Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 1er octobre 2020, n° 19/00971

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 2e ch. sect. a, 1er oct. 2020, n° 19/00971
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 19/00971
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Alès, 11 février 2019, N° 17/00019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 19/00971 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HIYF

CG

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’ALES

12 février 2019

RG:17/00019

S.A. GMF ASSURANCES

C/

X

S.A. MAAF ASSURANCES

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2e chambre section A

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2020

APPELANTE :

SA GMF ASSURANCES prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur A X

né le […] à MONACO

[…]

2, Impase de la Rouvenède

[…]

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Antoine SILLARD, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA MAAF ASSURANCES

Chaban

[…]

Représentée par Me Caroline PICHON de la SCP DEVEZE-PICHON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Avril 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Mme Isabelle Robin, conseillère,

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 02 juillet 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 octobre 2020

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, le 01 octobre 2020, par mise à disposition au greffe de la cour

Exposé du litige :

Courant 2002, M. X a confié aux Etablissements Sonmez la construction d’une maison d’habitation à Ribaute les Tavernes.

A la suite d’apparition de fissures, M. X, après avoir obtenu la désignation d’un expert judiciaire, a fait assigner le constructeur en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement rendu le 27 avril 2005, le tribunal de grande instance d’Alès a condamné les Etablissements Sonmez et leur assureur décennal – la Maaf – à payer le coût des travaux de

reprise.

Le 7 juin 2011, la cour d’appel de Nimes, après avoir ordonné une nouvelle expertise en raison de l’aggravation des fissures, a majoré l’indemnisation accordée à M. X, lui allouant en sus des dommages et intérêts pour trouble de jouissance.

Le 29 juillet 2013, à la suite d’un épisode de sécheresse, la commune de Ribaute les Tavernes a fait l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle.

M. X a formalisé une déclaration de sinistre auprès de GMF Assurances, laquelle a missionné le cabinet d’experts Elex.

Par courrier en date du 15 octobre 2013, GMF Assurances a indiqué refuser sa garantie et a confirmé sa position suite à une réunion d’arbitrage.

Se prévalant d’un rapport d’expertise judiciaire obtenue dans le cadre d’une instance en référé, M. X a fait assigner GMF Assurances, en sa qualité d’assureur multirisques habitation et la Maf en sa qualité d’assureur décennal, en indemnisation de son préjudice.

Par jugement rendu le 12 février 2019, le tribunal de grande instance d’Alès a :

— condamné GMF Assurances à verser à M. X :

*la somme de 99.723,19 € au titre de sa garantie

*celle de 5.000€ en réparation de son préjudice moral

*celle de 3.000€ au titre des frais irrépétibles

— mis hors de cause la société d’assurances Maaf

— condamné GMF Assurances à verser à la société d’assurances Maaf la somme de 1.000€ au titre des frais irrépétibles

— condamné GMF Assurances aux dépens incluant les frais de l’expertise, ordonnée en référé.

Par déclaration enregistrée le 4 mars 2019, GMF Assurances a interjeté appel.

Suivant conclusions notifiées le 18 avril 2020, GMF Assurances demande à la cour de :

— réformer en toutes ses dispositions le jugement

— débouter M. X de sa demande de mise en oeuvre de la garantie catastrophe naturelle

— subsidiairement dire que les désordres relèvent de la garantie décennale des constructeurs

et la mettre hors de cause

— condamner tout succombant à lui verser la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles

et aux dépens de première instance et d’appel et aux frais d’expertise judiciaire.

L’appelante soutient être fondée à opposer une déchéance de garantie à M. X du fait de ses déclarations erronées lors de la déclaration de sinistre, soulignant que l’assuré a occulté la

préexistence d’autres sinistres affectant la construction.

Elle estime par ailleurs que la garantie 'catastrophe naturelle’ ne peut jouer du fait qu’il n’est pas démontré que la sécheresse est la cause exclusive des désordres.

Suivant conclusions notifiées le 10 juillet 2019, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a retenu le principe de la condamnation de GMF Assurances mais le réformer en ce qui concerne le montant des indemnités allouées

— condamner GMF Assurances à lui payer

*90.979,19 €au titre des travaux de réparations

*4.500€ au titre des frais de déménagement et de garde-meubles

*4.250€ au titre de la location d’un meublé pour la durée des travaux

*5.000€ au titre de la souscription d’une assurance dommage-ouvrage

*10.000€ au titre du préjudice de jouissance

*20.000€ au titre de l’inquiétude et du refus de garantie

— subsidiairement condamner la Maaf à payer ces sommes à titre principal sur le fondement des articles 1792 du code civil (s’agissant des travaux de reprise des désordres) et pour le surplus sur le fondement contractuel

— condamner tout succombant à lui verser la somme de 10.000€ au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens, incluant les frais de référé et d’expertise

L’intimé et appelant incident soutient que GMF Assurances doit sa garantie 'catastrophe naturelle'.

