Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ta, 4 février 2020, n° 17/01282

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 5e ch. soc. ta, 4 févr. 2020, n° 17/01282
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 17/01282
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Avignon, 1er mars 2017, N° 21400405
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : N° RG 17/01282 -

N° Portalis DBVH-V-B7B-GSUB

EM/DO/CM

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE D’AVIGNON

02 mars 2017

RG:21400405

CPAM DU VAUCLUSE SERVICE JURIDIQUE

C/

A

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 04 FÉVRIER 2020

APPELANTE :

CPAM DU VAUCLUSE SERVICE JURIDIQUE

[…]

[…]

représenté par M. X Y en vertu d’un pouvoir général

INTIMÉ :

Monsieur Z A

né le […] à CARPENTRAS

[…]

[…]

représenté par Me Latifa BOUTAHAR, avocat au barreau d’AVIGNON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2017002961 du 10/05/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1

du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.

Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Monsieur Lionel MATHIEU, Conseiller

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

à l’audience publique du 05 Novembre 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Janvier 2020, prorogé à celle de ce jour.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président, publiquement, le 04 février 2020, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M Z A a été employé en qualité de conducteur routier par l’entreprise FRIGO TRANSPORT 84 depuis juin 2015. Son contrat de travail a été suspendu en raison de son incarcération entre juin 2010 et décembre 2012, à la maison d’arrêt de Nîmes où il a travaillé.

A sa sortie de prison, M Z A a réintégré son emploi auprès de la société FRIGO TRANSPORT 84 à compter du 1er janvier 2013.

Le 24 juin 2013, M Z A a fait l’objet d’un arrêt de travail pour raison médicale et a perçu des indemnités journalières.

Par courrier du 27 décembre 2013 , la Caisse primaire d’assurance maladie de Vaucluse a notifié à l’assuré la cessation du versement des indemnités journalières à compter du 24 décembre 2013, au motif qu’il ne remplissait pas les conditions administratives de droit permettant la poursuite du versement de ces indemnités au-delà de six mois.

Contestant cette décision, M Z A a saisi la Commission de recours amiable qui a confirmé, dans sa séance du 11 mars 2014, la décision de la Caisse primaire, puis le Tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse, lequel, par jugement du 02 mars 2017, a :

' reçu le recours de M Z A et l’a déclaré bien fondé,

' annulé la décision de la Commission de recours amiable de la Caisse primaire d’assurance maladie

du Vaucluse du 11 mars 2017,

' dit que M Z A remplit les conditions exigées par l’article R313-3 du code de la sécurité sociale pour ouvrir droit aux prestations de l’assurance maladie , au-delà du sixième mois d’arrêt de travail,

' renvoyé M Z A devant les services de la Caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse pour la liquidation de ses droits à indemnités journalières et ce à compter du 24 décembre 2013 et dit n’y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Par déclaration du 28 mars 2017 , la Caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse a régulièrement interjeté appel du jugement .

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience du 16 avril 2019 puis à celle du 05 novembre 2019 à laquelle l’affaire a été renvoyée, la Caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse demande à la Cour de :

' infirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse,

' condamner M Z A à lui payer la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient, en substance, que :

' au cours de la période de référence, soit du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 , M Z A a cotisé sur un salaire de 9 264,92 euros alors que le salaire de comparaison s’élève à 18 716,60 euros ; par ailleurs, il a effectué 861 heures 73 de travail salarié et ne justifie d’aucune heure travaillée du 1er juin au 31 août 2012 ; quel que soit le mode de calcul ou la période de référence retenue, M Z A ne réunit pas les conditions de salariat exigées pour ouvrir droit aux prestations en espèces de l’assurance maladie au-delà du sixième mois d’arrêt de travail ; en outre, les heures de travail en maison d’arrêt ne peuvent être prises en compte conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale.

Suivant conclusions écrites , déposées et soutenues oralement à l’audience du 05 novembre 2019, M Z A demande à la Cour de :

' confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué,

' débouter la CPAM de l’ensemble de ses demandes,

' condamner la CPAM aux entiers dépens.

