Cour d'appel de Metz, 12 mai 2016, n° 14/02348

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 12 mai 2016, n° 14/02348
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 14/02348

Sur les parties

Texte intégral

Minute n° 16/00161

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G : 14/02348

(1)

T, E, E, E, E

C/

F, Z, SA O P DÉSORMAIS DENOMMEE INTER MUTUEL LES P, Organisme CPAM, SA AXA FRANCE IARD

COUR D’APPEL DE METZ

1eRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 MAI 2016

APPELANTS :

Madame S T épouse E

XXX

XXX

Représentant : Me Vincent BARRE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me GASSE, avocat au Barreau de NANCY, avocat plaidant,

Monsieur W E

XXX

XXX

Représentant : Me Vincent BARRE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me GASSE, avocat au Barreau de NANCY, avocat plaidant,

Monsieur A E

XXX

XXX

Représentant : Me Vincent BARRE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me GASSE, avocat au Barreau de NANCY, avocat plaidant,

Madame Y E enfant mineur représentée par ses représentants légaux Monsieur W E et Madame S T épouse E tous deux domiciliés XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Vincent BARRE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me GASSE, avocat au Barreau de NANCY, avocat plaidant,

Madame D E enfant mineur représentée par ses représentants légaux Monsieur W E et Madame S T épouse E tous deux domiciliés XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Vincent BARRE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me GASSE, avocat au Barreau de NANCY, avocat plaidant,

INTIMES :

Monsieur AH F

XXX

XXX

Représentant : Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me BOIZARD, avocat au Barreau de PARIS, avocat plaidant,

SA AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Représentant : Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me

BOIZARD, avocat au Barreau de PARIS, avocat plaidant,

Monsieur AD Z

XXX

XXX

Représentant : Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me AMANOU, avocat au Barreau de Paris, avocat plaidant,

SA O (Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes), en sa qualité d’assureur du Docteur Z, venant aux droits de O P, prise en la personne de son représentant légal,

XXX

XXX

Représentant : Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me AMANOU, avocat au Barreau de Paris, avocat plaidant,

Organisme CPAM prise en la personne de son représentant légal,

XXX

XXX

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : M. HITTINGER, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame STAECHELE, Conseiller

Madame BOU, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme B

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 17 Mars 2016

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 12 Mai 2016.

FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Le 24 novembre 2003 Mme S T épouse E, a consulté M. AH F, médecin gynécologue, qui a mis en place un Dispositif Intra Utérin (stérilet).

Le 25 novembre 2003, devant la persistance des douleurs survenues dès la pose du stérilet et suite à l’apparition de fièvre, Mme E a contacté téléphoniquement le gynécologue qui a considéré qu’elle souffrait d’une atteinte grippale à traiter par la prise de paracétamol sans qu’il y ait lieu à consultation à son cabinet.

Le 26 novembre 2003, devant l’aggravation de ses symptômes, Mme E a fait appel au médecin de garde, M. AD Z, qui s’est rendu à son domicile. Il a diagnostiqué une gastro-entérite et a prescrit la médication adaptée à ce type d’affection.

Les troubles s’aggravant, le conjoint de Mme E sollicitait à plusieurs reprises l’intervention du SAMU au cours de la nuit du 26 au 27 novembre 2003.

Le 27 novembre au matin, la malade était finalement admise au service des urgences de l’hôpital Bon Secours de Metz.

Les examens réalisés ont mis en évidence une infection invasive par streptocoque du groupe A associée à un choc toxique.

L’évolution de l’état de santé de Mme E a imposé une hystérectomie totale et une amputation au tiers supérieur des deux jambes.

***

Par décision du 20 avril 2004, le juge des référés a ordonné une expertise médicale sur saisine de Mme E.

Le docteur X-C, spécialiste en gynécologie-obstétrique, a été désigné comme expert. Le rapport a été déposé le 20 novembre 2006.

L’expert a imputé la responsabilité de l’accident médical à MM. F et Z.

Il a reproché au médecin gynécologue de ne pas avoir effectué de recherche de germes avant la pose du stérilet et de ne pas avoir fait le contrôle échographique du positionnement du stérilet . Ce dernier contrôle lui aurait permis de déceler l’anomalie de ce positionnement et, partant, d’assurer la prise en charge de la patiente qui aurait entraîné une diminution des complications et des séquelles de l’infection.

L’expert a imputé au médecin généraliste de garde de ne pas avoir pris en compte l’état général très altéré de la malade pour la faire hospitaliser d’urgence afin de faire réaliser un bilan.

L’expert a en outre indiqué qu’il était de bonne pratique, pour un opérateur, de faire revenir en consultation d’urgence, un patient qu’il venait d’opérer et qui présentait des signes pathologiques. M. F avait manqué à cette obligation en se contentant de donner un avis médical par téléphone.

***

S’appuyant sur les conclusions de l’expert, Mme S E et M. W E, son conjoint, tous deux agissant en leurs noms et es qualités de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs A, Y et D, ont fait assigner par actes d’huissier de justice des 20 et 26 mars 2008 M. AH F, M. AD Z et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de METZ devant le tribunal de grande instance de Metz aux fins de voir déclarer les deux médecins solidairement responsables de leurs préjudices et obtenir leur condamnation solidaire à les indemniser.

La société AXA France IARD, assureur de M. F, et la O, assureur de M. Z, sont intervenues volontairement à la procédure.