Il estime que GMF Assurances n’est pas fondée à lui opposer une clause de déchéance dans la mesure où d’une part elle ne produit pas les conditions particulières du contrat renvoyant aux conditions générales dont elle se prévaut, d’autre part, elle ne démontre ni sa mauvaise foi ni qu’elle avait porté à sa connaissance les conditions générales avant la conclusion du contrat. Il prétend que la clause litigieuse n’était pas apparente. Il estime que l’expertise révèle que les désordres dont il demande réparation ont pour cause déterminante l’événement de catastrophe naturelle.

Il souligne que l’expert a clairement distingué les fissures liées à l’évenement de catastrophes naturelles de celles résultant des désordres structurels.

Suivant conclusions notifiées le 4 juillet 2019, la société d’assurances Maaf Assurances demande à la cour de :

— confirmer le jugement

— condamner GMF Assurances ou tout succombant à lui verser la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles.

L’intimée prétend que l’expertise a mis en évidence que les fissures affectant la maison de M.

X ont pour cause déterminante les phénomènes de mouvements différentiels de sols visés par l’arrêté en date du 29 juillet 2013. Elle en déduit que les conditions de la garantie 'catastrophes naturelles’ souscrite par M. X auprès de GMF Assurances sont réunies et qu’ainsi elle doit être mise hors de cause.

La clôture de la procédure a été fixée 16 avril 2020.

Motifs de la décision :

Sur la clause de déchéance de garantie :

GMF Assurances produit un extrait des conditions générales en date de mai 2009 mentionnant que l’assureur ne prendra pas en charge le sinistre si de mauvaise foi, l’assuré notamment… exagère le montant des dommages ……

Cette clause institue une déchéance de garantie.

Or, l’article 112-4 du code des assurances exige que les clauses de police édictant des nullités ou des déchéances soient portées à la connaissance de l’assuré en caractères très apparents. En l’espèce, GMF Assurances ne verse pas aux débats les conditions particulières de la police d’assurance signée par M. X mentionnant les conditions générales applicables au contrat, de sorte qu’elle ne justifie pas les avoir portées à la connaissance de M. X. Elle n’établit donc pas que la clause litigieuse dont elle se prévaut, est opposable à M. X.

Il s’en déduit que GMF Assurances n’est pas fondée à invoquer une déchéance de garantie.

Sur la garantie catastrophes naturelles :

Le 29 juillet 2013, la commune de Ribautes les Tavernes a fait l’objet d’un arrêté interministériel de catastrophe naturelle pour des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er janvie 2012 au 30 juin 2012.

L’article L. 125-1 du code des assurances, issu de la loi no 82-600 du 13 juillet 1982, définit comme suit le champ d’application de l’assurance obligatoire en matière de catastrophes naturelles :

« Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’Etat et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestresà moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l’objet de tels contrats.

(') Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises. (') ».

GMF Assurances estime que la garantie 'catastrophes naturelles’ ne peut être mobilisée dans la mesure où la maison était déjà déstabilisée en 2003 et en déduit que l’épisode de sécheresse de 2012 ne peut être considérée comme la cause déterminante des désordres.

Certes, il est constant qu’une première famille de fissures est apparue en 2002 peu de temps après la réception des travaux, l’expert judiciaire M. Y désigné à deux reprises en 2004

et en 2008, ayant décrit une large fissure horizontale affectant les façades nord, est et ouest au niveau du plancher sur vide sanitaire et en ayant attribué la cause à un défaut d’exécution de la Sarl Sonmez, assurée par la Maaf.

Cela ne signifie pourtant pas nécessairement que la survenance postérieure de dommages de même type ne puisse être prise en considération au titre de la garantie 'catastrophe naturelle'.

La garantie, toutefois, ne peut avoir lieu qu’à condition que le phénomène naturel a bien été, au-delà d’un antécédent du dommage, sa cause déterminante.

Cette exigence conduit à rechercher parmi les causes parfois multiples qui ont concouru au dommage celle qui présente ce caractère déterminant c’est-à-dire prépondérant au point d’évincer toutes les autres.

