Cour d'appel de Nîmes, 11 décembre 2012, n° 11/00832

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 11 déc. 2012, n° 11/00832
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 11/00832
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 20 janvier 2011

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G. : 11/00832

XXX

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

DE NIMES

21 janvier 2011

Section : Encadrement

SARL Z

C/

X

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 11 DÉCEMBRE 2012

APPELANTE :

S.A.R.L. Z

prise en la personne de son représentant légal en exercice

XXX

XXX

représentée par la SELAS BARTHELEMY ET ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître CREPIN, avocat au même barreau

INTIMÉ :

Monsieur L X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER, avocats au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller, exerçant les fonctions de Président spécialement désigné à cet effet,

Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller,

Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Martine HAON, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 17 Octobre 2012, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Décembre 2012

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, publiquement, le 11 Décembre 2012, date indiquée à l’issue des débats.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 9 janvier 2006 la S.A.R.L. Z , ayant pour objet la prestation de service en matière informatique et l’édition de logiciels, était constituée entre cinq associés dont Monsieur L X et son épouse H X, avec comme gérant statutaire Monsieur Y.

Les deux conjoints étaient ensuite embauchés par la société, Monsieur X selon contrat à durée indéterminée en date du 2 mai 2006 en qualité d’ingénieur administrateur réseau, statut de cadre, avec un salaire brut mensuel de 1.870 euros pour 35 heures de travail hebdomadaire.

Madame H X qui avait été embauchée pour sa part en qualité de chef de projet, quittait l’entreprise dans le cadre d’une convention de rupture amiable telle que résultant de l’article L1237-11 du Code du Travail, signée le 21 novembre 2008 et prenant effet le 6 janvier 2009.

Par acte du 12 janvier 2009, Monsieur et Madame X cédaient ensuite leurs parts dans la SARL.

À compter du 23 janvier 2012, Monsieur X était en arrêt maladie justifié par certificat médical du même jour et ne reprenait plus le travail.

Par courrier recommandé du 30 janvier 2009 mentionnant son licenciement envisagé pour faute grave, voire lourde et l’informant qu’il était en position de mise à pied, il était convoqué à un entretien préalable et son licenciement pour faute lourde lui était notifié le 19 février 2009.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, il saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes, lequel par jugement en date du 21 janvier 2011 déclarait sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur X et condamnait la S.A.R.L. Z à lui payer les sommes de :

— Indemnité compensatrice de préavis : 6.358,35 euros

— Congés payés afférents : 635,80 euros

— Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement :1.942,82 euros

— Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12.716,70 euros

— Rappel de salaire sur mise à pied : 1.467,00 euros

— Congés payés sur rappel de salaire :146,72 euros

— Solde de congés payés : 877,40 euros

Par acte du 18 février 2011, la S.A.R.L. Z a interjeté appel de cette décision .

Par conclusions développées à l’audience, elle demande :

— à titre principal, d’infirmer le jugement et déclarer que le licenciement de Monsieur X repose sur une faute lourde, et le condamner à lui payer 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— à titre subsidiaire, de juger que Monsieur X a commis une faute grave exclusive des indemnités de licenciement et de préavis, ainsi que de dommages et intérêts ;

— à titre infiniment subsidiaire, de juger que Monsieur X a commis une faute justifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse exclusive de dommages et intérêts.

Elle soutient que :

Monsieur X ne conteste pas la tentative d’intrusion de son épouse dans le réseau informatique de la société les 5, 6 et 7 janvier 2009 et la connivence des époux est établie.

Après la constatation des intrusions de Madame X, la société a cherché la solution technique pour éviter ce type d’effractions dans ses fichiers tout en informant Monsieur X que ses accès à certains mots de passe allaient être modifiés et, alors que la finalisation devait en être effectuée par Monsieur X le 23 janvier 2009, au lieu d’effectuer ce travail, il a copié l’intégralité des fichiers de la société avant de transmettre à l’employeur un arrêt maladie dès 14h.

