Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 17 décembre 2020, n° 19/03059

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 6e ch., 17 déc. 2020, n° 19/03059
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 19/03059
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Minute n° 20/00241

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G : N° RG 19/03059 – N° Portalis DBVS-V-B7D-FFSI

X

C/

MINISTERE PUBLIC , S.C.P. NOEL Y LANZETTA

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2020

APPELANT :

Monsieur D E X

Chez Madame Z A, […]

[…]

Représentant : Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/011241 du 06/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

INTIMES :

MINISTERE PUBLIC

représenté par Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel de METZ

[…]

[…]

SCP NOEL Y LANZETTA SCP NOEL Y LANZETTA, prise en la personne de Maître B Y es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation

[…]

[…]

Représentant : Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 06 Octobre 2020, tenue en double rapporteurs par Mme Catherine Devignot, conseillère faisant fonction de président de chambre et par Mme Aline Bironneau, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré pour l’arrêt devant être rendu le 17 Décembre 2020 par mise à disposition publique au greffe de la 6e chambre civile de la cour d’appel de Metz.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme DEVIGNOT, Conseiller faisant fonction de président de Chambre

ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU, Conseiller

Monsieur JANEIRO, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L’ARRÊT : Madame WILD

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 27 janvier 2015 faisant suite à une requête de M. D X, le tribunal de grande instance de Metz a prononcé le redressement judiciaire de M. X, a fixé la date d’insolvabilité notoire au 27 juillet 2013 et a nommé la SCP Noel-Y-Lanzetta en la personne de M. Y ès qualités de mandataire judiciaire.

Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 septembre 2015, en raison notamment de l’absence de perspective d’élaboration d’un plan de redressement.

Selon rapport du 21 mars 2019, le mandataire judiciaire a sollicité la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, en soulevant l’application des dispositions de l’article L. 643-11-IV du code de commerce relatif à la fraude aux droits des créanciers.

Le juge commissaire a émis un avis favorable dans son rapport du 12 août 2019.

Le ministère public a sollicité le 23 août 2019 la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif et a conclu à une fraude aux droits des créanciers.

M. X, qui a fait l’objet du procès-verbal de recherches infructueuses prévu à l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas comparu à l’audience du 7 octobre 2019.

Par jugement du 4 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Metz a statué ainsi :

— « clôture pour insuffisance d’actif la liquidation judiciaire de M. X ;

— dit que les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle contre M. X et qu’ils pourront l’exercer si leurs créances ont été admises après avoir obtenu un titre exécutoire par ordonnance du président du tribunal ou lorsqu’ils disposent déjà d’un tel titre, après avoir fait constater par ordonnance du président du tribunal qu’ils remplissent les conditions prévues à l’article L. 643-11 du code de commerce et dit que si leurs créances n’ont pas été vérifiées, ils pourront le mettre en 'uvre dans les conditions de droit commun ;

— dit que la publication du jugement sera effectuée conformément aux dispositions légales à la diligence du greffe ».

Le tribunal a notamment considéré que l’attitude de M. X était constitutive d’une fraude aux droits des créanciers, le débiteur s’étant volontairement abstenu d’informer les organes de la procédure de l’existence d’un véhicule automobile acquis au moyen d’un crédit souscrit auprès de la SA CA Consumer Finance et de sa vente, dont le prix aurait pu désintéresser le créancier. Il a souligné que le débiteur n’avait jamais communiqué le prix de vente au mandataire.

Il a ajouté que le débiteur n’avait fourni aucune information au mandataire sur sa situation professionnelle et financière ni formulé de proposition d’apurement.

Il en a déduit que l’absence de coopération du débiteur était constitutive d’une fraude aux droits des créanciers justifiant que ces derniers soient autorisés à reprendre l’exercice individuel de leurs actions à l’encontre de M. X.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 26 novembre 2019, M. X a interjeté appel de tous les chefs de cette décision.

Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 18 août 2020, M. X demande à la cour de dire son appel recevable et bien fondé, d’infirmer le jugement entrepris, de débouter le ministère public et la SCP Noël-Y-Lanzetta de leurs demandes et de condamner cette dernière aux dépens.

M. X soutient qu’il a fait preuve de transparence sur sa situation, en faisant état dès sa requête en redressement judiciaire de l’existence d’un crédit souscrit auprès de la société Consumer Finance et en adressant au mandataire les documents se rapportant à ce contrat, documents qui faisaient mention de la finalité de ce financement, à savoir l’acquistion d’un véhicule BMW.