Opposant aux conclusions du docteur X-C les éléments d’un rapport d’expertise rédigé par le docteur M H, gynécologue obstétricien, en exécution de la mission confiée par le juge des référés administratif pour déterminer les conditions d’intervention du SAMU et de la prise en charge hospitalière de Mme E, les défendeurs ont sollicité l’organisation d’une nouvelle expertise médicale.

Les demandeurs se sont opposés à cette demande et ont sollicité subsidiairement le paiement de provisions.

Par jugement avant dire droit du 2 février 2012, le tribunal de grande instance de Metz a ordonné une contre expertise qu’il a confiée au docteur H et a rejeté les demandes de provisions.

Le tribunal a notamment critiqué le rapport du docteur X-C en ce qu’il évoquait avec insistance la pose défectueuse du stérilet démontrée par l’existence de perforations de l’utérus qui auraient permis la transmission de l’infection alors que le rapport de l’anatomo-pathologiste démontrait que cet organe n’avait pas été perforé.

Le tribunal a considéré que le docteur H qui avait déjà mené des opérations d’expertise sur la situation médicale de Mme E dans le cadre d’une procédure de référé devant le juge administratif sans avoir à se prononcer sur la responsabilité du médecin gynécologue et du médecin généraliste, était le mieux à même de réaliser la contre-expertise du fait qu’il avait pu prendre connaissance de bon nombre des pièces médicales du dossier de la patiente.

Le docteur H a déposé son rapport le 3 juillet 2012.

Il affirme que l’infection par streptocoque Béta hémolytique du groupe A avec 'Toxic Shock like Syndrome’ associé est directement en relation avec la pose du stérilet et doit être considéré comme un aléa thérapeutique en l’absence de manquement imputable à M. F dans l’indication et dans la procédure de pose du stérilet.

Il considère que la symptomatologie présentée par Mme E imposait à M. F, conformément aux données acquises de la science et aux bonnes pratiques médicales à l’époque des faits, de faire venir la patiente à son cabinet et de ne pas se contenter d’un conseil médical donné par téléphone. Il y a eu un manquement imputable au praticien à cette occasion.

Compte tenu de la difficulté de poser le diagnostic d’infection débutante suite à la pose du stérilet, le retrait de ce dispositif et la mise sous antibiotiques ne pouvaient pas être forcement envisagés en raison de pauvreté des signes cliniques. L’expert estime que l’indication de mettre la patiente sous antibiotiques n’aurait été envisagée que dans une proportion inférieure à 5 % et que l’antibiothérapie n’aurait eu une probabilité que modérée d’être efficace au stade d’invasion précoce.

Par conclusions postérieures au dépôt du rapport de contre-expertise, les consorts E ont sollicité, la mise en cause de la responsabilité de M. F sur le fondement de l’article L. 142-1 alinéa 1 du code de la santé publique et de l’article 1382 du code civil et sa condamnation in solidum avec la compagnie AXA, avec exécution provisoire, à les indemniser de leurs préjudices.

Subsidiairement, ils ont demandé leur indemnisation à hauteur de 70 % au titre d’une perte de chance d’éviter les séquelles dont souffre Mme E.

M. Z et son assureur, la société O P, ont conclu à l’absence de faute du médecin généraliste et à sa mise hors de cause.

M. F et son assureur, la SA AXA FRANCE IARD, ont sollicité le rejet des prétentions des demandeurs et subsidiairement la réduction des indemnisations sur la base d’une estimation à 2,5 % de la perte de chance.

Par jugement du 9 janvier 2014; le tribunal de grande instance de Metz a, notamment :

— prononcé la mise hors de cause de M. AD Z et de son assureur la O P,

— débouté Mme S E et M. W E, agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants de leurs enfants, de l’intégralité de leurs demandes en les condamnant aux dépens.

Pour considérer que la responsabilité de M. F, seule mise en cause par les demandeurs, n’était pas engagée, le tribunal, répondant à l’argumentation des demandeurs, a pour l’essentiel retenu que :

— le manquement à l’obligation d’information du gynécologue concernant l’infection par streptocoque du groupe A compliqué par un 'toxic shock like syndrome’ n’est pas constitué dès lors que ce risque n’était pas 'normalement prévisible'.

— les manquements au principe de précaution et l’absence de soins consciencieux ne sont pas démontrés.

La préconisation du docteur X-C d’un prélèvement de sécrétions vaginales n’était pas une pratique reconnue ayant une autorité certaine à l’époque de l’intervention.

La pratique des touchers vaginaux également préconisée par cet expert n’aurait donné aucun résultat selon le docteur H car le mécanisme de l’infection est plus vasculaire qu’endocavitaire.

L’absence d’une hystérométrie et d’une échographie incriminée par le premier expert n’ont pas eu d’effet néfaste puisque les données du dossier d’hospitalisation, et en particulier le rapport de l’anatomo-pathologiste, excluent l’existence d’une perforation utérine.

Pour mettre en doute l’efficacité des mesures d’examens complémentaires dont l’omission est signalée par le docteur X-C, le tribunal met en exergue que la seule référence à une infection par streptocoque A lors de la pose d’un stérilet trouvée dans la littérature scientifique indique que le premier examen gynécologique était normal.

— M. F a commis une faute en se contentant d’une consultation médicale par téléphone sans inviter la patiente à venir consulter à son cabinet. Cependant cette faute n’a pas eu de conséquence sur l’évolution de la maladie ou sur son traitement. En effet, à la date où la consultation a eu lieu, il ne résulte d’aucune des expertises judiciaires qu’un praticien normalement avisé, diligent et compétent placé dans la même situation que M. F, aurait pu poser, après un examen adapté, un diagnostic d’infection pelvienne qui se caractérise le plus souvent par une pauvreté des signes cliniques lesquels évoquent davantage un syndrome grippal.