Les faits sont établis et par les constatations de ses collègues de travail qui attestent qu’il avait gravé de nombreux disques dans la matinée, et par le procès-verbal établi par Maître LAURENT, huissier de justice, le 18 février 2009, démontrant :

— que l’ordinateur du salarié a seulement été utilisé par lui et a été arrêté le 23 janvier 2009 à 12 h09 pour la dernière fois

— que la valeur de certaines clés de registre Windows est nulle alors qu’elles ne devraient pas l’être, ce qui sous-tend une suppression volontaire de leur contenu

— que le dernier programme utilisé, ce qui est nécessairement volontaire vu sa complexité est le programme informatique « CLEANER » référencé sur internet comme étant « destiné à optimiser ainsi qu’a nettoyer le système» de sorte qu’il est impossible de savoir ce que le salarié a fait sur son ordinateur.

— qu’un logiciel de déchiffrage de codes confidentiels et d’écoute du réseau avait été chargé et utilisé par lui, ce qui à lui seul est un acte lourdement et pénalement fautif, démontrant une volonté de s’introduire à l’insu de ses collaborateurs et de manière illégale dans leurs données personnelles.

— qu’un logiciel « NERO » destiné à graver des CD ou DVD avait été utilisé et fermé le 23 janvier 2009 à 12 heures 04 minutes les explications données successivement par Monsieur X sur cette opération étant incohérentes et évolutives.

C’est donc en pleine connaissance des obligations de son contrat sur la protection de la propriété intellectuelle que Monsieur X a copié des fichiers sans aucune autorisation.

L’intention de nuire résulte de l’enchaînement des faits et de leur rapidité, preuve de leur préméditation :

— retrait des parts que les époux X détenaient dans la société Z.

— rupture du contrat de Madame X afin que cette dernière passe au service d’une société concurrente.

— copie de l’intégralité des données de la société Z.

Monsieur X reprenant ses conclusions déposées à l’audience a sollicité la confirmation du jugement, sauf à porter à la somme de 38.150 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la S.A.R.L. Z au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

Il n’existe aucune concertation frauduleuse des époux X destinée à nuire à la société mais le seul départ d’une associée par ailleurs salariée, en divergence de vue avec les orientations de la société.

La faute lourde nécessite non seulement que l’employeur apporte la preuve de la matérialité des faits mais aussi de l’intention de nuire et ne saurait se référer seulement à un soupçon ou une crainte de sa part.

Non seulement il ne peut lui être reproché d’avoir fermé les accès de son épouse à son système informatique avant le 6 janvier puisqu’elle était toujours salariée jusqu’à cette date, mais ses tentatives d’accès à celui-ci depuis son domicile avaient pour but de restituer à l’entreprise le contenu de sa boîte mail professionnelle ; de plus, il était lui-même en congés jusqu’au 4 janvier et il n’avait reçu aucune instruction pour verrouiller l’ordinateur de son épouse ce que l’employeur où un associé pouvait faire ;

Il a toujours soutenu que son intervention le 23 janvier 2009 n’avait d’autre but que de nettoyer son ordinateur des données personnelles et la présence sur celui-ci d’un logiciel de déchiffrage des codes confidentiels et d’écoute du réseau était justifiée par sa fonction d’ingénieur administrateur réseau ; il n’y a donc eu ni détournement ni captation de données confidentielles et il n’a pas varié dans ses déclarations ayant toujours nié avoir procédé au gravage de disques.

MOTIFS

Embauché le 2 mai 2006 en qualité d’ingénieur administrateur réseau par la société de services informatiques Z, Monsieur X a été licencié pour faute lourde le 19 février 2009, après avoir été convoqué en entretien préalable par courrier du 30 janvier 2009 mentionnant en post-scriptum 'merci de rapporter la totalité des disques que vous avez gravés dans la matinée du 23 janvier 2009. Nous faisons toute réserve pénale.' ;

Le courrier de rupture, qui fixe les limites du litige, précise :

'Je fais suite à notre entretien du 10 février 2009 et ne puis que vous notifier votre licenciement pour faute lourde. (…)

Avant toute chose et au regard de l’observation de votre assistant relative à la procédure, je tiens à vous confirmer qu’ayant reçu un exemplaire de la convocation en main propre le 2 février 2009, ce dont votre signature fait foi, vous étiez bien convoqué cinq jours ouvrables au moins avant la date de l’entretien initialement prévue le 9. Il n’y a donc pas d’erreur.

