Cour d'appel de Metz, 19 décembre 2013, n° 13/00919

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 19 déc. 2013, n° 13/00919
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 13/00919
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Thionville, 5 octobre 2011, N° 10/144E

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 13/00919

19 Décembre 2013


RG N° 11/03328


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de THIONVILLE

06 Octobre 2011

10/144 E


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix neuf Décembre deux mille treize

APPELANT :

Monsieur C A

XXX

XXX

Représenté par Me Marc BAERTHELE, avocat au barreau de THIONVILLE

INTIMÉE :

SAS ROTHELEC

XXX

LA SAUER

XXX

Représentée par Me Jean-Christophe SCHWACH, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre

ASSESSEURS : Monsieur Thierry SILHOL, Conseiller

Monsieur Hervé KORSEC, Conseiller

GREFFIER (lors des débats) : Madame Christiane VAUTRIN, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Octobre 2013, tenue par Monsieur Thierry SILHOL, Conseiller et magistrat chargé d’instruire l’affaire, lequel a entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées, et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l’arrêt être rendu le 10 Décembre 2013,

Et ledit jour, le délibéré a été prorogé au 19 Décembre 2013.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur C A a été embauché par la SAS ROTHELEC en qualité de V.R.P. exclusif, suivant contrat à durée indéterminée du 23 novembre 2004 ; son salaire moyen mensuel au cours de l’année 2008 se montait à la somme de 2.382,38 € ; il a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave le 9 mars 2009.

Suivant demande enregistrée le 25 mars 2010, Monsieur C A a fait attraire la SAS ROTHELEC, son ex-employeur, devant le Conseil de prud’hommes de Thionville, aux fins de le voir :

« - DIRE ET JUGER que le licenciement de M. A est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

EN CONSEQUENCE DE QUOI,

— LE DIRE ABUSIF,

— CONDAMNER la SAS ROTHELEC à verser à M. A, les sommes suivantes :

— préavis : 7.147,14 €

— congés payés sur préavis : 714,71 €

— indemnité de licenciement : 1.191,19 €

— dommages et intérêts pour rupture abusive : 28.588,56 €

— dommages et intérêts pour préjudice moral : 10.000 €

— article 700 du CPC : 2.000 €

— ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

— CONDAMNER la SAS ROTHELEC en tous frais et dépens. »

La défenderesse s’opposait aux prétentions du demandeur dont elle sollicitait la condamnation à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Par jugement rendu le 6 octobre 2011, le Conseil des prud’hommes de Thionville statuait ainsi qu’il suit :

« - Juge et dit que la rupture du contrat du travail de Monsieur C A n’est pas fondée sur une faute grave,

— Juge et dit que les griefs reprochés à Monsieur C A sont suffisamment réels et sérieux pour justifier son licenciement,

En conséquence,

— Condamne la SAS ROTHELEC, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur C A les sommes suivantes:

' 7.147,14 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

' 714,71 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

' 1.191,19 € à titre d’indemnité de licenciement,

' 150,00 € au titre de l’article 700 du C.P.C.,

— Déboute Monsieur C A de ses autres demandes,

— Déboute la SAS ROTHELEC de sa demande au titre de l’article 700 du C.P.C.,

— Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit en application des articles R.1454-28 et R.1454-15 du Code du Travail,

— Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens. »

Suivant déclaration de son avocat réceptionnée en date du 28 octobre 2011 au greffe de la Cour d’appel de Metz, Monsieur C A faisait appel de la décision.

Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d’appel et reprises oralement à l’audience de plaidoirie, Monsieur C A demande à la Cour de :

« - Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il dit que le licenciement de M. A C repose sur une cause réelle et sérieuse ;

— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il déboute M. A C de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Statuant à nouveau :

— Dire et juger le licenciement dont a fait l’objet M. A le 9 mars 2009 sans cause réelle et sérieuse ;

— En conséquence le dire abusif ;

— Condamner la SAS ROTHELEC à verser à M. A C la somme de 28.588,56 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Pour le surplus,

— Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il condamne la SAS ROTHELEC à verser à Monsieur A C les sommes suivantes :

' 7.147,14€ bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

' 714,71€ bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

' 1.191,19 € à titre d’indemnité de licenciement ;

— Condamner la SAS ROTHELEC aux entiers frais et dépens de la présente instance, outre au paiement de la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC. »