En l’espèce, l’expert judiciaire M. Z désigné par ordonnance de référé en date du 19 novembre 2015, après avoir fait ses constatations concernant les fissures affectant les murs des façades de la maison d’habitation de M. X, consulté les rapports d’expertise (rapport de l’expert judiciaire M. Y en 2004, rapport Elex de 2013 ainsi que conclusions géotechniques de son sapiteur la société ABESOL en 2016) et noté que les maisons très proches sont affectées de fissures qui rentrent dans le cadre de l’arrêté du 29 juillet 2013, indique que les fissures en escaliers, localisées en façade de la chambre 4 et de la chambre 2 sont apparues après l’expertise de M. Y en 2004 et sont le signe de mouvements différentiels sous fondations.

L’analyse de l’expert est confirmée par la lecture attentive des rapports de M. Y déposés en 2004 et 2008, qui n’évoquent pas de fissures en escaliers.

Par ailleurs, le diagnostic géotechnique réalisé le 3 août 2016 révèle que la portance du sol apparait suffisante pour supporter l’ouvrage de M. X consistant en une maison en rez de chaussée , ce dont il peut être déduit que les mesures habituelles adaptées au type de construction de M. X avaient été mises en place et que le mode constructif ne peut expliquer la survenance des fissures en escaliers.

Le rapport d’expertise identifie plusieurs causes à l’apparition des désordres dont la sensibilité des sols d’assise au retrait et gonflement des argiles, l’aménagement environnemental des alentours de la maison (présence d’arbres à proximité de la maison notamment de chênes de grande taille, gestion maladroite des eaux de toiture).

Toutefois l’environnement de la maison ainsi que les désordres antérieurs dus à des défaillances techniques d’exécution identifiés dès 2004 ne constituent pas des facteurs suffisamment importants pour expliquer l’apparition des fissures et particulièrement de celles 'en escalier'.

Les fissures considérées dans l’instance sont bien apparues par l’effet de la sécheresse, catastrophe naturelle objet de l’arrêté du 29 juillet 2013,

Cette sécheresse est bien la cause déterminante du sinistre,et c’est l’effet de celle-ci qui a provoqué le sinistre, qui sans cet événement ne se serait pas produit.

Il apparait donc que le phénomène naturel de catastrophe a été en l’espèce l’agent déterminant à l’origine des désordres dits 'de seconde famille 'constatés par l’expert, identiques à ceux affectant les maisons environnantes et ayant fait l’objet d’une indemnisation au titre de la garantie catastrophe naturelle.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a dit que la SA GMF Assurances devait garantir les dommages subis par M. X et a mis hors de cause la société d’assurances MAAF.

Sur le quantum de l’indemnisation :

C’est par une analyse pertinente des éléments de la cause que le tribunal a fixé l’indemnisation due à M. X à la somme de 99.723,19 € se décomposant comme suit :

—  90.973,19 € représentant le montant des travaux de réparation sur la base d’un devis approuvé par l’expert

—  4.250 € correspondant au coût de la location temporaire d’un meublé pendant la durée prévisible des travaux, évalués par l’expert à 5 mois

—  4.500€ au titre des frais de déménagement et de garde-meubles durant la même période.

Le tribunal a écarté à juste titre les autres postes invoqués par M. X :

— de 5.000€ au titre de la souscription d’une assurance dommages-ouvrage, à défaut pour M. X de produire un justificatif

— de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance dès lors que ce chef de préjudice est déjà indemnisé par l’octroi des frais de location temporaire d’un meublé pendant le cours des travaux.

Par ailleurs, il y a lieu de confirmer le premier jugement en ce qu’après avoir d’une part relevé l’attitude rigide de la GMF qui a procédé à l’archivage arbitraire du dossier sinistre alors que son propre expert avait conclu à l’existence de désordres liés au phénomène naturel de catastrophe naturelle et d’autre part noté que ces difficultés ont occasionné un préjudice certain à M. X, qui se trouvait dans un état de santé précaire , a accordé à ce dernier des dommages et intérêts d’un montant de 5.000€ en réparation de son préjudice moral.

En définitive, il convient de confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement de première instance sera confirmé à cet égard.

La SA GMF assurances succombant en son recours, sera condamnée à payer à :

— M. X la somme de 3.000€

— la société d’assurances MAAF la somme de 1.500€

et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement de première instance en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Condamne la SA GMF Assurances à verser à M. X la somme de 3.000 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA GMF Assurances à verser à la société d’assurances MAAF la somme de 1.500 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA GMF Assurances aux entiers dépens

Arrêt signé par Mme Michel, présidente de chambre et par Mme Laurent-Vical, greffière.

La greffière, La greffière,

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