Ensuite, quant au motif, il vous est connu.

Suite au départ de votre épouse dans le cadre d’une rupture conventionnelle, nous avons été victime de sa part d’une intrusion sur notre réseau. Vous nous avez ensuite informé de son embauche chez un concurrent direct.

Afin d’éviter de vous placer dans une situation délicate, nous avions retenu ensemble le 15 janvier 2009 d’étudier une modification de vos accès à certaines données, pour vous d''ailleurs sans intérêt professionnel. Vous-même avez proposé une solution technique, que vous m’avez confirmée.

Le 23 janvier 2009 alors que nous voulions finaliser cette solution, vous avez passé la quasi-totalité de votre matinée à graver des disques.

Nous ne savons pas ce que vous avez fait ce matin là sur votre ordinateur puisque presque aucun travail n’a été produit. L’après midi vous n’êtes pas revenu travailler et vous aviez emporté les disques.

Or, lors de l’entretien préalable, vous avez déclaré n’avoir rien emporté. Nous vous avons alors proposé d’aller voir les disques du 23 puisqu’ils devaient dès lors être là et vous nous avez dit n’avoir rien gravé, ce qui est totalement contredit par vos collègues de travail qui vous ont vu, et d’ailleurs par le fait que le jour de la remise de la convocation et le jour de l’entretien, ce n’était, selon vous, que des éléments personnels. Bref, vous ajoutez le mensonge et la contradiction.

A toutes fins, nous avons fait ouvrir votre disque dur devant huissier. Non seulement vous avez pris grand soin d’effacer le plus de traces possibles de votre activité et les derniers travaux sont du 23 au matin, mais en outre nous y avons trouvé les traces d’utilisation d’un logiciel de déchiffrage de codes confidentiels et d’écoute du réseau. Vous avez été seul à travailler sur ce poste jusqu’au 23 (12 H 09) et il n’y a plus d’activité depuis. Bien entendu, est aussi confirmé le fonctionnement du logiciel de gravures NERO jusqu’à 12H 04, etc.

S’agissant de l’intrusion de votre épouse sur le réseau, il revêt de vos fonctions de l’éviter, ce que vous n’avez pas fait ; vous ne vous en étiez même pas aperçu, ce qui est une nouvelle faute. Il est tout de même anormal qu’après le départ de votre épouse, vous n’ayez pas supprimé son mot de passe, d’autant qu’elle est partie à la concurrence.

A ceci s’ajoutent les événements précités du 23 janvier 2009 qui dans le contexte et au regard de votre poste rende impossible votre maintien dans l’emploi tellement ils sont anormaux. Ils révèlent en tous cas votre volonté dès le 23 au matin, d’organiser votre départ.

Tout cela nous conduit à vous notifier votre licenciement pour faute lourde et à faire les plus expresses réserves sur les suites que nous serions appelés à donner…'

La faute lourde retenue par l’employeur nécessite la démonstration de l’intention du salarié de nuire à l’employeur ou à l’entreprise ;

Le premier grief exposé est relié par l’employeur à une intrusion informatique sur le réseau de la société, faisant suite au départ de Madame X de celle-ci, donc à compter de la seule date du 7 janvier 2009 pouvant être retenue comme postérieure à celle de la rupture conventionnelle du contrat de cette dernière ;

Les explications transmises par elle dans une attestation produite aux débats, selon lesquelles, en congés non contestés du 19 décembre 2008 au 5 janvier 2009, elle a avec l’accord verbal du gérant de la société tenté vainement depuis son domicile le 5 janvier puis les deux jours suivants de lui transmettre le contenu de sa boîte mail qui s’avérait trop lourd, puis y est parvenu le 8 janvier en utilisant une clé USB, ne sont pas contredites par la société qui, en l’état de la seule tentative mentionnée dans ses écritures, ne démontre aucunement le caractère nocif de celle-ci ;