Au soutien de ses prétentions, il expose que c’est par une appréciation erronée des faits que les premiers juges ont été amenés à considérer que le licenciement dont il a fait l’objet reposait sur une cause réelle et sérieuse en retenant :

— son absence injustifiée au séminaire des 8 et 9 janvier 2009 alors que la participation à celui-ci était facultative tel que cela résulte du carton d’invitation et de l’attestation de son supérieur hiérarchique qui lui avait donné son accord pour ne pas y participer ;

— l’absence de transmission des rapports d’activité et des plannings professionnels des semaines 2 à 6 de l’année 2009, alors que ces éléments avaient été transmis en temps et en heure et qu’à la suite de la demande de son employeur, il a assuré une nouvelle transmission tel que cela résulte encore de l’attestation de son ancien supérieur hiérarchique ;

— sa présence sur un stand concurrent à l’occasion de la Foire Internationale de Metz alors qu’il n’a fait que se présenter à son voisin de stand par courtoisie et qu’il se trouvait d’ailleurs en compagnie du responsable du stand de son employeur qui faisait la même démarche et ce, en dehors des heures d’ouverture du salon au public ;

— l’usage abusif du véhicule de service à des fins privées le 11 janvier 2009 et de détournement de carburant au motif qu’il aurait fait le plein de carburant le 11 janvier 2009 et le 12 janvier 2009 avec le même kilométrage alors qu’il s’agit de la même opération qui n’a été enregistrée que le lendemain en raison d’une difficulté technique affectant la carte de paiement carburant de la société, tel que cela résulte de l’attestation rédigée par le pompiste et du ticket émis à cette occasion, observant qu’il n’y a jamais eu paiement de deux achats de carburant les 11 et 12 janvier 2009 ;

— l’insuffisance de visites et de prospect les semaines 3, 4 et 5 de 2009, alors que les visites ne se font que sur la base des coupons distribués par l’employeur à chaque VRP et que de façon volontaire l’employeur a réduit son nombre de coupons, contrairement aux autres, VRP ;

— le dénigrement de l’employeur prétendument établi par des attestations inexactes ou sans intérêt,

— le retard à l’entretien préalable alors que celui-ci était dû aux difficultés de circulation liées aux conditions climatiques.

Il considère que son licenciement fait directement suite à son refus d’une promotion qui lui a été proposée en décembre 2008 et sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris en ce qui lui a alloué le préavis, les congés payés y afférents et l’indemnité de licenciement, mais sollicite son infirmation et l’allocation de dommages-intérêts équivalant à un an de salaire pour licenciement abusif, dans la mesure où, au jour de son licenciement, il était âgé de 55 ans, avait une ancienneté de cinq ans et a toujours eu d’excellents résultats.

* * *

Par conclusions de son avocat présentées en cause d’appel et reprises oralement à l’audience de plaidoirie, la SAS ROTHELEC demande à la Cour de :

XXX

' DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de Monsieur A est fondé,

' DIRE ET JUGER que Monsieur A a été rempli de l’intégralité de ses droits,

EN CONSEQUENCE,

' INFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de THIONVILLE en ce qu’il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave,

XXX

' DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur A repose sur une cause réelle et sérieuse,

EN CONSEQUENCE ET EN TOUT ETATDE CAUSE,

' CONDAMNER Monsieur A à 2.000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers frais et dépens. »

A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que l’appelant a toujours fait preuve de qualités professionnelles jusqu’à son changement radical de comportement le 15 janvier 2009, concomitant à sa volonté clairement exprimée de quitter l’entreprise, ce qu’ont justement souligné les premiers juges.

Elle rappelle que contractuellement Monsieur C A s’engageait à participer à toute manifestation professionnelle organisée par son employeur en quelque lieu que ce soit sur le territoire français, alors qu’il ne s’est pas rendu au séminaire annuel de la force de vente qui se déroulait les 8 et 9 janvier 2009, s’agissant de la réunion annuelle au cours de laquelle la direction générale présente les orientations et les stratégies commerciales pour l’année à venir.

La SAS ROTHELEC soutient que par courrier du 23 décembre 2008, elle rappelait à Monsieur C A la nécessité de participer à ce séminaire ou de justifier de son absence, Monsieur C A se contentant de répondre par lettre recommandée, datée du 26 décembre 2008, qu’il serait absent à compter du 8 janvier 2009 pour un impératif personnel.