Le tribunal s’est en outre appuyé sur l’avis du docteur H qui a indiqué l’éventualité d’une origine gynécologique aurait pu être retenue après les premiers examens selon une probabilité inférieure à 5 %, et en ce cas l’évocation d’un 'toxic shock like syndrome à streptocoque A’ était improbable compte tenu de la quasi absence de connaissance par la science de cas de cette nature associés à la pose d’un stérilet.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel du 4 août 2014, Mme et M. E ont régulièrement interjeté appel du jugement tant en leur nom qu’en qualités de représentants de leurs enfants mineurs.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par écritures du 4 mai 2015, Mme S E, M. W E, son conjoint, agissant en leurs noms et es qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs, Y E et D E, ainsi qu’A E qui a atteint l’âge de la majorité en cours de procédure, demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré et, aux termes du dispositif de leurs conclusions de :

'- dire et juger Monsieur le Docteur F responsable des préjudices subis par Madame et Monsieur E tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants.

En conséquence,

Condamner in solidum M. le Dr F et son assureur la Compagnie AXA au paiement des sommes des suivantes :

À Madame AB E

—  1 737 182.89 euros en réparation des préjudices patrimoniaux de Madame S E, déduction d’ores et déjà faite de la créance de la CPAM de METZ

—  721 628 euros en réparation des préjudices extra-patrimoniaux subis par Madame S E

A Monsieur W E

—  30 000.00 euros en réparation du préjudice moral de Monsieur W E

—  457 889.20 euros au titre du préjudice professionnel et financier subi par Monsieur W E.

A Monsieur et Madame E es qualité de représentants légaux de leur 3 enfants

mineurs

—  20 000.00 euros en réparation du préjudice moral d’A

—  20 000.00 euros en réparation du préjudice moral de Y

—  20 000.00 euros en réparation du préjudice moral d’D

— Dire et juger que lesdites sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

— Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir

— Condamner in solidum Monsieur le Docteur F et la compagnie d’assurance AXA à payer à Monsieur et Madame E la somme de 15 000.00 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

— Condamner in solidum Monsieur le Docteur F et la compagnie d’assurance AXA

en tous les frais et dépens, en ce y compris les frais et dépens à hauteur de Cour et de première instance (procédure de référé expertise initialement introduite et référencée I. 163/04 et procédure au fond).

— Compenser les dépens relatifs à la mise en cause du Dr Z

Subsidiairement

— Fixer à 70 % la perte de chance que le Dr F a fait perdre à Mme E d’éviter les séquelles dramatiques dont elle souffre

— Condamner in solidum le Dr F et la compagnie AXA à indemniser les préjudices subis par Mme E son mari et ses enfants à proportion de ce quantum

SUR L’APPEL INCIDENT FORME PAR LE DR Z ET LA O

— Dire et juger cet appel totalement infondé

— Confirmer la décision des premiers juges en ce qui concerne le rejet des prétentions du Dr Z et de la O relatives à l’indemnité dont ils sollicitaient le paiement au titre des frais irrépétibles

— Débouter le Dr Z et la O de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions

— Compenser les frais et dépens alloués par les premiers juges au Dr Z et à la O

— Condamner le DR Z et la O aux entiers frais et dépens de leur appel incident'

Après avoir souligné les points de convergence des deux rapports d’expertise concernant la relation établie entre la pose du stérilet et la contamination streptococcique et la faute du médecin gynécologue de ne pas examiné à son cabinet la patiente après avoir été averti téléphoniquement de son état le lendemain de la pose du stérilet, les appelants ont également pris acte des divergences d’appréciation des experts sur la faute du praticien.

Les appelants consacrent les principaux développements aux éléments suivants relatifs à la responsabilité de M. F avant de détailler et évaluer les préjudices dont ils sollicitent l’indemnisation.

Manquement à l’obligation d’information

Les consorts E font valoir que le praticien n’a pas porté à la connaissance de sa patiente les risques engendrés par la pose d’un stérilet. La méconnaissance de cette obligation entraîne ipso facto un préjudice qui doit être indemnisé selon une jurisprudence récente.

M. F a également manqué à cette obligation lors de la communication téléphonique du 25 novembre 2003 à l’issue de laquelle il aurait dû attirer l’attention de la patiente sur la nécessité’ de consulter si les troubles persistaient.

Du fait de ce manquement la responsabilité du médecin est engagée, selon eux, sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Manquement au principe de précaution

S’appuyant sur les conclusions du docteur X C, les consorts E considèrent que M. F aurait dû réaliser un prélèvement vaginal pour déterminer la flore bactériologique, effectuer un toucher vaginal et une hystérométrie, le tout avant la pose du stérilet et réaliser une échographie après la pose du dispositif pour en contrôler le bon positionnement.

Selon les appelants, il y a lieu d’incriminer la légèreté du médecin gynécologue qui s’est affranchi de toutes ces précautions en soulignant qu’il ne peut être exclu que si ces mesures avaient été prises, l’infection aurait pu être évitée.

XXX

Les examens ont confirmé l’existence de deux ' brèches’ occasionnées par la pose du stérilet. Selon Mme E le médecin s’est repris à deux fois pour poser le stérilet et il en est résulté de vives douleurs qui n’ont pas cessé contrairement à ce qu’ont affirmé le docteur H et le tribunal et à ce que mentionne le dossier d’admission au centre hospitalier. D’ailleurs M. F en a été informé lors de la consultation téléphonique, point qui a été éludé par le second expert.

