Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 16 septembre 2011, n° 10/02709

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc., 16 sept. 2011, n° 10/02709
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 10/02709
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Verdun, 12 septembre 2010, N° XXX

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 16 SEPTEMBRE 2011

R.G : 10/02709

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERDUN

XXX

13 septembre 2010

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

APPELANT :

Monsieur Q B

XXX

XXX

Représenté par Me Laurent PATE, avocat au barreau de METZ, substitué par Me Florence ALEXIS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

SAS VITHERM, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

XXX

XXX

Comparante en la personne de Monsieur Marc LOUVIGNÉ, Directeur des Ressources Humaines France, régulièrement muni d’un pouvoir du Président de la Société

Assisté de Me Éric SEGAUD, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : Mme SCHMEITZKY,

Conseillers : Mme GUIOT-MLYNARCZYK,

M. Z,

Greffier lors des débats : Mme G

DÉBATS :

En audience publique du 09 Juin 2011 ;

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 16 Septembre 2011 ;

Le 16 Septembre 2011, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Q B, né le XXX, a été engagé le 24 octobre 1979 en qualité d’extrudeur par la S.A.S. Vitherm, exerçant sous l’enseigne Mc Bride, spécialisée dans le conditionnement des produits d’entretien ménager, dont l’eau de Javel.

Il a été l’objet, le 4 octobre 2007, d’un avertissement pour s’être emporté à l’encontre d’une collègue.

Convoqué le 21 mai 2008, le salarié a été licencié le 10 juin 2008 pour s’être adressé avec véhémence au directeur d’établissement lors d’une réunion qui s’est tenue le 23 avril précédent et pour avoir adressé des propos injurieux à une de ses collègues, se comportant à l’égard de celle-ci de manière agressive et menaçante.

La relation de travail était régie par la convention collective de la transformation des matières plastiques.

Le dernier salaire brut s’élevait à 1.594,17 euros.

La S.A.S. Vitherm employait plus de 11 salariés pour les besoins de son activité.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur B a saisi le Conseil de prud’hommes de Verdun le 14 octobre 2009 afin de voir ordonner sa réintégration et, à défaut, afin d’obtenir paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement pour motif économique et pour licenciement abusif; il réclamait également des dommages-intérêts pour discrimination et un rappel de prime de licenciement.

Par jugement du 13 septembre 2010, les premiers juges ont débouté l’intéressé de toutes ses demandes et l’ont condamné à verser à l’employeur 50 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur B a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 8 octobre 2010.

Il conclut à son infirmation et demande à la Cour de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à lui verser :

—  45.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’audience, il a renoncé, par son mandataire, aux demandes présentées en première instance portant sur la réintégration, les dommages-intérêts pour discrimination, les dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement économique et la prime de licenciement.

La S.A.S. Vitherm conclut à la confirmation du jugement et sollicite 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Cour se réfère aux conclusions des parties visées par le greffier le 9 juin 2011 dont elles ont maintenu les termes à l’audience.

MOTIVATION

— Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

'Le 23 avril 2008, une réunion de présentation sur une étude à réaliser par la SMIM et concernant le bruit au regard de la législation, a eu lieu avec le personnel présent. Pour des raisons pratiques d’organisation, deux groupes de salariés avaient été constitués. Vous étiez dans l’un d’eux et, au cours de cette réunion, vous vous êtes adressé avec véhémence envers Monsieur D, le directeur de l’établissement présent, à propos des fumées qui se dégageaient de l’atelier d’extrusion auquel vous êtes affecté.

Face à votre comportement et vos propos, le personnel présent a manifesté sa désapprobation à votre égard jusqu’à vous rappeler que ce sujet n’était pas le thème de la réunion. Vous avez malgré tout continué à manifester votre agressivité au cours de la présentation.

A la sortie de celle-ci, une de vos collègues, Mademoiselle X AF I, déclare que vous avez tenu à son égard, des propos injurieux, et fait preuve d’un comportement agressif et menaçant.