La société ne démontre pas plus une participation active, d’ailleurs non reprochée expressément dans le courrier de rupture, de Monsieur X à cette opération et celui-ci justifie par trois attestations qu’il a du l’après-midi du 7 janvier rester travailler à son domicile en étant bloqué par les intempéries, cela expliquant l’utilisation de l’ordinateur de son épouse pour se brancher lui-même sur le réseau professionnel de l’entreprise, sans que cette dernière ne démontre une anomalie dans cet état de fait ;

Le contexte d’un nouvel emploi retrouvé par l’ancienne salariée auprès d’une société également spécialisée en matière de services informatiques et présentée par son ancien employeur seul comme lui étant directement concurrente, n’apporte aucun éclairage utile, venant sur une convention de rupture négociée amiablement qui libérait les parties de toutes obligations, notamment en matière de non-concurrence ; de surcroît, le courrier de rupture précise que l’information en a été donnée par Monsieur X lui-même qui a donc fait preuve de loyauté sur ce point ; au demeurant, il résulte des éléments produits que seule une fiche de diffusion Internet fait mention de ce que sa conjointe, en situation de grossesse depuis 4 mois et demi lors de son départ de l’entreprise, aurait depuis 2009 et sans autre précision été employée comme ingénieur pédagogue au sein de la société montpelliéraine de services informatiques DIDACT SYSTEMS, un contrat de travail en date du 17 mai 2010, soit très postérieur à la procédure de licenciement critiquée, étant produit comme preuve de son embauche ensuite par une autre société de services informatiques ;

S’agissant des faits pouvant être directement imputés à Monsieur X, la définition usuelle de la fonction d’administrateur réseau précise que celui-ci doit permettre de surveiller l’activité du réseau pour la réalisation de l’intervention rapide de techniciens, devant ainsi posséder une connaissance très précise de tous les équipements réseaux et des différents architectures réseau, et notamment qu’il est également en charge de la gestion des comptes des utilisateurs, de leur création à l’arrivée de nouveaux personnels à leur destruction au moment de leur départ ;

Elle ne peut cependant, à défaut de production de toute fiche de fonction du salarié comme de toute consigne expressément donnée en ce sens par l’employeur, avoir une valeur telle et le courrier de rupture ne vient pas reprocher expressément à Monsieur X un tel manquement qui, constaté le lendemain seulement de la cessation de la relation de travail de sa conjointe, ne saurait, pour l’ensemble des motifs exposés, s’analyser comme une faute lourde ; le premier grief ne peut donc être retenu ;

Le second grief exposé du gravage le 23 janvier 2009 par le salarié sur son ordinateur professionnel de disques qu’il aurait ensuite emportés intervient dans le contexte susvisé où devait dans le même temps s’effectuer de ce fait sur l’ordinateur du salarié une modification décidée le 15 janvier précédent de ses accès à certaines données informatiques, le courrier de rupture précisant par ailleurs que la solution technique permettant cette modification avait été apportée par le salarié lui-même ;

Si le compte-rendu de l’entretien préalable que produit Monsieur X , rédigé et signé de manière non contradictoire le 10 février 2009 par le seul conseiller du salarié, ne peut avoir de ce fait valeur que de simple renseignement, il relate néanmoins que Monsieur X a alors reconnu avoir effectivement gravé le jour considéré des CD mais uniquement avec un contenu personnel, que seuls ces CD étaient restés en sa possession, et par ailleurs nié avoir emporté hors des locaux de l’entreprise les CD professionnels gravés par lui pour le compte de cette dernière ;

Monsieur B Y, gérant de la société, a par ailleurs répondu à ce compte-rendu adressé à lui, par un courrier du 19 février 2009 qui est également produit, en précisant avoir des certitudes et non des soupçons sur l’intrusion reprochée non à Monsieur X mais à son épouse, que celui-ci n’avait ainsi pas supprimé l’accès d’une ancienne salariée, ce qui ressortait de sa fonction, qu’il avait donc été convenu de supprimer l’accès à certains mots de passe ouvrant sur des données confidentielles à caractère commercial, qu’enfin le salarié n’avait ni communiqué à l’entreprise les disques à contenu personnel gravés par lui le 23 janvier 2009 ni indiqué à celle-ci l’endroit où il aurait laissé les disques à caractère professionnel également gravés par lui le même jour ;

