, l’importance des relations commerciales entre la société ECORENOVE et la société JS SERVICES et celle de la fraude potentielle justifiaient la visite domiciliaire.

Par ailleurs, il était nécessaire de saisir les documents non comptables, en particulier les courriers (notamment électroniques) échangés entre les deux sociétés, ce que ne permettait pas une vérification de comptabilité traditionnelle.

Par conséquent, l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Lyon le 8 juillet 2019, en autorisant la visite des locaux de la société JS SERVICES, n’a ni violé les dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ni porté une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles et il n’y a pas lieu d’en prononcer l’annulation.

Le recours de la société JS SERVICES à ce titre sera donc rejeté et l’ordonnance confirmée en toutes ses dispositions.

Sur la validité des opérations de visite et de saisie constatées dans le procès-verbal du […]

— Sur les documents non couverts par le secret professionnel :

Seules peuvent être saisies sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, les pièces de nature à apporter la preuve des agissements du contribuable dont la fraude est recherchée.

C’est à l’administration de rapporter la preuve du lien entre les pièces saisies et la fraude recherchée dans le cadre de l’autorisation donnée par le juge judiciaire, la saisie ne pouvant être massive et indifférenciée.

La saisie de l’ensemble d’une messagerie informatique est possible si elle se trouve sur un support indivisible, dès lors qu’une partie des documents qui s’y trouvent se rapportent aux agissements visés par l’autorisation de visite.

En l’espèce, le procès-verbal de visite et de saisie des locaux situés 19 rue H I ' […], dressé le […], mentionne que l’examen, sur l’ordinateur utilisé par O A, président de la société JS SERVICES, des messageries «O.A@g-planet.fr» et «O.A@gmail.com» a permis de constater la présence de documents entrant dans le champ de l’autorisation de visite et de saisie. Compte tenu des contraintes techniques, l’intégralité de ces deux messageries présentes sur le disque dur a été copiée sur un disque dur externe à l’administration.

Par ailleurs, il est constaté, dans le procès-verbal, la présence, sur l’ordinateur précité, de documents entrant dans le champ de l’autorisation de visite et de saisie. Il a été procédé à la copie de ces fichiers sur le disque dur externe.

Les mêmes mentions sont portées dans le procès-verbal, s’agissant de l’examen des messageries «N.B@g-planet.fr» et «N.raveli@gmail.com» sur l’ordinateur utilisé par N B, directeur général de la société JS SERVICES. Il a été procédé de la même façon à la copie des fichiers présents sur cet ordinateur.

Il ne résulte pas de ces mentions que l’administration fiscale aurait procédé à une saisie massive et indifférenciée de messages et de documents, leur contenu ayant été étudié par les agents avant d’être saisis.

La requérante ne conteste pas l’existence d’un lien, parmi les documents et messages saisis, avec la fraude recherchée, mais reproche à l’administration d’avoir saisi l’ensemble des messageries professionnelles, sans sélectionner, lors des opérations de visites, les messages directement en lien

avec la fraude.

Or, aucune disposition légale ni aucun principe fondamental ne s’opposent à ce que les agents de l’administration, qui constatent l’existence de documents ou de messages en lien avec la fraude recherchée, saisissent l’ensemble du support pour l’exploiter dans la suite de leurs investigations, les pièces et documents saisis étant restitués à l’occupant des locaux dans les six mois de la visite, conformément aux dispositions du V de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

Il ne peut être imposé à l’administration de procéder sur place, dans des délais contraints, au tri individuel de chaque document utile à l’enquête, sauf à priver les procédures de visites domiciliaires et de saisies de toute efficacité.

Par conséquent, en l’absence de saisie massive et indifférenciée, ni de contestation sur l’existence, parmi les messages électroniques saisis, de messages en lien avec la fraude, il n’y a pas lieu d’annuler les opérations de saisie.

— Sur les documents couverts par le secret professionnel :

Il résulte des dispositions combinées des articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et L. 16 B du livre des procédures fiscales qu’en toute matière, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, et les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel et que ces documents ne peuvent donc pas être régulièrement saisis par l’administration, sauf lorsque l’avocat a participé à la fraude présumée.

En l’espèce, dans le procès-verbal contesté, l’administration constate que les messageries présentes sur les ordinateurs de Monsieur A et de Monsieur B comprennent des correspondances avec des avocats qui feront l’objet d’un retraitement ultérieur, à partir de la liste mentionnée par O A, ce dernier donnant les adresses mail de huit avocats.

Toutefois, la SAS JS SERVICES ne donne pas, dans le cadre de son recours, la liste des messages couverts par le secret professionnel qu’elle entend voir écartés et ne sollicite aucune communication de pièces de l’administration fiscale.

Or il convient de rappeler que la Cour de cassation a jugé qu’il appartenait à l’appelant, auquel les pièces ont été restituées, ce qui lui permet d’exercer un recours effectif, de verser aux débats celles qu’il prétend ne pouvoir être saisies en en expliquant les raisons pour chacune, l’absence de production rendant impossible de les identifier comme bénéficiant du secret professionnel de l’avocat.

En tout état de cause, d’après une jurisprudence constante, le fait qu’un document couvert par le secret professionnel ou sans rapport avec la fraude présumée figure au sein des saisies effectuées n’a pas pour effet d’entraîner l’annulation de l’ensemble des opérations de visite et saisie.

Par conséquent, le recours sera rejeté de ce chef et les opérations de saisie déclarées régulières.

Sur les dépens et l’article 700 du Code de Procédure Civile

La SAS JS SERVICES succombant à l’instance sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à verser la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, Olivier MOLIN, conseiller, délégué par le premier président, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire,

Rejetons les recours formés par la SAS JS SERVICES contre l’ordonnance rendue le 8 juillet 2019 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon et contre les opérations de visites domiciliaires et de saisies du […].

Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de Lyon en date du 8 juillet 2019.

Déclarons régulières les opérations de visite et de saisies en date du […] dans les locaux situés 19 rue H I ' […].

Condamnons la SAS JS SERVICES à payer à la Direction nationale d’enquêtes fiscales la somme de 1000 € au titre l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamnons la SAS JS SERVICES aux dépens de l’instance.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

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