Mademoiselle X nous a confirmé sa déclaration dans un courrier daté du 13 mai 2008 et dont les termes sont :

«  … Je quitte la salle et Monsieur B Q intervient avec son cutter à la main et me pousse à l’épaule droite et il me dit – j’en ai rien à foutre de toi et quand je parle tu la ferme ! Je lui réponds – tu as été hors sujet !

Il me repousse une 2e fois. Il me repousse une 3e fois et me redit la même chose et je lui réponds, hors sujet ! Tout le monde était présent mais personne bouge. Je suis sortie et j’arrive près de la pointeuse lorsque j’entends qui me dit – espèce de Salope ! Je n’ai pas voulu faire de scandale ou faire une polémique. Plusieurs personnes toujours présentes l’ont entendues. Bref ! je suis une personne qui vient travaillée ; je ne suis pas là pour qu’on me fasse une leçon encore moins pour me faire insulter….

Dans ces circonstances, et en fonction de ce témoignage, nous avons mené une enquête interne. A l’issue de celle-ci, nous avons reçu un second témoignage écrit et daté d’un salarié identifié qui souhaite conserver l’anonymat vis à vis de vous, par crainte, et dont la déclaration est la suivante :

M. D, Excusez moi, mais je ne pense plus être en sécurité dans notre société et mes collègues pensent comme moi et ne veulent pas témoigner par écrit.

Monsieur B est un personnage très agressif. Après la réunion du 23 avril 2008, il s’est montré très menaçant envers I. (Pour une simple parole hors sujet) les insultes : je t’emmerde, tu n’es qu’une salope et toujours avec son cutter à la main et malheureusement, je suis témoin de cette scène… M. D c’est une mise en garde et un jour ça va faire très mal.

(Certaines déclarations de cette attestation ne sont pas mentionnées afin de ne pas permettre d’identification du salarié, selon son souhait)

Ces attestations pourront être produites en justice si cela s’avère nécessaire.

De plus, nous vous rappelons que déjà, en octobre 2007, nous avions eu à déplorer de votre part un comportement intolérable et répréhensible puisque vous aviez insulté et agressé une de vos collègues et que nous vous avions infligé, à cette époque un avertissement versé à votre dossier.

En retour, vous considérez, qu’au contraire, les deux témoignages cités sont le résultat d’une volonté caractérisée des deux témoins de vous nuire et que leurs déclarations sont dénuées de fondement puisque, bien que reconnaissant l’altercation verbale avec Mademoiselle X au cours de la réunion, vous niez la bousculade décrite et considérez que s’il y a eu insulte prononcée, elle s’est produite sur le ton de la conversation sans agressivité et hausse de ton particulier. Vous reconnaissez d’ailleurs être capable de vous emporter facilement. Enfin, sur le reproche de l’utilisation intempestive de votre cutter, il s’agit selon vous d’un comportement naturel avec cet outil de travail, sans volonté de nuire.

Enfin, Monsieur N Y, qui vous accompagnait lors de cet entretien préalable, a reconnu ne pas être totalement sûr de pouvoir affirmer qu’il n’y avait pas eu de bousculade et confirme également que s’il y a eu insulte, elle s’est produite sans hausser le ton! De plus, Monsieur Y considérant bien connaître Mademoiselle X, affirme que si la bousculade et l’injure s’étaient produites, c’est Mademoiselle X qui aurait perdu son sang-froid !

Votre volonté délibérément exprimée de vouloir présenter les témoignages ci-dessus comme mensongés et inexactes afin de régler d’anciennes querelles et rivalités ne nous a pas convaincus.

Ainsi, nous continuons à croire qu’à la fois les actes décrits se sont réellement déroulés et que la gravité de ceux-ci représente un manquement caractérisé à la discipline et à la sécurité individuelle et collective dans l’établissement et justifie l’obligation de prononcer votre licenciement.