Il y a lieu dans ces conditions d’incriminer l’absence de contrôle échographique, même si le geste du médecin n’était pas fautif, car l’infection est le risque inhérent à une telle opération.

Compte tenu du risque infectieux inhérent à la pose d’un DIA la légèreté et l’absence de précaution puis l’absence totale de contrôle du placement du DIU constitue un manquement fautif.

La consultation par téléphone et l’erreur de diagnostic

Selon les consorts E, M. F a posé un diagnostic totalement erroné (grippe) et préconise un traitement parfaitement inadapté (doliprane). Cette erreur de diagnostic est d’autant plus grave que l’acte pratiqué la veille devait lui faire suspecter un problème en rapport avec le stérilet.

Les experts ont souligné que le fait de ne pas avoir conseillé à la patiente de revenir consulter suite à l’apparition de signes apparus dans les suites de la pose d’un DIU constituait un manquement aux données acquises de la science et aux bonnes pratiques médicales à l’époque des faits.

La faute est donc établie et la difficulté du diagnostic en cause n’est nullement de nature à l’éluder ou à la minimiser.

Selon eux l’affirmation selon laquelle l’examen de la patiente éludé n’aurait servi à rien et n’aurait pas pu permettre de détecter l’infection procède d’une affirmation péremptoire ou d’une supposition gratuite.

Ces manquements, et en particulier le fait de ne pas avoir ré examiné sa patiente malgré un appel de sa part, constituent une pluralité de fautes et sont de nature à engager la responsabilité de M. F, professionnel de santé, conformément aux dispositions de l’article L 1142-1 al. 1 du code de la santé publique.

Le lien de causalité

Les consorts E s’appuient sur l’analyse du docteur X – C pour retenir que la pose du stérilet a été défectueuse et a créé deux brèches dans l’utérus qui sont à l’origine de l’infection. Il s’y ajoute un manquement résultant du défaut d’échographie . Ces fautes successives ont directement contribué à laisser se créer et se diffuser l’infection.

La perte de chance

Les consorts E critiquent les premiers juges en ce qu’ils ont non seulement considéré que la pose du stérilet n’était pas fautive et que dès lors M. F n’était pas à l’origine de la survenance de cette infection mais ils ont en outre retenu de façon discutable que même le fait d’avoir refusé de revoir en consultation sa patiente le lendemain de la pose est sans lien avec les conséquences gravissimes de l’infection.

Ce faisant ils ont fait abstraction des conclusions du docteur H qui a relevé une perte de chance au maximum de 5 % et qui n’a pas exclut la possibilité de diagnostiquer une infection et la mise en place d’un traitement antibiotique efficace pour enrayer ou diminuer les effets de l’infection.

Même si elle est faible la notion de perte de chance doit être retenue dès lors que l’expert n’exclut pas cette éventualité favorable.

Les appelants mettent en cause l’indication de la fiche d’hospitalisation sur l’absence de douleurs due selon eux à la défaillance du médecin régulateur, Mme E affirmant que ses douleurs ont été constantes. Ils en concluent que les conclusions du second expert qui a affirmé que l’examen complémentaire que M. F aurait dû pratiquer eût été peu symptomatique, sont erronées car elles partent d’un faux postulat. En réalité, les symptômes, à savoir les douleurs associées à une hyperthermie sont très évocateurs d’une infection.

De fait en refusant d’examiner Mme E, M. F lui a fait perdre la chance que le diagnostic d’une infection pelvienne (sans forcément que ce soit le diagnostic de toxic shock like Syndrome à streptocoque A) soit posée et que des mesures soient prises qui auraient au moins permis de limiter et d’enrayer le processus de l’infection.

En outre la pose de ce diagnostic aurait permis une surveillance accrue de la patiente et de l’évolution de son état de santé ; notamment cela aurait permis aux intervenants médicaux postérieurs de repérer, plus rapidement l’urgence de la situation et de préconiser immédiatement une hospitalisation.

En exigeant la démonstration d’une certitude dans la pose du diagnostic et dans la guérison les premiers juges dénaturent la notion de perte de chance qui n’exige que la preuve d’une 'éventualité ou une influence favorable’ : cette éventualité existe et a été retenue par l’expert, il appartenait aux premiers juges de la prendre en considération et dès lors d’admettre l’existence d’un lien de causalité entre la faute retenue et les dommages dramatiques engendrées par cette infection.

Le quantum de la perte de chance

Selon les consorts E, l’existence de fièvre et de douleurs apparus après la pose d’un stérilet aurait dû conduire M. F a mettre en place précocement une antibiothérapie qui aurait permis d’enrayer l’infection ou à tout le moins d’en limiter les effets.

Dès lors la perte de chance ne peut être quantifiée à moins de 70 %.

Les chefs de préjudices sont détaillés de la manière suivante par les appelants :

Mme S E

Préjudices patrimoniaux : 1 737 182.89 euros .

— Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) : 496 683.65 euros ( entièrement pris en charge par l’organisme social )

— pertes de gains professionnel actuels : 3 677.03 euros ,

— dépenses de santé futures ( prothèses et appareillage, consultations auriculothérapie, séances de kinésithérapie spécifique pour renforcement du dos, frais de déplacements pour consultations médicales ) : 799 072.63 euros

— depuis la consolidation jusqu’en octobre 2014 : 246 620 euros

— frais futurs : 542 452.63 euros

— Frais de logement adapté : 51 226.20 euros

— Frais de véhicule adapté : . 6 845.25 euros

— Assistance par tierce personne ( aide ménagère, aide soignante, nourrice ou assistante maternelle) : 870 112 euros .