Elle souligne qu’elle est en conflit avec Monsieur Y qui a attesté en faveur de l’appelant cinq ans après les faits, observant que singulièrement Monsieur C A, absent au séminaire des 8 et 9 janvier 2009, a été aperçu sur le stand du concurrent direct de son employeur le 11 janvier 2009 à la Foire de Metz, alors qu’il fournissait son assistance dans le cadre du démontage de son stand et soulignant que la visite de courtoisie à laquelle il fait référence se situe bien à la Foire de Metz, mais celle du 26 septembre au 6 octobre 2008.

La SAS ROTHELEC observe en outre, s’agissant des rapports d’activité, que Monsieur C A avait sciemment décidé de ne pas les adresser à son employeur le laissant dans l’ignorance de la nature exacte de son activité à cette période, notamment au cours de la semaine du 11 janvier 2009.

Sur l’absence de visites et de prospects, la SAS ROTHELEC observe que du 1er décembre 2008 au 9 mars 2009, Monsieur C A a pris trois commandes, résultats qui contrastent significativement avec ses résultats antérieurs et qui démontrent qu’à l’évidence, il n’était plus présent sur le terrain.

En outre, elle soutient que le contrat de travail prévoyait expressément que l’usage du véhicule de service est limité contractuellement à une utilisation exclusivement professionnelle et que les pièces qu’elle produit laissent apparaître que Monsieur C A l’utilisait à des fins privées.

Enfin la SAS ROTHELEC rappelle que Monsieur C A s’était ouvert de son souhait de quitter la société dans de «très bonnes conditions», se livrant à un chantage en précisant que s’il n’était pas justement indemnisé, il entendait vendre à des sociétés concurrentes les listings dont il disposait tel qu’elle en justifie par les attestations produites, en sorte qu’elle sollicite qu’il soit fait droit à ses prétentions à hauteur de Cour.

SUR QUOI, LA COUR

Vu le jugement entrepris,

Vu les conclusions des parties déposées le 29 avril 2013 pour Monsieur C A et le 8 octobre 2013 pour la SAS ROTHELEC, présentées en cause d’appel et reprises oralement à l’audience de plaidoirie auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

1. Sur le licenciement

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mars 2009, Monsieur C A était licencié pour faute grave ainsi caractérisée :

« Nous faisons suite à notre entretien préalable au licenciement du 4 mars 2009 et sommes amenés par la présente à vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité.

Cette décision est motivée par les manquements professionnels graves relevés dans le cadre de l’exécution de vos obligations contractuelles, en votre qualité de VRP au sein de notre société.

En effet, nous avons été amenés à déplorer les manquements et carences manifestes suivants dans l’exercice de votre activité et plus particulièrement :

— Votre absence injustifiée au séminaire annuel de la force de vente du 8 au 9 janvier 2009.

Nous avons relevé votre absence au séminaire annuelle de la force de vente se tenant chaque début d’année et ce sans production d’un justificatif médical de votre absence, ni d’une autorisation préalable d’absence et ce malgré la mise en demeure du 28 décembre 2008 qui vous a été notifiée quant à votre participation.

Nous vous rappelons vos obligations contractuelles en la matière, et particulièrement l’engagement de participer à toute manifestation professionnelle organisée par la société, ainsi qu’à toute réunion de travail et/ou de formation, quelque soit le lieu où elle se déroule.

Or, vous ne vous êtes pas présenté en arguant simplement « d’un impératif personnel » ou encore en vous retranchant derrière le carton d’invitation portant mention du choix de participer ou non au séminaire, alors que ce dernier ne servait qu’à l’organisation matérielle de la dite manifestation.

Vous n’êtes par ailleurs pas sans ignorer l’importance de ce séminaire annuel destiné à présenter les orientations et stratégies commerciales pour l’année à venir et à unifier les méthodes de travail de la force de vente dans son ensemble.

Nous sommes par conséquent amenés à considérer, à défaut de production d’un justificatif en bonne et due forme, votre absence au séminaire comme injustifiée et constitutive par ailleurs d’un manquement grave à vos obligations contractuelles.

— L’absence de transmission des rapports d’activité et des plannings prévisionnels.

Nous n’avons pas réceptionné le lundi 12 janvier 2009, en méconnaissance une nouvelle fois de vos obligations contractuelles et malgré les diverses relances effectuées, votre rapport d’activité de la semaine écoulée (semaine 2), ni le planning prévisionnel de la semaine en cours (semaine 3), ni votre carnet de bord.