Il ressort par ailleurs des attestations produites sur ce point par les deux parties que :

— Monsieur J K, salarié de l’entreprise employé en qualité de développeur informatique, qui atteste en faveur du salarié, indique qu’il travaillait le matin du 23 janvier 2009 dans le même bureau que ses collègues Messieurs X et A et que, installé en face d’eux, il a vu Monsieur X travailler sur son poste toute la matinée en discutant avec Monsieur A, lequel voyait son écran tout en parlant avec lui, sans intervenir à aucun moment pour arrêter son travail ;

— Monsieur D A, salarié de l’entreprise employé en qualité de développeur multimédias, qui atteste en faveur de l’employeur, relate, sans autre précision, que Monsieur X a effectivement passé une grande partie de la matinée du 23 janvier à graver plusieurs supports amovibles du type CD-ROM ou DVD ; il indique par ailleurs, dans une attestation distincte, que n’étant pas le responsable de travail de Monsieur X, il n’a pu en aucun cas à lui donner la directive de graver des CD ou DVD sur son ordinateur ni de procéder sur celui-ci au nettoyage de toute trace d’utilisation ;

— Monsieur F G, salarié de l’entreprise employé en qualité de chef de produits, qui atteste aussi en faveur de l’employeur, confirme pour sa part, sans autre précision, avoir remarqué que Monsieur X avait passé une partie de la matinée du 23 janvier à graver des disques, s’être fait la remarque qu’il agissait ainsi pour sauvegarder des données, et fait part de son étonnement en ayant appris que celui-ci ne reviendrait pas à 14 heures, alors qu’il avait quitté les locaux professionnels à 12 heures de manière habituelle et en bonne santé ;

L’absence de précisions suffisantes sur la nature des opérations de gravage du salarié, effectuées devant ses collègues, comme du caractère personnel ou professionnel du contenu des seuls disques emportés par lui, ne permet pas plus de retenir le second grief ;

Le troisième grief exposé est concrétisé par le constat d’huissier effectué à la date indiquée du 18 février 2008, dont le caractère erroné ressort des mentions venant ensuite, qui établissent comme réelle la date du 18 février 2009, soit postérieurement à l’entretien préalable et la veille de la notification du licenciement ; il ressort de l’examen du disque dur de l’ordinateur professionnel de Monsieur X que celui-ci n’a pas été utilisé depuis le 23 janvier précédent à 12 h 09, jour de son départ de l’entreprise, et principalement que :

— la quasi intégralité des fichiers, documents et informations contenus dans l’outil professionnel du salarié n’y sont plus contenus, à l’exception notamment de trois documents parmi les 10 derniers documents enregistrés sous «Word» et d’un seul document parmi les 10 derniers documents enregistrés sous «Excel».

— le déchiffrage de l’historique des programmes lancés sur l’ordinateur 'semble faire apparaître l’utilisation du programme «CCCLEANER », programme informatique référencé sur Internet comme étant « destiné à optimiser ainsi qu’à nettoyer le système » en nettoyant notamment la base de registre Windows (source de la définition : 01 net-télécharger.com, site de téléchargement de programmes mettant en ligne le logiciel.'.

— le même déchiffrage 'semble indiquer l’utilisation du logiciel « Dial-up Password Recovery Master » référencé sur Internet comme étant un « outil (qui) permet de récupérer tous les identifiant et mots de passe d’utilisateurs à partir d’un réseau local ou d’Internet. Les données sont enregistrées dans un fichier texte formaté facilement exploitable. » (Source de la définition : site de téléchargement Internet http:/www.toocharger.com mettant en ligne le programme). Il s’agirait donc d’un logiciel espion servant à récupérer les identifiant et mots de passe d’un réseau.'.

— le programme «Nero », correspondant à un logiciel de gravure, fait apparaître son utilisation le vendredi 23 janvier 2009 à 12 h 04.