— Perte de gains professionnels futurs : 297 405.78 euros

— Incidence professionnelle : 50 000.00 euros .

préjudices extra patrimoniaux : 721 628.00 euros .

— Déficit fonctionnel temporaire total ……………………………………………….. 12 600.00 euros

— Déficit fonctionnel temporaire partiel ………………………………………………. 5 152.00 euros

— Souffrance endurées ……………………………………………………………………… 60 000.00 euros

— Préjudice esthétique temporaire ………………………………………………………. 15 000.00 euros

— Préjudice fonctionnel permanent …………………………………………………… 292 500.00 euros

— Préjudice esthétique permanent ………………………………………………………. 60 000.00 euros

— Préjudice d’agrément …………………………………………………………………… 100 000.00 euros

— Préjudice sexuel ……………………………………………………………………………. 30 000.00 euros

— Préjudice obstétrical …………………………………………………………………….. 10 000.00 euros

— Préjudice moral …………………………………………………………………………… 120 000.00 euros

— Préjudice matériel …………………………………………………………………………. 16 376.00 euros

M. W E indique qu’il a dû renoncer à un poste impliquant des déplacements pour un poste fixe lui permettant de rester auprès de sa femme. Il a ainsi perdu le bénéfice d’une prime annuelle de 3000 euros. Il a également dû renoncer à un poste en avancement avec augmentation de salaire de 1200 euros par mois et prime de 5000 euros par an. Il estime son préjudice à la somme de 457 889.20 euros.

Par conclusions du 14 septembre 2015, M. AH F et la société AXA FRANCE IARD sollicitent la confirmation du jugement déféré et subsidiairement la fixation de la perte de chance à 2,5 % ainsi que la réduction à de plus justes proportion des indemnités réclamées.

Ils critiquent le travail du premier expert en lui reprochant d’avoir adopté un raisonnement prospectif en indiquant ce qu’il eût fallu faire à la lumière de l’issue dramatique connue sans s’attacher à déterminer si les actes accomplis ou les omissions constatées sont conformes aux données acquises de la science. Il lui imputent diverses erreurs et notamment d’avoir retenu l’existence d’une double perforation de l’uterus quand le rapport de l’anatomopathologiste contredit cette affirmation sur la base de laquelle le premier expert a conclu à l’existence d’une faute dans la mise en place du stérilet.

Les intimés s’appuient sur les conclusions du rapport d’expertise du docteur H lequel a retenu que :

— L’absence de prélèvement des sécrétions vaginales avant la pose du Dispositif Intra Utérin sur la personne de Mme E, le 23 novembre 2003, ne constitue pas un manquement aux données acquises de la science au jour des faits.

— Les brèches du fond utérin et de l’isthme sont de manière certaine les conséquences de la mise en place du dispositif intra-utérin. Ces brèches ne sont pas causées par une insertion défectueuse du Dispositif intra utérin mais sont directement imputables à la technique de pose sans manquement.

— la réalisation d’une hystérométrie n’est pas utile car génératrice de douleurs et de brèches de l’utérus.

— il ne peut être déterminé l’origine endogène ou exogène de l’infection.

— malgré la disparition des douleurs utérines après 24 heures comme signalé dans les notes du CHR, l’état fébrile de la malade commandait de manière impérative un examen gynécologique pour éliminer une perforation ou un processus infectieux.

Cependant, compte tenu des éléments factuels relevés par l’expert (délai d’incubation du streptocoque A, examen peu symptomatique car réalisé en début de phase d’invasion, absence de leucorrhées signalée par la patiente et par le CHR de Metz, signes allégués auprès des différents médecins du SAMU, examen clinique du Dr Z montrant un abdomen souple sans défense, examen clinique des médecins du CHR montrant un abdomen sans défense, échographie qui aurait forcement montré un stérilet en place, disparition dela douleur au bout de 24 heures après la pose du stérilet comme noté par le CHR de Metz, état fébrile isolé apparu après la disparition des douleurs notifié par le CHR de Metz, prélèvement vaginal réalisé en juillet 2003 normal, absence de facteur de risque infectieux particulier), un état infectieux d’origine pelvienne et impliquant la mise sous antibiotiques n’aurait pu être soupçonné que marginalement en tout cas, dans moins de 5 % des cas compte tenu de la pauvreté des signes locaux et des éléments précédemment évoqués. L’antibiothérapie mise en place n’aurait eu une probabilité que modérée d’être efficace au stade d’invasion précoce.

— même si I’origine gynécologie avait été suspectée, il était improbable de penser à un «toxic shock like Syndrome à Streptoccoque A '' puisque une revue de littérature menée par l’expert pour les besoins de |'expertise n’a prouvé que seul 3 cas mondiaux associés à la pose d’un stérilet.

M. F et son assureur soulignent en outre que :

— l’obligation d’information n’existe que pour les risques graves 'normalement prévisibles'.

Or s’agissant de la contamination par streptocoque Béta hémolytique du groupe A, la colonisation vaginale par ce bacille n’est que de 1 % et il n’a été mentionné dans la littérature médicale mondiale que trois cas associés à la pose d’un stérilet.