Et pour cause, le rapport d’activité non transmis concernait la semaine 2 et intégrait les deux jours du séminaire auquel vous n’avez pas assisté!!

Par ailleurs, nous n’avons plus réceptionné de rapports d’activité ou de prévisionnels depuis la semaine 6 et ce jusqu’à ce jour.

Là encore, il s’agit de manquements graves à vos obligations contractuelles prévoyant expressément la transmission chaque lundi pour 9 heures de vos rapports et carnet de bord, ne permettant aucunement un suivi des activités commerciales et de la clientèle.

— Votre présence sur le stand d’un concurrent.

Vous avez été aperçu le 11 janvier 2009 lors de la Foire de Metz sur le stand de la société ALENA ENERGIES, concurrent direct de notre société, notamment à fournir votre assistance dans le cadre du démontage du stand.

Nous ne pouvons à ce propos admettre vos explications fondées uniquement sur des arguments tenant au fait que votre présence était liée à un tour de la concurrence à titre de veille stratégique et que par ailleurs le dirigeant de ladite société est une de vos connaissances.

Il s’agit d’un acte de déloyauté envers la société ROTHELEC que nous ne pouvons admettre dans le cadre de nos relations surtout que votre présence sur ce stand a été relevé par vos collègues salariés de Rothelec, surpris et déstabilisés par le fait que vous n’avez même pas pris la peine de les saluer.

— Un usage abusif du véhicule de service mis à votre disposition.

Nous avons relevé au cours des dernières semaines des incohérences au niveau de votre consommation de GO eu égard au kilométrage professionnel effectué, laissant présager un usage abusif à titre personnel du véhicule de la société, et ce alors même que vous avez parfaitement connaissance de l’usage strictement professionnel du véhicule de service mis à votre disposition.

Ainsi, au moyen de la carte TOTAL mise à votre disposition nous avons relevé les pleins suivants :

— le dimanche 11 janvier 2009 à 19 h 28 : 49,62 L avec indication d’un kilométrage de 102111 Km

— le lundi 12 janvier 2009 à 13h 13 : 49,62 L avec indication d’un kilométrage de 102112 Km

— le 22 janvier 2009 à 16 h 10 : 46,76 L avec indication d’un kilométrage de 102.858 km

Ces relevés de carte nous font penser que :

— soit vous avez utilisé votre véhicule à des fins privées le dimanche 11 janvier 2009 puisque vous avez repris la même quantité de GO le lundi en début d’après-midi en tentant de camoufler vos kilomètres effectués à titre privé et ce en rajoutant entre les deux pleins un kilomètre à votre relevé,

— soit vous avez détourné du carburant pour un véhicule autre que celui mis à votre disposition par la Société.

— Une absence flagrante de visites de prospects.

Dans le cadre de votre activité professionnelle pour le compte de la société, nous avons été amenés à relever que vous avez visité en tout et pour tout trois prospects au titre des semaines 3, 4 et 5, soit un rendez-vous hebdomadaire en moyenne.

De même, vous n’avez pas réservé aux coupons qui vous ont été transmis depuis début janvier 2009 le traitement, nécessaire en application de la méthodologie commerciale en vigueur au sein de la société.

Par ailleurs, l’enregistrement d’uniquement 3 commandes depuis le 1er décembre 2008, démontre en soit l’absence de prospection active sur le terrain et d’activité réelle pour le compte de la société, vous plaçant là encore en situation d’inexécution fautive de votre contrat de travail.

— Un comportement et la tenue de propos visant à dénigrer la société, ses cadres et ses dirigeants qui ne sont pas digne d’un membre de la force de vente de notre société.

A de multiples reprises et depuis quelques mois déjà, vous avez fait part à Messieurs Y et Z, de votre souhait de quitter la société, en invoquant toutefois le fait que vous entendiez partir dans de très bonnes conditions, nous laissant le soin d’apprécier les termes « très bonnes conditions».

Dans ce contexte, vous avez ouvertement exprimé que dès lors que ces conditions n’étaient pas remplies, vous entendiez vendre à des sociétés concurrentes la liste et les numéros de téléphone des commerciaux de la société ROTHELEC, ainsi que les documents mis à votre disposition dans le cadre de votre activité.

Nous ne pouvons en aucune cas tolérer au sein de notre société, ce type d’attitude provocatrice et de chantage allant à l’encontre de toute relation de confiance, dénotant clairement des manquements à l’obligation de loyauté qui vous incombe et ne permettant pas de poursuivre notre collaboration.