En effet, face à ces éléments, nous considérons que la nature de vos propos insultants vis à vis de votre collègue et complétés par un comportement agressif et menaçant représente un réel danger pour votre entourage en milieu professionnel, et porte sérieusement atteinte, d’une part, au bon fonctionnement du service auquel vous appartenez et, d’autre part, à la réputation de la société McBride et du personnel qui la constitue.'

Monsieur B conteste toute violence dans les propos qu’il a tenus le 23 avril 2008 de même qu’il conteste les gestes qui lui sont reprochés (bousculades, attitude agressive et menaçante), il se réfère à plusieurs attestations émanant de collègues, dont celle de Monsieur Y, qui l’a assisté lors de l’entretien préalable, il observe que Mademoiselle X n’a établi une attestation que trois semaines après les faits.

De son côté, l’employeur rappelle l’avertissement du 4 octobre 2007 et se fonde sur l’attestation de Mademoiselle X qui, selon lui, décrit de manière précise et détaillée les propos et les faits reprochés à l’intéressé ; il explique que ce n’est qu’à la suite d’une enquête approfondie qu’a été décidée la sanction du licenciement ; s’agissant des attestations produites par Monsieur B, il constate que quatre des salariés les ayant établies n’étaient pas présents lors des faits, que Monsieur Y a antidaté son attestation, ce salarié ayant par ailleurs falsifié certains documents dans le cadre de ses fonctions.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, les faits reprochés à Monsieur B sont établis par les trois écrits produits par l’employeur.

Ainsi, Mademoiselle AF-I X a adressé une lettre à la S.A.S. Vitherm le 13 mai 2008 rédigée, en ce qui concerne les faits eux-mêmes, en ces termes :

«Je quitte la salle et Monsieur B Q intervient avec son cutter à la main et me pousse à l’épaule droite et il me dit :

J’en ai rien à foutre de toi et quand je parle, tu l’as ferme !

Je lui réponds :tu as été hors sujet !

Il me repousse une deuxième fois. Il me repousse une troisième fois et me redit la même chose et je lui réponds : hors sujet ! Tout le monde était présent mais personne bouge. Je suis sortie et j’arrive près de la pointeuse lorsque le l’entends qui me dit : espèce de salope ! Je n’ai pas voulu faire de scandale ou faire une polémique. Plusieurs personnes toujours présentes l’ont entendu ».

Une autre salariée, présente à la réunion du 23 avril 2008, Madame L M, a établi une attestation dont les termes sont les suivants :

« Excusez-moi, mais je pense ne plus être en sécurité dans votre société et mes collègues pensent comme moi et ne veulent pas témoigner par écrit.

Monsieur B est un personnage très agressif. Après la réunion du 23 avril 2008, il s’est montré très menaçant envers I. (Pour une simple parole hors sujet,) les insultes : je t’emmerde, tu n’es qu’une salope et toujours avec son cutter à la main et malheureusement, je suis témoin de cette scène et j’ai été moi-même confrontée à la même scène. »

Madame AC AD, cariste, a également rédigé une attestation dans laquelle elle déclare :

« Je n’ai peut-être pas assisté à la réunion du 23 avril mais j’ai été témoin de l’agression que Monsieur B a eue envers AF-I.

Ce jour-là, j’ai été obligée de rester à la production car il manquait des palettes mais j’ai quitté mon poste quelques instants pour me rendre aux toilettes et en sortant, j’ai vu Monsieur B agresser AF-I avec un cutter à la main, la poussant à plusieurs reprises à l’épaule tout en haussant la voix sur elle !

Vous allez vous demander pourquoi je ne suis pas intervenue '

Et bien voila, moi aussi, Monsieur B m’a agressée lorsque nous faisions partie du comité d’entreprise ensemble, nous n’étions pas souvent en accord jusqu’au jour où il m’a agressée non pas avec une arme mais avec ses propres mains, depuis nous n’avons plus aucune conversation ».

Les attestations versées aux débats par Monsieur B ne contiennent aucune constatation de nature à contredire les témoignages qui précèdent.