— les reproches faits au gynécologue par le premier expert de ne pas avoir effectué avant l’intervention un prélèvement vaginal, un toucher vaginal et postérieurement à celle-ci une hystérométrie, ne sont pas fondés car à l’époque des faits, ces examens ne ressortaient pas des règles de bonne pratique. De plus le mécanisme de l’infection a été plus vasculaire qu’endo-cavitaire, de sorte que ces modes d’examens n’auraient donné aucune information sur l’infection dommageable. Il ne pouvait être mis à la charge du praticien une information sur ce risque très spécifique qui ne peut être tenu pour « normalement prévisible ''.

— la prétendue absence fautive d’une hystérométrie et d’une échographie pelvienne n’est pas établie.

En effet selon le docteur H une hystérométrie n’aurait pas eu d’utilité dans la mesure où elle aurait généré des douleurs complémentaires et des brèches dans I’utérus. De plus l’analyse du dossier du centre hospitalier a permis au second expert d’affirmer « qu’une échographie a montré « la présence du DIU en intra utérin de manière certaine '' sans formation abcédée c’est-à-dire sans phénomène désagrégation ni tumeur ''. Ainsi une hystérométrie n’aurait permis que de montrer que le stérilet était en place.

— aucune faute n’a été commise dans la pose du stérilet. L’absence de perforation utérine est établie.

Selon le professeur JUDLIN consulté sur cette question : « En l’absence de tout manquement retrouvé dans l’indication et la pose de ce dispositif intra utérin, on peut affirmer de manière certaine que la survenue du Toxic Shock Like Syndrome ne fait pas suite à un manquement ''.

— les indications des appelants sur la douleur persistante ressentie par Mme E jusqu’à son hospitalisation sont contredites par les données de l’examen clinique des médecins hospitaliers et du médecin généraliste.

— les chances de réussite par antibiothérapie ne sont pas certaines où cette thérapie n’est efficace que si l’administration d’antibiotiques est massive et associée à une hystérectomie. Selon un expert consulté ( le professeur JUDLIN ) ' la gravité de cette infection à streptocoque A tient moins au caractère pathogène du micro organisme qu’au choc toxique infectieux qu’il peut déclencher et qui, une fois débutée, relève moins de l’antibiothérapie que des mesures de réanimation générale '.

— il n’est pas démontré l’existence d’une relation de causalité entre la faute alléguée ( l’erreur de diagnostic lors de la consultation téléphonique ) et le dommage subi parla patiente.

Les principales remarques que formulent les intimés sur le préjudice sont les suivantes :

— l’expert ne se prononce pas sur la nécessité de frais de kinésithérapie en viager.

— il n’est pas établi que les frais de déplacement doivent être exposés durant la vie entière de la victime.

— Les frais d’adaptation du logement doivent faire l’objet d’une expertise préalable et ne peuvent ressortir de la simple demande de prise en charge de facture insuffisamment détaillée ne permettant pas de distinguer aménagement et amélioration éventuelle.

— il ne peut tout à la fois être sollicité de préjudice professionnel ainsi que la prise en charge du coût d’une nourrice puisque si Mme E avait travaillé (objet de sa demande de préjudice professionnel) elle aurait eu recours à une nourrice pour s’occuper de ses trois enfants en bas âge.

— La demande formulée au titre du préjudice professionnel repose sur une pure affirmation de ce que Mme E en absence d’accident aurait travaillé à temps complet ce qu’elle faisait avant d’avoir ses trois enfants.

La prise en compte de la perte de la possibilité de pouvoir éventuellement travailler à plein temps ressortirait de la réparation d’une éventuelle incidence professionnelle.

— M E ne verse pas aux débats ses revenus actuels et passés de sorte que le déficit allégué n’est pas démontré.

Suivant conclusions du 23 février 2015, la société O venant aux droits de la société O P, et M. AD Z, demandent à la cour de :

'- prendre acte que la O vient désormais aux droits de O P et poursuit cette procédure sur cette nouvelle dénomination ;

— constater qu’aucune demande n’est formulée en appel à l’encontre du Docteur Z, lequel a été mis hors de cause par jugement du 2 février 2012 et par jugement du 9 janvier 2014 ;

— confirmer le jugement du 9 janvier 2014 en ce quil a retenu que le Docteur Z n’avait pas engagé sa responsabilité à l’égard des consorts E et que, par voie de conséquence, la O (anciennement MAMTUT P) n’avait pas à intervenir dans le cadre de leur indemnisation ;

— confirmer le jugement du 9 janvier 2014 en ce qu’il a solidairement condamné les consorts E aux frais et dépens comprenant notamment les frais afférents à la procédure de référé ;

— infirmer le jugement intervenu en ce qu’il n’a pas fait application de l’article 700 du CPC au bénéfice du Dr Z et de la O ;

— condamner la partie succombante à 4.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.'

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Moselle, a reçu signification de la déclaration d’appel et des conclusions justificatives d’appel par acte d’huissier de justice remis à personne morale le 25 novembre 2014. L’organisme social n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Seule la responsabilité de M. F est recherchée par les appelants sur le double aspect du manquement au devoir d’information et de la faute médicale dans les actes de prévention, de diagnostic et de soins, dont il convient d’examiner successivement les éléments.

Sur le manquement au devoir d’information

Selon l’article L 1111-2 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au moment des faits, tout professionnel de santé doit informer le patient sur son état de santé et notamment le renseigner sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportent les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés.

Un manquement à ce devoir d’information ne peut donner lieu à réparation qu’au titre d’une perte de chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation d’un risque.