Dans le même état d’esprit, vous avez, au cours des dernières semaines, appelé de manière fréquente et répétée, un certain nombre de membres de la force de vente de la société, aux fins de dénigrer notre société, de les inciter à quitter la société, voire de les débaucher, ces derniers se plaignant de votre comportement, allant jusqu’à évoquer un harcèlement téléphonique.

Nous ne pouvons là encore tolérer telle attitude visant à dénigrer la société, ses dirigeants et à déstabiliser notre force de vente en tentant de leur influer votre état d’esprit négatif et de les débaucher.

Nous vous faisons également part de notre étonnement sur la teneur des propos tenus quant à votre heure d’arrivée au siège de la Société. Vous persistez à affirmer être arrivé le 16 février 2009 à 11h00, jour de votre convocation à un entretien préalable à licenciement initialement prévu le même jour à 10h. Or nous sommes en possession d’éléments démontrant, qu’indépendamment des conditions de circulations difficiles liées aux conditions météorologiques, vous n’avez pu vous présenter aux horaires prévus du fait de l’heure tardive à laquelle vous avez entrepris de vous déplacer. Nous vous rappelons que le Directeur commercial, M. Z, était présent au siège de la Société aux horaires prévus, tout en sachant qu’il a majoritairement emprunté le même itinéraire que vous.

Là encore, nous ne pouvons que constater votre mauvaise volonté et votre état d’esprit pernicieux envers notre Société et ses dirigeants.

Par conséquent, compte tenu des éléments qui précèdent, des manquements graves relevés à vos obligations contractuelles, de votre attitude comportementale négative et de leurs conséquences néfastes sur le bon fonctionnement du service commercial de la société et conséquemment sur la bonne marche et l’image de marque de l’entreprise, nous sommes amenés à vous notifier la présente mesure de licenciement pour faute grave, privatif de toute indemnité-de licenciement et de préavis, qui prendra effet à la date d’envoi de la présente. »

La faute grave qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail, est définie comme la faute qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

a) La présence de Monsieur C A sur le stand d’un concurrent à la Foire de Metz

Si l’employeur fait état de ce que Monsieur A fournissait son assistance pour le démontage du stand de la société ALENA, son concurrent direct, sur la foire de Metz, il convient d’observer d’une part que cet élément est formellement contesté par l’intimé et que d’autre part l’employeur n’en justifie d’aucune façon alors qu’il fait état de ce que l’appelant aurait été vu par d’autres salariés qui en auraient été déstabilisés ; il convient en conséquence de constater que ce grief n’est pas établi, si ce n’est que Monsieur A a reconnu être allé saluer le responsable de ce stand, ce qui ne saurait constituer un motif de licenciement.

b) L’ usage abusif du véhicule de service

S’agissant des deux pleins de carburant des 11 et 12 janvier 2009, Monsieur C A produit une attestation du gérant de la station-service TOTAL qui atteste d’une difficulté de paiement liée à la carte de l’entreprise et de ce qu’il n’y a eu qu’un seul enlèvement de carburant, tel que cela résulte de la fiche de caisse du 11 janvier 2009.

Il en ressort que ce grief n’est pas plus établi.

c) Un comportement et la tenue de propos visant à dénigrer la société

L’employeur fait état de ce que Monsieur C A entendait quitter la société dans le cadre d’un accord négocié, menaçait de vendre à des concurrents des listings et incitait d’autres VRP à quitter la société ROTHELEC.

Il produit pour en justifier deux attestations de deux salariés, Monsieur X qui confirme que Monsieur C A avait projeté de quitter la société et Monsieur Y qui confirme, quant à lui, que Monsieur C A se proposait de vendre la liste des commerciaux ROTHELEC à une société spécialisée dans la recherche de commerciaux et qu’il téléphonait à des vendeurs de la société pour les déstabiliser.

Si ces deux attestations établissant le fait que Monsieur C A avait décidé de quitter la société ROTHELEC, elles n’établissent nullement le dénigrement allégué.

d) L’absence de transmission des rapports d’activité et des plannings prévisionnels

Il est constant que par le passé Monsieur C A a toujours transmis en temps et en heure ses rapports d’activité et ses plannings prévisionnels de la semaine en cours, tel que cela ressort de l’attestation établie par Monsieur F G qu’il produit. Toutefois, il ressort d’une télécopie de l’employeur du 16 janvier 2009, que ce dernier n’avait pas reçu, à cette date, les éléments des deux dernières semaines du mois de décembre 2008 et des deux premières semaine du mois de janvier 2009 et de la lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2009, qu’à cette date, Monsieur C A n’avait pas plus transmis le planning prévisionnel de la semaine en cours.