Il estime qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir indiqué l’existence de ce véhicule au mandataire dès lors que suite à son retrait de permis, le véhicule litigieux avait été cédé le 15 juillet 2013, soit plus de dix-huit mois avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et avant la date de cessation des paiements fixée au 27 juillet 2013.

Il soutient qu’il a coopéré avec le mandataire qu’il a rencontré à deux reprises et il ajoute qu’il a donné suite à une convocation par lettre recommandée.

Bénéficiaire du Rsa suite à son licenciement en 2014 et père d’un enfant qu’il reçoit en garde alternée sans percevoir de pension alimentaire, M. X explique qu’il n’était pas en mesure de formuler des propositions d’apurement dans le cadre de la procédure collective.

Il admet qu’il a acquis un véhicule Peugeot au cours de la procédure collective, courant 2016, mais affirme que ce véhicule de très faible valeur vénale devait lui permettre d’aller travailler et qu’il l’a remis à l’huissier de justice quand cela lui a été demandé.

Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 27 août 2020, la SCP Noël-Y-Lanzetta prise en la personne de M. Y ès qualités de mandataire judiciaire de M. X conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de condamner l’appelant aux dépens d’instance et d’appel outre une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le mandataire judiciaire affirme que le débiteur s’est délibérément abstenu de coopérer, n’ayant honoré aucun des rendez-vous fixés les 3 août, 26 octobre et 23 novembre 2015 sans jamais fournir aucune explication. Il explique que ce n’est que le 4 août 2016 que M. X s’est présenté à son étude sans y avoir été invité, en adoptant un comportement discourtois voire menaçant à l’encontre du personnel présent.

Il reproche au débiteur d’avoir dissimulé l’existence d’un véhicule BMW dont le mandataire judiciaire indique avoir appris l’existence au détour d’une action en revendication du bien par

l’établissement de crédit ayant financé son acquisition. Il précise que M. X s’est refusé de lui indiquer le prix de revente du véhicule et l’utilisation qui avait été faite des fonds. Il ajoute avoir incidemment appris que le débiteur avait acquis un véhicule en 2016, ce qui avait entraîné le retrait du rapport aux fins de clôture déposé le 1eraoût 2016 pour pouvoir réaliser la vente de ce véhicule.

Il estime que la fraude aux droits des créanciers est caractérisée, compte tenu du désintérêt manifeste de M. X pour la procédure collective, le débiteur ayant de surcroît sciemment dissimulé certains éléments de son patrimoine.

Par conclusions déposées au greffe le 7 juillet 2020 et communiquées régulièrement aux parties ont eu le temps nécessaire pour y répondre, le ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris, en considérant que M. X a revendu son véhicule BMW à prix inconnu et qu’il n’a pas utilisé les fonds de la vente pour désintéresser en partie les créanciers.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les écritures déposées le 18 août 2020 par M. X et le 27 août 2020 par la SCP Noël-Y-Lanzetta prise en la personne de M. Y ès qualités de mandataire judiciaire de M. X, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens;

Vu les conclusions déposées le 7 juillet 2020 par leparquet général de la cour d’appel de Metz ;

Vu l’ordonnance de clôture du 1er septembre 2020 ;

Sur la clôture de la liquidation judiciaire

M. X a interjeté appel de tous les chefs du jugement rendu le 4 novembre 2019 mais en réalité, il ne conteste pas la clôture de la liquidation judiciaire.

Le mandataire judiciaire ne conteste pas non plus cette clôture pour insuffisance d’actif qu’il avait lui-même sollicitée.

Par voie de conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a clôturé la liquidation judiciaire de M. X pour insuffisance d’actif.

Sur la fraude

S’il résulte de l’article L. 643-11 I du code de commerce, que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, ce principe trouve exception notamment, selon le IV du même texte, en cas de fraude du débiteur à l’égard d’un ou plusieurs créanciers.

La fraude ne se présume pas, elle doit être prouvée. Si la fraude prévue à l’article L. 643-11 IV du code de commerce n’impose pas que soit établie l’intention du débiteur de nuire au créancier, elle doit toutefois résulter de circonstances particulières susceptibles de caractériser la volonté délibérée du débiteur de soustraire une partie de son patrimoine pour échapper au paiement de son passif.

En l’espèce, le simple fait que M. X n’ait pas honoré tous les rendez-vous fixés par le mandataire judiciaire ne caractérise pas l’intention du débiteur de nuire aux droits des créanciers, étant observé que M. Y ne conteste pas le fait que M. X ait finalement répondu à une convocation par lettre recommandée.