En l’espèce, il est établi par les expertises médicales que Mme S E a été victime d’une infection à streptocoque béta hémolytique du groupe A avec syndrome du choc toxique associé, affection directement en lien avec la mise en place d’un stérilet par M. F.

Il est relevé par le docteur H dans son rapport d’expertise du 16 avril 2012 qu’un seul cas d’infection à streptocoque A chez une patiente porteuse d’un stérilet identique à celui posé chez Mme E a été relatée dans la littérature scientifique, un article ayant été publié sur ce sujet en 2011 dans le ' Journal of Obstretrics and Gynaecology’ .

M. F ne pouvait donc informer Mme E lors de la pose du stérilet le 24 novembre 2003 d’une complication qui était inconnue à la date de son intervention puisqu’aucun cas d’infection similaire n’avait été signalé antérieurement.

Les appelants font également grief à M. F, au titre d’un manquement au devoir d’information, de ne pas avoir attiré l’attention de Mme E, lorsqu’il a été en communication téléphonique avec elle le 25 novembre 2003, sur la nécessité de consulter en cas de persistance de ses troubles. Un tel avis prétendument omis, ne relève pas du devoir d’information. La nécessité d’une nouvelle consultation médicale s’impose d’ailleurs d’elle-même à un patient qui continue à souffrir des maux pour lesquels il sollicite une aide médicale. Ainsi Mme E a-t-elle fait appel aux secours d’urgence lorsque les conseils de soins donnés téléphoniquement par M. F n’ont pas eu l’effet escompté de sorte qu’à supposer établi le manquement invoqué, il a été sans conséquence sur la prise en charge de la malade.

Sur la recherche d’une faute dans les actes de prévention, de diagnostic et de soins

La responsabilité médicale ne peut être engagée, en vertu de l’article L.1142-1, I , du code de la santé publique que pour faute prouvée, l’aléa thérapeutique, défini comme un risque inhérent à l’intervention et non maîtrisable, étant de nature à exclure la faute.

Les consorts E s’appuient sur les observations du premier expert, le docteur X-C, pour reprocher un manque de précaution à M. F qui n’avait pas pratiqué de prélèvements vaginaux avant la pose du dispositif intra utérin et qui n’avait pas non plus réalisé de touchers vaginaux et d’hystérométrie au moment de cette pose.

Le docteur X-C ne fait référence qu’à sa propre pratique de recherche d’anomalies cytologiques avant la pose d’un stérilet, sans expliquer ni même affirmer que cette recherche s’imposait au regard des recommandations de la profession ou comme règle de l’art que tout gynécologue doit respecter. Cet expert a également reproché à M. F de ne pas avoir fait de contrôle échographique lorsque les douleurs lui ont été signalées par la patiente et de ne pas avoir pratiqué de toucher vaginal.

Le second expert nommé dans la présente affaire, le docteur H, indique dans son rapport d’expertise qu’il n’existait à l’époque des faits aucune Recommandation Française relative à un prélèvement des sécrétions vaginales avant pose d’un stérilet et qu’il n’y avait aucune indication pour rechercher un streptocoque du groupe A, germe dont il indique par ailleurs qu’il est présent dans la flore vaginale chez 1 % des patientes sans que sa présence n’entraîne d’effets pathogènes.

Au surplus il n’est pas établi que le germe nocif qui a pu être transmis au moment de la mise en place du stérilet, était présent dans l’organisme de Mme E avant la pose de ce dispositif. De plus ce n’est pas la présence du germe mais la réaction toxinique qui fait la gravité des infections à streptocoque A comme le relève le second expert, complication gravissime ayant un caractère 'plus qu’exceptionnel’ selon lui.

L’absence de prélèvement des sécrétions vaginales avant l’intervention de M. F ne constitue donc pas un manquement de ce dernier aux données acquises de la science à l’époque des faits.

Le contrôle échographique préconisé par le premier expert pour vérifier le bon positionnement du stérilet et qui, selon lui, aurait montré une perforation utérine dont la révélation devait entraîner la prise en charge salvatrice de la malade, n’aurait en réalité eu pour résultat que de confirmer l’absence de perforation utérine selon le second expert. La thèse de ce dernier doit seule être retenue car elle est étayée par la constatation faite par l’anatomopathologiste de l’absence de perforation de l’organe utérin. L’expulsion spontanée du stérilet suite à l’apparition de saignements, fait rapporté dans le compte-rendu d’intervention du chirurgien, vient confirmer l’absence d’ancrage du stérilet dans la paroi utérine.

Le premier expert a également déploré que M. F n’avait pas réalisé d’hystérométrie sans toutefois s’expliquer sur la nécessité d’un tel examen qu’il apparaît tirer du fait non avéré que le stérilet, mal posé, s’était fiché dans la paroi du fond utérin. Le second expert a précisé que la réalisation d’une hystérométrie n’était pas utile car génératrice de douleurs et de brèches de l’utérus.

Pour le même motif tenant au fait que la mise en place du stérilet n’est pas défectueuse, la cour ne peut valider le raisonnement du docteur X-C qui indique que si M. F avait effectué un toucher vaginal lorsque Mme E s’est adressée à lui en raison des troubles ressentis après la pose du stérilet, cet acte aurait exacerbé la douleur ressentie par la patiente de sorte que le gynécologue aurait effectué un examen échographique lequel aurait mis en évidence l’ectopie du stérilet et, par voie de conséquence, aurait entraîné une intervention réparatrice avec traitement antibiotique et surveillance en milieu chirurgical qui aurait eu pour effet induit la diminution des complications et des séquelles liées au syndrome du choc toxique. Un tel raisonnement fondé sur une fausse constatation, ne peut être adopté.