Il en ressort que les opérations de gravage, qui ont été écartées en tant que grief de rupture, et de nettoyage mentionnées ont bien été effectuées sur l’outil professionnel de Monsieur X le 23 janvier 2009 et dans le temps où celui-ci y travaillait ;

Dans le contexte des opérations techniques de modification qui devaient être effectuées sur cet outil professionnel le jour considéré et en l’absence surtout de toutes précisions sur leur nature exacte, autres que celles mentionnées par l’employeur et seulement dans le courrier de rupture, ainsi que sur les contenus exacts des documents supprimés, tenant la fonction non commerciale d’ingénieur administrateur réseau qui était celle occupée par le salarié, il n’est pas suffisamment démontré que le nettoiement effectué de la sorte constitue une faute lourde, caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur ou à la société, ni même une faute grave, rendant immédiatement impossible la poursuite de la relation de travail ;

Elle doit cependant bien s’analyser comme une cause réelle et sérieuse licenciement, au regard de l’emploi occupé et des compétences techniques que possédait le salarié ;

Il en est de même de l’installation du logiciel « Dial-up Password Recovery Master » dont la présence a été constatée par l’huissier sur l’outil professionnel du salarié, que ne viennent pas justifier ses fonctions ni une quelconque directive en vue de cette installation, effectuée à l’insu de l’employeur et des collègues salariés dont la légitime émotion à la découverte de cet état de fait est traduite par l’attestation de l’un d’eux ;

Le fait que la définitions susvisée de la fonction d’ingénieur administrateur réseau mentionne ' qu’il doit assurer une veille permanente permettant l’évolution de l’infrastructure réseau de l’entreprise et qu’il est chargé, en relation avec le responsable sécurité, de la mise en oeuvre des dispositifs de protection adaptés, devant, pour anticiper tous les risques potentiels, mettre au point un plan de reprise définissant les actions entreprendre pour rétablir l’accès au plus vite, dans le respect de la politique de sécurité de l’entreprise’ ne vient pas légitimer une telle installation d’un logiciel s’apparentant aux logiciels destinés à modifier les systèmes informatiques à l’insu de l’utilisateur afin de capter des données personnelles contrevenant manifestement aux recommandations de la CNIL (Commission Nationale informatique et Liberté) ;

Néanmoins, les seules mentions faites dans le constat d’huissier que le déchiffrage de l’historique des programmes de l’outil professionnel 'semble indiquer l’utilisation du logiciel « Dial-up Password Recovery Master »' et que, selon les seules indications du gérant Monsieur Y, présent au constat, il résulterait de ce déchiffrage la démonstration, non seulement de l’installation du logiciel incriminé et de l’ouverture de son répertoire et de son manuel utilisateur mais aussi de l’exécution puis de la désinstallation du logiciel, ne suffisent ,en l’absence de tout technicien informatique neutre requis à cet effet, à établir de manière certaine et une utilisation du logiciel incriminé à l’insu de ses collègues et de l’employeur et ensuite une désinstallation du même logiciel, ce qui eût constitué une faute lourde ou, à tout le moins, une faute grave imputable au salarié ;

Il convient pour l’ensemble des motifs susvisés de retenir la cause réelle et sérieuse du licenciement intervenu et donc d’infirmer le jugement seulement en ce qu’il a fait droit à la demande d’indemnisation pour rupture abusive, de le confirmer pour le surplus, tant sur le montant des indemnités de rupture allouées que sur celui du rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire qui souffre l’annulation, la faute grave étant écartée, enfin de la somme allouée au titre du solde non contesté des congés payés du salarié ;

Aucune considération d’équité ne justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, pour la première instance comme pour celle d’appel ;

La S.A.R.L. Z devra supporter le paiement des entiers dépens de première instance et d’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme le jugement déféré, en ce qu’il a fait droit à la demande d’indemnisation au titre de la rupture abusive,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que le licenciement de Monsieur L X intervenu le 19 février 2009 est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute en conséquence Monsieur L X de sa demande de dommages-intérêts en réparation de la rupture abusive,

Confirme pour le surplus,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile , pour la première instance comme pour celle d’appel,

Condamne la S.A.R.L. Z aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame HAON, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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