De même, à les supposer avérés, les propos menaçants de M. X à l’égard du personnel de l’étude

du mandataire, s’ils étaient éventuellement passibles de poursuites pénales, ne caractérisent pas davantage une fraude aux droits des créanciers.

Si M. X admet avoir acquis un véhicule Peugeot au cours de la procédure collective, ce dernier était manifestement de très faible valeur vénale, puisqu’il a été revendu aux enchères pour la somme de 200 euros environ. Au surplus, l’indication de M. X selon laquelle ce véhicule était destiné à lui permettre de travailler ne suffit pas à déterminer s’il avait retrouvé un emploi au cours de la procédure collective ou s’il s’agissait simplement de se déplacer pour faciliter ses recherches d’un travail.

Ainsi l’acquisition de ce véhicule Peugeot par M. X ne permet pas de caractériser une dissimulation de revenus susceptible d’être qualifiée de fraude au sens de l’article L.643-11 précité.

En outre, le mandataire judiciaire ne peut soutenir que M. X lui avait dissimulé l’existence d’un véhicule BMW, car M. Y ne conteste pas que le débiteur lui avait transmis, après l’ouverture de la procédure collective, le contrat de crédit mentionnant la destination du financement, à savoir l’acquisition le 1er février 2011 d’un véhicule BMW dont le prix comptant était fixé à 21 490 euros.

En revanche, il résulte des pièces annexées aux échanges de courriers entre le mandataire judiciaire et le juge-commissaire que cette acquisition était assortie d’une clause de réserve de propriété.

En effet, aux termes de l’article IV des conditions générales du contrat de prêt, M. X « reconnaît que la vente faite à son profit est assortie d’une clause de réserve de propriété, qu’il agit au nom et pour le compte du vendeur auquel il a acheté son véhicule et s’engage à transmettre au vendeur les fonds reçus du prêteur pour le compte du vendeur, en contrepartie de la transmission par celui-ci au prêteur de la clause de réserve de propriété ». M. X s’engageait également à affecter le véhicule acheté en gage au profit du prêteur avec, à son gré, inscription à la préfecture compétente sur le registre prévu à cet effet.

Par ailleurs, il résulte du document « demande de financement » signé le 1er février 2011 par M. X et le concessionnaire automobile que ce dernier a expressément accepté de subroger le prêteur dans le bénéfice de cette clause retardant le transfert de propriété jusqu’au paiement intégral du prix.

La fraude peut être retenue même lorsque les agissements du débiteur sont intervenus avant l’ouverture de la procédure collective, ce qui est le cas en l’espèce, étant précisé en outre que la cession du véhicule est intervenue quelques jours seulement avant la date retenue pour l’état d’insolvabilité notoire de M. X.

De même, il importe peu que le préjudice concerne l’ensemble des créanciers ou un seul d’entre eux.

Ainsi la revente du véhicule BMW le 15 juillet 2013 par M. X, en violation de la stipulation contractuelle d’une réserve de propriété au profit de la SA CA Consumer Finance, constitue une fraude aux droits des créanciers, étant relevé par ailleurs qu’à hauteur de cour, M. X n’a toujours pas communiqué le prix du véhicule et la destination des fonds ainsi perçus.

En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les créanciers recouvraient leur droit de poursuite individuelle contre M. X et qu’ils pourraient l’exercer si leurs créances avaient été admises après avoir obtenu un titre exécutoire par ordonnance du président du tribunal ou lorsqu’ils disposaient déjà d’un tel titre, après avoir fait constater par ordonnance du président du tribunal qu’ils remplissaient les conditions prévues à l’article L. 643-11 du code de commerce et dit que si leurs créances n’avaient pas été vérifiées, ils pourraient le mettre en 'uvre dans les conditions de droit commun et en ce qu’il a dit que la publication du jugement serait effectuée conformément aux dispositions légales à la diligence du greffe.

Sur les dépens

Le jugement entrepris n’a pas statué sur le sort des dépens. Il convient donc de condamner M. X aux dépens de première instance.

M. X qui succombe également à hauteur de cour sera condamné aux dépens de l’appel.

Pour des considérations d’équité, M. X devra payer à la SCP Noel-Y-Lanzetta prise en la personne de M. Y, ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du 4 novembre 2019 du tribunal de grande instance de Metz en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. D X aux dépens de première instance ;

CONDAMNE M. D X à payer à la SCP Noel-Y-Lanzetta prise en la personne de M. Y, ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. D X aux dépens de l’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Devignot, conseillère à la cour d’appel de Metz faisant fonction de présidente de chambre et par Mme Wild, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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