En fonction de ces éléments, le docteur H a pu valablement retenir qu’en l’absence de tout manquement retrouvé dans l’indication et la pose du dispositif intra utérin, il était certain que la survenue du Toxic Shock Like Syndrome ne fait pas suite à un manquement. Aucun élément ne vient contredire cette assertion que la cour fait sienne.

En revanche les deux experts sont unanimes pour considérer que la symptomatologie décrite au téléphone par Mme E à M. F le 25 novembre 2003 commandait au médecin gynécologue de faire revenir la patiente à son cabinet pour un examen clinique. L’abstention de M. F constitue en la circonstance un manquement aux données acquises de la science et aux bonnes pratiques médicales au moment des faits.

Il convient d’examiner les conséquences de la faute sur l’évolution de l’affection subie par Mme E.

Les experts retiennent, 'de manière certaine’ selon l’expression du docteur H, que l’infection à streptocoque béta hémolytique du groupe A avec 'Toxic Shock like Syndrome’ associé est directement imputable à la mise en place du stérilet.

Il ressort du rapport du second expert spécialement interrogé sur cette question que 'malgré un état fébrile isolé le diagnostic d’infection pelvienne débutante n’aurait de loin pas été évident compte tenu de la pauvreté de signes cliniques pelviens. En l’absence de signes pouvant orienter vers un processus pelvien, la mise sous antibiotiques n’aurait pas été utile dans un tel contexte pouvant faire effectivement penser à un syndrome grippal et ce même pour un praticien ayant la notion de la pose récente d’un stérilet.'

Il faut donc conclure que l’examen clinique auquel M. F ne s’est pas livré, aurait abouti au même diagnostic erroné d’infection grippale qu’il a posé lors de sa consultation médicale par téléphone. Le médecin ne pouvant être tenu de poser le bon diagnostic, une erreur de diagnostic n’est pas en elle-même fautive. Or il ressort des observations de l’expert que même en accomplissant les diligences nécessaires pour tenter de parvenir à poser le bon pronostic, M. F demeurait confronté à la difficulté de ce diagnostic due à des symptômes ou signes équivoques.

Le docteur H note en particulier que l’examen clinique effectué en phase d’invasion débutante aurait éliminé l’existence d’une perforation utérine, ce qui a été confirmé par l’analyse des prélèvements par l’anamatopathologiste, que les touchers pelviens auraient probablement été normaux car il est peu probable qu’un abdomen sans défense comme constaté par le médecin généraliste intervenu le 26 novembre 2003 et les médecins hospitaliers qui ont pris le malade en charge le 27 novembre 2003 , aurait évoqué un problème gynécologique près de 36 heures avant un examen clinique fait à l’hôpital qui n’a pas orienté vers une pathologie profonde. Il ajoute que dans l’éventualité où une origine gynécologique eût été retenue, il était improbable de penser à un syndrome de choc toxique. En effet, la revue de littérature scientifique à laquelle l’expert s’est livrée en 2012, n’a révélé que trois cas où ce syndrome a été associé à une pose de stérilet. L’expert précise que l’ablation du stérilet qui est préconisé en cas d’infection sur DIU aurait participé à la diffusion du gène responsable du choc toxique. Un traitement antibiotique aurait pu permettre d’améliorer la prise en charge ultérieure mais était insuffisant pour enrayer la maladie toxinique déjà installée.

Selon ces éléments qui ne font pas l’objet de critiques étayées sur le plan médical, l’erreur de diagnostic commise par M. F ne peut engager sa responsabilité en raison de la difficulté reconnue de suspecter une infection d’une extrême gravité et rareté à partir de signes pseudo grippaux dans la phase initiale de la maladie très pauvre en signes cliniques évocateurs de la maladie réelle à ce stade.

Les consorts E invoquent subsidiairement que l’absence d’examen clinique par M. F a fait perdre à Mme E une chance de guérison et en tous cas d’éviter les lourdes séquelles qu’elle endure.

Le docteur H estime que l’examen clinique de Mme E par le médecin gynécologue au moment où il devait intervenir, n’aurait pu faire soupçonner que marginalement, selon une probabilité inférieure à 5 %, une origine pelvienne de l’état infectieux compte tenu de la pauvreté des signes cliniques pouvant évoquer un syndrome grippal, et l’antibiothérapie mise en place n’aurait eu qu’une probabilité que 'modérée’ d’être efficace à ce stade d’invasion précoce.

Les appelants ne sont donc pas fondés à invoquer la perte d’une chance réelle et sérieuse de guérir ou de prévenir les séquelles de la maladie de Mme E perdue par l’inaction de M. F quand l’expert médical ne retient qu’une chance minime de parvenir à la mise en place d’un traitement efficace au terme de l’examen clinique auquel celui-ci aurait dû procéder.

En considération de l’ensemble des éléments développés précédemment, les demandes de Mme S E, de M. W E, agissant en leurs noms et es qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs, Y et D, et de M. A E, ne pourront qu’être rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré,

DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des parties qui l’ont sollicitée,

CONDAMNE les appelants au paiement des dépens exposés en cause d’appel.

Le présent arrêt a été prononcé publiquement le 12 Mai 2016, par M. HITTINGER, Président de Chambre, assisté de Mme B, Greffier, et signé par eux.

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Cour d'appel de Metz, 12 mai 2016, n° 14/02348