Il fait valoir en principalement que :

' de juin à décembre 2012, il était affilié auprès de la CPAM du Gard ; à sa sortie de prison, du fait de la reprise de son emploi, il était toujours affilié auprès de la CPAM mais du Vaucluse ; il était donc bien immatriculé auprès de la CPAM depuis 12 mois au moins à la date de son arrêt de travail ;

' la Commission de recours amiable ne tient compte sur les douze derniers mois précédents l’arrêt de travail que de l’activité auprès de l’employeur FRIGO TRANSPORT 84 ; la loi exige qu’il soit effectué au moins 800 heures de travail salarié ou assimilé au cours des douze mois civils ou des 365 jours précédant l’interruption de travail, dont 200 heures au moins au cours des trois premiers mois ; sur les douze mois précédents, la condition du minimum de 800 heures travaillées est remplie ; lors de son incarcération, il a effectué, pour la période de juin 2012 à décembre 2012, 864 heures de

travail salarié, dont 276 heures au cours des trois premiers mois ; contrairement aux affirmations de la Commission de recours amiable, il a justifié d’heures travaillées pour la période de juin à décembre 2012 ; la position de la Commission selon laquelle les salaires perçus à la Maison d’arrêt sont non générateurs de droits administratifs n’est pas justifiée en droit et méprend les dispositions du code de procédure pénale ; le travail qu’il a effectué lors de sa détention doit être pris en compte par la Caisse primaire dans la mesure où il lui a été remis un bulletin de paie mentionnant les heures effectuées , le salaire net perçu, les retenues de cotisations sociales et le montant imposable du mois, salaires générateurs de droits administratifs ;

' si par extraordinaire la Cour considérait qu’il ne s’agit pas de travail salarié, elle ne pourra néanmoins que constater qu’il s’agirait alors de travail salarié assimilé ; en tout état de cause, la loi exige au cours des douze derniers mois 800 heures de travail ou assimilé ; or, cette condition est remplie .

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure , ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS :

Les indemnités journalières versées par l’assurance maladie constituent un revenu de remplacement destiné à compenser la perte de revenu professionnel subi par le salarié qui se trouve dans l’incapacité physique de poursuivre son activité ; dans ce cadre, la Caisse examine si l’assuré répond aux conditions d’ouverture de droits définies à l’article R313-3 du code de la sécurité sociale, sur notamment les salaires et le nombre d’heures travaillées.

L’article L313-1 II 2° du même code, dans sa version applicable, stipule que pour bénéficier des indemnités journalières de l’assurance maternité, l’assuré doit justifier d’une durée minimale d’immatriculation.

L’article R313-1 2° du même code , dans sa version applicable , prévoit que les conditions d’ouverture du droit prévues à l’article L 313-1 sont appréciées en ce qui concerne les prestations en espèces de l’assurance maladie , au jour de l’interruption de travail.

Selon l’article R.313-2 2° du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable :

2° Lorsque l’arrêt de travail se prolonge sans interruption au-delà du sixième mois, l’assuré social, pour avoir droit aux indemnités journalières après le sixième mois d’incapacité de travail, doit avoir été immatriculé depuis douze mois au moins à la date de référence prévue au 2° de l’article R. 313-1.

Il doit justifier en outre :

a) Soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu’il a perçues pendant les douze mois civils précédant l’interruption de travail est au moins égal au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 2 030 fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède immédiatement le début de cette période, dont 1 015 fois au moins la valeur du salaire minimum de croissance au cours des six premiers mois ;

b) Soit qu’il a effectué au moins 800 heures de travail salarié ou assimilé au cours des douze mois civils ou des 365 jours précédant l’interruption de travail, dont 200 heures au moins au cours des trois premiers mois »

L’article R313-8 du même code, stipule que :

« Pour l’ouverture du droit aux prestations prévues par les articles R313-3 à R313-6 ci-dessus, est considérée comme équivalant à six fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède immédiatement la période de référence ou à six heures de travail salarié : (') 5°) chaque journée pendant laquelle l’assuré fait l’objet d’une détention provisoire. (…) ».