Or si Monsieur C A justifie avoir transmis par mail, cinq fichiers intitulés « semaine 2, semaine 6, semaine 7, semaine 8 et semaine 9 », il convient d’observer que cette transmission date du 11 mars 2009, soit postérieurement à son licenciement, en ce compris les documents afférents à la semaine 2, déjà réclamés dans le cadre de la télécopie du 16 janvier 2009.

e) L’absence de visites et de prospection

Tel qu’il l’indique lui-même, Monsieur C A avait au cours de l’année 2008 des résultats très significatifs alors qu’il n’a enregistré que trois commandes entre le 1er décembre 2008 et le 9 mars 2009, date de son licenciement et qu’au cours des trois dernières semaines du mois de janvier 2009, il n’a prospecté qu’un seul client par semaine.

Il incombe de relever que si Monsieur C A soutient que cette absence de prospection et de résultats sont liés au défaut de transmission de prospects par l’employeur, d’une part son contrat de travail prévoit qu’il doit mener sur le terrain les actions de prospection et de visite et d’autre part, il n’en fait nullement état dans sa lettre de réponse à son employeur du 17 janvier 2009, alors même qu’il soutient qu’il ne peut démarcher sans prospects et que la transmission de ceux-ci conditionne sa rémunération.

f) L’absence injustifiée au séminaire annuel de la force de vente du 8 au 9 janvier 2009

Alors que son contrat de travail prévoit qu’il s’engage à participer à toute manifestation professionnelle organisée par la société ainsi qu’à toute réunion de travail et/ou de formation située en quelque lieu que ce soit sur le territoire français et notamment aux stages techniques ou commerciaux, pour justifier de son absence au séminaire en cause Monsieur C A fait valoir tout à la fois que sa participation était facultative, qu’il a justifié de son absence et enfin il produit une attestation de son ancien supérieur hiérarchique aux termes de laquelle il aurait été dispensé d’y participer.

Ceci étant, Monsieur C A a été expressément invité à se rendre à ce séminaire à Strasbourg, par lettre recommandée avec accusé de réception de son employeur du 23 décembre 2008, sauf à justifier de son absence et par courrier du 26 décembre 2008, il répondait à son employeur qui ne pouvait y participer en raison d’un impératif personnel indiquant que s’agissant de la qualification de son absence il s’en référait au discernement de son employeur. Ce faisant il ne saurait soutenir qu’il a régulièrement justifié de son absence à ce séminaire où sa présence était requise.

Il ressort de ce qui précède que l’absence de transmission des rapports d’activité et des plannings prévisionnels, l’absence de visite et de prospection à compter du début de l’année 2009 et l’absence injustifiée au séminaire des 8 et 9 janvier 2011 sont suffisamment établis ; toutefois ces griefs ne constituent pas une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien de Monsieur C A dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la faute grave, retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, débouté Monsieur C A de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

2. Sur les indemnités de rupture

A titre subsidiaire, la société ROTHELEC sollicite, si la Cour retenait la qualification du licenciement pour cause réelle et sérieuse, la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux demandes de Monsieur C A s’agissant de l’indemnité légale de licenciement, de préavis et de congés payés sur préavis.

Il convient en conséquence de confirmer encore le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à Monsieur C A :

' la somme de 1.191,19 € au titre de l’indemnité de licenciement,

' la somme de 7.147,14 € bruts à titre d’indemnité conventionnelle de préavis,

' la somme de 714,71 € bruts à titre de congés payés sur préavis.

3. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de la société ROTHELEC les frais irrépétibles non compris dans les dépens et Monsieur C A sera condamné à lui payer la somme de 150 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel.

Monsieur C A qui succombe en son appel sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du Conseil des prud’hommes de Thionville du 6 octobre 2011 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur C A à payer à la SAS ROTHELEC la somme de 150 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour l’instance d’appel;

CONDAMNE Monsieur C A aux dépens de la procédure d’appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe le 19 Décembre 2013 par Monsieur BECH, Président de Chambre, et signé par lui et par Madame MALHERBE, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Metz, 19 décembre 2013, n° 13/00919