En effet, Messieurs Bouckols et XXX, A, Koher et C n’étaient pas présents lors des faits.

Madame J K, manutentionnaire, a, quant à elle, déclaré que « lors de la réunion, Mademoiselle X s’est montrée agressive verbalement et gestuellement par contre Monsieur B était concentré dans l’échange qu’il avait avec la direction » ; elle n’a toutefois donné aucune indication sur les événements qui se sont déroulés à la sortie de la réunion.

Quant à Monsieur N Y, secrétaire du C.H.S.C.T., il a adressé, le 2 juin 2008, une lettre à Monsieur B dans laquelle il relate le déroulement de la réunion du 23 avril précédent et a établi une attestation le 17 novembre 2008.

Dans sa lettre, Monsieur Y rapporte l’échange de propos qui a eu lieu au cours de la réunion entre Mademoiselle X et Monsieur B et affirme n’avoir constaté, à la sortie de cette réunion, ni bousculade, ni altercation précisant « qu’aucun incident n’avait attiré (son) attention » mais également qu’il ne pouvait « garantir à 100 % qu’une telle altercation ait pu avoir lieu », ajoutant qu’il ne passait pas son temps « à surveiller ces deux employés » tout en précisant qu’une altercation bruyante n’aurait pu lui échapper, les machines de la zone étant à l’arrêt.

Il considère que les propos de Monsieur B ne peuvent avoir été tenus dans la mesure où ce dernier est « parti en direction de la petite porte pour rejoindre sa zone de travail où se trouve son vestiaire pour vérifier sa machine et ensuite se changer ( l’extrusion étant en fonctionnement automatique durant l’ensemble de la réunion) et n’avait donc pas pu insulter Mademoiselle X se trouvant près de la pointeuse ».

Dans son attestation, Monsieur Y décrit les faits suivants: « A la fin de la réunion, je suis sorti de la salle en restant sur la zone pour attendre la réunion suivante prévue pour l’autre groupe (prévu d’assister aux deux réunions de par ma fonction). Durant le changement de groupe, je n’ai constaté aucune altercation, cris ou bousculade sur la zone durant l’ensemble de la période où je me suis trouvé sur la zone, étant le premier sorti car le plus proche de la porte et le dernier rentré car chargé de la surveillance de la participation du personnel à la dite réunion ».

L’ensemble de ces déclarations ne permet pas d’exclure le déroulement des événements décrits par les attestations produites par l’employeur et repris dans la lettre de licenciement : elles ne contiennent en effet aucune constatation formelle émanant d’un témoin qui serait resté, non pas sur la zone, mais à proximité immédiate et constante des deux protagonistes de manière à entendre l’intégralité de leurs propos.

Dès lors, la Cour considère comme établi le fait que Monsieur B a insulté Mademoiselle B, la traitant de « salope », lui demandant de « la fermer » quand il parle et la bousculant à trois reprises.

Le fait que le cutter de l’intéressé n’ait pas été ouvert et qu’il soit son outil de travail quotidien ne retire pas, compte-tenu des propos insultants et de l’attitude menaçante dont il a fait preuve, le caractère inquiétant que pouvait présenter, dans cette circonstance, l’exhibition de cet outil.

Par suite, les premiers juges ont fait une exacte application de l’article L.1235-1 du Code du travail en décidant que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

— Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile

Partie succombant à titre principal, Monsieur B sera condamné aux dépens et à verser à la S.A.S. Vitherm 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

DONNE ACTE à Monsieur B de ce qu’il renonce à ses demandes de réintégration, d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement économique, de dommages-intérêts pour discrimination et de rappel de prime de licenciement,

CONFIRME le jugement entrepris,

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur B à verser à la S.A.S. Vitherm 200 euros (DEUX CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

CONDAMNE Monsieur B aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

Et signé par Madame SCHMEITZKY, président, et par Madame G, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Minute en huit pages.

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