Selon l’article 717-3 du code de procédure pénale :

« (') Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail (1). Il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires. (…) La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l’article L3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. »

Article L381-30 du code de la sécurité sociale , dans sa version applicable :

« Les personnes détenues sont affiliées obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime général à compter de la date de leur incarcération. (…) »

L’article R381-30-1

« Les détenus affiliés en application du premier alinéa de l’article L.381-30 bénéficient pour eux-mêmes et, sous réserve de l’article L.161-25-2 , pour leurs ayants droit des prestations en nature des assurances maladie et maternité. Ils sont dispensés de l’avance de leurs frais pour la part garantie par les assurances maladie et maternité du régime général, et les différentes participations mentionnées à l’article L322-2 sont prises en charge par l’Etat selon les modalités prévues à l’article L 381-30-5. (…) »

L’article R57-9-2 du code de procédure pénale , dans sa version applicable , dispose que :

« préalablement à l’exercice d’une activité professionnelle par la personne détenue, l’acte d’engagement, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, prévoit notamment la description du poste de travail, le régime de travail, les horaires de travail, les missions principales à réaliser et, le cas échéant, les risques particuliers liés au poste. Il fixe la rémunération en indiquant la base horaire et les cotisations sociales afférentes. ».

En l’espèce, s’agissant de la première condition exigée à l’article R.313-2 2° , l’immatriculation depuis douze mois au moins précédant l’arrêt de travail , – soit en l’espèce la période comprise entre le 1er juin 2012 et le 31 mai 2013 -, il n’est pas sérieusement contesté qu’elle est remplie puisque M Z A était affilié auprès de la CPAM du Gard puis du Vaucluse, sans interruption, pendant cette période de référence.

Quant à la seconde condition posée à l’article R.313-2 2°, il convient de relever que si la rémunération perçue par M Z A pendant la période d’incarcération est génératrice de certains droits, notamment droit à la retraite, dans la mesure où des cotisations y sont prélevées comme en attestent les bulletins de paie produits aux débats par l’intimé – cotisations vieillesse à la charge du détenu, cotisations maladie/maternité à la charge de l’employeur – , contrairement à ce qu’affirme la Caisse primaire d’assurance maladie du Gard, par contre, cette rémunération ne peut être considérée comme un salaire, comme le soutiennent les premiers juges, dans la mesure où elles ne résultent pas d’un contrat de travail mais d’un acte d’engagement signé par le détenu avec l’administration pénitentiaire pour lequel les dispositions du code du travail sont inapplicables ; en outre, les heures de travail accomplies pendant la période carcérale ne peuvent être considérées comme des « heures de travail salarié » comme l’exige l’article R313-3 du code de la sécurité sociale.

Par contre, si la rémunération ainsi perçue par M Z A pendant la période d’incarcération ne peut être considérée comme un salaire, il n’en demeure pas moins qu’elle peut être considérée comme un « salaire assimilé ».

Certes, l’article R313-8 dispose que chaque journée pendant laquelle l’assuré fait l’objet d’une détention provisoire est considérée comme équivalant à six fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède immédiatement la période de référence ou à six heures de travail salarié , il convient de conférer à la notion de « détention provisoire » une acception large de telle sorte qu’il n’y a pas lieu d’exclure cette possibilité aux détenus qui exécutent une peine, comme c’est le cas en l’espèce, dans la mesure où plusieurs dispositions du code de la sécurité sociale tentent à uniformiser les droits et obligations se rattachant aux détenus quel que soit leur statut ou leur régime, notamment celles relatives à l’affiliation obligatoire aux assurances maladie, maternité et vieillesse prévues aux articles L380-30 et L381-30-1 lesquelles s’appliquent de plein droit à tous les détenus sans distinction.

Il en résulte qu’entre juin 2012 et décembre 2012 , période d’incarcération, M Z A peut prétendre à 6 heures de travail quotidien assimilé au salariat, soit 1284 heures ; par ailleurs, il n’est pas discuté qu’après sa sortie

de prison, ce dernier a repris son ancienne activité professionnelle et a exécuté dans le cadre de la poursuite de son contrat de travail avec la société

FRIGO TRANSPORT 861 heures 73 entre janvier et mai 2013, soit un total de 2145,73 heures, sur la période de référence, don’t plus de 200 heures pour les trois premiers mois de la période – 552 heures entre le 1er juin et le 31 août 2012 – .

Il en résulte que la deuxième condition posée à l’article R313-2 2° est également remplie.

Il convient, en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

L’équité commande de laisser à la charge de la CPAM du Vaucluse une partie des frais et honoraires non compris dans les dépens supportés par M Z A.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Condamne la Caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse à payer à M Z A la somme de 600 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.

Condamne la Caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Monsieur LE MONNYER, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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